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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 4 novembre 2025, n° 25/08788

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/08788

4 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/08788 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLLZ5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 avril 2025 -Tribunal de commerce d'EVRY - RG n° 2025P00325

APPELANT

Monsieur [P] [H]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté et assisté de Me Mathieu REBBOAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1740,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro N75056-2025-014209 du 02/06/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. MJC2A, société d'exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique, prise en la personne de Maître [V] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [P] [H],

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro [Numéro identifiant 3],

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Julien ANDREZ de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P559,

Assistée de Me Agathe PRZYBOROWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : P559,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 septembre 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madme Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François VARICHON dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

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FAITS ET PROCÉDURE

Le 14 mars 2025, M. [H], qui exerçait la profession de plombier, a saisi le tribunal de commerce d'Evry d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et d'une procédure de surendettement.

A la demande du tribunal, la société MJC2A a établi le 7 avril 2025 un rapport d'enquête sur la situation du débiteur, concluant à la nécessité de l'ouverture d'une procédure collective bipatrimoniale.

Par jugement contradictoire du 28 avril 2025, le tribunal, après avoir constaté la réunion du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel conformément à l'article L. 526-22 du code de commerce et l'état de cessation des paiements du débiteur, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire bipatrimoniale à l'égard de M. [H], nommé la société MJC2A en la personne de Me [B] en qualité de mandataire liquidateur, fixé la date du cessation des paiements au 28 octobre 2023 et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le 11 mai 2025, M. [H] a relevé appel du jugement en intimant la société MJC2A ès qualités et le ministère public.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 septembre 2025, M. [H] demande à la cour de':

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-'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, ordonner l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire;

- condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 juillet 2025, la société MJC2A ès qualités demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris;

- débouter M. [H] de toutes ses demandes;

- employer les dépens en frais privilégiés de procédure collective;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une réformation du jugement, ordonner la prise en charge par M. [P] [H] du droit fixe et de l'émolument revenant au liquidateur judiciaire en application des articles R.663-18, A.663-18 et R.663-34 du code de commerce,

- employer les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Dans son avis notifié par voie électronique le 17 juillet 2025, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement dont appel.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 septembre 2025.

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SUR CE,

Sur la demande d'infirmation du jugement de liquidation judiciaire

A l'appui de sa demande, M. [H] fait valoir:

- que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en statuant en son absence, sans tenir compte de la demande de renvoi qu'il avait formulée par courrier en raison de problèmes de santé;

- qu'en ce qui concerne son patrimoine personnel, le tribunal, pour arrêter son passif exigible à la somme de 14.246,05 euros, a inclus à tort le montant d'un prêt de 14.000 euros consenti par sa soeur alors que cette dernière atteste renoncer au remboursement de cette somme; que par ailleurs, il justifie d'un actif, constitué d'un véhicule Audi, d'une valeur de 1.800 euros supérieure à son passif exigible résiduel de 246,05 euros, de sorte qu'il n'est pas en situation de cessation des paiements;

- que s'agissant de son patrimoine professionnel, le tribunal a retenu un passif exigible de 5.439,56 euros constitué de plusieurs dettes qu'il avait toutefois précédemment payées de sorte que son passif exigible ne serait que de 4.547,89 euros à parfaire; que par ailleurs, le tribunal a estimé son actif disponible à 1.000 euros alors qu'il s'élève à 6.145 euros au regard de la valeur de son matériel d'exploitation (1.000 euros) et de son véhicule Peugeot Partner (5.145 euros), de sorte qu'il n'est pas en état de cessation des paiements;

- qu'enfin, le fait qu'il ait cessé son activité le 31 décembre 2024, comme l'affirme le liquidateur, ne saurait entraîner la réunion de ses patrimoines professionnel et personnel en application de l'article L. 526-22 du code de commerce puisqu'il exerce en EIRL et que ces dispositions ne sont applicables qu'aux entrepreneurs individuels dont le statut a été créé par la loi n°2022-172 du 14 février 2022;

- qu'à titre subsidiaire, il sollicite la mise en place d'un redressement judiciaire; qu'en effet, bien que confronté à de sérieux soucis de santé qui l'handicapent fortement, il souhaite continuer son activité professionnelle de différents manières.

La société MJC2A ès qualités réplique:

- que le tribunal n'a pas méconnu le principe du contradictoire puisque M. [H] avait été informé de la date d'audience et pouvait s'y faire représenter;

- que M. [H] exerçait son activité depuis 2011 sous le statut d'entrepreneur individuel; qu'il est surprenant qu'il sollicite l'infirmation du jugement alors qu'il a lui-même sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et d'une procédure de surendettement;

- que sur le plan professionnel, le passif déclaré de M. [H] s'élève à 9.951,94 euros dont 4.951,94 euros à titre définitif; qu'il ne peut faire face à ce passif exigible avec son actif disponible;

- que sur le plan personnel, M. [H] apparaît toujours en situation de surendettement malgré l'attestation de sa soeur qu'il verse aux débats puisqu'il ne dispose d'aucun revenu, que son compte bancaire est débiteur et que le seul bien dont il dispose est un véhicule de marque Audi de 1998 estimé à 1.800 euros;

- que par ailleurs, la cessation de son activité par M. [H] le 31 décembre 2024 a entraîné la réunion de ses deux patrimoines en application de l'article L.526-22 du code de commerce;

- qu'enfin, les mesures de sauvegarde ou de redressement judiciaire sollicitées à titre subsidiaire par M. [H] n'apparaissent pas envisageables dès lors que ce dernier a cessé son activité.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 526-22 du code de commerce, dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis.

Dans l'hypothèse ci-dessus, il est ouvert une procédure collective unique portant sur les deux patrimoines réunis et soumise aux dispositions du livre VI du code de commerce.

Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

A titre liminaire, s'agissant du moyen pris de la violation du principe du contradictoire,

M. [H], en ce qu'il ne sollicite pas l'annulation du jugement mais son infirmation, ne tire pas les conséquences juridiques du moyen qu'il invoque. Son éventuel bien-fondé ne sera donc pas examiné par la cour.

En ce qui concerne le statut de M. [H], l'extrait du répertoire Sirène produit par le liquidateur mentionne que l'intéressé exerce son activité en qualité d'entrepreneur individuel et non d'EIRL. Par ailleurs, M. [H] ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu'il a affecté une partie de son patrimoine à l'exercice d'une activité dans le cadre d'une EIRL, ainsi qu'il le soutient dans ses écritures. Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal a appliqué à M. [H] les dispositions légales applicables à l'entrepreneur individuel.

Aux termes de la déclaration de cessation des paiements qu'il a déposée le 14 mars 2025, M. [H] a expliqué qu'en raison d'une dégradation de son état de santé consécutive à une opération médicale réalisée le 5 septembre 2024, il n'était plus en mesure de reprendre son activité professionnelle, tout déplacement lui étant désormais impossible. C'est donc à bon droit que le tribunal, au vu des déclarations de M. [H] dont les juges n'avaient pas à vérifier la véracité, a fait application des dispositions précitées de l'article L. 526-22 du code de commerce en ordonnant la réunion de ses deux patrimoines professionnel et personnel.

L'état des situations en cours produit par la société MJC2A ès qualités révèle, sur le plan professionnel, un passif déclaré de 9.951 euros, dont 4.951,94 euros de créances déclarées à titre définitif se décomposant de la façon suivante: URSSAF Ile de-de-France: 1.415 euros; Banque Populaire: 1.883,11 euros; PRS de l'Essonne: 1.425,44 euros; April Partenaires: 208,72 euros; Sage France: 19,67 euros. M. [H], qui affirme que ce montant ne tient pas compte des paiements qu'il avait déjà réalisés, se borne à produire un bordereau de situation fiscale émis par le PRS de l'Essonne le 9 juillet 2025, qui fait état d'un 'reste à payer' de 421 euros. Pour le surplus, il n'est pas justifié du paiement des autres dettes déclarées au passif de la procédure, dont le montant exigible s'élève par conséquence à 3.947,50 euros sur la base d'un passif fiscal réduit à 421 euros.

Sur le plan personnel, il n'y a pas lieu d'inscrire au passif de M. [H] la somme de 14.000 euros correspondant à un prêt familial dont sa soeur a attesté renoncer au remboursement. En revanche, le rapport d'enquête réalisé par le mandataire judiciaire mentionne un compte bancaire personnel ouvert auprès de la Banque Populaire débiteur d'un montant de 246,05 euros qui n'est pas contesté par M. [H].

Il ressort des éléments du dossier que M. [H] ne dispose d'aucun élément d'actif disponible pour faire face à ce passif exigible d'un montant de 3.947,50 euros et 246,05 euros, soit 4.193,55 euros. En effet, les véhicules et outils dont il fait état ne constituent pas des éléments d'actif disponibles.

M. [H] relève par conséquent d'une procédure collective.

M. [H], qui reconnaît ne plus être en mesure d'exercer son activité compte tenu des importants problèmes de santé auxquels il est confronté, n'apporte aucune explication sur les conditions dans lesquelles il compte concrètement reprendre une activité et dégager des revenus lui permettant d'acquitter ses dettes. Dans ces conditions, son redressement apparaît manifestement impossible. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire, conformément, au demeurant, à la demande formée par le débiteur dans sa déclaration de cessation des paiements.

Le tribunal a fixé rétroactivement la date de cessation des paiements au 28 octobre 2023, soit 18 mois avant le prononcé du jugement, en raison de l'ancienneté des dettes de

M. [H]. La cour confirmera cette date au vu des pièces versées aux débats, notamment le bordereau de situation fiscale faisant état d'un impayé de TVA pour la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2023.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

M. [H] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [H] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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