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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 4 novembre 2025, n° 23/01288

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/01288

4 novembre 2025

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/11/25

la SARL ARCOLE

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 04 NOVEMBRE 2025

N° : - 25

N° RG 23/01288 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GZKZ

(N° RG 23/01765 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2PC)

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5] en date du 27 Avril 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265286973327556

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent DAVID de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS

Compagnie d'assurance MMA IARD prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent DAVID de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265294712491471

Madame [F] [W] épouse [S]

née le 28 Décembre 1943 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Localité 3]

ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,

Monsieur [R] [S]

né le 26 Mai 1939 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 3]

ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,

S.A.R.L. BOURGEOIS GAYLORD prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 7]

[Localité 2]

non représentée, n'ayant pas constitué avocat

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 15 mai 2023.

ORDONNANCE DE JONCTION avec RG 23/01765 : 25 octobre 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 juin 2025

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 08 Septembre 2025 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre, en charge du rapport, et Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Nathalie LAUER, présidente de chambre et Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Nathalie LAUER, Présidente de chambre,

Monsieur Xavier GIRIEU, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 04 novembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCEDURE :

M. et Mme [S] sont propriétaires d'un bien immobilier situé "[Adresse 9].

La SARL unipersonnelle Bourgeois Gaylord a établi deux devis à la demande de M. et Mme [S] :

- un devis du 25 avril 2018 pour la rénovation des gouttières hangar et de la couverture de la maison pour un montant global de 12.192,28 euros ;

- un devis du 3 juin 2018 portant sur la plus-value pour la fourniture et la pose d'un isolant mince Skytech pro XL contre liteaunnage compris, outre la plus-value pour la foumiture et pose de laine de verre, épaisseur 140mm entre chevrons.

Le 7 août 2019, après que M. et Mme [S] se sont plaints de désordres, une expertise amiable est mise en place sous l'égide du cabinet Themis Expertise, au contradictoire de la SARL Bourgeois Gaylord, en l'absence cependant de son assureur.

Le 3 juillet 2020, M. et Mme [S] ont saisi le Président du tribunal judiciaire de Blois au visa de l'article 145 du code de procédure civile à l'effet d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Le 8 septembre 2020, le Juge des référés a ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder M. [Z] [U].

Le 5 juillet 2021, l'expert judiciaire a déposé son rapport.

Par acte d'huissier de justice du 5 octobre 2021, M. et Mme [S] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Blois, la SARLU Bourgeois Gaylord et les sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard (dénommées ci-après les sociétés MMA).

L'expert a déposé son rapport le 6 février 2020.

Par jugement du 16 décembre 2020 le tribunal judiciaire de Blois statuant en l'absence de représentation obligatoire et avec l'application de la procédure orale s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Blois statuant avec représentation obligatoire et application de la procédure écrite.

Par jugement du 27 avril 2023, le tribunal judiciaire de Blois a :

- rejeté l'ensemble des demandes formées par M. et Mme [S] sur le fondement de la responsabilité décennale,

- condamné in solidum la SARLU Bourgeois Gaylord et les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à verser à M. et Mme [S], sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun:

- 7.580,92 euros TTC au titre des travaux de reprise, et dit que cette somme sera indexée sur l'indice BT 01 du coût de la construction publié par l'Insee en la multipliant par le dernier indice publié à la date du prononcé du jugement et en la divisant par le dernier indice publié au 5 juillet 2021 (date du rapport d'expertise), avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement,

- 3.989,16 euros au titre du préjudice de jouissance,

- rejeté le surplus des demandes,

- rejeté la demande formée par les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à verser à M. et Mme [S] la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SARLU Bourgeois Gaylord et les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles aux dépens, qui comprendront les frais de l'instance en référé et les frais de l'expertise judiciaire,

- autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,

- constaté que la présente décision est assortie de droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 15 mai 2023, les sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard ont relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées par M. et Mme [S] sur le fondement de la responsabilité décennale.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 décembre 2023, les sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard demandent à la cour de :

- juger recevables et bien fondés les appels interjetés par les Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard à l'encontre du jugement rendu le 27 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Blois (RG 21/02632).

- juger sinon irrecevable à tout le moins mal fondé l'appel incident formé par M. [S] et Mme [W].

- infirmer ledit jugement en ce que critiqué par les Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné les Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard à indemniser M. [S] et Mme [W] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ;

- juger que la garantie décennale des constructeurs n'a pas vocation à s'appliquer ;

- juger que les garanties obligatoires et garanties facultatives souscrites par la SARL

Bourgeois-Gaylord auprès des Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard n'ont pas vocation à être mobilisées sur un quelconque fondement que ce soit.

En conséquence ;

- débouter M. [R] [S] et Mme [F] [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre les Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard.

- condamner in solidum M. [R] [S] et Mme [F] [W], la SARL Bourgeois-Gaylord à restituer aux Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard les sommes versées en exécution du jugement entrepris (dont 11.370,08 euros en principal).

- condamner in solidum M. [R] [S] et Mme [F] [W] à payer aux Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard une indemnité de procédure de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me David, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [S] ont relevé appel incident.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, M. ils demandent à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par les sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard, à l'encontre du jugement rendu par le 27 avril 2023 par le Tribunal judiciaire de Blois ;

En conséquence,

- les en débouter purement et simplement ;

- déclarer bien fondé l'appel incident interjeté par M. et Mme [S] à l'encontre du

jugement du 27 avril 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Blois, en ce que celui-ci n'a pas retenu la responsabilité décennale de la SARL Bourgeois, et partant, la mobilisation des Sociétés Anonymes Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard ;

En conséquence, infirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Pour le surplus,

- confirmer purement et simplement la décision entreprise, tant en ce qui concerne la

responsabilité contractuelle de la SARL Bourgeois Gaylord et la mobilisation de la garantie des Sociétés Anonymes Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard, ainsi qu'à l'indemnisation des préjudices de M. et Mme [S] ;

Y ajoutant,

- condamner in solidum les Sociétés Anonymes Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard, ainsi que la SARL Bourgeois Gaylord, au paiement d'une somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire notamment.

Bien que la déclaration d'appel des MMA lui ait été régulièrement signifiée par acte d'huissier de justice du 26 septembre 2023 remis à domicile, la société Bourgeois n'a pas constitué avocat.

Il sera donc statué par arrêt rendu par défaut.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 juin 2025.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

SUR CE, LA COUR

Quand bien même c'est à titre incident que M. et Mme [S] ont relevé appel, la logique impose d'analyser en premier lieu leur demande fondée sur la garantie décennale, garantie légale de plein droit, puis ensuite, leur demande subsidiaire, fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, objet de l'appel principal des sociétés MMA.

La garantie décennale

M. et Mme [S] poursuivent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes fondées sur la garantie décennale des constructeurs. À l'appui, ils font valoir que les constatations expertales émanent d'un homme de l'art, évidemment rompu ; qu'en revanche, eux-mêmes n'ont que l'étoffe de profanes en matière d'isolation des combles ; que, quand bien même l'expert a relevé que le maître d'ouvrage aurait manifesté certains mécontentements, ils ne pouvaient pas apprécier les désordres dans toute leur ampleur et leurs conséquences ; qu'il suffit de se rendre compte des explications d'ordre technique auxquelles s'est livré l'expert judiciaire ; que si les sociétés MMA objectent que les griefs qu'ils ont dénoncés et exprimés initialement sont constatés tant par le cabinet d'expertise amiable que par l'expert judiciaire, ce dernier ne fait que répondre à l'attente du tribunal concernant l'atteinte à la destination et/ou la solidité de l'ouvrage ; qu'il met dès lors l'accent sur la gravité des désordres constatés par ses soins ; que si les désordres étaient à ce point visibles, les sociétés MMA n'auraient pas manqué de solliciter purement et simplement leur mise hors de cause ; que, rompues à éplucher des rapports d'expertise amiable, elles n'auraient pas manqué de consigner leur position, se retranchant derrière la visibilité des désordres, ce dont elles ont fait l'économie ; que, dans ces conditions, il est clair que le maître de l'ouvrage ne pouvait pas faire de réserves.

Les sociétés MMA concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme [S] sur le fondement de la garantie décennale. Elles exposent que si les demandeurs avaient toujours défendu l'existence d'une réception tacite qu'a d'ailleurs retenue l'expert judiciaire contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conditions de la garantie décennale ne sont pas pour autant réunies dès lors que les désordres n'étaient pas cachés à la réception et qu'ils ont dès lors été purgés par l'absence de réserves ; que leur position procédurale ne présume évidemment pas de la position finale de l'assureur étant précisé que c'est dans le cadre de l'expertise qu'il est apparu que les désordres allégués étaient visibles même pour un profane de la construction ; que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'assureur ne pouvait invoquer ce motif de non garantie avant que ne se déroule l'expertise judiciaire ; que les constats opérés par l'expert montrent qu'il n'a jamais été soutenu que ces griefs n'étaient visibles que pour un homme de l'art ; que pour s'en convaincre, il suffit de consulter l'assignation en référé dont il résulte que les époux [S] ont dénoncé lesdits griefs avec précision avant même qu'un expert amiable ne se rende sur site, ce qui démontre que les griefs étaient existants et visibles par eux au moment où ils ont soldé le marché ; que l'expert judiciaire n'a aucunement conclu à l'existence de désordres évolutifs ;

Appréciation de la cour

L'article 1792 du code civil dispose que : 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.

Il résulte de l'article 1792-4-1 de ce même code que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après 10 ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.

L'article 1792-6 de ce code définit la réception comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l'espèce, M. et Mme [S] ont confié à la société Bourgeois, assurée auprès des sociétés MMA, la pose et la fourniture d'un isolant mince Skytech pro XL contre liteaunnage compris, outre la plus-value pour la foumiture et pose de laine de verre, épaisseur 140mm entre chevrons.

Aux termes du rapport d'expertise judiciaire qu'ils communiquent en pièce n° 23, les travaux prévus au devis ont consisté en la réfection de la couverture en tuiles sur la moitié de la maison, sur les deux versants, côté cour et côté jardin comprenant : dépose de la couverture existante, nivellement du chevronnage, fourniture et pose d'un écran pare-pluie isolant Skytech Pro XL sur contre-liteaunage, couverture en tuile plate de réemploi, fourniture et pose de tuiles de rive, zinguerie, fourniture et pose de laine de verre, épaisseur 140 mm entre les chevrons.

Selon l'expert, ces prestations étant réalisées sur une maison ancienne, la maçonnerie des rampants nécessitait une réfection : un rampannage permettant de consolider la pointe du pignon, de refixer les pannes dans la maçonnerie et de reboucher les jours existants entre la maçonnerie et la charpente. S'agissant d'un projet d'aménagement de combles, l'espace entre les chevrons n'étant pas initialement obstrués sur les parties horizontales des murs avant et arrière, il était indispensable de prévoir un calfeutrement entre les chevrons, afin d'empêcher les oiseaux et les rongeurs de pénétrer dans l'isolation. De même l'expert juge-t-il indispensable la mise en place d'un pare vapeur dans le cadre de travaux d'isolation de rampants.

Si M. [U] a constaté la conformité des travaux aux pièces contractuelles, il n'en a pas moins objectivé des défauts de mise en 'uvre.

Ainsi note-t-il que le mur du pignon a été laissé brut, aucun rampannage n'ayant été réalisé et le jour pouvant être vu entre l'isolation et la maçonnerie. Il constate alors que l'air pénètre librement dans l'habitation de sorte que les performances de l'isolation sont nulles.

De l'extérieur, il constate encore qu'une tuile de rive a bien été posée mais que des trous sont visibles, la maçonnerie des rampants n'ayant pas été effectuée, de sorte que l'étanchéité à l'eau n'est pas assurée.

Il observe également que la soue face des rampants montre une isolation qui n'est pas posée dans les règles de l'art ; qu'elle n'est pas ajustée entre les chevrons et ne tient pas en place malgré une tentative grossière de fixation par des lattes disposées çà et là ; que la laine de verre tombe ; que le pare vapeur est absent par endroits ; que des jours sont visibles en bas du rampant du fait de l'absence de calfeutrement entre chevrons ; que l'air peut circuler librement ; que l'isolation n'est pas protégée des intrusions d'animaux.

Il conclut d'une part que la cause des malfaçons consiste en un défaut de mise en 'uvre de la laine de verre et en un défaut de conseil auprès des maîtres de l'ouvrage s'agissant de la réalisation des rampannages et des calfeutrements entre chevrons et d'autre part que les désordres, malfaçons et non façons constatés sont de nature à rendre depuis la fin immédiate de leur exécution, l'ouvrage impropre à sa destination. Quant à l'absence de travaux de maçonnerie, celle-ci est de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage.

Il est donc établi que les désordres observés sont de nature décennale.

Cependant, il convient de vérifier si les autres conditions de mise en 'uvre de la responsabilité légale de plein droit prévue à l'article 1792 du Code civil sont réunies.

En effet, il est constant qu'aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé. Pour autant, la réception peut également être tacite. Elle résulte alors d'une volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir celui-ci. Elle est ainsi présumée par la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux, avec ou sans réserves.

En l'espèce, il est constant que M. et Mme [S] ont réglé les travaux, manifestant ainsi une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage de sorte que la condition relative à la réception, tacite en l'espèce, est remplie, ce que ne contestent d'ailleurs pas les sociétés MMA. C'est donc à tort que le premier juge a retenu que tel n'était pas le cas.

En revanche, il résulte des pièces produites aux débats que les désordres étaient apparents dès la réalisation des travaux, l'expert relevant lui-même leur apparition immédiate.

En effet, les photographies produites en pièces 5 à 9 illustrent le caractère visible des désordres en ce que le jour entre la couverture et le haut du pignon est évident de même que les nombreux désordres affectant la laine de verre. M. et Mme [S] ayant confié à la société Bourgeois la pose d'un isolant, celle-ci, outre réaliser les travaux qui lui avaient été précisément confiés dans les règles de l'art, se devait de fournir au maître de l'ouvrage tout conseil nécessaire à l'efficacité de ses propres travaux , soit, comme le relève l'expert judiciaire, appeler son attention sur la nécessité de reprendre la maçonnerie.

La visibilité évidente des nombreux trous affectant la couverture démontre ainsi que les travaux d'isolation réalisés par la société Bourgeois étaient impropres à leur destination et ce, même pour un profane, comme le confirme également le courrier recommandé adressé par M. [S] à cette société le 31 mai 2019 en pièce n° 11.

M. [S] écrit : « un artisan spécialisé en aménagement et isolation à qui j'ai demandé un devis pour les aménagements ultérieurs, a remarqué immédiatement que la laine de verre que vous avez utilisée entre chevrons, Isover Saint-Gobain 32 est destinée par le fabricant à l'isolation des murs. Cette laine de verre inadaptée et mal posée devra être retirée et devrait être remboursée car inefficace. (') J'envoie à mon assurance copie du courrier du 5 mai et copie de cette lettre recommandée et j'y joins cinq photos prises dans le grenier et montrant les manques et défauts. Je vous joins aussi ces cinq photos.

Ensuite, il décrit les photographies :

« 1 photo n° 1 : nombreux ponts thermiques de la laine de verre non ajustée (cela est visible aussi sur les quatre autres photos).

2. Photo n° 2 rampant côté cour du mur de refend non colmaté par du mortier

3 photo n° 3 rampant côté jardin du mur de refend non colmaté

4 photo n° 4 sablière côté jardin non colmatée. Cache moineaux non colmatés donc nombreuses prises d'air sur toute la longueur

5 photo n° 5 rampants du mur du pignon non colmatés, cache moineaux ouverts donc énorme prises d'air »

Cette description précise des photographies, également produites en pièce n° 5 à 9, qui relève notamment l'existence de nombreuses prises d'air, démontre que les désordres, dès l'exécution des travaux, étaient apparents pour M. [S], profane de la construction, comme le confirme d'ailleurs l'expert judiciaire, et ce dans toute leur ampleur, les travaux réalisés par la société Bourgeois étant ainsi impropres à leur destination d'isolation dès l'origine.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la preuve du caractère non apparent du dommage repose sur le maître de l'ouvrage. Ainsi a-t-elle jugé :

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 2 mars 2022, 21-10.753, Publié au bulletin

Vu l'article 1315, alinéa 1er, devenu 1353, alinéa 1er, du code civil :

Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Il s'ensuit qu'il incombe au maître ou à l'acquéreur de l'ouvrage qui agit sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies (3e Civ., 7 juillet 2004, pourvoi n° 03-14.166, Bull., 2004, III, n° 142).

Pour condamner la société [B] à payer une certaine somme au titre de la non-conformité du bois de la terrasse, l'arrêt retient que l'entrepreneur ne rapporte pas la preuve du caractère apparent de cette non-conformité pour un maître d'ouvrage profane au jour de la réception. 25. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la SCI 2M, qui réclamait l'indemnisation d'une non-conformité n'ayant pas fait l'objet d'une réserve lors de la réception, de prouver qu'elle n'était pas apparente à cette date pour le maître d'ouvrage, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

En conséquence, sauf à inverser la charge de la preuve, M. et Mme [S] ne sont pas fondés à se prévaloir de l'attitude procédurale des sociétés MMA pour contester le caractère apparent des désordres.

Enfin, aucun élément du dossier ni l'expertise judiciaire ne laissent entendre que les désordres pourraient être évolutifs.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que les conditions de la responsabilité décennale de la société Bourgeois n'étaient pas réunies.

La responsabilité contractuelle de droit commun

Demandant la restitution des sommes allouées en première instance, les sociétés MMA poursuivent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a condamnées in solidum avec la société Bourgeois à indemniser M. et Mme [S] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. À l'appui, elles font valoir en premier lieu que les désordres étaient visibles à la réception et ont été purgés par l'absence de réserves ; que cet effet de purge joue pour tous les désordres quelques soit leur degré de gravité : décennale ou intermédiaire ; que les désordres intermédiaires sont en effet des désordres cachés à la réception et qui ne présentent pas le degré de gravité des désordres de nature décennale ; qu'en l'espèce, que l'on considère l'ouvrage comme réceptionné ou pas, la garantie des dommages intermédiaires n'a donc pas vocation à s'appliquer ; que, s'agissant de la responsabilité contractuelle de droit commun avant réception, le tribunal a dénaturé leurs conclusions et les stipulations de la police d'assurance ; qu'en effet, il suffit de se référer aux pièces contractuelles pour se convaincre qu'elles ne garantissent pas les désordres apparus avant réception ; qu'en effet, elles ne sont que les assureurs de garantie décennale et n'ont pas vocation à intervenir en indemnisation soit lorsque les désordres sont survenus en l'absence de toute réception, soit que ces mêmes désordres soient considérés comme des désordres réservés à la réception ; qu'en d'autres termes, ces désordres qui préexistaient à la réception et qui ont pu être réservés à la réception ne sont pas des désordres cachés qui relèvent des garanties d'assurance souscrites auprès des MMA.

À titre subsidiaire, M. et Mme [S] concluent à la confirmation du jugement déféré sur les condamnations prononcées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. Ils exposent en outre que les conditions particulières du contrat d'assurance liant les sociétés MMA et la société Bourgeois, à la rubrique « vos responsabilités civiles professionnelles » prévoient les garanties «A tous dommages confondus » et «G dommages intermédiaires ».

Appréciation de la cour

L'article 1231-1 du Code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Tenu d'édifier un ouvrage exempt de vice, l'entrepreneur est débiteur, envers le maître de l'ouvrage, d'une obligation de résultat (Cass. 3e civ., 19 juin 1996, n° 94-13.893 : RD imm. 1996, p. 581 , note Ph. Malinvaud. - Cass. 3e civ., 21 juill. 1999, n° 98-10.664 : JurisData n° 1999-003131 . - Cass. 3e civ., 6 déc. 2005, n° 04-18.749 : JurisData n° 2005-031215 ; RD imm. 2006, p. 136 , note Ph. Malinvaud. '

En l'espèce, des motifs énoncés du chef de la garantie décennale, il résulte que les désordres sont concomitants à la réalisation même des travaux le 10 décembre 2018 comme le mentionne la chronologie de l'affaire récapitulée dans le rapport d'expertise judiciaire, les sociétés MMA convenant d'ailleurs elle-même que les désordres préexistaient à la réception. Précisément, les désordres sont antérieurs à la réception tacite des travaux matérialisée par le paiement des factures des 16 et 24 janvier 2019. Ils relèvent donc de la responsabilité contractuelle de droit commun engagée en l'espèce par les nombreuses non façon et malfaçons mises en lumière par le rapport d'expertise judiciaire. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les sociétés MMA, il résulte des pièces qu'elles produisent elles-mêmes aux débats que si elles garantissent la responsabilité décennale de la société Bourgeois, elles garantissent également sa responsabilité contractuelle de droit commun.

En effet, selon les conditions particulières du contrat d'assurance produites en pièce n° 1, est souscrite la responsabilité civile professionnelle (y compris responsabilité civile exploitation des locaux) ainsi que la responsabilité civile décennale ouvrages soumis à obligation d'assurance. D'ailleurs, une garantie « dommages subis par les travaux et équipements avant réception » est même expressément souscrite.

Cette garantie étant ainsi parfaitement mobilisable en l'espèce, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Bourgeois et son assureur, les sociétés MMA à indemniser M. et Mme [S] des conséquences pécuniaires des désordres engendrés par les travaux exécutés par la société Bourgeois, étant observé que le montant des condamnations prononcées en première instance n'est pas lui-même discuté.

Les dispositions accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant à titre principal à hauteur de cour, les sociétés MMA supporteront les dépens d'appel et verseront à M. et Mme [S] une indemnité complémentaire de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de sorte qu'elles seront déboutées de leur propre demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Blois

Et, y ajoutant,

Déboute la société MMA IARD Assurances mutuelles et la société MMA IARD de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne à payer à ce titre à M. et Mme [S] une indemnité complémentaire de 3000 euros,

Condamne la société MMA IARD Assurances mutuelles et la société MMA IARD aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Mme Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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