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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 4 novembre 2025, n° 23/00190

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 23/00190

4 novembre 2025

GS/SL

N° Minute

[Immatriculation 1]/615

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 04 Novembre 2025

N° RG 23/00190 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFSQ

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 12 Janvier 2023

Appelante

S.A.R.L. BY PENTAGONE, dont le siège social est situé [Adresse 4]

Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Alain TILLE, avocat plaidant au barreau de PARIS

Intimé

M. [P] [Y]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 5] - SUISSE, demeurant [Adresse 2] -SUISSE

Représenté par Me Virginie COMBEPINE, avocat postulant au barreau de THONON-LES-BAINS

Représenté par la SELAS RTA AVOCATS, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

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Date de l'ordonnance de clôture : 16 Juin 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 octobre 2025

Date de mise à disposition : 04 novembre 2025

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Composition de la cour :

- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Le 23 avril 2018, M. [N] [L] et M. [P] [Y] ont constitué entre eux, à parts égales, la société By Pentagone, ayant pour objet social l'exploitation de jeux d'énigmes, d'actions virtuelles et interactives.

M. [L] et Mme [K] [X], compagne de M. [F], qui deviendra son épouse en septembre 2018, ont été nommés le même jour en qualité de co-gérants de la société.

Suivant contrat en date du 22 décembre 2018, M. [Y] a cédé l'intégralité de ses parts sociales à M. [L] pour une somme de 2 500 euros, qui a été payée le 12 mars 2019.

L'acte de cession de parts contenait par ailleurs, sous le titre « Compte courant d'associés », la clause suivante : « le cédant dispose à ce jour d'un compte courant dans la société BY PENTAGONE d'une valeur de 45 187 euros. Le cédant accepte un crédit vendeur. A cet titre, le paiement de l'intégralité du compte courant interviendra au plus tard le 15 mars 2019. Dans le cas où le paiement ne serait pas effectif à l'issue de ce délai, la vente serait annulée ».

Mme [K] [X] épouse [Y] a démissionné le même jour de ses fonctions de co-gérante. M. [L] est ainsi devenu le gérant et l'associé unique de la société.

N'ayant pas obtenu le paiement de son compte courant d'associé, M. [Y] a, suivant exploit en date du 19 novembre 2019, fait assigner en paiement la société By Pentagone devant le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains.

Parallèlement, il a saisi le juge de l'exécution du même tribunal, lequel a, par ordonnance sur requête du 14 août 2020, fait droit à sa demande de pratiquer une saisie conservatoire des sommes créditant le compte bancaire de la société By Pentagone.

Cette saisie conservatoire a été pratiquée le 11 septembre 2020 sur un compte créditeur à hauteur de 50 503,79 euros.

Contestant la saisie pratiquée, la société By Pentagone a assigné M. [Y] devant le juge de l'exécution, qui par jugement rendu le 17 novembre 2020, en a ordonné la mainlevée. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la présente juridiction du 14 octobre 2021, au motif qu'il n'était justifié d'aucune créance paraissant fondée en son principe au titre du compte courant.

Suivant jugement en date du 12 janvier 2023, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains, statuant sur l'action en paiement introduite le 19 novembre 2019 par M. [Y], a, après un jugement de réouverture des débats du 9 septembre 2021 :

- Dit que l'assignation est régulière en l'absence de démonstration d'un grief ;

- Débouté la société By Pentagone de sa demande de nullité de l'assignation du 19 novembre 2019 ;

- Dit et jugé que la demande de M. [Y] dirigée contre la société By Pentagone est recevable ;

- Dit et jugé que M. [Y] dispose d'un compte courant d'associé dans les livres de la société By Pentagone d'un montant de 45 187 euros ;

- Dit et jugé que la société By Pentagone s'est engagée à rembourser à M. [Y] son compte courant d'associé au 15 mars 2019 au plus tard ;

- Dit et jugé que la cession de parts sociales n'emporte pas cession du compte courant d'associé ouvert au nom du cédant ;

- Dit et jugé qu'aux termes de l'acte de cession du 22 décembre 2018, M. [L], gérant et associé unique de la société By Pentagone, a expressément reconnu que M. [Y] disposait d'un compte courant d'associé d'un montant de 45187 euros que la société s'est engagée à lui rembourser avant le 15 mars 2019 ;

- Dit et jugé que la société By Pentagone ne rapporte nullement la preuve des fautes qui auraient été commises par M. [Y] et des prétendus préjudices qui en auraient résulté ;

- Débouté la société By Pentagone de ses demandes et notamment sa demande reconventionnelle à hauteur de 57 039 euros ;

- Condamné la société By Pentagone à payer à M. [Y] la somme de 45.187 euros et ce, à titre de remboursement de son compte-courant d'associé outre intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2019 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Condamné la société By Pentagone à payer à M. [Y] la somme réduite à 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la société By Pentagone aux entiers dépens.

Au visa principalement des motifs suivants :

' l'acte de cession de parts du 22 décembre 2018 fait état d'un compte courant d'associé au profit de M. [Y] à hauteur de 45 187 euros ;

' malgré une réouverture des débats intervenue à cette fin, la société By Pentagone n'a produit aucun élément comptable, alors qu'elle était la seule à pouvoir le faire ;

' les factures réglées par la société By Pentagone au profit de la société suisse de M. [Y] relèvent des seules relations entre ces deux sociétés.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 2 février 2023, la société By Pentagone a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 10 août 2023, la première présidente de la cour d'appel de la cour d'appel de Chambéry, sur saisine de la société By Pentagone, a :

- Rejeté la demande d'arrêt l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Thonon Les Bains le 12 janvier 2023 ;

- Subordonné l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains le 12 janvier 2023 à la constitution préalable d'une caution bancaire émanant d'un établissement bancaire français par M. [Y] d'un montant d'au moins de 45.187 euros d'une durée de validité expirant à l'issue d'une période de six mois commençant à courir à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

- Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laissé à chacune des parties la charge de leurs dépens.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières écritures du 20 avril 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société By Pentagone sollicite l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- Déclarer M. [Y] irrecevable à agir contre la société By Pentagone ;

- Débouter M. [Y] de ses demandes de paiement dirigées à son encontre ;

A titre reconventionnel,

- Condamner M. [Y] à supporter les conséquences pécuniaires des fautes commises à son préjudice au titre des dépenses engagées sans rapport avec l'objet ou l'intérêt de la société ;

- Le condamner ainsi à lui payer la somme de de 57.039 euros majorée des intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande présentée devant le tribunal de commerce soit le 7 octobre 2020 ;

- Le condamner à lui payer la somme de de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Le condamner à payer la société By Pentagone la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 5.000 euros déjà réclamée devant le tribunal de commerce de Thonon les Bains ;

- Le condamner aux dépens dont distraction au profit de Me Fillard, avocat.

Au soutien de ses prétentions, la société By Pentagone fait notamment valoir que :

' son associé unique, M. [L], a découvert, postérieurement à l'acte de cession de parts, l'inexistence du compte courant de M. [Y], des arriérés locatifs, ainsi que des prélèvements indus réalisés par l'ancienne gérante, épouse de M. [Y] ;

' le tribunal de commerce n'a nullement motivé le rejet de ses demandes reconventionnelles et a inversé la charge de la preuve en lui faisant grief de ne pas produire les pièces demandées dans son jugement avant dire droit;

' il appartient à M. [Y] de caractériser l'existence d'un compte courant, preuve qu'il échoue à apporter ;

' elle n'a pu contracter aucun engagement dans l'acte de cession, auquel elle n'était pas partie, et la simple déclaration contenue dans cet acte ne se trouve corroborée par aucun élément comptable ;

' les Sms qui sont produits par l'intimé ne font nullement état d'un compte courant et il n'est pas démontré que M. [Y] se serait acquitté de l'arriéré locatif de la société ;

' dans son arrêt du 14 octobre 2021, la cour d'appel a déjà retenu que la preuve du compte courant n'était pas établie ;

' la constitution d'un compte courant aurait dû être approuvée préalablement par les associés, conformément à l'article L. 223-19 du code de commerce ;

' la constitution d'un compte courant avait pour objet de masquer la situation réelle de la société, qui était débitrice de loyers lors de la cession ;

' la cession du compte courant, à défaut de lui avoir été signifiée, ne lui est pas opposable ;

' en procédant à des paiements « préférentiels » au profit de ses sociétés, alors que la trésorerie de la société ne lui permettait pas de régler ses loyers, M. [Y] a commis une faute qui exclut son droit au paiement du compte courant ;

' M. [Y] a par ailleurs procédé à plusieurs paiements en faveur de sa société suisse, inutiles ou sans rapport avec l'objet social ;

' il a également refusé de céder le site internet qui constitue l'accessoire indispensable à son activité et a laissé des objets personnels dans les locaux ;

' ces fautes lui ont causé des préjudices dont elle est fondée à obtenir la réparation.

Par dernières écritures du 18 juillet 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [Y] demande de son côté à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Thonon les bains le 12 janvier 2023 ;

En conséquence,

- Juger que la société By Pentagone ne rapport nullement la preuve, qui lui incombe, du grief qui lui aurait été causé en raison de l'erreur qui affecterait l'adresse du requérant ;

- Juger qu'il dispose d'un compte-courant d'associé dans les livres de la société By Pentagone d'un montant de 45 187 euros ;

- Juger que la société By Pentagone s'est engagée à lui rembourser son compte-courant d'associé au 15 mars 2019 au plus tard ;

- Juger la société By Pentagone ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe du paiement ou du fait qui aurait produit l'extinction de son obligation à son égard ;

- Juger que la cession de parts sociales n'emporte pas cession du compte courant d'associé ouvert au nom du cédant ;

- Juger qu'aux termes de l'acte de cession du 22 décembre 2018, M. [L], gérant et associé unique de la société By Pentagone, a expressément reconnu qu'il disposait d'un compte courant d'associé d'un montant de 45.187 euros que la société s'est engagée à lui rembourser avant le 15 mars 2019 ;

- Juger que la société By Pentagone ne rapporte nullement la preuve, qui lui incombe, des fautes qu'il aurait commises et des prétendus préjudices qui en seraient résulté ;

En conséquence,

- Débouter la société By Pentagone de l'ensemble de ses demandes et notamment sa demande reconventionnelle à hauteur de 57.039 euros, cette dernière n'étant ni justifiée, ni établie par quelques pièces que ce soit ;

- Condamner, la société By Pentagone à lui payer la somme de 45.187 euros et ce, à titre de remboursement de son compte-courant d'associé outre intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2019 ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Condamner la société By Pentagone à lui payer la somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société By Pentagone aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [Y] fait notamment valoir que :

' M. [L], gérant et associé de la société By Pentagone, a reconnu expressément dans l'acte de cession de parts l'existence et le montant du compte courant ;

' il s'est engagé par ailleurs à plusieurs reprises par Sms, pour le compte de la société, à lui rembourser cette somme ;

' l'appelante ne communique aucun document comptable de nature à remettre en cause cette obligation ;

' la cession de ses parts sociales n'a pas emporté cession de son compte courant au profit du cessionnaire ;

' aucune cession de créance ne devait être signifiée à la société, et en tout état de cause, l'assignation en paiement vaut signification ;

' aucune faute de gestion ne saurait lui être imputée alors qu'il n'a jamais eu la qualité de gérant de la société ;

' la société By Pentagone ne verse aucune pièce permettant de rapporter la preuve de ses prétendues fautes et des préjudices dont elle excipe ;

' les loyers, dus par la société, ne sauraient être déduits du solde de son compte courant et il justifie de ce que son épouse a justement viré la somme de 8.000 euros sur le compte de la société pour apurer la dette locative de cette dernière.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 16 juin 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été retenue à l'audience du 7 octobre 2025.

Motifs de la décision

I - Sur la recevabilité

Il convient d'observer, à titre liminaire, que si la société By Pentagone sollicite, dans le dispositif de ses dernières écritures, l'infirmation de l'ensemble des chefs du jugement entrepris, elle n'expose dans les motifs de ses conclusions aucune argumentation tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée ni ne forme la moindre demande sur ce point.

Le jugement du 12 janvier 2023 ne pourra donc qu'être confirmé en ce qu'il a dit que l'assignation était régulière en l'absence de démonstration d'un grief et débouté la société By Pentagone de sa demande de nullité de l'assignation du 19 novembre 2019.

Bien que son argumentation afférente à l'absence de signification de l'acte de cession se trouve insérée dans un titre III, portant sur « le débouté des demandes de Monsieur [Y] », l'appelante semble indiquer, en page 9 de ses dernières écritures, que ce moyen devrait conduire à rendre l'action en paiement engagée à son encontre irrecevable.

La société By Pentagone se fonde sur les dispositions de l'article 1690 du code civil, qui sont applicables aux cessions de créance, même en matière commerciale, et qui prévoient que « le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur ». Elle entend tirer argument de ce que l'acte de cession de parts sociales du 22 décembre 2018 ne lui a pas été signifié.

Outre que la sanction d'une telle absence de signification est une simple inopposabilité et non une fin de non-recevoir, l'appelante ne peut de toute évidence être suivie dans une telle argumentation, dès lors que les droits dont M. [Y] se prétend investi dans le cadre de la présente instance ne se trouvent en aucun cas fondés sur une quelconque cession de créance, et que l'intéressé n'allègue ni ne prouve que l'acte du 22 décembre 2018 aurait opéré une cession de son compte courant créditeur d'associé à M. [L]. Du reste, dans une telle hypothèse, seul ce dernier serait fondé à agir en paiement contre la société de ce chef.

L'action en paiement engagée par M. [Y] ne pourra ainsi qu'être déclarée recevable.

II - Sur la demande en paiement formée par M. [Y] au titre de son compte courant d'associé

En application des dispositions de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de prouver son existence. Comme le fait observer l'appelante, la charge de la preuve incombe ainsi à M. [Y], qui prétend disposer d'une créance envers la société By Pentagone au titre d'un compte courant créditeur d'un montant de 45.187 euros.

Il est par ailleurs de jurisprudence constante qu'en matière commerciale, comme en l'espèce, cette preuve d'un compte courant d'associé peut être rapportée par tout moyen, et notamment par la production des pièces comptables de la société (Cour de cassation, Com, 24 avril 2013, n°12-14.283). Un associé est par ailleurs, sauf stipulation contraire, en droit d'obtenir le remboursement de son compte courant à tout moment (voir notamment sur ce point : Cour de cassation, Civ 3ème, 3 mai 2018, n°16-16.558).

Au soutien de son action en paiement, M. [Y] se prévaut en premier lieu de la clause afférente à son compte courant qui se trouve stipulée dans l'acte de cession de parts sociales du 22 décembre 2018, et dont le contenu est le suivant : « le cédant dispose à ce jour d'un compte courant dans la société BY PENTAGONE d'une valeur de 45 187 euros. Le cédant accepte un crédit vendeur. A cet titre, le paiement de l'intégralité du compte courant interviendra au plus tard le 15 mars 2019. Dans le cas où le paiement ne serait pas effectif à l'issue de ce délai, la vente serait annulée ».

Dès lors que l'acte a été signé par M. [L], qui était alors co-gérant de la société By Pentagone et qui est devenu ensuite son associé unique, cette clause pourrait s'analyser, selon lui, comme étant un aveu extra-judiciaire de la société, à travers la personne de son représentant, de l'existence du compte courant litigieux.

Il est important cependant de constater qu'à aucun moment dans l'acte du 22 décembre 2018 M. [L] n'indique agir en qualité de gérant de la société By Pentagone et représenter cette dernière, dont il est constant qu'elle n'est nullement partie à la convention. Le contrat de cession de parts ne permet ainsi de caractériser aucun engagement qui aurait pu être valablement contracté par l'appelante

M. [Y] verse ensuite aux débats un constat d'huissier du 9 novembre 2021, qui reproduit des SMS qui ont été échangés entre son épouse et M. [L] entre le 19 décembre 2018 et le 21 mars 2019. La cour constate que quatre des messages vocaux émanant de l'associé unique de la société By Pentagone, datés du 27 décembre 2018 pour les trois premiers, et du 16 janvier 2019 pour le dernier, évoquent, pris dans leur ensemble, la somme de 45.187 euros, qu'il s'est engagé à payer avant le 15 mars 2019.

Force est cependant de relever qu'à aucun moment, dans ces messages, M. [L] n'indique agir en qualité de gérant de la société ou pour le compte de cette dernière et aucune mention contenue dans les SMS produits ne permet de caractériser la reconnaissance, par la société, d'une quelconque obligation envers M. [Y].

En réalité, il est manifeste que dans l'esprit des parties à cet acte, le contrat de cession de parts du 22 décembre 2018 devait également transférer à M. [L] le compte courant d'associé de M. [Y], en même temps que ses parts sociales, ce qui explique en particulier la mise en place d'un crédit vendeur et la sanction tenant à l'annulation de la vente en cas de non-respect des délais de paiement par le cessionnaire. Pour autant, l'acte n'a pas inclus expressément dans le périmètre de la vente le solde du compte courant et il est de jurisprudence constante que sauf stipulation expresse, la cession de parts sociales n'emporte pas cession du compte courant ouvert au nom du cédant (Cour de cassation, Com, 11 janvier 2017, n°15-14.064), compte tenu de l'indépendance complète consacrée dans une telle hypothèse entre la qualité d'associé et celle de prêteur.

Il ne peut qu'être constaté, en tout état de cause, que les pièces qui sont versées aux débats ne contiennent aucun engagement de la société envers M. [Y] au titre d'un quelconque compte courant. Et du reste, il est important de relever que la première mise en demeure de payer, datée du 28 mai 2019, a été adressée par l'intéressé non pas à la société mais à M. [L] à titre personnel, ce qui est de nature à confirmer qu'il pensait avoir effectivement cédé à ce dernier le solde de son compte courant.

Il est ainsi manifeste que M. [Y] échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un compte courant d'un montant de 45 187 euros dont il se prévaut.

La charge de la preuve doit certes être appréciée à l'aune des capacités probatoires dont dispose de manière concrète chacune des parties, et à cet égard, il peut être légitimement fait grief à la société By Pentagone, comme l'ont fait les premiers juges, de ne produire, malgré un jugement avant dire droit, aucune pièce comptable de nature à caractériser l'existence ainsi que le montant du compte courant litigieux.

Une telle considération ne saurait cependant avoir pour effet d'inverser entièrement la charge de la preuve.

Il convient d'observer, en effet, que M. [Y] est également, au regard de ses propres capacités probatoires, fortement carentiel dans l'administration de la preuve dont la charge lui incombe. Il ne produit en effet aucun justificatif des sommes qu'il aurait engagées pour le compte de la société, et ne détaille même pas comment se décompose la somme de 45187 euros dont il sollicite le paiement.

Il n'explique du reste pas davantage le mode de calcul adopté pour aboutir à cette somme, alors qu'il se déduit de l'attestation du bailleur de la société By Pentagone, qui est versée aux débats par cette dernière, qu'au cours des premiers mois d'activité de la société, c'est son épouse qui en assurait la gestion effective. M. [Y] ne fait état en outre d'aucun motif qui serait susceptible d'expliquer pourquoi il n'est pas en mesure de justifier du détail des sommes qu'il prétend avoir versées.

Une telle constatation ne peut que conduire à constater sa carence probatoire et à rejeter sa demande en paiement.

III - Sur les demandes en paiement formées par la société By Pentagone

La société By Pentagone réclame à M. [Y] des dommages et intérêts en raison des dépenses étrangères à l'objet social auxquelles il aurait procédé.

Elle soutient que l'intéressé aurait :

- procédé à plusieurs paiements au profit de sa société suisse, payé des équipements sans utilité et engagé des prestations sans rapport avec l'objet social, pour un montant total de 8.547 euros ;

- refusé de céder le site constituant l'accessoire indispensable à son activité, ce qui aurait généré une perte financière de 30.000 euros et l'aurait contrainte à procéder au remplacement de l'enseigne pour 4.992 euros ;

- été à l'origine des difficultés rencontrées lors de la reprise de la société, générant une perte de chiffre d'affaires de 13.500 euros ;

- laissé dans le local des affaires personnelles, justifiant une indemnité d'occupation de 9.850 euros, arrêtée au 1er février 2020.

Force est cependant de constater que la société By Pentagone, qui ne précise nullement le fondement juridique de cette demande indemnitaire, ne verse aux débats aucune pièce susceptible de caractériser les griefs qu'elle impute à M. [Y] ni de démontrer les préjudices dont elle se prévaut, aucune pièce comptable ni relevé de compte n'étant en particulier produits. Elle semble en effet reprocher à ce dernier des fautes de gestion, alors que l'intéressé n'a jamais été gérant de droit de la société et qu'il n'est nullement argué ni a fortiori démontré qu'il en aurait été le gérant de fait. La cour ignore ainsi à quel titre les opérations qui lui sont imputées auraient pu être réalisées par M. [Y].

En raison de cette carence probatoire manifeste, la société By Pentagone ne pourra qu'être déboutée de la demande indemnitaire qu'elle forme de ce chef.

L'appelante réclame également des dommages et intérêts en raison des procédures abusives qui auraient été engagées par M. [Y]. La cour constate cependant que le préjudice qui lui a été causé par la saisie conservatoire indûment pratiquée sur ses comptes bancaires a d'ores et déjà été réparée par la cour d'appel aux termes de son arrêt du 14 octobre 2021, lui ayant alloué une somme de 1.500 euros pour ce motif. La société By Pentagone n'apporte par ailleurs aucun élément susceptible de démontrer la mauvaise foi, l'intention de nuire ou la légèreté blâmable de M. [U], alors que les prétentions de ce dernier ont été accueillies en première instance. Elle ne caractérise pas non plus le moindre préjudice. Elle ne pourra ainsi qu'être déboutée de ce chef.

IV - Sur les demandes accessoires

En tant que partie perdante, M. [Y] sera condamné aux dépens exposés en première instance et en cause d'appel avec distraction, pour ceux d'appel, au profit de Maître Michel Filliard, avocat. Les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront par contre rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit et jugé que M. [Y] dispose d'un compte courant d'associé dans les livres de la société By Pentagone d'un montant de 45.187 euros ;

- Dit et jugé que la société By Pentagone s'est engagée à rembourser à M. [Y] son compte courant d'associé au 15 mars 2019 au plus tard ;

- Dit et jugé qu'aux termes de l'acte de cession du 22 décembre 2018, M. [L], gérant et associé unique de la société By Pentagone, a expressément reconnu que M. [Y] disposait d'un compte courant d'associé d'un montant de 45.187 euros que la société s'est engagée à lui rembourser avant le 15 mars 2019 ;

- Condamné la société By Pentagone à payer à M. [Y] la somme de 45.187 euros et ce, à titre de remboursement de son compte-courant d'associé outre intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2019 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Condamné la société By Pentagone à payer à M. [Y] la somme réduite à 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société By Pentagone aux entiers dépens.

Statuant à nouveau de ces chefs

Rejette la demande en paiement formée par M. [P] [Y] au titre de son compte courant d'associé,

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Condamne M. [P] [Y] aux entiers dépens exposés en première instance et en cause d'appel, avec distraction, pour ceux d'appel au profit de Maître Michel Fillard, avocat,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie simple et exécutoire délivrée le 04 novembre 2025

à

Me Michel FILLARD

Me Virginie COMBEPINE

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