CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 4 novembre 2025, n° 25/00950
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 04 NOVEMBRE 2025
N° 2025/ 434
Rôle N° RG 25/00950 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BOIV4
[I] [T]
[B] [P]
[A] [O]
[M] [L]
C/
[H] [J]
S.C.P. BTSG²
[Z] [E]
S.A. MMA IARD
S.A. ABEILLE VIE
S.A. LA MEDICALE
S.A.S. ENTORIA
Société MUTUELLE DU SOLEIL
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MARITIMES
S.C.I. ALIENCE
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Agnès ERMENEUX
Me Emmanuel BRANCALEONI
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 24] en date du 21 Janvier 2025 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01935.
APPELANTS
Monsieur [I] [T]
né le [Date naissance 10] 1960 à [Localité 25] (64), demeurant [Adresse 15]
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 8] 1960 à [Localité 19] (25), demeurant [Adresse 22]
Madame [A] [O]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 20] (06), demeurant [Adresse 9]
Monsieur [M] [L]
né le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 23] (68), demeurant [Adresse 2]
tous quatre représentés par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Karine TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Patricia FOULHOUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [H] [J]
demeurant [Adresse 16]
S.C.P. BTSG²
prise en la personne de Maître [H] [J], à titre personnel, domicilié es qualité au siège social
demeurant [Adresse 16]
tous deux représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Yves-marie LE CORFF, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Philippe HERVE, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [Z] [E]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 21] (13), demeurant [Adresse 7]
S.A. MMA IARD, intervenante volontaire
demeurant [Adresse 5]
[Localité 18]
tous deux représentés par Me Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de NICE
S.A. ABEILLE VIE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
demeurant [Adresse 17]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Annie PROSPERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Nicolas DUVAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A. LA MEDICALE
demeurant [Adresse 4]
non comparante ni représentée
S.A.S. ENTORIA
demeurant [Adresse 6]
non comparante ni représentée
Société MUTUELLE DU SOLEIL
prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié
demeurant [Adresse 12]
non comparante ni représentée
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MARITIMES
prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié
demeurant [Adresse 14]
non comparante ni représentée
S.C.I. ALIENCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié
demeurant [Adresse 9]
non comparante ni représentée
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE
demeurant [Adresse 13]
non comparante ni représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2025.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2025,
Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
La société [D] et la société civile immobilière Alience étaient copropriétaires dans un ensemble immobilier situé à [Localité 24], constitué de deux bâtiments affectés à un usage professionnel et commercial.
La société Alience a donné à bail le bâtiment dont elle était propriétaire à la société Diag, qui exploite un laboratoire d'anatomie et cytologie pathologique au sein duquel M. [I] [T], M. [B] [P], M. [M] [L] et Mme [A] [O], exercent en qualité de médecins.
En mars 2012, après que le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société [D], celle-ci a souhaité vendre son bien immobilier, et, à cette fin, a sollicité et obtenu par jugement du 4 février 2016 la levée de l'inaliénabilité qui grevait le bien, l'autorisant à le vendre amiablement au prix de 1 900 000 euros.
En dépit d'une offre d'achat à ce prix, la vente n'a pu aboutir en ce qu'elle nécessitait un changement d'affectation des locaux qui n'a pas été autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires.
La vente a finalement été réalisée à un prix de 1 410 000 euros.
Se plaignant du refus de la société Alience d'autoriser le changement d'affectation des locaux et de sa responsabilité dans la vente à moindre prix, la société [D] a assigné la société Alience devant le tribunal judiciaire de Nice par acte du 2 février 2018 afin d'obtenir des dommages et intérêts d'un montant égal à la différence entre le prix de vente et le montant de l'offre initiale.
Entre temps, par jugement du 12 avril 2018, le tribunal de commerce de Nice a résolu le plan de sauvegarde de la société [D] et placé celle-ci en liquidation judiciaire, désignant la société BTSG², prise en la personne de Me [H] [J], en qualité de liquidateur judiciaire.
L'intéressée est intervenue volontairement à la procédure en cette qualité pour poursuivre l'instance, en maintenant le mandat de représentation que la société [D] avait confié à M. [Z] [E], avocat.
La société Alience a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive et déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société [D] une créance de 455 000 euros à ce titre.
Par actes des 14, 15, 16, 19 et 27 avril 2021, les associés de la société Alience, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] ont assigné M. [J] et la société BTSG², pris à titre personnel, ainsi que M. [E], avocat et son assureur, la société MMA IARD, devant le tribunal judiciaire de Nice afin d'obtenir, en présence de la CPAM des Alpes-Maritimes, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, de la société Entoria, de la société Aviva (désormais dénommée Abeille vie), de la société La Médicale, de la société Mutuelles du soleil, du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice et de la société Alience, des dommages-intérêts en réparation des préjudices que leur aurait causé la procédure engagée à l'encontre de cette dernière.
Par ordonnance du 8 décembre 2022, le juge de la mise en état a annulé les assignations délivrées le 16 avril 2021 à Me [J] et la société BTSG² et refusé la jonction des deux procédures. Cette ordonnance a été infirmée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 14 décembre 2023, en ce qu'elle a accueilli les exceptions de nullité et la cour, statuant de nouveau, a rejeté celles-ci.
Entre temps, par conclusions d'incident du 14 mars 2023, la société BTSG² et M. [J] ont saisi le juge de la mise en état afin qu'il déclare irrecevables les demandes indemnitaires de MM. [T], [P] et [L] et de Mme [O].
Par ordonnance du 21 janvier 2025, le juge de la mise en état a :
- déclaré M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] irrecevables en leurs demandes ;
- dit que chacune des parties conservera ses dépens de l'instance ;
- condamné solidairement MM. [T], [P], [L] et Mme [O] à payer à la société BTSG² et M. [J] la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour accueillir la fin de non-recevoir, le juge de la mise en état, après avoir relevé qu'une instance était pendante devant le tribunal judiciaire de Nice entre la société [D] et la société Alience, à la faveur de laquelle cette dernière avait formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts , a considéré que, bien que les deux procédures opposent des parties différentes et portent sur la réparation de préjudices distincts, la décision à intervenir sur le bien-fondé des prétentions de la société [D] aura un impact sur l'issue des demandes formulées par les associés de la société Alience et que MM. [T], [P], [L] ainsi que Mme [O] ne démontrent par aucune pièce avoir subi un préjudice distinct de celui allégué par cette dernière.
Par acte du 24 janvier 2025, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] ont relevé appel de cette décision, en visant tous les chefs de son dispositif.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 26 août 2025.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 21 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] demandent à la cour de :
' infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a dit que chacune des parties conserverait la charge de ses dépens ;
Statuant de nouveau,
' les déclarer recevables en leur action ;
' condamner M. [J] et la société BTSG², in solidum, à leur régler à chacun la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de leur avocat ;
' déclarer la décision commune à la société MMA IARD, la caisse autonome de retraite des médecins de France, la société La Médicale, la société Aviva, désormais dénommée Abeille vie, la société Entoria, la société Mutuelles du soleil, la CPAM des Alpes-Maritimes et la société Alience.
Dans leurs dernières conclusions d'intimés, régulièrement notifiées le 12 juin 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, M. [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, demandent à la cour de :
' confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
' condamner M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] à leur payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour et aux dépens ;
' rejeter comme irrecevable la demande de « donner acte » formulée par la société Abeille.
Dans leurs dernières conclusions d'intimés, régulièrement notifiées le 6 mai 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, M. [E] et la société MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :
' confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
' condamner MM. [T], M. [P], M. [L] et de Mme [O] aux entiers dépens, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions d'intimée, régulièrement notifiées le 19 mai 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, la SA Abeille vie, anciennement dénommée Aviva vie, demande à la cour de :
' lui donner acte de sa créance à hauteur de la somme de 230 343, 16 euros dont elle est fondée à solliciter le règlement à l'encontre des personnes qui seront déclarées responsables du préjudice de M. [T] ;
' en cas d'infirmation, renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins de voir statuer sur le fond des demandes ;
En tout état de cause,
' condamner, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, toute partie succombante, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.
La Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes, assignée par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par acte d'huissier du 7 février 2025, délivré à personne habilité à recevoir l'acte, contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
La Caisse autonome de retraite des médecins de France, la SAS Entoria et la société Mutuelle du soleil, assignées par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par actes d'huissier du 10 février 2025, délivrés à personne habilité à recevoir l'acte, contenant dénonce de l'appel, n'ont pas constitué avocat.
La SA MMA IARD et la SA La Médicale, assignées par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par actes d'huissier du 11 février 2025, délivrés à personne habilité à recevoir l'acte, contenant dénonce de l'appel, n'ont pas constitué avocat.
La SCI Alience, assignée par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par acte d'huissier du 12 février 2025, délivré à l'étude de l'huissier, contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
Motifs de la décision
A titre liminaire, il sera observé que M. [T], [P], [R] et Mme [O] et M. [L] invoquent une contradiction de motifs dans la décision, équivalant selon eux à une absence de motifs, mais n'en tirent aucune conséquence procédurale puisqu'ils ne sollicitent pas l'annulation de l'ordonnance mais seulement son infirmation.
Dès lors, la cour n'a pas à statuer sur ce moyen qui n'est articulé au soutien d'aucune prétention dans le dispositif de leurs conclusions.
1/ Sur la qualité à agir de M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O]
1.1 Moyens des parties
M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] font valoir que le juge de la mise en état a confondu les demandes de la société Alience, qui portent sur la réparation des conséquences dommageables de l'échec de la vente de l'immeuble à Eurofins, avec les leurs qui portent sur la réparation des conséquences dommageables de l'échec de la cession de contrôle à Eurofins, et du préjudice professionnel généré par les problèmes de santé que leur a causé le comportement des défendeurs en ce qu'ils ont poursuivi une procédure abusive en leur réclamant des sommes exorbitantes ; qu'un fait générateur unique peut être à l'origine d'une pluralité de préjudices et qu'en l'espèce, s'agissant d'un préjudice corporel propre aux associés, ils justifient bien d'un préjudice personnel, distinct de celui de la société.
La société BTSG² et M. [J] soutiennent que l'associé d'une société n'est recevable à solliciter d'un tiers des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil que s'il est en mesure de justifier d'un préjudice personnel, distinct de celui de la personne morale dont il est l'associé et affectant son propre patrimoine ; qu'en l'espèce, dans le cadre du litige qui oppose la société [D] à la société Alience, celle-ci a formulé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, or, ses associés qui se plaignent également du caractère abusif de l'action engagée par la société [D], ne justifient d'aucun préjudice distinct de celui de la société, puisque le préjudice allégué, à savoir la perte financière liée à la cession des parts à un tiers, est en réalité le corollaire de celui allégué par cette dernière.
Reprenant à leur compte les motifs de l'ordonnance d'incident, M. [E] et son assureur, la société MMA, soutiennent qu'il appartient aux appelants de démontrer en quoi leur demande est différente de celle qui est l'objet de l'instance enregistrée sous le numéro RG 18/607 afférente à l'action engagée par la société [D] contre la société Alience et que bien que les deux procédures opposent des parties différentes et portent sur la réparation de préjudices distincts, la décision à intervenir sur le bien-fondé des prétentions de la société [D] contre la société Alience aura un impact sur l'issue de la présente instance et que, dès lors qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un préjudice distinct de celui de la société Alience, ils n'ont pas qualité à agir.
La société Abeille fait valoir que M. [T] s'est vu prescrire un arrêt de travail à temps partiel du 27 novembre 2020 jusqu'au 27 mai 2021, en raison d'une coronaropathie faisant suite à un stress professionnel intense, ce qui a conduit à la mobilisation de la garantie « indemnités journalières longues », de sorte qu'elle est recevable à solliciter la condamnation in solidum des responsables du dommage, pour le cas où ces responsabilités seraient établies, sur le fondement de l'article 29-5° de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
1.2 Réponse de la cour
Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est uniquement saisie de la fin de non-recevoir opposée par la société BTSG² et M. [J], soutenus par M. [E] et la société MMA, aux demandes indemnitaires formulées par MM. [T], [P], [L] et Mme [O].
Dès lors qu'aucun chef du dispositif de l'ordonnance du juge de la mise en état ne statue sur la recevabilité des demandes de la société Abeille sur le fondement de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, la cour n'en est pas saisie.
En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
La recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même.
Cette condition n'est satisfaite que si l'associé se prévaut d'un préjudice propre.
En l'espèce, il résulte de l'assignation au fond que MM. [T], [P], [L] et Mme [O] agissent à l'encontre de la société BTSG² et M. [J], pris à titre personnel, ainsi que contre M. [E], avocat et son assureur, en responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil afin d'obtenir des dommages-intérêts.
Ils leur reprochent d'avoir commis une faute en maintenant la procédure initialement engagée par la société [D], représenté par Me [E], à l'encontre de la société Alience et d'être à l'origine d'un préjudice professionnel généré par les problèmes de santé que leur a causé le maintien de cette procédure abusive, voire frauduleuse.
Ils sollicitent la condamnation in solidum de M. [J], de la société BTSG², pris à titre personnel, et de M. [E] à payer à chacun 50 000 euros au titre d'un préjudice d'anxiété et 75 000 euros en réparation d'une perte de gains professionnels pendant cinq ans.
M. [T] y ajoute 350 000 euros au titre d'un préjudice professionnel spécifique, 140 000 euros au titre d'une perte de chance d'accroître son activité et 60 000 euros au titre d'un préjudice d'agrément. M. [L] y ajoute 350 000 euros au titre d'un préjudice professionnel spécifique et 140 000 euros au titre d'une perte de chance d'accroîtra son activité.
Sans qu'il soit préjugé du bien-fondé de ces prétentions, les préjudices ainsi allégués sont personnels à M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O].
Par ailleurs, la société BTSG² et M. [J] ont été assignés à titre personnel et non en qualité de liquidateur de la société [D].
La SCI Alience, à la faveur de la demande reconventionnelle formulée dans le cadre de la procédure initiée contre elle par la société [D], sollicite la réparation d'une perte de chance de vendre son bien immobilier à 1 900 000 euros.
Elle formule ses demandes contre M. [J] et la société BTSG², pris en qualité de liquidateurs de la société [D].
En conséquence, les demandes ne sont pas formées entre les mêmes parties, et surtout, le préjudice dont l'indemnisation est demandée, n'est pas le même, le préjudice allégué par les associés étant radicalement différent de celui allégué par la société puisque les médecins associés de la société Alience sollicitent l'indemnisation d'un préjudice corporel personnel qui se distingue du préjudice social dont cette dernière réclame l'indemnisation.
L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.
En conséquence, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] justifient d'un intérêt à agir à l'encontre de la société BTSG² et M. [J], pris à titre personnel.
Ces considérations justifient l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle les a déclarés irrecevables en leurs demandes indemnitaires.
2/ Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions de l'ordonnance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées.
M. [J], la sociétés BTSG², pris à titre personnel, M. [E] et la société MMA, seront condamnés, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel et ne sont pas fondés à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas d'allouer une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Abeille Vie.
L'équité justifie d'allouer à M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] une indemnité de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.
Par ces motifs
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue entre les parties par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice le 21 janvier 2025 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes indemnitaires de M. [I] [T], M. [B] [P], M. [M] [L] et Mme [A] [O] à l'encontre de M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E] et la SA MMA IARD ;
Condamne in solidum M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E] et la SA MMA IARD, aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats, qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E], la SA MMA IARD et la société Abeille Vie de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour ;
Condamne in solidum M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E] et la SA MMA IARD, à payer à de M. [I] [T], M. [B] [P], M. [M] [L] et Mme [A] [O] une indemnité de 2 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en première instance et devant la cour.
La greffière La présidente
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 04 NOVEMBRE 2025
N° 2025/ 434
Rôle N° RG 25/00950 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BOIV4
[I] [T]
[B] [P]
[A] [O]
[M] [L]
C/
[H] [J]
S.C.P. BTSG²
[Z] [E]
S.A. MMA IARD
S.A. ABEILLE VIE
S.A. LA MEDICALE
S.A.S. ENTORIA
Société MUTUELLE DU SOLEIL
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MARITIMES
S.C.I. ALIENCE
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Agnès ERMENEUX
Me Emmanuel BRANCALEONI
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 24] en date du 21 Janvier 2025 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01935.
APPELANTS
Monsieur [I] [T]
né le [Date naissance 10] 1960 à [Localité 25] (64), demeurant [Adresse 15]
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 8] 1960 à [Localité 19] (25), demeurant [Adresse 22]
Madame [A] [O]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 20] (06), demeurant [Adresse 9]
Monsieur [M] [L]
né le [Date naissance 11] 1962 à [Localité 23] (68), demeurant [Adresse 2]
tous quatre représentés par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Karine TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Patricia FOULHOUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [H] [J]
demeurant [Adresse 16]
S.C.P. BTSG²
prise en la personne de Maître [H] [J], à titre personnel, domicilié es qualité au siège social
demeurant [Adresse 16]
tous deux représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Yves-marie LE CORFF, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Philippe HERVE, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [Z] [E]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 21] (13), demeurant [Adresse 7]
S.A. MMA IARD, intervenante volontaire
demeurant [Adresse 5]
[Localité 18]
tous deux représentés par Me Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de NICE
S.A. ABEILLE VIE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
demeurant [Adresse 17]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Annie PROSPERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Nicolas DUVAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A. LA MEDICALE
demeurant [Adresse 4]
non comparante ni représentée
S.A.S. ENTORIA
demeurant [Adresse 6]
non comparante ni représentée
Société MUTUELLE DU SOLEIL
prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié
demeurant [Adresse 12]
non comparante ni représentée
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DES ALPES MARITIMES
prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié
demeurant [Adresse 14]
non comparante ni représentée
S.C.I. ALIENCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, y domicilié
demeurant [Adresse 9]
non comparante ni représentée
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE
demeurant [Adresse 13]
non comparante ni représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2025.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2025,
Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Exposé des faits et de la procédure
La société [D] et la société civile immobilière Alience étaient copropriétaires dans un ensemble immobilier situé à [Localité 24], constitué de deux bâtiments affectés à un usage professionnel et commercial.
La société Alience a donné à bail le bâtiment dont elle était propriétaire à la société Diag, qui exploite un laboratoire d'anatomie et cytologie pathologique au sein duquel M. [I] [T], M. [B] [P], M. [M] [L] et Mme [A] [O], exercent en qualité de médecins.
En mars 2012, après que le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société [D], celle-ci a souhaité vendre son bien immobilier, et, à cette fin, a sollicité et obtenu par jugement du 4 février 2016 la levée de l'inaliénabilité qui grevait le bien, l'autorisant à le vendre amiablement au prix de 1 900 000 euros.
En dépit d'une offre d'achat à ce prix, la vente n'a pu aboutir en ce qu'elle nécessitait un changement d'affectation des locaux qui n'a pas été autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires.
La vente a finalement été réalisée à un prix de 1 410 000 euros.
Se plaignant du refus de la société Alience d'autoriser le changement d'affectation des locaux et de sa responsabilité dans la vente à moindre prix, la société [D] a assigné la société Alience devant le tribunal judiciaire de Nice par acte du 2 février 2018 afin d'obtenir des dommages et intérêts d'un montant égal à la différence entre le prix de vente et le montant de l'offre initiale.
Entre temps, par jugement du 12 avril 2018, le tribunal de commerce de Nice a résolu le plan de sauvegarde de la société [D] et placé celle-ci en liquidation judiciaire, désignant la société BTSG², prise en la personne de Me [H] [J], en qualité de liquidateur judiciaire.
L'intéressée est intervenue volontairement à la procédure en cette qualité pour poursuivre l'instance, en maintenant le mandat de représentation que la société [D] avait confié à M. [Z] [E], avocat.
La société Alience a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive et déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société [D] une créance de 455 000 euros à ce titre.
Par actes des 14, 15, 16, 19 et 27 avril 2021, les associés de la société Alience, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] ont assigné M. [J] et la société BTSG², pris à titre personnel, ainsi que M. [E], avocat et son assureur, la société MMA IARD, devant le tribunal judiciaire de Nice afin d'obtenir, en présence de la CPAM des Alpes-Maritimes, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, de la société Entoria, de la société Aviva (désormais dénommée Abeille vie), de la société La Médicale, de la société Mutuelles du soleil, du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice et de la société Alience, des dommages-intérêts en réparation des préjudices que leur aurait causé la procédure engagée à l'encontre de cette dernière.
Par ordonnance du 8 décembre 2022, le juge de la mise en état a annulé les assignations délivrées le 16 avril 2021 à Me [J] et la société BTSG² et refusé la jonction des deux procédures. Cette ordonnance a été infirmée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 14 décembre 2023, en ce qu'elle a accueilli les exceptions de nullité et la cour, statuant de nouveau, a rejeté celles-ci.
Entre temps, par conclusions d'incident du 14 mars 2023, la société BTSG² et M. [J] ont saisi le juge de la mise en état afin qu'il déclare irrecevables les demandes indemnitaires de MM. [T], [P] et [L] et de Mme [O].
Par ordonnance du 21 janvier 2025, le juge de la mise en état a :
- déclaré M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] irrecevables en leurs demandes ;
- dit que chacune des parties conservera ses dépens de l'instance ;
- condamné solidairement MM. [T], [P], [L] et Mme [O] à payer à la société BTSG² et M. [J] la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour accueillir la fin de non-recevoir, le juge de la mise en état, après avoir relevé qu'une instance était pendante devant le tribunal judiciaire de Nice entre la société [D] et la société Alience, à la faveur de laquelle cette dernière avait formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts , a considéré que, bien que les deux procédures opposent des parties différentes et portent sur la réparation de préjudices distincts, la décision à intervenir sur le bien-fondé des prétentions de la société [D] aura un impact sur l'issue des demandes formulées par les associés de la société Alience et que MM. [T], [P], [L] ainsi que Mme [O] ne démontrent par aucune pièce avoir subi un préjudice distinct de celui allégué par cette dernière.
Par acte du 24 janvier 2025, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] ont relevé appel de cette décision, en visant tous les chefs de son dispositif.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 26 août 2025.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 21 mars 2025, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] demandent à la cour de :
' infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a dit que chacune des parties conserverait la charge de ses dépens ;
Statuant de nouveau,
' les déclarer recevables en leur action ;
' condamner M. [J] et la société BTSG², in solidum, à leur régler à chacun la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de leur avocat ;
' déclarer la décision commune à la société MMA IARD, la caisse autonome de retraite des médecins de France, la société La Médicale, la société Aviva, désormais dénommée Abeille vie, la société Entoria, la société Mutuelles du soleil, la CPAM des Alpes-Maritimes et la société Alience.
Dans leurs dernières conclusions d'intimés, régulièrement notifiées le 12 juin 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, M. [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, demandent à la cour de :
' confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
' condamner M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] à leur payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour et aux dépens ;
' rejeter comme irrecevable la demande de « donner acte » formulée par la société Abeille.
Dans leurs dernières conclusions d'intimés, régulièrement notifiées le 6 mai 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, M. [E] et la société MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :
' confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
' condamner MM. [T], M. [P], M. [L] et de Mme [O] aux entiers dépens, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions d'intimée, régulièrement notifiées le 19 mai 2025, auxquelles il convient de renvoyer pour l'exposé des moyens, la SA Abeille vie, anciennement dénommée Aviva vie, demande à la cour de :
' lui donner acte de sa créance à hauteur de la somme de 230 343, 16 euros dont elle est fondée à solliciter le règlement à l'encontre des personnes qui seront déclarées responsables du préjudice de M. [T] ;
' en cas d'infirmation, renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins de voir statuer sur le fond des demandes ;
En tout état de cause,
' condamner, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, toute partie succombante, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.
La Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes, assignée par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par acte d'huissier du 7 février 2025, délivré à personne habilité à recevoir l'acte, contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
La Caisse autonome de retraite des médecins de France, la SAS Entoria et la société Mutuelle du soleil, assignées par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par actes d'huissier du 10 février 2025, délivrés à personne habilité à recevoir l'acte, contenant dénonce de l'appel, n'ont pas constitué avocat.
La SA MMA IARD et la SA La Médicale, assignées par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par actes d'huissier du 11 février 2025, délivrés à personne habilité à recevoir l'acte, contenant dénonce de l'appel, n'ont pas constitué avocat.
La SCI Alience, assignée par M. [T], M. [P], Mme [O] et M. [L], par acte d'huissier du 12 février 2025, délivré à l'étude de l'huissier, contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
Motifs de la décision
A titre liminaire, il sera observé que M. [T], [P], [R] et Mme [O] et M. [L] invoquent une contradiction de motifs dans la décision, équivalant selon eux à une absence de motifs, mais n'en tirent aucune conséquence procédurale puisqu'ils ne sollicitent pas l'annulation de l'ordonnance mais seulement son infirmation.
Dès lors, la cour n'a pas à statuer sur ce moyen qui n'est articulé au soutien d'aucune prétention dans le dispositif de leurs conclusions.
1/ Sur la qualité à agir de M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O]
1.1 Moyens des parties
M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] font valoir que le juge de la mise en état a confondu les demandes de la société Alience, qui portent sur la réparation des conséquences dommageables de l'échec de la vente de l'immeuble à Eurofins, avec les leurs qui portent sur la réparation des conséquences dommageables de l'échec de la cession de contrôle à Eurofins, et du préjudice professionnel généré par les problèmes de santé que leur a causé le comportement des défendeurs en ce qu'ils ont poursuivi une procédure abusive en leur réclamant des sommes exorbitantes ; qu'un fait générateur unique peut être à l'origine d'une pluralité de préjudices et qu'en l'espèce, s'agissant d'un préjudice corporel propre aux associés, ils justifient bien d'un préjudice personnel, distinct de celui de la société.
La société BTSG² et M. [J] soutiennent que l'associé d'une société n'est recevable à solliciter d'un tiers des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil que s'il est en mesure de justifier d'un préjudice personnel, distinct de celui de la personne morale dont il est l'associé et affectant son propre patrimoine ; qu'en l'espèce, dans le cadre du litige qui oppose la société [D] à la société Alience, celle-ci a formulé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, or, ses associés qui se plaignent également du caractère abusif de l'action engagée par la société [D], ne justifient d'aucun préjudice distinct de celui de la société, puisque le préjudice allégué, à savoir la perte financière liée à la cession des parts à un tiers, est en réalité le corollaire de celui allégué par cette dernière.
Reprenant à leur compte les motifs de l'ordonnance d'incident, M. [E] et son assureur, la société MMA, soutiennent qu'il appartient aux appelants de démontrer en quoi leur demande est différente de celle qui est l'objet de l'instance enregistrée sous le numéro RG 18/607 afférente à l'action engagée par la société [D] contre la société Alience et que bien que les deux procédures opposent des parties différentes et portent sur la réparation de préjudices distincts, la décision à intervenir sur le bien-fondé des prétentions de la société [D] contre la société Alience aura un impact sur l'issue de la présente instance et que, dès lors qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un préjudice distinct de celui de la société Alience, ils n'ont pas qualité à agir.
La société Abeille fait valoir que M. [T] s'est vu prescrire un arrêt de travail à temps partiel du 27 novembre 2020 jusqu'au 27 mai 2021, en raison d'une coronaropathie faisant suite à un stress professionnel intense, ce qui a conduit à la mobilisation de la garantie « indemnités journalières longues », de sorte qu'elle est recevable à solliciter la condamnation in solidum des responsables du dommage, pour le cas où ces responsabilités seraient établies, sur le fondement de l'article 29-5° de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
1.2 Réponse de la cour
Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est uniquement saisie de la fin de non-recevoir opposée par la société BTSG² et M. [J], soutenus par M. [E] et la société MMA, aux demandes indemnitaires formulées par MM. [T], [P], [L] et Mme [O].
Dès lors qu'aucun chef du dispositif de l'ordonnance du juge de la mise en état ne statue sur la recevabilité des demandes de la société Abeille sur le fondement de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, la cour n'en est pas saisie.
En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
La recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même.
Cette condition n'est satisfaite que si l'associé se prévaut d'un préjudice propre.
En l'espèce, il résulte de l'assignation au fond que MM. [T], [P], [L] et Mme [O] agissent à l'encontre de la société BTSG² et M. [J], pris à titre personnel, ainsi que contre M. [E], avocat et son assureur, en responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil afin d'obtenir des dommages-intérêts.
Ils leur reprochent d'avoir commis une faute en maintenant la procédure initialement engagée par la société [D], représenté par Me [E], à l'encontre de la société Alience et d'être à l'origine d'un préjudice professionnel généré par les problèmes de santé que leur a causé le maintien de cette procédure abusive, voire frauduleuse.
Ils sollicitent la condamnation in solidum de M. [J], de la société BTSG², pris à titre personnel, et de M. [E] à payer à chacun 50 000 euros au titre d'un préjudice d'anxiété et 75 000 euros en réparation d'une perte de gains professionnels pendant cinq ans.
M. [T] y ajoute 350 000 euros au titre d'un préjudice professionnel spécifique, 140 000 euros au titre d'une perte de chance d'accroître son activité et 60 000 euros au titre d'un préjudice d'agrément. M. [L] y ajoute 350 000 euros au titre d'un préjudice professionnel spécifique et 140 000 euros au titre d'une perte de chance d'accroîtra son activité.
Sans qu'il soit préjugé du bien-fondé de ces prétentions, les préjudices ainsi allégués sont personnels à M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O].
Par ailleurs, la société BTSG² et M. [J] ont été assignés à titre personnel et non en qualité de liquidateur de la société [D].
La SCI Alience, à la faveur de la demande reconventionnelle formulée dans le cadre de la procédure initiée contre elle par la société [D], sollicite la réparation d'une perte de chance de vendre son bien immobilier à 1 900 000 euros.
Elle formule ses demandes contre M. [J] et la société BTSG², pris en qualité de liquidateurs de la société [D].
En conséquence, les demandes ne sont pas formées entre les mêmes parties, et surtout, le préjudice dont l'indemnisation est demandée, n'est pas le même, le préjudice allégué par les associés étant radicalement différent de celui allégué par la société puisque les médecins associés de la société Alience sollicitent l'indemnisation d'un préjudice corporel personnel qui se distingue du préjudice social dont cette dernière réclame l'indemnisation.
L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.
En conséquence, M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] justifient d'un intérêt à agir à l'encontre de la société BTSG² et M. [J], pris à titre personnel.
Ces considérations justifient l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle les a déclarés irrecevables en leurs demandes indemnitaires.
2/ Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions de l'ordonnance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées.
M. [J], la sociétés BTSG², pris à titre personnel, M. [E] et la société MMA, seront condamnés, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel et ne sont pas fondés à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas d'allouer une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Abeille Vie.
L'équité justifie d'allouer à M. [T], M. [P], M. [L] et Mme [O] une indemnité de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.
Par ces motifs
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue entre les parties par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice le 21 janvier 2025 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes indemnitaires de M. [I] [T], M. [B] [P], M. [M] [L] et Mme [A] [O] à l'encontre de M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E] et la SA MMA IARD ;
Condamne in solidum M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E] et la SA MMA IARD, aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats, qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E], la SA MMA IARD et la société Abeille Vie de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour ;
Condamne in solidum M. [H] [J] et la SCP BTSG², pris à titre personnel, M. [Z] [E] et la SA MMA IARD, à payer à de M. [I] [T], M. [B] [P], M. [M] [L] et Mme [A] [O] une indemnité de 2 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en première instance et devant la cour.
La greffière La présidente