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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 4 novembre 2025, n° 25/09707

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/09707

4 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2025

(n° / 2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/09707 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLON2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mai 2025 -Tribunal de commerce de Créteil - RG n° 2025P00579

APPELANTE

S.A.R.L. EASY LEASE, société à responsabilité limitée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRÉTEIL sous le numéro 849 457 627,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 6],

Représentée par Me Hugo WINCKLER de l'AARPI EVERGREEN LAWYERS, avocat au barreau de PARIS, toque E 649,

INTIMÉS

Maître [W] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société EASY LEASE, désigné par jugement du tribunal de commerce de CRÉTEIL du 28 mai 2025,

Dont l'étude est située [Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Fabrice DALAT de la SELEURL DALAT - WERNERT - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0367,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Christophe DELATTRE, avocat général, qui a fait connaître ses observations orales complétant l'avis écrit du 23 juillet 2025.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SARL Easy Lease, créée en 2019, a pour activité la location de véhicules à des chauffeurs VTC.

Sur requête du ministère public et par jugement du 28 mai 2025, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Easy Lease, fixé la date de délais de paiement au 28 novembre 2023 et désigné Maître [V] en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Easy Lease a relevé appel de cette décision le 5 juin 2025.

Par ordonnance du 7 juillet 2025, le délégataire du premier président a arrêté l'exécution provisoire du jugement dont appel.

Dans ses conclusions n°5 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 octobre 2025, la société Easy Lease demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, à titre principal, juger n'y avoir lieu à ouverture d'une liquidation judiciaire en l'absence de caractérisation de l'état de cessation des paiements, subsidiairement ouvrir une procédure de redressement judiciaire et fixer la date de cessation des paiements au 28 mai 2025, désigner Maître [V], en qualité de mandataire judiciaire, Mme [M] [D] en qualité de juge-commissaire, fixer à 6 mois la période d'observation, juger que le jugement ayant fait l'objet d'un arrêt de l'exécution provisoire tous les délais légaux, notamment d'opposition ou de contestation des oppositions devront recourir à la suite d'une nouvelle publication de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause débouté l'intimé en toutes ses demandes, fins et prétentions.

Par conclusions n° 3 déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 octobre 2025 Maître [V], ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la cessation des paiements, de prendre acte qu'il s'en rapporte sur l'ouverture d'un redressement judiciaire, et en tout état de cause, condamner la société Easy Lease à lui verser, ès qualités, une indemnité procédurale de 3.000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens

Dans son avis écrit du 22 juillet 2025, le ministère public a indiqué s'en rapporter à la décision de la cour. A l'audience du 14 octobre 2025, M.l'Avocat général s'est déclaré favorable à une infirmation du jugement.

SUR CE

- Sur l'état de cessation des paiements

L'article L.631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.

La société Easy Lease conteste être en cessation des paiements, tandis que Maître [V] soutient que la cessation des paiements est caractérisée.

- sur l'actif disponible

La société Easy Lease fait état d'un actif disponible composé d'un solde créditeur sur son compte bancaire de 43.583,02 euros et de la mise à disposition par M.[O], dirigeant associé de la société d'une somme de 43.000 euros sur un compte séquestre via le compte CARPA de son conseil.

Il ressort des pièces au dossier que :

- le 23 septembre 2025, le compte de la société Easy Lease ouvert dans les livres de l'établissement financier Wise Europe SA (Belgique) présentait un solde créditeur de 43.583,02 euros,

- au 29 septembre 2025, le compte CARPA de Maître [B], désigné comme séquestre en vertu d'une convention conclue entre M.[G] [O] et la société Easy Lease, disposait d'un montant de 43.000 euros, destiné à être libéré au profit de la société Easy Lease en cas d'absence de procédure collective, ou de redressement judiciaire pour financer la période d'observation.

Au vu de ces éléments, l'actif disponible à comparer au passif exigible s'élève donc à 86.583,02 euros.

Sur le passif exigible

Il ressort de la liste des créances que le passif déclaré au 22 septembre 2025 s'élève à 511.684,53 euros à titre échu.

La société Easy Lease considère qu'un certain nombre de créances déclarées ne constituent pas du passif exigible et que celui-ci s'élève au maximum à 58.040,05 euros.Le liquidateur judiciaire convient de la nécessité de retraiter une partie de ce passif pour déterminer le montant du passif exigible.

Les créances portant les numéros 4, 5,10 et 33 sur la liste communiquée par Maître [V] ne sont pas contestées. Elles représentent un total de 6.937,75 euros.

Il convient d'examiner à présent les contestations de la société Easy Lease au titre du passif exigible:

- la créance (n°21) de 30.025,20 euros, déclarée par BPCE Lease correspond à un contrat de location financière portant sur un véhicule Mercedes, dont il n'est pas justifié qu'il ait donné lieu à déchéance avant le jugement d'ouverture. Seul le montant des deux échéances impayées du 1er mai 2025 s'élevant à 1.668 euros s'analyse donc en du passif exigible,

- les créances n°17, 23,24,25, 26, 27,28, 29, 30, 31 et 32 ont été déclarées par Volkswagen Financial Services au titre de 11 crédits-bails portant sur des véhicules. Il ressort de la pièce 15 de l'appelante qui prend en compte la situation jusqu'en septembre 2025, que le passif exigible correspond aux échéances impayées pour un montant total de 37.547,10 euros au titre des 11 contrats. Seul ce montant pour l'ensemble des créances sus visées sera compatbilisé dans le passif exigible,

- la créance n° 3 a été déclarée par l'Urssaf pour 37.160 euros dont 30.000 euros au titre des 'REGUL', seul le montant de 7.160 euros correspondant aux cotisations échues avant le jugement d'ouverture sera pris en compte au titre du passif exigible certain,

- la créance n° 2, déclarée par le Trésor Public Val de Marne pour un montant de 28.875,34 euros correspond à des amendes et condamnations pécuniaires relatives à la conduite de divers véhicules. La société expose que les amendes lui sont envoyées en sa qualité de loueur de véhicules, qu'elle doit ensuite dénoncer le client avec le contrat de location, qu'elle a dûment dénoncé les chauffeurs concernés par les infractions au volant, qu'au cas présent 27 procès-verbaux d'infraction ont été reportés sur la société en raison de l'impossibilité pour la préfecture d'identifier les chauffeurs concernés, mais que l'affaire est pendante devant le tribunal de police de Paris. La société Easy Lease verse effectivement aux débats une citation à comparaître de son représentant légal, M.[O], devant le tribunal de police de Paris pour l'audience du 22 septembre 2025 relativement à 31 infractions au code de la route. Ainsi à la date des débats devant la cour la créance du Trésor Public était contestée en justice. Elle ne sera donc pas prise en compte dans le passif exigible,

- la créance n° 22 a été déclarée par SMA Courtage [Localité 7] à hauteur de 23.862,80 euros au titre de cotisations d'assurance du 1er avril 2025 au 30 juin 2025. La société Easy Lease expose que cette créance est contestée car l'assureur n'a jamais pris en charge les sinistres déclarés par la société, de sorte qu'elle est fondée à lui opposer une exception d'inexécution dans l'attente de la prise en charge des frais de garagiste que la société doit en l'état avancer. Il s'agit toutefois de cotisations qui sont fondées sur un contrat d'assurance et la société Easy Lease n'apporte aucun élément permettant de considérer que la société d'assurance n'aurait pas exécuté les prestations découlant de sa police d'assurance. Le montant de 23.862,80 euros apparait donc devoir être comptabilisé dans l'actif disponible.

- les créances n° 35, 36, 37 et 38 correspondent à des comptes courants d'associés ( MM. [R] [K], [H] [Z], [J] [Z], [G] [O]) dont il n'est pas démontré qu'elles étaient exigibles à la date du jugement d'ouverture. A défaut de plus amples éléments ces créances ne seront pas retenues au titre du passif exigible.

Il résulte de cette analyse que le passif exigible s'élève à 77.175,65 euros soit un montant inférieur à l'actif disponible de 86.583,02 euros.

Il s'ensuit que la société Easy Lease n'est pas en cessation des paiements et ne relève pas d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, la cour statuant à nouveau dira n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront pris en charge par le Trésor Public. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate l'absence de cessation des paiements de la société Easy Lease,

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à l'égard de la société Easy Lease,

Dit que les dépens seront supportés par le Trésor Public,

Déboute Maître [V], ès qualités, de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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