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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 4 novembre 2025, n° 25/02797

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 25/02797

4 novembre 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°316

N° RG 25/02797 - N° Portalis DBVL-V-B7J-V6UL

(Réf 1ère instance : 2024003154)

S.A.S. PETIT FER 3

C/

L'AGENT COMPTABLE

S.E.L.A.S. CLEOVAL

MINISTERE PUBLIC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me VERRANDO

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à :

TC Vannes

Parquet général

Petit Fer 3

DDFIP

Cléoval

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC :

Monsieur Yves DELPERIE, avocat général, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée, entendu en ses observations.

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Septembre 2025 devant Mme Constance DESMORAT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 04 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. PETIT FER 3 immatriculée au RCS de Vannes sous le n° 849 859 681, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, Plaidant, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

L'agent comptable responsable du pôle de recouvrement spécialise représentant la direction départementale des finances publiques du Morbihan (DDFIP)

[Adresse 3]

[Localité 5]

N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de Justice en date du 24 juin 2025 remis à personne morale

S.E.L.A.S. CLEOVAL prise en la personne de Me [R] [B] ès qualités de mandataire au redressement judiciaire de la société PETIT FER 3 désignée par jugement du tribunal de commerce de Vannes du 7 mai 2025

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de Justice en date du 24 juin 2025 remis à personne morale

MINISTERE PUBLIC représenté par Monsieur le Procureur Général.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Petit Fer 3 a une activité dans le domaine immobilier (ingénierie, consulting, acquisition, gestion).

Le 29 avril 2022 et le 30 septembre 2024, deux avis de mise en recouvrement ont été adressés à la société Petit Fer 3 par le centre des finances publiques de [Localité 4] pour les sommes globales de 31.720 euros et de 201 289 euros. Ils ont fait suite à des propositions de rectification des 11 janvier 2022, 13 décembre 2023 et 28 juin 2024 relatives à la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés.

Le 2 décembre 2024, estimant la société Petit Fer 3 en état de cessation des paiements, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan a assigné la société Petit Fer 3 aux fins de liquidation judiciaire, subsidiairement de redressement judiciaire, devant le tribunal de commerce de Vannes.

Suite au rejet le 7 mars 2025 par l'administration fiscale de la réclamation concernant les avis de recouvrement portée par la société Petit Fer 3, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Rennes aux fins d'annulation de la décision de rejet et de décharge des impositions, pénalités et intérêts de retard par requête du 23 avril 2025.

Par jugement du 7 mai 2025, le tribunal de commerce de Vannes a :

- Constaté l'état de cessation des paiements de la société Petit Fer 3, et ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire,

- Fixé au 7 novembre 2023, la date de cessation des paiements,

- Désigné pour cette procédure les organes suivants :

- Juge Commissaire : M. Legentil,

- Juge Commissaire suppléant : M. Dumoulin,

- Mandataire judiciaire : Selas Cléoval prise en la personne de Maître [B] - [Adresse 1],

- Commissaire de Justice : Selas Astrée prise en la personne de Maître [L] - [Adresse 6],

- Dit, conformément aux dispositions de l'article L.631-9 du code de commerce, que le commissaire de justice devra réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L.622-6 dudit code, et lui impartit un délai d'un mois à compter du prononcé du présent jugement pour les transmettre au Greffe en vue de leur dépôt et dit qu'il pourra, en tant que de besoin, s'adjoindre, à ses frais, tout sapiteur de son choix,

- Invité, le cas échéant, conformément aux dispositions des articles L.631-9-1 et L.621-4 du code de commerce, le comité social et économique ou, à défaut, les salariés, à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise, et dit qu'en cas de carence, il appartiendra au chef d'entreprise d'en dresser procès-verbal, conformément aux textes sus-visés,

- Dit et jugé qu'en application des dispositions de l'article L.631-15 du code de commerce, l'affaire sera rappelée, en chambre du Conseil, avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter du prononcé du présent jugement, soit à l'audience du 9 juillet 2025, à quatorze heures, afin qu'il soit statué sur l'éventuelle poursuite de la période d'observation au vu de tout document justifiant de la capacité financière de la société débitrice à poursuivre ladite période d'observation, et notamment d'un compte d'exploitation et de ses relevés de banque pour la période postérieure au prononcé de son redressement judiciaire, et dit et juge qu'il appartiendra à la Société débitrice, en l'absence d'administrateur, d'établir le rapport prévu par cet article,

- Fixé à dix-huit mois à compter du prononcé du présent jugement le délai au cours duquel le liquidateur devra établir, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente,

- Ordonné la signification du présent jugement à la diligence du Greffe, par acte de Commissaire de Justice à la société Petit Fer 3, ainsi que sa communication par tout moyen au Ministère Public, au mandataire judiciaire, au Directeur départemental des Finances Publiques et au Commissaire de Justice ci-dessus désigné, outre les autres mesures de publicité prévues par la Loi, et ce, nonobstant toutes voies de recours,

- Ordonné l'emploi des entiers dépens afférents au présent jugement et aux mesures de publicité subséquentes, en frais privilégiés de procédure.

La société Petit Fer 3 a interjeté appel le 19 mai 2025.

Les dernières conclusions de la société Petit Fer 3 sont en date du 18 août 2025.

Le ministre public a rendu son avis le 8 juillet 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions, la société Petit Fer 3 demande à la cour de :

- Juger la société Petit Fer 3 recevable et bien fondée en son appel,

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :

- Constaté l'état de cessation des paiements de la société Petit Fer 3, et ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire,

- Fixé au 7 novembre 2023, la date de cessation des paiements,

- Désigné pour cette procédure les organes suivants :

- Juge Commissaire : M. Legentil,

- Juge Commissaire suppléant : M. Dumoulin,

- Mandataire judiciaire : Selas Cléoval prise en la personne de Maître [B] - [Adresse 1],

- Commissaire de Justice : Selas Astrée prise en la personne de Maître [L] - [Adresse 6],

- Dit, conformément aux dispositions de l'article L.631-9 du code de commerce, que le commissaire de justice devra réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L.622-6 dudit code, et lui impartit un délai d'un mois à compter du prononcé du présent jugement pour les transmettre au Greffe en vue de leur dépôt et dit qu'il pourra, en tant que de besoin, s'adjoindre, à ses frais, tout sapiteur de son choix,

- Invité, le cas échéant, conformément aux dispositions des articles L.631-9-1 et L.621-4 du code de commerce, le comité social et économique ou, à défaut, les salariés, à désigner un représentant parmi les salariés de l'entreprise, et dit qu'en cas de carence, il appartiendra au chef d'entreprise d'en dresser procès-verbal, conformément aux textes sus-visés,

- Dit et jugé qu'en application des dispositions de l'article L.631-15 du code de commerce, l'affaire sera rappelée, en chambre du Conseil, avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter du prononcé du présent jugement, soit à l'audience du 9 juillet 2025, à quatorze heures, afin qu'il soit statué sur l'éventuelle poursuite de la période d'observation au vu de tout document justifiant de la capacité financière de la société débitrice à poursuivre ladite période d'observation, et notamment d'un compte d'exploitation et de ses relevés de banque pour la période postérieure au prononcé de son redressement judiciaire, et dit et juge qu'il appartiendra à la Société débitrice, en l'absence d'administrateur, d'établir le rapport prévu par cet article,

- Fixé à dix-huit mois à compter du prononcé du présent jugement le délai au cours duquel le liquidateur devra établir, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente,

- Ordonné la signification du présent jugement à la diligence du Greffe, par acte de Commissaire de Justice à la société Petit Fer 3, ainsi que sa communication par tout moyen au Ministère Public, au mandataire judiciaire, au Directeur départemental des Finances Publiques et au Commissaire de Justice ci-dessus désigné, outre les autres mesures de publicité prévues par la Loi, et ce, nonobstant toutes voies de recours,

- Ordonné l'emploi des entiers dépens afférents au présent jugement et aux mesures de publicité subséquentes, en frais privilégiés de procédure.

Et statuant à nouveau :

- Juger n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective en l'absence d'état de cessation des paiements,

En tout état de cause, et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

- Débouter le pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan et la Selas Cléoval prise en la personne de Maître [B], es-qualités, de toutes leurs demandes,

- Condamner le pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan à verser à la société Petit Fer 3 la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner le pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le ministère public s'en rapporte faute d'éléments sur l'effet suspensif de la réclamation et du recours juridictionnel introduit par la société Petit Fer 3.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION

1- Sur la procédure de redressement judiciaire

Le comptable du pôle spécialisé de recouvrement du Morbihan fait valoir en première instance que la trésorerie de la société Petit Fer 3 n'est pas susceptible de redressement et se trouve en cessation des paiements de sorte que l'actif disponible, outre l'absence de bien immobilier saisissable, n'est pas suffisant pour payer le passif exigible.

La société Petit Fer 3 fait valoir qu'une procédure de redressement judiciaire ne peut pas être ouverte à son encontre. Elle considère que la créance de l'administration fiscale n'est pas exigible en raison de l'effet suspensif du recours contre cette créance actuellement en cours.

Une procédure de redressement judiciaire peut être ouverte à l'encontre d'une société dont l'actif disponible est insuffisant pour faire face au passif exigible.

Article L.631-1 du code de commerce

Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

Cette condition s'apprécie, s'il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de l'article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire.

En matière fiscale, la réclamation contre une créance suspend son exigibilité pendant la durée du recours.

Article L.277 du livre des procédures fiscales

Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes.

L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent.

Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés.

A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés.

Lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire en application du quatrième alinéa, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L. 279 et L. 279 A, de prononcer la limitation ou l'abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 279 sont applicables à cette procédure, la juridiction d'appel étant, selon le cas, le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire.

La société Petit Fer 3 justifie avoir porté une réclamation contre les avis de recouvrement devant la direction générale des finances publiques le 20 janvier 2025. Elle a alors expressément demandé à bénéficier du sursis de paiement de l'article L.277 du livre des procédures fiscales et ce pour la totalité des sommes demandées.

La réclamation a été effectuée puis a été rejetée postérieurement à l'assignation devant le tribunal de commerce délivrée par le pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan. Cependant, du fait du dépôt d'une requête par la société Petit Fer 3 devant le tribunal administratif de Rennes le 23 avril 2025, la contestation de l'imposition s'est poursuivie.

Aucun élément n'indique que le tribunal administratif de Rennes ait statué définitivement sur la demande de la société Petit Fer 3.

Les garanties que le contribuable doit constituer lorsque la contestation de l'imposition excède la somme de 4 500 euros n'ont pas de conséquences sur l'effet suspensif de l'exigibilité de la créance pendant la procédure de recours.

Ainsi, la créance fiscale détenue à l'encontre de la société Petit Fer 3 n'était pas exigible lors du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire le 7 mai 2025.

Faute de caractère exigible du passif, l'état de cessation des paiements ne peut être constaté et la procédure de redressement judiciaire ne peut pas être ouverte à l'égard de la société Petit Fer 3.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

2- Sur les frais et les dépens

Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan, partie succombante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu à prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes des parties,

Dit qu'en application de l'article R.661-7 du code de commerce, la présente décision sera notifiée aux parties et au procureur général à la diligence du greffier de la cour dans les huit jours de son prononcé et qu'une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal de commerce de Vannes pour l'accomplissement des mesures de publicité et d'avis prévues par l'articles R.621-7 du code de commerce,

Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Morbihan aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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