CA Poitiers, 2e ch., 4 novembre 2025, n° 25/00284
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N° 376
N° RG 25/00284 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HHGW
C.L./S.H.
S.A.R.L. [Z]
C/
PARQUET GENERAL
LA [Adresse 13]
S.C.P. [K] [D]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00284 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HHGW
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 janvier 2025 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE.
APPELANTE :
S.A.R.L. [Z] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
PARQUET GENERAL représenté par Madame la Procureure Générale près la Cour d'Appel de POITIERS - Palais de Justice des Feuillants
[Adresse 9]
[Localité 12]
LA [Adresse 13] prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
ayant pour avocat plaidant Me Sylvie FERNANDES de la SCP FERNANDES - KOOB, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
S.C.P. [K] [D] prise en la personne de Maître [K] [D], Mandataire Judiciaire agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la SARL [Z],
[Adresse 10]
[Localité 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Lydie MARQUER, Présidente et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********
Le 28 septembre 2017, la société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable [Adresse 13] (la banque) a consenti à la société à responsabilité limitée [Z] (la société) un prêt d'un montant de 750.000 euros, à taux variable de 2,5% par an, destiné à l'achat et la rénovation d'un immeuble situé à usage d'habitation et professionnel situé au [Adresse 7].
Le prêt était prévu pour être remboursé à la revente de l'immeuble, avec une échéance maximale fixée au 31 août 2021.
Monsieur [B] [F], gérant de la société [Z], s'est porté caution solidaire en garantie des sommes dues par ladite société à la banque dans la limite de 225.000 euros, en principal, intérêts, intérêts de retard, frais et accessoires.
L'immeuble a été vendu.
La banque a actionné Monsieur [F] en sa qualité de caution devant le tribunal de commerce de La Rochelle. Par jugement en date du 30 décembre 2022, le tribunal l'a condamné à paiement dans les limites de son engagement.
Par arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 26 mars 2024, le jugement a été totalement infirmé.
Le 25 juillet 2024, la Banque Populaire a attrait la société [Z] devant le tribunal de commerce de La Rochelle.
Dans le dernier état de ses demandes, la banque a demandé de :
- prononcer l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de la société ;
- fixer la date de cessation des paiements en application de l'article L. 631-8 du code de commerce ;
- voir nommer tel juge-commissaire et tel mandataire judiciaire qu'il plairaît au tribunal de désigner ;
- voir ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés ;
- dire, en vertu de l'article 514 du code de procédure civile, n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Dans le dernier état de ses demandes, la société a demandé de :
- dire la banque irrecevable en ses demandes ;
- débouter la banque de sa demande en liquidation judiciaire à son encontre ;
- condamner la banque à lui payer la somme de 3.000 au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 28 janvier 2025, le tribunal de commerce de La Rochelle a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la société [Z] ;
- prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de :
[Z] (SARL)
[Adresse 6]
[Localité 3]
Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de La Rochelle sous le numéro 519 167 175
- constaté que la société [Z] avait été entendue ;
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 juillet 2023 ;
- désigné Madame [W] [Y] en qualité de juge commissaire ;
- désigné la Scp [K] [D] - prise en la personne de Maître [K] [D], [Adresse 11], en qualité de liquidateur ;
- désigné la Selarl [R] [G] [E] Commissaire-Priseur Judiciaire [Adresse 4], en qualité de commissaire de justice aux fins de réaliser l'inventaire du patrimoine du débiteur, prévus à l'article L.622-6 du code de commerce, ainsi que les garanties qui le grevaient ;
- dit que l'inventaire devrait être déposé au greffe dans le délai d'un mois de la présente décision et qu'en cas de difficultés, il en serait référé au juge-commissaire ;
- dit que dans les dix jours du prononcé de ce jugement, le chef d'entreprise devrait réunir les salariés à l'effet qu'ils élisissent un représentant des salariés ;
- dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés ou le procès-verbal de carence, devrait être déposé immédiatement au greffe du tribunal de commerce de La Rochelle par le chef d'entreprise ;
- dit que le débiteur devrait remettre sans délai au mandataire judiciaire, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il l'informerait des instances encours auxquelles l'entreprise était partie ;
- invité le débiteur, sous peine de sanctions commerciales, à coopérer avec le mandataire judiciaire et à ne pas faire obstacle au bon déroulement de la procédure ;
- fixé à 12 mois après la parution du présent jugement au Bodacc, le délai prévu à l'article L.624-1 du code de commerce ;
- fixé à 24 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée, sauf à obtenir du Tribunal la prorogation dudit délai ;
- ordonné au greffier de procéder sans délai à la publicité du présent jugement nonobstant toute voie de recours.
Le 5 février 2025, la société [Z] a relevé appel de ce jugement, en intimant le parquet général près la cour de céans, la banque, et la société [K] [D] en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Le 10 février 2025, l'appelant a été avisé de la fixation de l'affaire selon un calendrier à bref délai.
Le 17 février 2025, la société a signifié sa déclaration d'appel et l'avis de fixation à la banque à sa personne.
Le 17 février 2025, la société a signifié sa déclaration d'appel et l'avis de fixation au parquet général près la cour de céans à sa personne.
Le 18 février 2025, la société a signifié sa déclaration d'appel et l'avis de fixation au liquidateur judiciaire à sa personne.
Le 20 et 21 février 2025, la société [Z] a attrait la banque, le liquidateur judiciaire et le Ministère public devant le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.
Le 26 février 2025, la banque a constitué avocat.
Le 6 mars 2025, le premier président de la cour de céans a été rendue destinataire d'un courrier du liquidateur judiciaire, mais celui-ci n'a pas comparu ni n'a été représenté à l'audience tenue devant la juridiction primo-présidentielle.
Par ordonnance réputée en date du 27 mars 2025, le premier président de la cour d'appel de Poitiers a écarté des débats le courrier du liquidateur judiciaire et a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré.
Le 4 avril 2025, la société a déposé ses premières conclusions au fond.
Le 23 avril 2025, la société a signifié ses premières conclusions au fond et son bordereau de communication de pièces au liquidateur judiciaire à sa personne.
Le 28 août 2025, la société a demandé :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
En conséquence,
A titre principal,
- de juger n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective en l'absence d'état de cessation des paiements ;
Subsidiairement,
- de juger n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire En tout état de cause,
- débouter la banque et le liquidateur judiciaire de toutes leurs demandes ;
- condamner in solidum la banque et le liquidateur judiciaire à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Par avis en date du 10 juillet 2025, le Ministère public a requis l'infirmation du jugement déféré ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société et a demandé que fût prononcée l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Le 1er septembre 2025, l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue.
MOTIVATION:
Selon l'article L. 631-1 alinéa premier du code de commerce,
Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
Selon l'article L. 640-1 du code de commerce,
Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.
Sur l'état de cessation des paiements :
La cessation des paiements est appréciée au jour où statue la juridiction, même en cause d'appel.
La charge de prouver que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure collective.
Il n'appartient donc pas au débiteur de rapporter la preuve qu'il est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et qu'il possède les fonds nécessaires pour désintéresser immédiatement les créanciers.
La cour d'appel appelée à se prononcer sur l'existence de l'état de cessation des paiements n'a pas à rechercher si le passif exigible a été effectivement exigé dès lors que le débiteur n'a pas allégué qu'il disposait d'une réserve de crédit lui permettant de faire face à son passif exigible ou d'un moratoire de la part de ses créanciers lui permettant de faire face à son passif exigible.
En conséquence, justifie légalement sa décision la cour d'appel qui retient l'état de cessation des paiements aux motifs que l'actif du débiteur, constitué de deux immeubles non encore vendus, n'est pas disponible et que le débiteur ne pourrait payer son passif exigible qu'avec le prix de vente de ces immeubles (Cass. Com., 27 février 2007, pourvoi n° 06-10.170, Bull. 2007, IV, n° 65).
La société conteste se trouver en état de cessation des paiements.
Sur le passif exigible :
Dans un premier temps, la société conteste que les causes du prêt que lui avait consenti la banque constitueraient un passif exigible.
A cet égard, elle rappelle que par arrêt en date du 26 mars 2024, désormais irrévocable, la cour de céans a débouté la banque de sa demande en paiement à ce titre dirigée contre Monsieur [F] en sa qualité de caution de la société.
Elle cite la motivation de cet arrêt, selon laquelle la banque n'avait pas rapporté la preuve que la dette serait exigible à l'égard du débiteur principal, et ne rapporterait pas plus la preuve qu'elle le serait à la caution.
Au rebours du Ministère public, elle estime qu'il n'y aurait pas lieu de prendre en compte les mises en demeure qui lui avaient été adressées en mars 2021, ni qu'une créance serait exigible dès lors que tous les délais de paiements accordés au débiteur seraient arrivés à terme.
Elle rappelle que postérieurement à cet arrêt, la banque ne l'a pas mise en demeure de régler une somme déterminée selon un délai précis.
Elle observe que dans le jugement déféré, la créance est mentionnée tantôt pour un total de 402 719,16 euros, tantôt pour 396 847,33 euros.
Elle ajoute que la cour ne pourrait pas tenir compte de la liste des créances déclarées diffusée par le liquidateur judiciaire, alors d'autant plus que le passif n'a pas été vérifié.
Elle conclut que de convention entre les parties, il n'y avait pas d'exigibilité, car il aurait été convenu que la banque serait réglée dès la vente de l'un des lots appartenant à la société [Z].
* * * * *
Mais pour le premier juge, l'échéance du prêt accordé par la banque à la société était prévue à la date de revente de l'immeuble, et en tout état de cause au plus tard à l'issue d'une durée de 24 mois, cette durée ayant été prorogée jusqu'au 31 août 2021 ; il a relevé qu'au jour où il statuait, il apparaissait que le prêt était échu depuis plus de 40 mois et que la société restait débitrice envers la banque d'une somme de 396 847,33 euros.
Or, la société ne vient pas critiquer utilement le constat du premier juge, dont la cour relève par ailleurs l'exactitude.
En outre, la société ne peut pas utilement se prévaloir des effets de l'arrêt de la cour de céans du 26 mars 2024, qui ne concerne que les rapports entre la banque et la caution.
Au surplus, en indiquant dans ces écritures que les obstacles juridiques de son projet immobilier à [Localité 15] ne lui avaient pas permis de désintéresser la banque comme elle le prévoyait, et que la banque avait été réglée plus que partiellement de sa créance, et même que le prêt était effectivement échu, la société vient ainsi reconnaître le caractère exigible de cet élément de passif.
A l'inverse, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, selon lesquelles il aurait été convenu entre les parties qu'il n'y avait pas d'exigibilité, car il aurait été convenu que la banque serait réglée dès la vente de l'un des lots appartenant à la société [Z].
En ce sens, la circonstance que le premier juge vienne énoncer qu'au 3 avril 2024, la créance s'élevait à 402 719,16 euros, pour ensuite retenir qu'au jour où il statuait soit le 28 janvier 2025, cette créance était de 396 847,33 euros, ne fait que témoigner de la réalisation, par la société, de paiements partiels envers la banque.
Or, par de tels paiements, la société vient par-là même reconnaître le caractère exigible de cette créance.
Et elle le reconnaît d'autant plus facilement qu'elle vient énoncer (page 11 de ses conclusions) qu'elle s'était déjà employée à réduire le montant de sa dette dès l'encaissement du fruit de la vente, comme restant devoir payer moins de 400 000 euros sur l'emprunt que lui avait consenti la banque pour 750 000 euros.
A l'inverse, la société n'allègue ni ne justifie s'être vu octroyer un moratoire ou des délais de paiement par la banque.
Dans ces conditions, il importe peu que la banque n'ait pas adressé de mise en demeure de payer à la société, notamment après l'arrêt de la cour de céans du 26 mars 2024.
En revanche, à défaut de constitution du liquidateur judiciaire et de production de pièces de sa part, il n'a pas été produit la preuve d'autres créances, de surcroît susceptibles d'être exigibles.
De la sorte, même si depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire, les autres déclarations de créances, à ce jour non vérifiées, aboutissent à un total de 1 077 660 euros, il n'est pas démontré en quoi à l'exception de la créance de la banque, ces autres créances seraient exigibles au jour où la cour statue.
Il y aura donc lieu de retenir de retenir qu'au jour où la cour statue, le passif exigible de la société doit être fixé à 396 847,33 euros au titre de la créance de la banque,
Sur les actifs disponibles :
L'actif d'une société, constitué d'immeubles non encore vendus, n'est pas disponible.
Les créances d'une société, sauf celle arrivant immédiatement à terme, ne constituent pas des actifs disponibles.
La valeur du stock des marchandises ne constitue pas un actif disponible.
Il en va de même du capital social non libéré.
La société soutient jouir d'un actif disponible.
Le premier juge a relevé que la société avait versé aux débats 4 mandats de ventes pour un montant total de 911 000 euros, ainsi qu'une vente à réméré pour 720 000 euros, mais que comme les mandats y afférents n'avaient été signés, et que cette absence de signature emportait la nullité de ses contras, sans possibilité de ratification ultérieure.
Mais même si la société fait désormais valoir à hauteur d'appel que ces mandats ont bien été signés, leur existence n'est pas de nature à établir l'existence d'une trésorerie arrivant à court terme, et donc d'un actif disponible.
La société se prévaut encore de sa propriété sur un bien immobilier d'exception en centre-ville de [Localité 15], classé comme monument historique, en rappelant que sur ce bien, la banque dispose d'une inscription hypothécaire de premier rang, sur lequel portent les mandats de vente dont elle se prévaut.
Elle se prévaut d'une promesse de vente en date du 4 octobre 2022 pour deux lots au sein du premier étage de cet immeuble, confirmée par le candidat acquéreur le 6 février 2025, pour un total de 240 000 euros.
Mais ce bien immobilier, par définition immobilisé, ne constitue pas en lui-même un actif disponible.
Et sa vente n'a toujours été réalisée, alors que seul le produit de celle-ci aurait été de nature à constituer un actif disponible.
La société met en avant la valeur cumulée des 4 autres appartements de cet immeuble, soit 960 000 euros, et rappelle que :
- la vente d'un studio, qui a fait l'objet d'une promesse unilatérale d'achat signée le 22 avril 2025 pour 88 000 euros, est actuellement en cours, la vente ayant été stoppée par la liquidation judiciaire ;
- deux autres appartements devraient faire l'objet de compromis de vente fin juillet 2025, les démarches ayant été interrompues par la liquidation judiciaire ;
- pour le quatrième appartement, elle s'est vue adresser une offre pour 250 000 euros, par un candidat acquéreur indiquant qu'il n'aura pas recours à un prêt bancaire.
Mais ces promesses de vente, non réalisées, ne permettent pas de considérer que l'hypothétique produit de leur vente éventuelle ou future, par définition non encore versé par les promettants, fasse partie de l'actif disponible.
La société se prévaut encore d'un mandat pour une vente à réméré de 720 000 euros pour les deux étages, en prétendant justifier de sa signature.
Mais alors que cette vente n'a pas été réalisée au jour où la cour statue, et ne pourra l'être que dans un délai qui ne peut pas être déterminé, excluant là encore que l'actif immobilier qui en est l'objet soit considéré comme un actif disponible.
Surtout, il ressort du rapport du liquidateur judiciaire du 16 juillet 2025 que les difficultés administratives que la société a connues ensuite de l'acquisition de son bien immobilier à [Localité 15], mais encore dans le remboursement du prêt que lui avait consenti la banque lié à une précédente acquisition immobilière à [Localité 14], ont progressivement épuisé la trésorerie de l'entreprise, et que si le permis de construire afférent au bien de [Localité 15] a été délivré le 21 octobre 2024, cette décision est intervenue trop tard pour redresser la situation financière de l'entreprise, et a conduit la banque à demander le remboursement immédiat des crédits consentis.
Le rapport du mandataire met ainsi en évidence l'absence de trésorerie de la société.
La société se prévaut encore d'un jugement du tribunal judiciaire de Vannes en date du 25 mars 2025, ayant ordonné la vente du premier étage de son immeuble à la commune de Vannes pour 250 000 euros.
Mais alors qu'elle n'indique pas si le jugement y afférent a été signifié, ou a fait l'objet de voie de recours, la créance y afférente ne peut pas être considérée comme un actif disponible.
Il ressort de ces éléments l'absence d'actif disponible pour faire face au passif exigible au moins au jour où le premier juge a statué.
Les conditions de la cessation de paiement se trouvent donc réunies.
Sur la date de cessation des paiements :
Selon l'article L. 631-8 du code de commerce, en ses deux premiers alinéas,
Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions.
Le premier juge a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 juillet 2023, sans autre motivation.
Cependant aucune pièce n'a été produite sur la situation de la société au 28 juillet 2023, tandis que l'analyse à laquelle il vient d'être procédé met seulement en évidence l'état de cessation des paiements à compter du jugement déféré.
Ill y aura lieu de retenir que la date de cessation des paiements doit être fixée au 28 janvier 2025, date du jugement déféré.
Sur les perspectives de redressement :
Le rapport du liquidateur judiciaire actualisé au 16 juillet 2025 fait ressortir que les actifs immobiliers de la société peuvent être valorisés aux alentours de 1,5 million d'euros.
Et il sera renvoyé aux observations figurant plus haut, desquelles il sera retenu que les perspectives de vente de l'immeuble de [Localité 15], d'une valeur d'environ 1,2 millions d'euros, sont particulièrement avancées, et sont susceptibles de porter sur sommes dépassant très largement le passif exigible.
Et il importe peu qu'au stade de l'appréciation des perspectives de redressement, les mandats dont se prévaut la société soient ou non tous signés.
Il y aura lieu de considérer que la société présente des perspectives sérieuses de redressement.
En conclusion, il y aura lieu d'ordonner l'ouverture du redressement judiciaire de la société, dont les organes seront désignés et les modalités fixées au dispositif du présent arrêt, et le jugement sera infirmé de ces chefs.
* * * * *
Aucune considération d'équité ne conduira à allouer à la société une quelconque indemnité de procédure, et elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Il y aura lieu d'ordonner l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés du redressement judiciaire, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Il y aura également lieu d'ordonner l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Ordonne l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société à responsabilité [Z] ;
Fixe la date de cessation des paiements au 25 janvier 2025 ;
Fixe à 6 mois la durée de la période d'observation ;
Ordonne les mesures de publicité prévues par la loi ;
Désigne Madame [W] [Y] en qualité de juge commissaire ;
Désigne la société civile professionnelle [K] [D], prise en la personne de Maître [K] [D], [Adresse 11], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société à responsabilité [Z] ;
Désigne la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [R] [G] [E] Commissaire-Priseur Judiciaire [Adresse 4], en qualité de commissaire de justice aux fins de réaliser l'inventaire du patrimoine du débiteur, prévus à l'article L.622-6 du code de commerce, ainsi que les garanties qui le grèvent ;
Dit que l'inventaire devrait être déposé au greffe du tribunal de commerce dans le délai d'un mois de la présente décision et qu'en cas de difficultés, il en sera référé au juge-commissaire ;
Dit que le débiteur devra remettre sans délai au mandataire judiciaire, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il l'informera des instances en cours auxquelles l'entreprise est partie ;
Ordonne au greffier du tribunal de commerce de procéder sans délai à la publicité du présent arrêt nonobstant toute voie de recours ;
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégies de redressement judiciaire ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 25/00284 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HHGW
C.L./S.H.
S.A.R.L. [Z]
C/
PARQUET GENERAL
LA [Adresse 13]
S.C.P. [K] [D]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00284 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HHGW
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 janvier 2025 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE.
APPELANTE :
S.A.R.L. [Z] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
PARQUET GENERAL représenté par Madame la Procureure Générale près la Cour d'Appel de POITIERS - Palais de Justice des Feuillants
[Adresse 9]
[Localité 12]
LA [Adresse 13] prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
ayant pour avocat plaidant Me Sylvie FERNANDES de la SCP FERNANDES - KOOB, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
S.C.P. [K] [D] prise en la personne de Maître [K] [D], Mandataire Judiciaire agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la SARL [Z],
[Adresse 10]
[Localité 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Lydie MARQUER, Présidente et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********
Le 28 septembre 2017, la société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable [Adresse 13] (la banque) a consenti à la société à responsabilité limitée [Z] (la société) un prêt d'un montant de 750.000 euros, à taux variable de 2,5% par an, destiné à l'achat et la rénovation d'un immeuble situé à usage d'habitation et professionnel situé au [Adresse 7].
Le prêt était prévu pour être remboursé à la revente de l'immeuble, avec une échéance maximale fixée au 31 août 2021.
Monsieur [B] [F], gérant de la société [Z], s'est porté caution solidaire en garantie des sommes dues par ladite société à la banque dans la limite de 225.000 euros, en principal, intérêts, intérêts de retard, frais et accessoires.
L'immeuble a été vendu.
La banque a actionné Monsieur [F] en sa qualité de caution devant le tribunal de commerce de La Rochelle. Par jugement en date du 30 décembre 2022, le tribunal l'a condamné à paiement dans les limites de son engagement.
Par arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 26 mars 2024, le jugement a été totalement infirmé.
Le 25 juillet 2024, la Banque Populaire a attrait la société [Z] devant le tribunal de commerce de La Rochelle.
Dans le dernier état de ses demandes, la banque a demandé de :
- prononcer l'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de la société ;
- fixer la date de cessation des paiements en application de l'article L. 631-8 du code de commerce ;
- voir nommer tel juge-commissaire et tel mandataire judiciaire qu'il plairaît au tribunal de désigner ;
- voir ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés ;
- dire, en vertu de l'article 514 du code de procédure civile, n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Dans le dernier état de ses demandes, la société a demandé de :
- dire la banque irrecevable en ses demandes ;
- débouter la banque de sa demande en liquidation judiciaire à son encontre ;
- condamner la banque à lui payer la somme de 3.000 au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 28 janvier 2025, le tribunal de commerce de La Rochelle a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la société [Z] ;
- prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de :
[Z] (SARL)
[Adresse 6]
[Localité 3]
Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de La Rochelle sous le numéro 519 167 175
- constaté que la société [Z] avait été entendue ;
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 juillet 2023 ;
- désigné Madame [W] [Y] en qualité de juge commissaire ;
- désigné la Scp [K] [D] - prise en la personne de Maître [K] [D], [Adresse 11], en qualité de liquidateur ;
- désigné la Selarl [R] [G] [E] Commissaire-Priseur Judiciaire [Adresse 4], en qualité de commissaire de justice aux fins de réaliser l'inventaire du patrimoine du débiteur, prévus à l'article L.622-6 du code de commerce, ainsi que les garanties qui le grevaient ;
- dit que l'inventaire devrait être déposé au greffe dans le délai d'un mois de la présente décision et qu'en cas de difficultés, il en serait référé au juge-commissaire ;
- dit que dans les dix jours du prononcé de ce jugement, le chef d'entreprise devrait réunir les salariés à l'effet qu'ils élisissent un représentant des salariés ;
- dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés ou le procès-verbal de carence, devrait être déposé immédiatement au greffe du tribunal de commerce de La Rochelle par le chef d'entreprise ;
- dit que le débiteur devrait remettre sans délai au mandataire judiciaire, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il l'informerait des instances encours auxquelles l'entreprise était partie ;
- invité le débiteur, sous peine de sanctions commerciales, à coopérer avec le mandataire judiciaire et à ne pas faire obstacle au bon déroulement de la procédure ;
- fixé à 12 mois après la parution du présent jugement au Bodacc, le délai prévu à l'article L.624-1 du code de commerce ;
- fixé à 24 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée, sauf à obtenir du Tribunal la prorogation dudit délai ;
- ordonné au greffier de procéder sans délai à la publicité du présent jugement nonobstant toute voie de recours.
Le 5 février 2025, la société [Z] a relevé appel de ce jugement, en intimant le parquet général près la cour de céans, la banque, et la société [K] [D] en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Le 10 février 2025, l'appelant a été avisé de la fixation de l'affaire selon un calendrier à bref délai.
Le 17 février 2025, la société a signifié sa déclaration d'appel et l'avis de fixation à la banque à sa personne.
Le 17 février 2025, la société a signifié sa déclaration d'appel et l'avis de fixation au parquet général près la cour de céans à sa personne.
Le 18 février 2025, la société a signifié sa déclaration d'appel et l'avis de fixation au liquidateur judiciaire à sa personne.
Le 20 et 21 février 2025, la société [Z] a attrait la banque, le liquidateur judiciaire et le Ministère public devant le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.
Le 26 février 2025, la banque a constitué avocat.
Le 6 mars 2025, le premier président de la cour de céans a été rendue destinataire d'un courrier du liquidateur judiciaire, mais celui-ci n'a pas comparu ni n'a été représenté à l'audience tenue devant la juridiction primo-présidentielle.
Par ordonnance réputée en date du 27 mars 2025, le premier président de la cour d'appel de Poitiers a écarté des débats le courrier du liquidateur judiciaire et a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré.
Le 4 avril 2025, la société a déposé ses premières conclusions au fond.
Le 23 avril 2025, la société a signifié ses premières conclusions au fond et son bordereau de communication de pièces au liquidateur judiciaire à sa personne.
Le 28 août 2025, la société a demandé :
- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
En conséquence,
A titre principal,
- de juger n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective en l'absence d'état de cessation des paiements ;
Subsidiairement,
- de juger n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire En tout état de cause,
- débouter la banque et le liquidateur judiciaire de toutes leurs demandes ;
- condamner in solidum la banque et le liquidateur judiciaire à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Par avis en date du 10 juillet 2025, le Ministère public a requis l'infirmation du jugement déféré ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société et a demandé que fût prononcée l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Le 1er septembre 2025, l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue.
MOTIVATION:
Selon l'article L. 631-1 alinéa premier du code de commerce,
Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
Selon l'article L. 640-1 du code de commerce,
Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.
Sur l'état de cessation des paiements :
La cessation des paiements est appréciée au jour où statue la juridiction, même en cause d'appel.
La charge de prouver que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure collective.
Il n'appartient donc pas au débiteur de rapporter la preuve qu'il est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et qu'il possède les fonds nécessaires pour désintéresser immédiatement les créanciers.
La cour d'appel appelée à se prononcer sur l'existence de l'état de cessation des paiements n'a pas à rechercher si le passif exigible a été effectivement exigé dès lors que le débiteur n'a pas allégué qu'il disposait d'une réserve de crédit lui permettant de faire face à son passif exigible ou d'un moratoire de la part de ses créanciers lui permettant de faire face à son passif exigible.
En conséquence, justifie légalement sa décision la cour d'appel qui retient l'état de cessation des paiements aux motifs que l'actif du débiteur, constitué de deux immeubles non encore vendus, n'est pas disponible et que le débiteur ne pourrait payer son passif exigible qu'avec le prix de vente de ces immeubles (Cass. Com., 27 février 2007, pourvoi n° 06-10.170, Bull. 2007, IV, n° 65).
La société conteste se trouver en état de cessation des paiements.
Sur le passif exigible :
Dans un premier temps, la société conteste que les causes du prêt que lui avait consenti la banque constitueraient un passif exigible.
A cet égard, elle rappelle que par arrêt en date du 26 mars 2024, désormais irrévocable, la cour de céans a débouté la banque de sa demande en paiement à ce titre dirigée contre Monsieur [F] en sa qualité de caution de la société.
Elle cite la motivation de cet arrêt, selon laquelle la banque n'avait pas rapporté la preuve que la dette serait exigible à l'égard du débiteur principal, et ne rapporterait pas plus la preuve qu'elle le serait à la caution.
Au rebours du Ministère public, elle estime qu'il n'y aurait pas lieu de prendre en compte les mises en demeure qui lui avaient été adressées en mars 2021, ni qu'une créance serait exigible dès lors que tous les délais de paiements accordés au débiteur seraient arrivés à terme.
Elle rappelle que postérieurement à cet arrêt, la banque ne l'a pas mise en demeure de régler une somme déterminée selon un délai précis.
Elle observe que dans le jugement déféré, la créance est mentionnée tantôt pour un total de 402 719,16 euros, tantôt pour 396 847,33 euros.
Elle ajoute que la cour ne pourrait pas tenir compte de la liste des créances déclarées diffusée par le liquidateur judiciaire, alors d'autant plus que le passif n'a pas été vérifié.
Elle conclut que de convention entre les parties, il n'y avait pas d'exigibilité, car il aurait été convenu que la banque serait réglée dès la vente de l'un des lots appartenant à la société [Z].
* * * * *
Mais pour le premier juge, l'échéance du prêt accordé par la banque à la société était prévue à la date de revente de l'immeuble, et en tout état de cause au plus tard à l'issue d'une durée de 24 mois, cette durée ayant été prorogée jusqu'au 31 août 2021 ; il a relevé qu'au jour où il statuait, il apparaissait que le prêt était échu depuis plus de 40 mois et que la société restait débitrice envers la banque d'une somme de 396 847,33 euros.
Or, la société ne vient pas critiquer utilement le constat du premier juge, dont la cour relève par ailleurs l'exactitude.
En outre, la société ne peut pas utilement se prévaloir des effets de l'arrêt de la cour de céans du 26 mars 2024, qui ne concerne que les rapports entre la banque et la caution.
Au surplus, en indiquant dans ces écritures que les obstacles juridiques de son projet immobilier à [Localité 15] ne lui avaient pas permis de désintéresser la banque comme elle le prévoyait, et que la banque avait été réglée plus que partiellement de sa créance, et même que le prêt était effectivement échu, la société vient ainsi reconnaître le caractère exigible de cet élément de passif.
A l'inverse, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, selon lesquelles il aurait été convenu entre les parties qu'il n'y avait pas d'exigibilité, car il aurait été convenu que la banque serait réglée dès la vente de l'un des lots appartenant à la société [Z].
En ce sens, la circonstance que le premier juge vienne énoncer qu'au 3 avril 2024, la créance s'élevait à 402 719,16 euros, pour ensuite retenir qu'au jour où il statuait soit le 28 janvier 2025, cette créance était de 396 847,33 euros, ne fait que témoigner de la réalisation, par la société, de paiements partiels envers la banque.
Or, par de tels paiements, la société vient par-là même reconnaître le caractère exigible de cette créance.
Et elle le reconnaît d'autant plus facilement qu'elle vient énoncer (page 11 de ses conclusions) qu'elle s'était déjà employée à réduire le montant de sa dette dès l'encaissement du fruit de la vente, comme restant devoir payer moins de 400 000 euros sur l'emprunt que lui avait consenti la banque pour 750 000 euros.
A l'inverse, la société n'allègue ni ne justifie s'être vu octroyer un moratoire ou des délais de paiement par la banque.
Dans ces conditions, il importe peu que la banque n'ait pas adressé de mise en demeure de payer à la société, notamment après l'arrêt de la cour de céans du 26 mars 2024.
En revanche, à défaut de constitution du liquidateur judiciaire et de production de pièces de sa part, il n'a pas été produit la preuve d'autres créances, de surcroît susceptibles d'être exigibles.
De la sorte, même si depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire, les autres déclarations de créances, à ce jour non vérifiées, aboutissent à un total de 1 077 660 euros, il n'est pas démontré en quoi à l'exception de la créance de la banque, ces autres créances seraient exigibles au jour où la cour statue.
Il y aura donc lieu de retenir de retenir qu'au jour où la cour statue, le passif exigible de la société doit être fixé à 396 847,33 euros au titre de la créance de la banque,
Sur les actifs disponibles :
L'actif d'une société, constitué d'immeubles non encore vendus, n'est pas disponible.
Les créances d'une société, sauf celle arrivant immédiatement à terme, ne constituent pas des actifs disponibles.
La valeur du stock des marchandises ne constitue pas un actif disponible.
Il en va de même du capital social non libéré.
La société soutient jouir d'un actif disponible.
Le premier juge a relevé que la société avait versé aux débats 4 mandats de ventes pour un montant total de 911 000 euros, ainsi qu'une vente à réméré pour 720 000 euros, mais que comme les mandats y afférents n'avaient été signés, et que cette absence de signature emportait la nullité de ses contras, sans possibilité de ratification ultérieure.
Mais même si la société fait désormais valoir à hauteur d'appel que ces mandats ont bien été signés, leur existence n'est pas de nature à établir l'existence d'une trésorerie arrivant à court terme, et donc d'un actif disponible.
La société se prévaut encore de sa propriété sur un bien immobilier d'exception en centre-ville de [Localité 15], classé comme monument historique, en rappelant que sur ce bien, la banque dispose d'une inscription hypothécaire de premier rang, sur lequel portent les mandats de vente dont elle se prévaut.
Elle se prévaut d'une promesse de vente en date du 4 octobre 2022 pour deux lots au sein du premier étage de cet immeuble, confirmée par le candidat acquéreur le 6 février 2025, pour un total de 240 000 euros.
Mais ce bien immobilier, par définition immobilisé, ne constitue pas en lui-même un actif disponible.
Et sa vente n'a toujours été réalisée, alors que seul le produit de celle-ci aurait été de nature à constituer un actif disponible.
La société met en avant la valeur cumulée des 4 autres appartements de cet immeuble, soit 960 000 euros, et rappelle que :
- la vente d'un studio, qui a fait l'objet d'une promesse unilatérale d'achat signée le 22 avril 2025 pour 88 000 euros, est actuellement en cours, la vente ayant été stoppée par la liquidation judiciaire ;
- deux autres appartements devraient faire l'objet de compromis de vente fin juillet 2025, les démarches ayant été interrompues par la liquidation judiciaire ;
- pour le quatrième appartement, elle s'est vue adresser une offre pour 250 000 euros, par un candidat acquéreur indiquant qu'il n'aura pas recours à un prêt bancaire.
Mais ces promesses de vente, non réalisées, ne permettent pas de considérer que l'hypothétique produit de leur vente éventuelle ou future, par définition non encore versé par les promettants, fasse partie de l'actif disponible.
La société se prévaut encore d'un mandat pour une vente à réméré de 720 000 euros pour les deux étages, en prétendant justifier de sa signature.
Mais alors que cette vente n'a pas été réalisée au jour où la cour statue, et ne pourra l'être que dans un délai qui ne peut pas être déterminé, excluant là encore que l'actif immobilier qui en est l'objet soit considéré comme un actif disponible.
Surtout, il ressort du rapport du liquidateur judiciaire du 16 juillet 2025 que les difficultés administratives que la société a connues ensuite de l'acquisition de son bien immobilier à [Localité 15], mais encore dans le remboursement du prêt que lui avait consenti la banque lié à une précédente acquisition immobilière à [Localité 14], ont progressivement épuisé la trésorerie de l'entreprise, et que si le permis de construire afférent au bien de [Localité 15] a été délivré le 21 octobre 2024, cette décision est intervenue trop tard pour redresser la situation financière de l'entreprise, et a conduit la banque à demander le remboursement immédiat des crédits consentis.
Le rapport du mandataire met ainsi en évidence l'absence de trésorerie de la société.
La société se prévaut encore d'un jugement du tribunal judiciaire de Vannes en date du 25 mars 2025, ayant ordonné la vente du premier étage de son immeuble à la commune de Vannes pour 250 000 euros.
Mais alors qu'elle n'indique pas si le jugement y afférent a été signifié, ou a fait l'objet de voie de recours, la créance y afférente ne peut pas être considérée comme un actif disponible.
Il ressort de ces éléments l'absence d'actif disponible pour faire face au passif exigible au moins au jour où le premier juge a statué.
Les conditions de la cessation de paiement se trouvent donc réunies.
Sur la date de cessation des paiements :
Selon l'article L. 631-8 du code de commerce, en ses deux premiers alinéas,
Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions.
Le premier juge a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 28 juillet 2023, sans autre motivation.
Cependant aucune pièce n'a été produite sur la situation de la société au 28 juillet 2023, tandis que l'analyse à laquelle il vient d'être procédé met seulement en évidence l'état de cessation des paiements à compter du jugement déféré.
Ill y aura lieu de retenir que la date de cessation des paiements doit être fixée au 28 janvier 2025, date du jugement déféré.
Sur les perspectives de redressement :
Le rapport du liquidateur judiciaire actualisé au 16 juillet 2025 fait ressortir que les actifs immobiliers de la société peuvent être valorisés aux alentours de 1,5 million d'euros.
Et il sera renvoyé aux observations figurant plus haut, desquelles il sera retenu que les perspectives de vente de l'immeuble de [Localité 15], d'une valeur d'environ 1,2 millions d'euros, sont particulièrement avancées, et sont susceptibles de porter sur sommes dépassant très largement le passif exigible.
Et il importe peu qu'au stade de l'appréciation des perspectives de redressement, les mandats dont se prévaut la société soient ou non tous signés.
Il y aura lieu de considérer que la société présente des perspectives sérieuses de redressement.
En conclusion, il y aura lieu d'ordonner l'ouverture du redressement judiciaire de la société, dont les organes seront désignés et les modalités fixées au dispositif du présent arrêt, et le jugement sera infirmé de ces chefs.
* * * * *
Aucune considération d'équité ne conduira à allouer à la société une quelconque indemnité de procédure, et elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Il y aura lieu d'ordonner l'emploi des dépens de première instance en frais privilégiés du redressement judiciaire, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Il y aura également lieu d'ordonner l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Ordonne l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société à responsabilité [Z] ;
Fixe la date de cessation des paiements au 25 janvier 2025 ;
Fixe à 6 mois la durée de la période d'observation ;
Ordonne les mesures de publicité prévues par la loi ;
Désigne Madame [W] [Y] en qualité de juge commissaire ;
Désigne la société civile professionnelle [K] [D], prise en la personne de Maître [K] [D], [Adresse 11], en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société à responsabilité [Z] ;
Désigne la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [R] [G] [E] Commissaire-Priseur Judiciaire [Adresse 4], en qualité de commissaire de justice aux fins de réaliser l'inventaire du patrimoine du débiteur, prévus à l'article L.622-6 du code de commerce, ainsi que les garanties qui le grèvent ;
Dit que l'inventaire devrait être déposé au greffe du tribunal de commerce dans le délai d'un mois de la présente décision et qu'en cas de difficultés, il en sera référé au juge-commissaire ;
Dit que le débiteur devra remettre sans délai au mandataire judiciaire, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il l'informera des instances en cours auxquelles l'entreprise est partie ;
Ordonne au greffier du tribunal de commerce de procéder sans délai à la publicité du présent arrêt nonobstant toute voie de recours ;
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégies de redressement judiciaire ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,