CA Angers, ch. a - civ., 4 novembre 2025, n° 23/01114
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'[Localité 9]
CHAMBRE A - CIVILE
YW/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 23/01114 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FFYO
Ordonnance [Localité 11] du 22 juin 2023
Juge de la mise en état de [Localité 12]
n° d'inscription au RG de première instance : 21/01141
ARRET DU 4 NOVEMBRE 2025
APPELANTES :
S.A. MMA IARD agissant en la personne de son représentant légal domicilié
en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Toutes deux représentées par Me Audrey PAPIN, substituant Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-[Localité 9], substituant Me Dominique BOUCHERON de la SELARL DOMINIQUE BOUCHERON, avocats au barreau d'ANGERS
S.A. SMABTP agissant poursuites et diligences de son représentant légal
domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 119025
S.C.I. G.DAMILYS prise en la personne de son représentant légal, M. [V] [R], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 12 novembre 2024 à 14 H 00, M. WOLFF, conseiller, ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame GANDAIS, conseillère
Monsieur WOLFF, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur DA CUNHA
ARRET : réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 4 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La société civile immobilière G.Damilys a fait construire courant 2004 deux maisons individuelles sur un terrain situé à [Localité 10] (49). Pour les besoins de cette opération, elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société MMA Iard Assurances Mutuelles. Les travaux de gros 'uvre ont été réalisés par la société [B] [J], assurée auprès de la société GAN assurances (la société GAN), sous la maîtrise d''uvre de la société Immobilier Construction, assurée quant à elle auprès de la société SMABTP. Les ouvrages ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbaux du 18 janvier 2005.
En 2009, des travaux de reprise en sous-'uvre par micropieux ont été financés par la société MMA Iard Assurances Mutuelles et réalisés par la société Soltechnic Aquitaine. Ils ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal du 9 décembre 2009.
Au cours de l'année 2017, la société G.Damilys s'est plainte de l'apparition de nouveaux désordres. Elle a alors fait assigner en référé la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Soltechnic Aquitaine par actes d'huissier de justice du 20 novembre 2018, et ce afin qu'une expertise soit ordonnée. Un expert a été désigné par ordonnance du 12 mars 2019. Par actes d'huissier du 19 avril 2019, la société MMA Iard Assurances Mutuelles a fait assigner les sociétés Immobilier Construction, SMABTP, [B] [J] et GAN, afin que les opérations d'expertise leur soient étendues, ce qui a été fait par ordonnance du 16 juillet 2019. L'expert a établi son rapport le 9 juillet 2021.
La société G.Damilys a ensuite fait assigner la société MMA Iard Assurances Mutuelles devant le tribunal judiciaire de Saumur par acte du 22 octobre 2021, aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices, matériel et locatif.
Après que le tribunal a, par jugement du 14 novembre 2022, rejeté la prescription opposée par les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard (les sociétés MMA), et renvoyé l'affaire à la mise en état, ces dernières ont appelé à la cause les sociétés [B] [J], GAN et SMABTP par actes du 21 décembre 2022, avant de se désister à l'égard de la société [B] [J].
Saisi d'abord par la société GAN, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 22 juin 2023, notamment :
Dit que l'action introduite par les sociétés MMA contre les sociétés GAN et SMABTP après l'expiration du délai de garantie décennale était prescrite ;
Condamné in solidum les sociétés MMA à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 euros à la société GAN et celle de 1000 euros à la société SMABTP ;
Condamné in solidum les sociétés MMA aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a indiqué que si le recours d'un constructeur dirigé à l'encontre d'un autre constructeur obéit au régime de la prescription quinquennale de droit commun, tel n'est en revanche pas le cas des recours de l'assureur dommages-ouvrage contre les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité décennale. Il a souligné que dans ce cas, le recours se prescrit par 10 ans à compter de la réception applicable aux actions introduites par le maître de l'ouvrage. Le juge de la mise en état a rappelé que les sociétés MMA ne sont pas intervenues en qualité de constructeur mais en qualité d'assureur dommages-ouvrage de sorte que la jurisprudence qu'elles allèguent (Civ. 3ème, 16 janvier 2020, n°18-25.915) n'est pas applicable. Au surplus, le juge a relevé qu'elles ne démontrent pas pour quelle raison elles n'interviendraient pas dans le cadre d'une subrogation dans les droits du 'maître d''uvre indemnisé' (sic) et pourquoi leur action serait soumise à une prescription d'une autre nature. Dans la mesure où la réception des travaux est intervenue le 18 janvier 2005, il en a déduit que l'action introduite par les sociétés MMA est prescrite car intervenant plus de 10 ans après ladite réception.
Les sociétés MMA ont relevé appel de ces chefs de l'ordonnance par déclaration du 10 juillet 2023, en intimant les sociétés GAN, SMABTP et G.Damilys.
L'avis de fixation a été adressé aux sociétés MMA le 21 juin 2014.
La société G.Damilys, à la personne de laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 28 juin 2024, n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 23 octobre 2024.
La cour a sollicité sur l'audience la transmission par les appelantes de l'assignation au fond qui leur a été délivrée le 22 octobre 2021 par le maître de l'ouvrage ainsi que les assignations en intervention forcée que la société MMA Iard Assurances Mutuelles a fait signifier par la suite aux sociétés GAN, SMABTP.
Suivant courrier adressé par voie électronique du 15 novembre 2024, les sociétés MMA ont communiqué les pièces de procédure sollicitées.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES PARTIES :
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2024, les sociétés MMA demandent à la cour :
D'infirmer l'ordonnance en ses dispositions leur faisant grief ;
De débouter les sociétés GAN et SMABTP de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leur moyen d'irrecevabilité ;
De déclarer en conséquence recevable leur demande de garantie formée contre les constructeurs ;
De confirmer l'ordonnance en ses dispositions non contraires ;
De condamner in solidum les sociétés GAN et SMABTP à leur verser la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
Les sociétés MMA soutiennent que :
Le délai décennal de l'article 1792-4-1 du code civil ne s'applique pas à l'action récursoire d'un constructeur contre un autre. Il en est de même de l'action récursoire de l'assureur dommages-ouvrage dont la responsabilité contractuelle est recherchée pour avoir manqué à son obligation de préfinancement de travaux pérennes. Leur action est donc nécessairement soumise au droit commun et donc régie par l'article 2224 du code civil. Elles n'agissent pas en tant que subrogées dans les droits et actions de leur assurée contre le tiers responsable, mais en garantie à l'égard des constructeurs. Le point de départ du délai quinquennal de prescription de leur action récursoire est l'assignation en référé qui a été délivrée à la demande de la société G.Damilys le 20 novembre 2018.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 août 2024, la société GAN demande à la cour :
De confirmer l'ordonnance ;
De condamner in solidum les sociétés MMA à lui verser la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ;
De condamner in solidum les sociétés MMA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La société GAN assurances soutient que :
Les recours de l'assureur dommages-ouvrage contre les constructeurs et leurs assureurs se prescrivent dans un délai de 10 ans à compter de la réception, applicable aux actions du maître de l'ouvrage.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2024, la société SMABTP demande à la cour :
De confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
De la mettre hors de cause ;
De condamner in solidum les sociétés MMA à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société SMABTP soutient que :
Les appels en garantie d'un assureur dommages-ouvrage, distincts de l'action subrogatoire, doivent être régularisés avant l'expiration du délai de forclusion décennale.
MOTIVATION :
- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par ailleurs, l'article 1792-4-3 du même code prévoit qu'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce, en premier lieu, il n'est pas discuté que les sociétés MMA, en leur qualité d'assureurs dommages-ouvrage recherchent la garantie des assureurs de la société Immobilier Construction, maître d'oeuvre et de la société [B] [J], entreprise de gros oeuvre. Il s'agit ainsi d'une action récursoire, se distinguant de l'action subrogatoire, fondée sur la garantie décennale, qui n'a pas lieu d'être puisque les sociétés MMA n'ont pas versé d'indemnité au maître de l'ouvrage pour les désordres dénoncés en 2017. Les termes des assignations en intervention forcée délivrées le 21 décembre 2022, au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil, aux sociétés GAN et SMABTP confirment que les sociétés MMA, s'appuyant sur les conclusions de l'expert judiciaire au titre de l'origine des désordres, mettent en cause la responsabilité du maître d'oeuvre et l'entreprise de gros-oeuvre : 'l'expert judiciaire retient ainsi une part de responsabilité de la société [J] qui n'a pas réalisé d'étude de sol et dont l'ouvrage est affecté d'importantes malfaçons ainsi que de la société Immobilier Construction, pour défaut de suivi du chantier' et ce, nonobstant la référence, qui peut susciter une confusion, à la responsabilité décennale desdits constructeurs et aux garanties à mobiliser de leurs assureurs respectifs.
En second lieu, la cour relève que l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°18.25.915), invoqué par les sociétés MMA précise que le délai de la prescription du recours d'un constructeur contre un autre constructeur et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, 'ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, n'a vocation à s'appliquer qu'aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants'. Cet arrêt a encore jugé que fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu'il est assigné par le maître de l'ouvrage en fin de délai d'épreuve, du droit d'accès à un juge.
Il se déduit de cet arrêt d'une part, que les actions récursoires échappent au champ d'application de l'article 1792-4-3 du code civil qui concerne les seules actions en responsabilité du maître de l'ouvrage contre les constructeurs. D'autre part, pour ces actions récursoires, le délai de prescription quinquennal de droit commun qui court 'à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer' a été privilégié par rapport à celui de l'article précité et ce afin de ne pas exposer le solvens au risque de forclusion lorsqu'il aura été assigné en fin de délai d'épreuve voire, comme en l'espèce, après l'expiration de ce délai.
Au surplus, l'action de l'article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l'ouvrage, n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construction (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 16-24.352).
Il résulte de ce qui précède que les sociétés MMA qui ne sont ni constructeurs ni assureurs de ces derniers, sont en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage du maître de l'ouvrage - non subrogé dans les droits de ce dernier-, des tiers à l'opération de construction. Elles ne sauraient dès lors être soumises au délai spécial de l'article 1792-4-3 du code civil qui ne concerne que le maître de l'ouvrage et qui aurait pour effet de faire courir une prescription dès la réception des travaux alors qu'elles ne pouvaient valablement agir. En définitive, leur appel en garantie dirigé contre les assureurs des constructeurs ne peut être régi que par l'article 2224 du code civil et son délai d'action de droit commun.
Les sociétés MMA situent le point de départ du délai de prescription de leur action récursoire au 20 novembre 2018, soit la date de l'assignation en référé-expertise qui a été délivrée par le maître d'ouvrage à la société MMA Iard Assurances Mutuelles.
Cette dernière a appelé, par actes d'huissier du 19 avril 2019, le maître d''uvre, l'entreprise de gros 'uvre et leurs assureurs respectifs aux fins de voir déclarer communes et opposables à leur égard les opérations d'expertise ordonnées suivant décision du juge des référés du 12 mars 2019. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 16 juillet 2019, interrompant ainsi le délai quinquennal de prescription. Dans la mesure où l'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 9 juillet 2021, ledit délai a recommencé à courir pour expirer le 9 juillet 2026.
Dès lors, l'action récursoire des sociétés MMA qui ont fait assigner les sociétés Gan et SMABTP le 21 décembre 2022 ne se heurte pas à la prescription et est recevable.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit prescrite cette action.
- Sur les frais irrépétibles et dépens
Au regard de la solution donnée par la cour, il y a lieu d'infirmer la décision déférée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.
La société GAN et la SMABTP, parties perdantes, seront condamnées in solidum à supporter les dépens exposés en première instance dans le cadre de l'incident et les dépens de la présente instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés MMA ayant exposé des frais dans le cadre de la présente instance, les sociétés GAN et SMABTP seront condamnées in solidum à leur payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile sans pouvoir pour leur part prétendre au bénéfice de ce texte.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
Infirme l'ordonnance du 22 juin 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saumur ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare recevable l'action en garantie formée par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à l'encontre de la société GAN Assurances et de la SMABTP ;
Condamne in solidum la société GAN Assurances et la SMABTP à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles ;
Déboute la société GAN Assurances et la SMABTP de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société GAN Assurances et la SMABTP aux dépens exposés en première instance dans le cadre de l'incident et aux dépens de la présente instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
D'[Localité 9]
CHAMBRE A - CIVILE
YW/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 23/01114 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FFYO
Ordonnance [Localité 11] du 22 juin 2023
Juge de la mise en état de [Localité 12]
n° d'inscription au RG de première instance : 21/01141
ARRET DU 4 NOVEMBRE 2025
APPELANTES :
S.A. MMA IARD agissant en la personne de son représentant légal domicilié
en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Toutes deux représentées par Me Audrey PAPIN, substituant Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-[Localité 9], substituant Me Dominique BOUCHERON de la SELARL DOMINIQUE BOUCHERON, avocats au barreau d'ANGERS
S.A. SMABTP agissant poursuites et diligences de son représentant légal
domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 119025
S.C.I. G.DAMILYS prise en la personne de son représentant légal, M. [V] [R], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 12 novembre 2024 à 14 H 00, M. WOLFF, conseiller, ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame GANDAIS, conseillère
Monsieur WOLFF, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur DA CUNHA
ARRET : réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 4 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La société civile immobilière G.Damilys a fait construire courant 2004 deux maisons individuelles sur un terrain situé à [Localité 10] (49). Pour les besoins de cette opération, elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société MMA Iard Assurances Mutuelles. Les travaux de gros 'uvre ont été réalisés par la société [B] [J], assurée auprès de la société GAN assurances (la société GAN), sous la maîtrise d''uvre de la société Immobilier Construction, assurée quant à elle auprès de la société SMABTP. Les ouvrages ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbaux du 18 janvier 2005.
En 2009, des travaux de reprise en sous-'uvre par micropieux ont été financés par la société MMA Iard Assurances Mutuelles et réalisés par la société Soltechnic Aquitaine. Ils ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal du 9 décembre 2009.
Au cours de l'année 2017, la société G.Damilys s'est plainte de l'apparition de nouveaux désordres. Elle a alors fait assigner en référé la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Soltechnic Aquitaine par actes d'huissier de justice du 20 novembre 2018, et ce afin qu'une expertise soit ordonnée. Un expert a été désigné par ordonnance du 12 mars 2019. Par actes d'huissier du 19 avril 2019, la société MMA Iard Assurances Mutuelles a fait assigner les sociétés Immobilier Construction, SMABTP, [B] [J] et GAN, afin que les opérations d'expertise leur soient étendues, ce qui a été fait par ordonnance du 16 juillet 2019. L'expert a établi son rapport le 9 juillet 2021.
La société G.Damilys a ensuite fait assigner la société MMA Iard Assurances Mutuelles devant le tribunal judiciaire de Saumur par acte du 22 octobre 2021, aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices, matériel et locatif.
Après que le tribunal a, par jugement du 14 novembre 2022, rejeté la prescription opposée par les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard (les sociétés MMA), et renvoyé l'affaire à la mise en état, ces dernières ont appelé à la cause les sociétés [B] [J], GAN et SMABTP par actes du 21 décembre 2022, avant de se désister à l'égard de la société [B] [J].
Saisi d'abord par la société GAN, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 22 juin 2023, notamment :
Dit que l'action introduite par les sociétés MMA contre les sociétés GAN et SMABTP après l'expiration du délai de garantie décennale était prescrite ;
Condamné in solidum les sociétés MMA à verser, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 euros à la société GAN et celle de 1000 euros à la société SMABTP ;
Condamné in solidum les sociétés MMA aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a indiqué que si le recours d'un constructeur dirigé à l'encontre d'un autre constructeur obéit au régime de la prescription quinquennale de droit commun, tel n'est en revanche pas le cas des recours de l'assureur dommages-ouvrage contre les constructeurs et leurs assureurs de responsabilité décennale. Il a souligné que dans ce cas, le recours se prescrit par 10 ans à compter de la réception applicable aux actions introduites par le maître de l'ouvrage. Le juge de la mise en état a rappelé que les sociétés MMA ne sont pas intervenues en qualité de constructeur mais en qualité d'assureur dommages-ouvrage de sorte que la jurisprudence qu'elles allèguent (Civ. 3ème, 16 janvier 2020, n°18-25.915) n'est pas applicable. Au surplus, le juge a relevé qu'elles ne démontrent pas pour quelle raison elles n'interviendraient pas dans le cadre d'une subrogation dans les droits du 'maître d''uvre indemnisé' (sic) et pourquoi leur action serait soumise à une prescription d'une autre nature. Dans la mesure où la réception des travaux est intervenue le 18 janvier 2005, il en a déduit que l'action introduite par les sociétés MMA est prescrite car intervenant plus de 10 ans après ladite réception.
Les sociétés MMA ont relevé appel de ces chefs de l'ordonnance par déclaration du 10 juillet 2023, en intimant les sociétés GAN, SMABTP et G.Damilys.
L'avis de fixation a été adressé aux sociétés MMA le 21 juin 2014.
La société G.Damilys, à la personne de laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 28 juin 2024, n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 23 octobre 2024.
La cour a sollicité sur l'audience la transmission par les appelantes de l'assignation au fond qui leur a été délivrée le 22 octobre 2021 par le maître de l'ouvrage ainsi que les assignations en intervention forcée que la société MMA Iard Assurances Mutuelles a fait signifier par la suite aux sociétés GAN, SMABTP.
Suivant courrier adressé par voie électronique du 15 novembre 2024, les sociétés MMA ont communiqué les pièces de procédure sollicitées.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES PARTIES :
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2024, les sociétés MMA demandent à la cour :
D'infirmer l'ordonnance en ses dispositions leur faisant grief ;
De débouter les sociétés GAN et SMABTP de l'ensemble de leurs demandes et notamment de leur moyen d'irrecevabilité ;
De déclarer en conséquence recevable leur demande de garantie formée contre les constructeurs ;
De confirmer l'ordonnance en ses dispositions non contraires ;
De condamner in solidum les sociétés GAN et SMABTP à leur verser la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
Les sociétés MMA soutiennent que :
Le délai décennal de l'article 1792-4-1 du code civil ne s'applique pas à l'action récursoire d'un constructeur contre un autre. Il en est de même de l'action récursoire de l'assureur dommages-ouvrage dont la responsabilité contractuelle est recherchée pour avoir manqué à son obligation de préfinancement de travaux pérennes. Leur action est donc nécessairement soumise au droit commun et donc régie par l'article 2224 du code civil. Elles n'agissent pas en tant que subrogées dans les droits et actions de leur assurée contre le tiers responsable, mais en garantie à l'égard des constructeurs. Le point de départ du délai quinquennal de prescription de leur action récursoire est l'assignation en référé qui a été délivrée à la demande de la société G.Damilys le 20 novembre 2018.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 août 2024, la société GAN demande à la cour :
De confirmer l'ordonnance ;
De condamner in solidum les sociétés MMA à lui verser la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ;
De condamner in solidum les sociétés MMA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La société GAN assurances soutient que :
Les recours de l'assureur dommages-ouvrage contre les constructeurs et leurs assureurs se prescrivent dans un délai de 10 ans à compter de la réception, applicable aux actions du maître de l'ouvrage.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2024, la société SMABTP demande à la cour :
De confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
De la mettre hors de cause ;
De condamner in solidum les sociétés MMA à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société SMABTP soutient que :
Les appels en garantie d'un assureur dommages-ouvrage, distincts de l'action subrogatoire, doivent être régularisés avant l'expiration du délai de forclusion décennale.
MOTIVATION :
- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Par ailleurs, l'article 1792-4-3 du même code prévoit qu'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.
En l'espèce, en premier lieu, il n'est pas discuté que les sociétés MMA, en leur qualité d'assureurs dommages-ouvrage recherchent la garantie des assureurs de la société Immobilier Construction, maître d'oeuvre et de la société [B] [J], entreprise de gros oeuvre. Il s'agit ainsi d'une action récursoire, se distinguant de l'action subrogatoire, fondée sur la garantie décennale, qui n'a pas lieu d'être puisque les sociétés MMA n'ont pas versé d'indemnité au maître de l'ouvrage pour les désordres dénoncés en 2017. Les termes des assignations en intervention forcée délivrées le 21 décembre 2022, au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil, aux sociétés GAN et SMABTP confirment que les sociétés MMA, s'appuyant sur les conclusions de l'expert judiciaire au titre de l'origine des désordres, mettent en cause la responsabilité du maître d'oeuvre et l'entreprise de gros-oeuvre : 'l'expert judiciaire retient ainsi une part de responsabilité de la société [J] qui n'a pas réalisé d'étude de sol et dont l'ouvrage est affecté d'importantes malfaçons ainsi que de la société Immobilier Construction, pour défaut de suivi du chantier' et ce, nonobstant la référence, qui peut susciter une confusion, à la responsabilité décennale desdits constructeurs et aux garanties à mobiliser de leurs assureurs respectifs.
En second lieu, la cour relève que l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°18.25.915), invoqué par les sociétés MMA précise que le délai de la prescription du recours d'un constructeur contre un autre constructeur et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, 'ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, n'a vocation à s'appliquer qu'aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants'. Cet arrêt a encore jugé que fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu'il est assigné par le maître de l'ouvrage en fin de délai d'épreuve, du droit d'accès à un juge.
Il se déduit de cet arrêt d'une part, que les actions récursoires échappent au champ d'application de l'article 1792-4-3 du code civil qui concerne les seules actions en responsabilité du maître de l'ouvrage contre les constructeurs. D'autre part, pour ces actions récursoires, le délai de prescription quinquennal de droit commun qui court 'à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer' a été privilégié par rapport à celui de l'article précité et ce afin de ne pas exposer le solvens au risque de forclusion lorsqu'il aura été assigné en fin de délai d'épreuve voire, comme en l'espèce, après l'expiration de ce délai.
Au surplus, l'action de l'article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l'ouvrage, n'est pas ouverte aux tiers à l'opération de construction (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 16-24.352).
Il résulte de ce qui précède que les sociétés MMA qui ne sont ni constructeurs ni assureurs de ces derniers, sont en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage du maître de l'ouvrage - non subrogé dans les droits de ce dernier-, des tiers à l'opération de construction. Elles ne sauraient dès lors être soumises au délai spécial de l'article 1792-4-3 du code civil qui ne concerne que le maître de l'ouvrage et qui aurait pour effet de faire courir une prescription dès la réception des travaux alors qu'elles ne pouvaient valablement agir. En définitive, leur appel en garantie dirigé contre les assureurs des constructeurs ne peut être régi que par l'article 2224 du code civil et son délai d'action de droit commun.
Les sociétés MMA situent le point de départ du délai de prescription de leur action récursoire au 20 novembre 2018, soit la date de l'assignation en référé-expertise qui a été délivrée par le maître d'ouvrage à la société MMA Iard Assurances Mutuelles.
Cette dernière a appelé, par actes d'huissier du 19 avril 2019, le maître d''uvre, l'entreprise de gros 'uvre et leurs assureurs respectifs aux fins de voir déclarer communes et opposables à leur égard les opérations d'expertise ordonnées suivant décision du juge des référés du 12 mars 2019. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 16 juillet 2019, interrompant ainsi le délai quinquennal de prescription. Dans la mesure où l'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 9 juillet 2021, ledit délai a recommencé à courir pour expirer le 9 juillet 2026.
Dès lors, l'action récursoire des sociétés MMA qui ont fait assigner les sociétés Gan et SMABTP le 21 décembre 2022 ne se heurte pas à la prescription et est recevable.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit prescrite cette action.
- Sur les frais irrépétibles et dépens
Au regard de la solution donnée par la cour, il y a lieu d'infirmer la décision déférée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.
La société GAN et la SMABTP, parties perdantes, seront condamnées in solidum à supporter les dépens exposés en première instance dans le cadre de l'incident et les dépens de la présente instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés MMA ayant exposé des frais dans le cadre de la présente instance, les sociétés GAN et SMABTP seront condamnées in solidum à leur payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile sans pouvoir pour leur part prétendre au bénéfice de ce texte.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
Infirme l'ordonnance du 22 juin 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saumur ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare recevable l'action en garantie formée par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à l'encontre de la société GAN Assurances et de la SMABTP ;
Condamne in solidum la société GAN Assurances et la SMABTP à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 2.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles ;
Déboute la société GAN Assurances et la SMABTP de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la société GAN Assurances et la SMABTP aux dépens exposés en première instance dans le cadre de l'incident et aux dépens de la présente instance d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE