Cass. 1re civ., 5 novembre 2025, n° 24-17.678
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Défendeur :
CA Consumer Finance (Sté), Tech énergie (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Straudo
Avocats :
Me Occhipinti, SCP Célice, Texidor, Périer
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [N], Mme [M] [P], épouse [N] et Mme [F] [P] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [G] ès qualités de liquidateur de la société Tech énergie.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 février 2024) et les productions, le 24 juillet 2017, par un contrat conclu hors établissement, M. [N] a commandé auprès de la société Tech énergie (le vendeur) un ensemble photovoltaïque et domotique, dont le prix a été financé par un crédit souscrit auprès de la société CA Consumer Finance (le prêteur) par M. [N] et [J] [P].
3. Le 9 juillet 2019, M. [N] a assigné le vendeur et le prêteur en nullité des contrats.
4. [J] [P] étant décédé, Mmes [M] [N] et [F] [P] sont intervenues volontairement à l'instance aux cotés de M. [N] (ensemble, les emprunteurs).
5. Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du 14 mars 2022.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à restituer au prêteur la somme de 34 900 euros diminuée de tous les paiements déjà réalisés et de rejeter le surplus de leurs demandes, alors « que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'anéantissement du contrat de vente, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si les emprunteurs ne subissaient pas un préjudice du fait de l'impossibilité de récupérer le prix de vente découlant de la liquidation judiciaire de la société Tech Energie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 312-55 du code de la consommation et 1231-1 du code civil :
7. Il résulte de ces textes que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
8. Cependant le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
9. Si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire. Dans une telle hypothèse, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
10. Il s'en déduit que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
11. Pour condamner les emprunteurs à restituer au prêteur une certaine somme, après annulation des contrats de vente et de prêt, l'arrêt, après avoir admis un manquement du prêteur tant à son obligation de vérification de la régularité formelle du contrat principal qu'au stade du déblocage des fonds intervenu avant l'expiration du délai de rétractation, relève que si cette faute est a minima à l'origine d'une perte de chance de ne pas contracter, celle-ci n'est toutefois pas invoquée en l'espèce et que le préjudice né d'une installation fuyarde, uniquement imputable au vendeur installateur, est sans lien de causalité avec les fautes du prêteur. Il en déduit qu'à défaut de lien de causalité entre les fautes prouvées du prêteur et le préjudice allégué, l'action en privation de la banque de son droit à restitution sera rejetée.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si les emprunteurs, qui invoquaient la circonstance qu'ils se trouvaient privés de leur créance de restitution du prix de vente par suite de la liquidation judiciaire du vendeur, ne justifiaient pas d'un préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute du prêteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation du chef de l'arrêt qui condamne les emprunteurs à rembourser des sommes au prêteur emporte celle du chef de dispositif de l'arrêt les condamnant aux dépens de première instance et d'appel qui ne sont pas justifiés par d'autres condamnations.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. [O] [N], Mme [M] [N] et Mme [F] [P] à restituer à la société CA Consumer Finance la somme de 34 900 euros diminuée de tous les paiements d'ores et déjà réalisés et en ce qu'il statue sur les dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 29 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société CA Consumer Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CA Consumer Finance et la condamne à payer à M. [O] [N], Mme [M] [N] et Mme [F] [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le cinq novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.