CA Pau, 1re ch., 4 novembre 2025, n° 23/02476
PAU
Arrêt
Autre
PC/HB
Numéro 25/2999
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 04/11/2025
Dossier :
N° RG 23/02476
N° Portalis DBVV-V-B7H-IUIY
Nature affaire :
Recours entre constructeurs
Affaire :
Société [W] ESTRUCTURAS
C/
S.A.R.L. MODEX
SCCV ARGIAN
Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 septembre 2025, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 804 du code de procédure civile,
Madame France-Marie DELCOURT, Conseillère,
Madame Anne BAUDIER, Conseillère,
assistés de Madame Hélène BRUNET, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société [W] ESTRUCTURAS
société de droit étranger, immatriculée au RCS [Localité 7] sous le n° 442 304 911
représentée par ses représentants légaux, agissant poursuites et diligences,
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 6]
Représentée par Maître Manuel VELASCO de la SELARL L'HOIRY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉES :
S.A.R.L. MODEX
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 752 578 302
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Maître Brieuc DEL ALAMO de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
SCCV ARGIAN
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 834 174 492
agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Nicolas TRECOLLE, avocat au barreau de BAYONNE, et assistée de Maître Eric VISSERON, membre de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 24 JUILLET 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE
RG numéro : 2022002070
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCCV Argian a fait construire un ensemble immobilier résidentiel sur un terrain situé à [Localité 7] (64) sous la maîtrise d'oeuvre de la S.A.R.L. L.A. Architecture laquelle a sous-traité, par marché du 29 janvier 2018, la mission d'économie de la construction et de suivi des travaux à la S.A.R.L. Modex.
La société de droit espagnol [W] Estructuras s'est vue confier, pour un total initialement convenu de 983 000 € HT, les lots n° 1 (démolition), n° 2 (terrassement et VRD), n° 5 (gros oeuvre) et n° 14 (chape, carrelage, faïence).
Le chantier a débuté le 1er octobre 2018 et la réception des travaux a eu lieu le 15 septembre 2020.
Exposant ne pas avoir été réglée intégralement du prix des marchés de travaux, la société [W] Estructuras a saisi le président du tribunal de commerce de Bayonne qui, par ordonnance du 11 avril 2022, a fait injonction à la SCCV Argian de payer à la société [W] Estructuras les sommes de :
- 35 241,69 € et de 3 240 € à titre principal,
- 150 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 51,07 € au titre des frais de requête,
- 33,46 € dont 5,53 € de TVA au titre des dépens.
La SCCV Argian a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 20 mai 2022.
Par acte du 5 octobre 2022, la société [W] Estructuras a fait appeler en la cause la SARL Modex.
Par jugement du 24 juillet 2023, le tribunal de commerce de Bayonne a :
- reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,
- reçu dans sa forme la SCCV Argian en son opposition et l'a déclarée non fondée,
- condamné la SCCV Argian au paiement de la somme de 3 440,21 € à la société [W] Estructuras, plus intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement,
- débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire de la SARL Modex,
- débouté la SCCV Argian de sa demande de nomination d'un expert,
- condamné la SCCV Argian à régler à la société [W] Estructuras la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SCCV Argian aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer et d'huissier, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 266,96 €.
Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu :
- que l'opposition formée par la SCCV Argian est recevable, dès lors que même si la créance commerciale est d'un montant supérieur à 10 000 €, les parties ne sont soumises à l'obligation d'être représentées par un avocat ni au stade du dépôt de la requête en injonction de payer, ni au stade de la formation d'une opposition à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer rendue, et que la SCCV Argian a formé son opposition dans le délai légal,
- que l'acte initial d'assignation en intervention forcée de la SARL Modex est régulier de sorte que les demandes à son encontre sont recevables, dès lors que son implication et sa responsabilité potentielle dans les préjudices financiers allégués par la société [W] Estructuras sont clairement stipulées,
- que la moins-value de l'avenant n° 1 du lot gros-oeuvre pour 7 000 € HT se justifie par le désordre créé par la société [W] Estructuras (absence de pompage et nécessité de remplacer les portes par des portes plus résistantes à l'humidité) qu'il a fallu réparer,
- que la moins-value de l'avenant n° 2 du lot gros-oeuvre lié aux jardinières pour 5 000 € HT ne peut être appliquée au marché de la société [W] Estructuras dès lors que la SCCV Argian et la SARL Modex ne démontrent pas la non-conformité du marché qu'elles avaient contracté avec elle, ou une inexécution par elle des obligations de pose de jardinières,
- que la moins-value de l'avenant n° 3 du lot gros-oeuvre lié à des travaux de reprise de seuil pour 790 € HT ne peut être imputée à la société [W] Estructuras dès lors que la SCCV Argian et la SARL Modex ne démontrent pas qu'elle avait dans son marché, outre la pose d'un seuil en béton, l'exécution d'une étanchéité de ce seuil,
- que l'application de pénalités de 6 340,20 € TTC sur le lot gros-oeuvre correspondant aux frais de relogement de Mme [O] est justifiée dès lors que le retard de chantier, et donc de livraison des logements, sont causés par elle,
- que l'application d'une pénalité de 1 410 € TTC sur le lot gros-oeuvre correspondant au montant d'un devis pour le passage d'une caméra pour un débouchage n'est pas justifiée dès lors que la SARL Modex et la SCCV Argian ne justifient pas l'imputation partielle de cette facture ni n'apportent la preuve que le passage de la caméra était à la charge de la société [W] Estructuras,
- que l'application d'une pénalité de 4 794,85 € TTC concernant la levée des réserves sur le lot gros-oeuvre est justifiée au vu des pièces versées aux débats qui confirment la multiplication des désordres et le non-respect répété des échéances, contraignant le maître d'oeuvre à faire appel à des entreprises tierces pour achever les travaux avant l'échéance de garantie de parfait achèvement,
- que la plus-value de l'avenant n° 1 sur le lot carrelage pour 7 026,63 € HT est justifiée dès lors que la SCCV Argian indique l'avoir prise en compte dans le DGD et qu'elle n'est pas contestée par la société [W] Estructuras,
- que la moins-value de l'avenant n° 2 du lot carrelage pour 3 000 € HT est justifiée, dès lors que les travaux de salle de bain faisaient partie du lot attribué à la société [W] Estructuras, et qu'elle a elle-même émis le souhait que la reprise soit effectuée par une entreprise tierce et a indiqué en supporter le coût, lequel s'élève bien à 3 000 € HT selon facture produite par la SCCV Argian,
- que la plus-value de l'avenant n° 3 du lot carrelage pour 240 € HT et la plus-value de l'avenant n° 4 du lot carrelage pour 300 € HT sont justifiées dès lors que la SCCV Argian indique les avoir prises en compte dans le DGD et qu'elles ne sont pas contestées par la société [W] Estructuras,
- que la SCCV Argian démontre avoir procédé à un double paiement au titre du lot démolition, terrasse, VRD, pour la somme de 5 696,40 € TTC,
- qu'il résulte de ces éléments, que le montant dû par la SCCV Argian à la société [W] Estructuras au titre du lot gros-oeuvre est de 11 706,59 € TTC (881 665 € TTC de marché - 869 958,41 euros TTC déjà payés),
- que pour le lot carrelage, la société [W] Estructuras a bénéficié d'un trop-perçu de la SCV Argian de 2 569,44 €,
- que pour les lots démolition et terrassement, la société [W] Estructuras a bénéficié d'un trop-perçu de la SCCV Argian de 5 696,94 €,
- que la somme totale restant due par la SCCV Argian à la société [W] Estructuras est donc de 3 440,21 € (11 706,59 - (2 569,44 + 5 696,94)),
- que si la SARL Modex s'est vue confier une mission d'économie de la construction et de suivi des travaux par le maître d'oeuvre principal de l'opération, il est démontré que les préjudices financiers subis par la société [W] Estructuras ne sont causés que par des désordres dont elle est elle-même responsable, échouant à démontrer que la SARL Modex serait fautive, de sorte que sa demande de condamnation solidaire ne peut aboutir,
- que la désignation d'un expert ne se justifie pas, les parties ayant eu toute flexibilité pour apporter les évidences soutenant leurs demandes, et le tribunal ayant pu juger sur la base des pièces fournies.
La société [W] Estructuras a relevé appel de ce jugement par déclaration du 7 septembre 2023, en intimant la SCCV Argian et la S.A.R.L. Modex et en critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- débouté la SCCV Argian de sa demande de nomination d'un expert,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SCCV Argian aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer et d'huissier, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 266,96 €.
Par bulletin du 15 janvier 2025, les parties ont été avisées de la fixation de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 9 septembre 2025, avec une date de clôture de l'instruction fixée au 2 juillet 2025.
Le 2 septembre 2025, le conseil de la société [W] Estructuras a transmis et notifié des conclusions dites 'd'appelant n° 4" et un bordereau de communication de pièces complémentaires en sollicitant le 'rabat de la clôture, compte-tenu de la réception des conclusions des parties adverses la veille de la clôture'.
Par message reçu le 5 septembre 2025, le conseil de la SCCV Argian a demandé à la cour de rejeter les conclusions transmises et les pièces communiquées postérieurement au prononcé de la clôture.
Par conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2025, la société [W] Estructuras a demandé à la cour d'ordonner le 'rabat de la clôture' et, à titre subsidiaire de déclarer irrecevables les conclusions de la société Argian et de la société Modex notifiées les 30 juin et 1er juillet 2025.
A l'audience du 9 septembre 2025, le conseil de la société [W] Estructuras a maintenu sa demande principale visant à la révocation de l'ordonnance de clôture, le conseil de la SCCV Argian s'y est opposé et celui de la société Modex a indiqué s'en rapporter.
La cour a joint l'incident au fond et les conseils des sociétés [W] Estrucuturas et Modex ont déposé leur dossier et celui de la SCCV Argian a développé ses conclusions écrites.
MOTIFS
Sur les demandes en révocation d'ordonnance de clôture et en irrecevabilité de conclusions :
Il doit être rappelé:
- qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, que sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture (article 914-3 du C.P.C.),
- que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du conseiller de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision de la cour (article 914-4 du C.P.C.),
- que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense (article 15 du C.P.C.).
En l'espèce, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture régularisée par conclusions du 2 septembre 2025 est recevable mais doit être rejetée dès lors qu'il n'est justifié d'aucune cause grave depuis que ladite ordonnance a été rendue, cause grave que ne peuvent constituer des conclusions remises et notifiées antérieurement à son prononcé.
Il convient cependant de constater qu'en suite du bulletin de fixation notifié aux parties le 15 janvier 2025 (fixant la date de l'audience de plaidoirie au 9 septembre 2025 avec clôture annoncée au mardi 2 juillet 2025) et alors que les dernières conclusions de la société [W] Estructuras avaient été transmises et notifiées le 6 janvier 2025 :
- la SCCV Argian a déposé et notifié des conclusions dites 'n° 3" et communiqué 8 nouvelles pièces le vendredi 27 juin 2025 à 18 h 21,
- la S.A.R.L. Modex a transmis et notifié des conclusions dites 'd'intimé n° 2" le lundi 30 juin 2025 à 18h31.
Les dates de notification de ces conclusions et communication de pièces, très proches de celle de la clôture (deux jours avant pour celles de Modex, quatre jours avant - dont deux jours non ouvrables - pour celles d'Argian) ne permettaient manifestement pas au conseil de la société [W] Estructuras d'en prendre connaissance, d'en conférer avec sa cliente et d'y répondre utilement avant la clôture annoncée de longue date.
Ces circonstances caractérisent, de la part des sociétés intimées, un manquement à l'obligation de loyauté et au respect du principe du contradictoire énoncés aux articles 15 et 16 du C.P.C. (étant rappelé que la société Argian s'est opposée fermement à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par l'appelante) qui a causé un préjudice certain à la société [W] Estructuras, placée de facto dans l'impossibilité de répliquer utilement.
La cour déclarera en conséquence irrecevables :
- les conclusions de la S.A.R.L. Modex transmises et notifiées le 30 juin 2025 et les conclusions et pièces (38 à 45) transmises et communiquées le 27 juin 2025 par la SCCV Argian,
- irrecevables les conclusions remises et notifiées par la société [W] Estructuras les 2 et 8 septembre 2025, sauf en ce qu'elles tendent à voir ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et, à défaut prononcer l'irrecevabilité des dernières conclusions de la SCCV Argian et de la S.A.R.L. Modex ainsi que les pièces 23 et 24 communiquées le 2 septembre 2025.
Il sera donc statué sur la base des conclusions et pièces antérieurement communiquées, soit :
1 - les conclusions dites 'n° 3", notifiées le 6 janvier 2025, auxquelles il convient ici de se référer pour l'exposé des moyens de droit et de fait, par lesquelles la société [W] Estructuras, appelante, demande à la cour :
- de déclarer recevable et fondé son appel,
- y faisant droit, d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
> reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,
> reçu dans sa forme la SCCV Argian en son opposition, et l'a déclarée non fondée,
> condamné la SCCV Argian au paiement de la somme de 3 440,21 € à la société [W] Estructuras, plus intérêts à taux légal à compter de la date de signification du jugement,
> débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire de la SARL Modex,
> condamné la SCCV Argian à régler à la société [W] Estructuras la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
> débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif,
- statuant à nouveau,
> de condamner la SCCV Argian et la SARL Modex solidairement à lui verser la somme de 38 481,59 €,
> de dire et juger que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal en vigueur,
- de condamner la SCCV Argian et la SARL Modex au versement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCCV Argian de sa demande reconventionnelle tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 917,84 €.
2 - les conclusions dites 'd'intimé et d'appelant incident n° 2", remises et notifiées le 31 octobre 2024 auxquelles il convient ici de se référer pour l'exposé des moyens de droit et de fait et au terme desquelles la SCCV Argian demande à la cour :
- de juger l'appel recevable mais non fondé et de débouter la société [W] Estructuras de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son opposition n'était pas fondée et l'a condamnée à payer à la société [W] Estructuras la somme de 3 440,21 € avec intérêts au taux légal, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance, en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer et d'huissier dont les frais de greffe liquidés à la somme de 266,96 €,
- de débouter la société [W] Estructuras de ses demandes,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et statuant à nouveau, de condamner reconventionnellement la société [W] Estructuras à lui payer la somme de 917,84 €,
- en toute hypothèse, de condamner la société [W] Estructuras à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de procédure.
3 - les conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2024, auxquelles il convient ici de se référer pour l'exposé des moyens de droit et de fait, au terme desquelles la SARL Modex demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire à son encontre,
- de débouter la société [W] Estructuras de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner la société [W] Estructuras à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance,
- de condamner la société [W] Estructuras aux entiers dépens.
SUR CE
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable, en application de l'article 1415 du C.P.C., l'opposition formée, par courrier du 20 mai 2022, par la SCCV Argian à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2022, signifiée à celle-ci par acte du 22 avril 2022.
La cour examinera en premier lieu la demande en paiement de solde de travaux restant prétendument dû formée par la société [W] Estructuras contre son cocontractant, la SCCV Argian, maître d'ouvrage avant de statuer sur les demandes formées par la société [W] Estructuras contre la S.A.R.L. Modex, sur un fondement extracontractuel.
Sur la demande formée par la société [W] Estructuras contre la SCCV Argian :
Il doit être rappelé:
- que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation (article 1353 du code civil),
- que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution (article 1217 du code civil).
En l'espèce, l'analyse des écritures et des pièces régulièrement versés aux débats établit :
- que le montant global des marchés dont la société [W] Estructuras était titulaire s'élève à la somme de 1 189 479,96 € T.T.C. dont 901 200 € T.T.C. au titre du lot gros-oeuvre, 216 000 € T.T.C. au titre des lots démolition, terrassement, VRD et 71 479,96 € T.T.C. au titre du lot carrelage-faïence (marché de base et avenants en plus-value non contestés compris),
- qu'il a été versé à la société [W] Estructuras les sommes de 216 000 € T.T.C. au titre du lot 'démolition, terrassement, VRD', 865 958,41 € T.T.C. au titre du lot 'gros-oeuvre' et de 70 449,40 € au titre du lot 'chape, carrelage, faïence',
- que la société [W] Estructuras sollicite le règlement d'une somme globale de 38 481,59 € T.T.C. correspondant aux soldes restant dus sur les lots 'gros-oeuvre' (35 241,59 €) et 'chape, carrelage, faïence' (3 240,00 € T.T.C.),
- que la SCCV Argian (qui ne conteste pas le montant théorique de la créance de solde de travaux invoquée par la société [W] Estructuras) oppose à cette réclamation diverses créances réciproques au titre de moins-values, retenues, pénalités et trop-perçus afférents aux lot 'gros-oeuvre', 'carrelage' et 'démolition, terrassement, VRD'.
1 - S'agissant du lot 'gros-oeuvre'
A la réclamation de la société [W] Estructuras sollicitant le paiement du solde restant dû (non contesté en son montant théorique de 35 241,59 € T.T.C.), la SCCV Argian oppose, au visa de l'article 1217 du code civil, des créances réciproques au titre de diverses moins-values et retenues d'un montant global de 27 893,05 € T.T.C. qui seront examinées ainsi qu'il suit :
1-1 : moins-value de 7 000 € H.T. (avenant dit 'n° 1')
La SCCV Argian se prévaut de ce chef d'un 'avenant' établi le 10 juillet 2020 par le maître d'oeuvre d'exécution, à concurrence de la somme de 7 000 € H.T. représentant le coût de remplacement de sept portes d'accès aux sous-sols endommagées par de l'eau stagnante s'étant accumulée en l'absence de dispositif d'évacuation des eaux pluviales (pompe de relevage) et elle soutient en substance qu'il appartenait, en application du CCTP, à la société [W] Estructuras d'assurer, jusqu'à l'achèvement de l'ouvrage, le maintien hors d'eau des sous-sols par un dispositif provisoire d'évacuation, que ce dispositif avait été installé par ses soins mais qu'elle ne l'avait pas reconnecté au réseau après la mise en place du dispositif définitif qui ne pouvait lui-même être mis en fonctionnement avant la réception de l'ouvrage.
La société [W] Estructuras conteste avoir commis un quelconque manquement de ce chef en soutenant que l'installation d'une pompe de relevage n'était pas incluse dans sa mission, telle que définie par le CCAP (qui la mettait à la charge des entreprises titulaires des lots plomberie ou étanchéité), qu'elle a cependant gracieusement fourni et mis en place un dispositif provisoire qui a été enlevé lors de la mise en place du dispositif définitif, qu'elle a avisé la maîtrise d'oeuvre d'exécution des risques encourus en l'absence de dispositif en fonctionnement effectif et que celle-ci a refusé de faire fonctionner le dispositif définitif avant la réception.
Sur ce,
Il doit être considéré :
- que la circonstance que le CCTP annexé aux marchés de travaux n'a pas été régulièrement produit aux débats doit demeurer sans incidence dès lors que dans sa note, le propre expert mandaté par la société [W] Estructuras en fait état et l'analyse, en en donnant une description conforme à celle de la SCCV Argian, s'agissant de la clause relative à la mise en place d'une installation provisoire d'évacuation des eaux pluviales en sous-sol,
- que les photographies versées aux débats (pièce 8 de la SCCV Argian) établissent les dégradations des portes d'accès aux niveaux inférieurs causées par l'eau stagnante (humidité, gonflement) et le nécessité de leur remplacement,
- que le CCTP - qui définit les ouvrages et les conditions particulières de leur exécution - prévalant sur le CCAP, l'installation et le maintien en fonctionnement d'un dispositif provisoire jusqu'à l'achèvement des travaux marqué par leur réception incombaient donc à la société [W] Estructuras,
- qu'aucun élément objectif du dossier n'établit l'impossibilité de raccorder la pompe provisoire, notamment par piquage, au dispositif définitif qui ne pouvait être mis en service avant la réception des travaux,
- qu'à défaut d'y avoir procédé, la société [W] Estructuras a manqué à son obligation contractuelle et que la retenue de 7 000 € H.T., soit 8 400 € T.T.C., opérée par le maître d'ouvrage par 'avenant' du 10 juillet 2020, au titre du coût de remplacement des portes d'accès au sous-sol est justifiée, tant dans son principe que dans son montant, la preuve n'étant pas rapportée d'un remplacement des portes endommagées par des portes d'une valeur sensiblement supérieure,
- que la circonstance que l'avenant n'a pas été signé par la société [W] Estructuras est sans incidence dès lors que la preuve de son manquement à ses obligations contractuelles et du préjudice en résultant pour le maître d'ouvrage est rapportée,
- que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu de ce chef l'existence de la créance réciproque invoquée par la SCCV Argian.
1-2 : moins-value de 5 000 € (avenant dit 'n° 2')
Le tribunal a rejeté les prétentions de la SCCV Argian en considérant qu'elle n'apportait pas la preuve de la non-conformité d'un marché qu'elle avait contracté avec la société [W] Estructuras ou d'une inexécution par celle-ci de son obligation de pose des jardinières.
La société [W] Estructuras n'a pas expressément conclu de ce chef et est réputée solliciter la confirmation du jugement déféré.
La SCCV Argian conclut de ce chef à l'infirmation du jugement et demande à la cour de valider l'avenant établi le 5 août 2020 (pièce n° 5) par le maître d'oeuvre d'exécution à concurrence de la somme de 5 000 € H.T. en exposant avoir dû régler à une tierce société (Atout Fer) le coût de fourniture et de pose de jardinières en raison de la non-conformité de celles posées par la société [W] Estructuras, telle que mentionnée dans un compte-rendu de chantier du 21 juillet 2020 (pièce 32).
Sur ce,
Il doit être considéré :
- que la SCCV Argian verse aux débats (pièce 32) le compte-rendu de la réunion de chantier du 21 juillet 2020 (mentionnant la présence du représentant de la société [W] Estructuras) stipulant, s'agissant du lot 'gros-oeuvre' :
> point 71-12 'rappel 3' : refus par Modex et Argian du mode de pose des jardinières, comme prévu [W] devra poser la jardinière sur les dalles sur plots, prévoir un vide entre le relevé béton séparatif des deux types de TT, les dalles sur plots ne viendront pas en butée du relevé,
> point 73-3 'rappel 2' il est constaté ce jour que les jardinières ont la peinture qui s'enlève comme une pellicule, [W] devra reprendre l'ensemble des jardinières et prévoir un thermolaquage,
> point 75-8 'rappel' : [W] s'engage à ce jour à reprendre l'ensemble des jardinières avec une finition thermolaquée pour le 11 juillet 2020,
> point 76-12 : suite à la réunion de ce jour, en présence de la société [W] Estructuras et de la SCCV Argian, l'entreprise devra enlever les jardinières du logement 301, réalisation des jardinières par une tierce entreprise aux frais de [W].
- que ce compte-rendu de réunion stipule en page de garde qu'il vaudra acceptation si, dans les 7 jours suivant son édition aucune remarque écrite n'est formulée par les intéressés au maître d'oeuvre,
- qu'à défaut de justification d'une remarque écrite de la société [W] Estructuras, celle-ci est réputée avoir accepté les termes du point 76-12,
- que la SCCV Argian verse aux débats (pièce 5) le devis de la société Atout Fer pour un montant de 5 000 € H.T.,
- que l'avenant n° 2 est ainsi justifié,
- que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté la SCCV Argian de son application d'une moins-value de 5 000 € H.T., soit 6 000 € T.T.C. de ce chef.
1-3 : moins-value de 790,00 € (avenant n° 3)
Un avenant en moins-value a été signé par le maître d'ouvrage le 2 mars 2021 à concurrence d'une somme de 790,00 € H.T. au titre de la mise en place d'une équerre résine sur seuil sous dallage sur plots.
Le tribunal a débouté la SCCV Argian de 'l'application de cette moins-value' considérant qu'elle n'apportait pas la preuve que [W] avait dans son marché, outre la pose d'un seuil en béton, l'exécution d'une étanchéité de ce seuil.
La société [W] Estructuras n'a pas conclu expressément de ce chef et est réputée solliciter la confirmation du jugement déféré.
La SCCV Argian conclut à l'infirmation du jugement en exposant que la reprise d'étanchéité a été envisagée dans le cadre de la levée des réserves suite à un manquement de la société [W] Estructuras qui avait scellé la dalle sur plot à la menuiserie extérieure, ce qui a nécessité la mise en place d'une équerre en résine sur le seuil de la baie vitrée, que cette malfaçon incombait à l'entreprise qui n'a pas voulu intervenir pour reprendre ses travaux, qu'il est constant qu'il appartenait à la société [W] Estructuras d'assurer l'étanchéité de son ouvrage et de ne pas détériorer l'étanchéité par des malfaçons affectant ses travaux.
Sur ce,
La SCCV Argian ne verse aux débats aucun élément objectif et vérifiable au soutien de ses allégations selon lesquelles l'intervention de la société GMT est imputable à un manquement de la société [W] Estructuras à ses obligations contractuelles, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prendre en compte l'avenant n° 3.
1-4 : retenue de 6 340,20 € TTC
Le tribunal a jugé que cette pénalité (correspondant au coût de logement provisoire d'un acheteur d'un lot de copropriété (Mme [O]) en raison d'un retard de livraison imputable à la société [W] Estructuras) était justifiée.
La société [W] Estructuras conclut à l'infirmation du jugement de ce chef en soutenant :
- que le tribunal ne pouvait sans se contredire considérer que le retard dans le livraison des logements a été largement causé par [W] et condamner celle-ci au paiement de la totalité des frais de relogement,
- qu'il convient de tenir compte de divers éléments qui ne lui sont pas imputables et qui ont eu pour conséquence de retarder le délai de livraison d'au moins 14 semaines :
> interruptions du chantier à l'initiative de Modex du 12 au 22 février 2019 et pendant le confinement du 17 mars au 13 mai 2020,
> intempéries non prises en compte bien qu'approuvées par la maîtrise d'oeuvre à concurrence de six semaines selon le décompte établi par l'expert privé qu'elle a mandaté,
> non prise en compte de l'incidence de la modification du projet (création d'un second sous-sol sans modification du planning initial),
> erreurs imputables à la maîtrise d'oeuvre dans l'enchaînement des tâches en chevauchant/anticipant des tâches alors que les tâches précédentes n'étaient pas terminées, décrites dans la note expertale de M. [V],
> non prise en compte de certains événements (fermeture imposée pour les fêtes de [Localité 7], le sommet du G7, le 15 août et 2 jours de congé obligatoires en août).
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement entrepris en soutenant que les premiers juges ont exactement retenu qu'il résulte des pièces que dès le début du projet des retards significatifs et défauts de rattrapage répétés ont été notifiés à [W] par LRAR du 4 novembre 2019.
Sur ce,
Force est de constater :
- que la SCCV Argian a versé aux débats un contrat de location meublée visant la période du 26 mars au 20 mai 2020 pour un montant de 2 576 € T.T.C. (aucun justificatif d'une reconduction de ce contrat n'étant produit, lequel ne saurait être que ne saurait constituer l'inscription manuscrite, dans la case montant total, '+ 1920 € -> 7.8.20'), quatre factures de garde-meubles pour la période du 13 mai au 4 août 2020 pour un montant total de 713,20 € T.T.C. portant le tampon 'payé', une facture de livraison de meubles pour le 5 août 2020 d'un montant de 1 047 € T.T.C. ne portant pas de mention de paiement et une facture de frais de stockage de cuisine pour 2 mois, d'un montant de 84 € T.T.C. ne portant pas mention de son paiement,
- qu'elle n'a pas produit la LRAR du 4 novembre adressée par Modex à la société [W] Estructuras à laquelle elle fait référence dans ses écritures, étant par ailleurs constaté que ne figure dans les pièces produites par Modex qu'une LRAR du 7 novembre 2019 adressée à la SCCV Argian (pièce 4 de la S.A.R.L. Modex),
- qu'aucune explication n'a été fournie en réplique aux arguments de la société [W] Estructuras, étayés par la note exertale de M. [V], soumise à la libre discussion des parties, faisant état d'événements et causes d'arrêts des travaux non imputables à l'appelante et non prises en compte par le maître d'ouvrage,
- que les autres pièces régulièrement communiquées et spécialement le compte-rendu de réunion de chantier du 21 juillet 2020 sont insuffisantes à évaluer précisément le retard effectif de livraison et à l'imputer, en tout ou partie, à la société [W] Estructuras qui le conteste.
La preuve d'un retard de livraison imputable à la société [W] Estructuras à l'origine de l'exposition des dépendes dont la SCCV Argian exposé avoir exposées au profit de Mme [O] n'étant pas rapportée, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a jugé que la retenue opérée de ce chef était justifiée.
1-5 : retenue de 1 410 €
Le tribunal a rejeté la demande de la SCCV Argian en considérant que ni Argian ni Modex n'expliquent la justification d'une imputation partielle de la facture de 2 598 € T.T.C. ni ne rapportent la preuve que le passage de caméra était à la charge de [W].
La SCCV Argian conclut à l'infirmation du jugement en se prévalant du point 49-7 du compte-rendu de chantier du 20 juillet 2020.
La société [W] Estructuras n'a pas conclu de ce chef.
Sur ce,
Le P.V. de réunion de chantier du 20 juillet 2020 dont il a ci-dessus été constaté qu'il n'a fait l'objet d'aucune contestation par la société [W] Estructuras, rappelle (point 49-7) que la société [W] Estructuras devra réaliser un passage caméra avec rapport sur l'ensemble du réseau EP et [Localité 8] extérieur au bâtiment.
La SCCV Argian produit au soutien de sa demande une facture (portant acquit) de la S.A.S Aquitaine Débouchage du 30 novembre 2020 listant divers postes d'intervention dont les seuls en lien avec les obligations résultant pour la société [W] Estructuras du P.V. du 20 juillet 2020 sont: passage caméra dans l'ensemble du réseau EP et [Localité 8] (475 € H.T.) et rapport d'inspection vidéo (75 € H.T.).
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'Argian et la cour, statuant à nouveau, fixera la retenue opposable à la société [W] Estructuras à la somme de 550 € H.T. soit 660 € T.T.C.
1-6 : retenue de 4 794,85 € T.T.C. au titre des frais nécessaires à la levée des réserves
Les premiers juges ont considéré que cette pénalité était justifiée au motif qu'il résulte des éléments versés aux débats que la multiplication des désordres, non-respect des échéances de façon répétée contraignant le maître d'oeuvre à faire appel à des entreprises tierces avant l'échéance de garantie de parfait achèvement ne permettaient pas à la société [W] Estructuras de faire le nécessaire pour que les réserves soient levées.
La société [W] Estructuras conclut à l'infirmation du jugement en exposant que l'ensemble des réserves a été levé à l'exception de la reprise des peintures, pour laquelle, n'ayant pas de peintre en poste, elle a dû faire appel à un prestataire extérieur, indisponible sur la période estivale, qu'en accord avec le maître d'oeuvre d'exécution, il a été convenu que la reprise soit réalisée avant l'expiration du délai de parfait achèvement (mail du 29 avril 2021) que malgré cela, elle s'est vue opposer les refus des propriétaires qui avaient contracté avec une tierce entreprise pour la reprise des peintures, que la SCCV Argian ne prouve pas que d'autres réserves n'auraient pas été levées, ce qui aurait nécessité un recours à des tierces entreprises dont il n'est pas justifié.
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement entrepris dont elle fait sienne la motivation.
Sur ce,
Il doit être rappelé que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception, que les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné et qu'en l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant (article 1792-6 du code civil).
En l'espèce, la SCCV Argian verse aux débats :
- un tableau récapitulatif des réserves émises à réception ou dans l'année de celle-ci relativement aux ouvrages réalisés par la société [W] Estructuras et les factures des entreprises intervenues en lieu et place de cette dernière (pièce 10),
- le courrier adressé par la S.A.R.L. Modex à la société [W] Estructuras le 19 octobre 2020 valant mise en demeure d'exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves concernant les désordres signalés à la réception (pièce 26).
Par ailleurs, la société [W] Estructuras verse aux débats (pièces 15 à 17 et 24) des courriers et mails échangés avec la S.A.R.L. Modex et la SCCV Argian au sujet des modalités de reprise des désordres en vue de la levée des réserves.
Il doit être considéré :
- s'agissant des désordres signalés à réception (n° appt 0.4 et 1.2), que la société [W] Estructuras n'a pas effectué les travaux permettant la levée des réserves dans le délai imparti par la mise en demeure du 19 octobre 2020,
- s'agissant des désordres subis par une copropriété voisine (résidence [Adresse 9]) que la société [W] Estructuras n'a pas respecté le délai de reprise mentionné dans le mail du 23 mars 2021 valant mise en demeure(pièce 6 de Modex),
- s'agissant des désordres dénoncés dans l'année de la réception (n° appt 3.1 et 3.2) , à supposer même qu'il ait été convenu que les travaux de réfection soient réalisées au plus tard à l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, soit le 5 août 2021 (mail du 1er mars 2021 invoqué), force est de constater que la société [W] Estructuras n'avait pas à cette date exécuté les travaux de reprise et que la société maître d'ouvrage était fondée, compte-tenu du risque d'engagement de procédures par les acquéreurs à faire exécuter les travaux nécessaires par des tierces entreprises, aux frais de la société [W] Estructuras.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que la pénalité de 4 794,85 € T.T.C. appliquée par la SCCV Argian était justifiée.
1-7 : apurement des comptes au titre du lot gros-oeuvre
En définitive, s'agissant du lot 'gros-oeuvre', la SCCV Argian est fondée à opposer à la réclamation de la société [W] Estructuras au titre du solde restant dû (35 241,59 € T.T.C.) une créance réciproque d'un montant global de 19 854,85 € T.T.C.
2 - S'agissant du lot 'carrelage'
Les parties s'opposent sur l'apurement des comptes au titre du lot carrelage, la SCCV Argian soutenant que la société [W] Estructuras a bénéficié d'un trop-perçu de 2 569,44 €, après règlement du montant du marché et des avenants en plus-value, libération de la retenue de garantie, versement d'un delta de 2 209,40 € T.T.C. suite à réclamation de l'entreprise et application d'une retenue de 3 600 € T.T.C. au titre d'un avenant 'n° 2' (pièce 16) pour le coût d'intervention d'une tierce entreprise (S.A.R.L. Atlantic Revêtements) pour une 'reprise des bandes de placo' (facture du 15 juin 2020).
Le tribunal a jugé :
- que cette moins-value était bien-fondée en retenant que dans un échange de courriels du 27 mai 2020 entre la société [W] Estructuras et la SCCV Argian, il est rapporté que lors d'un entretien du 26 mai 2020, [W] a souhaité qu'Atlantic Revêtements procède à la reprise, à ses frais,
- que l'analyse des pièces produites établissait l'existence du trop-perçu invoqué par la SCCV Argian.
La société [W] Estructuras conclut à l'infirmation du jugement en soutenant qu'elle a elle-même effectué les travaux de reprise qui consistaient à enlever l'excédent de produits d'étanchéité hors l'emprise de la faïence pour permettre au peintre d'intervenir et en exposant qu'elle n'a jamais donné son accord sur l'avenant litigieux et qu'elle n'a jamais consenti à ne diminution de sa prestation à concurrence de 2 209,40 €.
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement sur ce point, en exposant que l'intervention d'Atlantic Revêtements a été validée d'un commun accord lors d'une réunion sur site le 26 mai 2020 et que la société [W] Estructuras impute erronément en moins-value le versement d'une somme de 2 209,40 € négocié entre les parties en fin de chantier.
Sur ce,
Il doit être considéré, à l'analyse des pièces versées aux débats :
- que le montant global du marché est (avenants en plus-value non contestés et acceptation par le maître d'ouvrage du 'delta' de 2 209,40 € T.T.C. (pièce20) compris), de 73 789,39 € T.T.C.,
- que la retenue de 3 600 € T.T.C. au titre des reprises effectuées par la société Atlantic Revêtements est justifiée :
> tant dans son principe, au vu :
* d'une part, des courriels échangés les 27 et 28 mai 2020 par lesquels le maître d'ouvrage indique qu'il a été convenu le 26 mai 2020 que la reprise des SPEC en haut des faïences serait effectuée, aux frais de [W], par la société Atlantic Revêtements, et la société [W] Estructuras ne formule aucune contestation sur ce point),
* d'autre part, de l'absence de justification par la société [W] Estructuras de la réalisation par ses soins des travaux de reprise dont s'agit pour lesquels est produite la facture d'Atlantic Revêtements,
> que dans son montant, correspondant à la facture précitée,
- que les sommes dues à la société [W] Estructuras au titre de ce marché de travaux s'élèvent à 70 189,40 € T.T.C.,
- que la société [W] Estructuras a perçu sur ce lot une somme de 70 449,40 €,
- qu'il existe un trop-perçu de 260 € T.T.C.
3 - S'agissant du lot 'démolition-VRD-terrassement'
Le tribunal a fait droit à la demande de la SCCV Argian invoquant le double paiement d'une somme de 5 696,40 € T.T.C.
La société [W] Estructuras soutient que la SCCV Argian ne justifie pas, au titre du lot dont s'agit, du paiement d'une somme de 221 696,94 € T.T.C. (soit le montant du marché : 216 000 € T.T.C. et le double paiement invoqué: 5 696,94 € T.T.C.).
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement déféré sur ce point en exposant que le double paiement par elle invoqué est établi par les extraits de compte versés aux débats (pièces 36 et 37) desquels il résulte :
- qu'un virement de 13 367,69 € a été effectué le 25 août 2020 correspondant à la situation 3 du lot carrelage pour 7 671,05 € T.T.C. et à la situation 8 du lot VRD pour 5 696,94 € T.T.C.,
- quun deuxième virement de 5 696,64 € T.T.C. a été effectué le 30 septembre 2020 correspondant à la situation 8 du lot VRD.
Sur ce,
A défaut de production des situations de travaux 3 du lot 'carrelage' (lot 14) et 8 du lot 'démolition-VRD-terrassement' (lots 1 et 2) et alors même que le virement de 5 696,64 € du 30 septembre 2020 est mentionné sur l'extrait de compte comme réalisé au titre d'un 'lot 8' et que le double paiement allégué porte sur des sommes différentes (5 696,94 € comme soutenu par Argian au titre du règlement d'août 2020 et 5 694,64 € au titre du second virement de septembre 2020), il est impossible de vérifier la réalité même de ce double paiement, contesté par la société [W] Estructuras.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a reconnu de ce chef l'existence d'une créance de la SCCV Argian d'un montant de 5 696,94 € T.T.C. et la SCCV Argian sera déboutée de ce chef de demande.
4 - Apurement définitif des comptes
Il convient d'ordonner la compensation des créances réciproques des parties et, infirmant le jugement entrepris, de condamner la SCCV Argian à payer à la société [W] Estructuras la somme de 18 366,74 € T.T.C. au titre du solde restant dû sur les marchés de travaux du chantier litigieux, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer valant mise en demeure.
Sur la demande formée par la société [W] Estructuras contre la S.A.R.L. Modex :
La société [W] Estructuras demande à la cour, infirmant le jugement entrepris, de condamner solidairement la S.A.R.L. Modex à lui payer la somme de 38 481,59 € en soutenant :
- que Modex a commis de nombreux manquements dans le cadre de sa mission de maîtrise d'oeuvre lui ayant causé un préjudice,
- que s'agissant du pompage de l'eau et du remplacement des portes en sous-sol, que le désordre émane d'une directive contradictoire de Modex, que l'évacuation des eaux ne lui incombait pas et que Modex a refusé de mettre en marche les pompes définitives, que le préjudice lié au remplacement des portes est la conséquence de sa carence et qu'elle est fondée à solliciter la condamnation solidaire des sociétés Modex et Argian,
- s'agissant de la gestion du chantier, que le projet initial a fait l'objet de changements importants qui auraient dû entraîner une adaptation des délais d'exécution que Modex a refusé d'entreprendre, imposant des délais impossibles à atteindre.
La S.A.R.L. Modex conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société [W] Estructuras de ses demandes à son encontre en exposant :
- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans l'exécution de sa mission de coordination et direction du chantier dès lors qu'en sa qualité de maître d'oeuvre, elle n'est pas responsable du choix des entreprises, lesquelles sont contractuellement liées au maître de l'ouvrage,
- qu'elle a été contrainte de régulariser plusieurs avenants et d'appliquer des pénalités de retard en raison des seuls manquements et retards accumulés par la société [W] Estructuras qui a toujours été informée de l'intervention d'entreprises tierces du fait de ses carences malgré les sollicitations réitérées, générant des dépenses additionnelles justifiées,
- qu'il n'est pas démontré que les retards du chantier seraient dus à sa négligence, alors que le planning des travaux a été modifié à plusieurs reprises pour permettre à la société [W] Estructuras d'effectuer les travaux dans les délais,
- que les préjudices financiers subis par la société [W] Estructuras ne sont liés qu'à des désordres dont celle-ci est elle-même responsable,
- que l'avenant n° 1 sur le lot gros-oeuvre pour une moins-value de 7 000 € HT est justifié par la défaillance de la pompe mise en place par la société [W] Estructuras, qui a nécessité l'intervention d'une société tierce alors que le pompage provisoire et la mise en place de la pompe définitive étaient à sa charge suivant le devis qu'elle a établi,
- que l'avenant n° 2 sur le lot gros-oeuvre pour une moins-value de 5 000 € HT correspond à la pose de jardinières qui était initialement dévolue au lot gros-oeuvre mais dont la réalisation a finalement été assurée par l'entreprise en charge du lot serrurerie,
- que l'avenant n° 3 sur le lot gros-oeuvre pour une moins-value de 790 € se justifie par l'intervention d'une entreprise tierce pour la reprise d'une malfaçon imputable à la société [W] Estructuras,
- que les inexécutions de la société [W] Estructuras sur le lot carrelage ont nécessité l'achat de fournitures supplémentaires pour un montant total de 7 026,63 €,
- qu'au titre du lot démolition, la SCCV Argian a réglé par erreur deux fois le solde dû au titre du DGD pour la somme de 5 696,94 €.
Sur ce,
La S.A.R.L. Modex, intervenue sur le chantier litigieux en qualité de maître d'oeuvre d'exécution, ne peut, en l'absence de tout lien contractuel avec la société [W] Estructuras, être condamnée au paiement du solde restant dû des travaux exécutés par celle-ci dont est seul débiteur le maître d'ouvrage mais seulement à des dommages-intérêts en réparation d'un éventuel manquement à ses obligations ayant causé un préjudice à la société [W] Estructuras, au titre des pénalités, moins-values et retenues pratiquées par le maître d'ouvrage.
En l'espèce, il résulte de ce qui précède que les moins-values, frais, retenues et pénalités dont le bien-fondé a été reconnu sont exclusivement imputables à des manquements de la société [W] Estructuras à ses obligations contractuelles et qu'aucune faute de la S.A.R.L. Modex à ses propres obligations de suivi du chantier en lien de causalité avec ces manquements n'est caractérisée.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société [W] Estructuras de ses demandes contre la S.A.R.L. Modex.
Sur les demandes accessoires :
Compte-tenu des succombances réciproques, la société [W] Estructuras et la SCCV Argian seront condamnées aux dépens d'appel et de première instance, in solidum et, dans leurs rapports entre elles, à concurrence de moitié chacune.
L'équité commande de condamner la société [W] Estructuras à payer à la S.A.R.L. Modex, en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance (conformément à sa demande) et de débouter les autres parties de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 24 juillet 2023,
Déclare recevables les conclusions déposées les 2 et 8 septembre 2025 par la société [W] Estructuras en ce qu'elles tendent à voir ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et, à défaut prononcer l'irrecevabilité des dernières conclusions de la SCCV Argian et de la S.A.R.L. Modex,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 2 juillet 2025,
Déclare irrecevables les conclusions de la S.A.R.L. Modex transmises et notifiées le 30 juin 2025, les conclusions et pièces (38 à 45) transmises et communiquées le 27 juin 2025 par la SCCV Argian et les conclusions remises et notifiées les 2 et 8 septembre 2025 par la société [W] Estructuras en ce qu'elles n'ont pas trait aux demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et, subsidiairement, d'irrecevabilité des dernières conclusions adverses, ainsi que les pièces 23 et 24 par elle communiquées le 2 septembre 2025,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'opposition formée par la SCCV Argian à l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2022,
- débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire de la S.A.R.L. Modex,
Infirmant la décision entreprise pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SCCV Argian à payer à la société [W] Estructuras, au titre du solde des marchés de travaux litigieux, la somme de 18 366,74 € T.T.C., augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2022,
Déboute la société [W] Estructuras du surplus de sa demande contre la SCCV Argian,
Condamne la SCCV Argian et la société [W] Estructuras, in solidum et, dans leurs rapports entre elles, à concurrence de moitié chacune, aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société [W] Estructuras à payer à la S.A.R.L. Modex, en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et déboute les autres parties de leurs demandes réciproques de ce chef.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Hélène BRUNET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hélène BRUNET Patrick CASTAGNÉ
Numéro 25/2999
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 04/11/2025
Dossier :
N° RG 23/02476
N° Portalis DBVV-V-B7H-IUIY
Nature affaire :
Recours entre constructeurs
Affaire :
Société [W] ESTRUCTURAS
C/
S.A.R.L. MODEX
SCCV ARGIAN
Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 septembre 2025, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 804 du code de procédure civile,
Madame France-Marie DELCOURT, Conseillère,
Madame Anne BAUDIER, Conseillère,
assistés de Madame Hélène BRUNET, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société [W] ESTRUCTURAS
société de droit étranger, immatriculée au RCS [Localité 7] sous le n° 442 304 911
représentée par ses représentants légaux, agissant poursuites et diligences,
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 6]
Représentée par Maître Manuel VELASCO de la SELARL L'HOIRY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉES :
S.A.R.L. MODEX
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 752 578 302
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Maître Brieuc DEL ALAMO de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
SCCV ARGIAN
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n° 834 174 492
agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Nicolas TRECOLLE, avocat au barreau de BAYONNE, et assistée de Maître Eric VISSERON, membre de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 24 JUILLET 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE
RG numéro : 2022002070
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCCV Argian a fait construire un ensemble immobilier résidentiel sur un terrain situé à [Localité 7] (64) sous la maîtrise d'oeuvre de la S.A.R.L. L.A. Architecture laquelle a sous-traité, par marché du 29 janvier 2018, la mission d'économie de la construction et de suivi des travaux à la S.A.R.L. Modex.
La société de droit espagnol [W] Estructuras s'est vue confier, pour un total initialement convenu de 983 000 € HT, les lots n° 1 (démolition), n° 2 (terrassement et VRD), n° 5 (gros oeuvre) et n° 14 (chape, carrelage, faïence).
Le chantier a débuté le 1er octobre 2018 et la réception des travaux a eu lieu le 15 septembre 2020.
Exposant ne pas avoir été réglée intégralement du prix des marchés de travaux, la société [W] Estructuras a saisi le président du tribunal de commerce de Bayonne qui, par ordonnance du 11 avril 2022, a fait injonction à la SCCV Argian de payer à la société [W] Estructuras les sommes de :
- 35 241,69 € et de 3 240 € à titre principal,
- 150 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 51,07 € au titre des frais de requête,
- 33,46 € dont 5,53 € de TVA au titre des dépens.
La SCCV Argian a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 20 mai 2022.
Par acte du 5 octobre 2022, la société [W] Estructuras a fait appeler en la cause la SARL Modex.
Par jugement du 24 juillet 2023, le tribunal de commerce de Bayonne a :
- reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,
- reçu dans sa forme la SCCV Argian en son opposition et l'a déclarée non fondée,
- condamné la SCCV Argian au paiement de la somme de 3 440,21 € à la société [W] Estructuras, plus intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement,
- débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire de la SARL Modex,
- débouté la SCCV Argian de sa demande de nomination d'un expert,
- condamné la SCCV Argian à régler à la société [W] Estructuras la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SCCV Argian aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer et d'huissier, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 266,96 €.
Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu :
- que l'opposition formée par la SCCV Argian est recevable, dès lors que même si la créance commerciale est d'un montant supérieur à 10 000 €, les parties ne sont soumises à l'obligation d'être représentées par un avocat ni au stade du dépôt de la requête en injonction de payer, ni au stade de la formation d'une opposition à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer rendue, et que la SCCV Argian a formé son opposition dans le délai légal,
- que l'acte initial d'assignation en intervention forcée de la SARL Modex est régulier de sorte que les demandes à son encontre sont recevables, dès lors que son implication et sa responsabilité potentielle dans les préjudices financiers allégués par la société [W] Estructuras sont clairement stipulées,
- que la moins-value de l'avenant n° 1 du lot gros-oeuvre pour 7 000 € HT se justifie par le désordre créé par la société [W] Estructuras (absence de pompage et nécessité de remplacer les portes par des portes plus résistantes à l'humidité) qu'il a fallu réparer,
- que la moins-value de l'avenant n° 2 du lot gros-oeuvre lié aux jardinières pour 5 000 € HT ne peut être appliquée au marché de la société [W] Estructuras dès lors que la SCCV Argian et la SARL Modex ne démontrent pas la non-conformité du marché qu'elles avaient contracté avec elle, ou une inexécution par elle des obligations de pose de jardinières,
- que la moins-value de l'avenant n° 3 du lot gros-oeuvre lié à des travaux de reprise de seuil pour 790 € HT ne peut être imputée à la société [W] Estructuras dès lors que la SCCV Argian et la SARL Modex ne démontrent pas qu'elle avait dans son marché, outre la pose d'un seuil en béton, l'exécution d'une étanchéité de ce seuil,
- que l'application de pénalités de 6 340,20 € TTC sur le lot gros-oeuvre correspondant aux frais de relogement de Mme [O] est justifiée dès lors que le retard de chantier, et donc de livraison des logements, sont causés par elle,
- que l'application d'une pénalité de 1 410 € TTC sur le lot gros-oeuvre correspondant au montant d'un devis pour le passage d'une caméra pour un débouchage n'est pas justifiée dès lors que la SARL Modex et la SCCV Argian ne justifient pas l'imputation partielle de cette facture ni n'apportent la preuve que le passage de la caméra était à la charge de la société [W] Estructuras,
- que l'application d'une pénalité de 4 794,85 € TTC concernant la levée des réserves sur le lot gros-oeuvre est justifiée au vu des pièces versées aux débats qui confirment la multiplication des désordres et le non-respect répété des échéances, contraignant le maître d'oeuvre à faire appel à des entreprises tierces pour achever les travaux avant l'échéance de garantie de parfait achèvement,
- que la plus-value de l'avenant n° 1 sur le lot carrelage pour 7 026,63 € HT est justifiée dès lors que la SCCV Argian indique l'avoir prise en compte dans le DGD et qu'elle n'est pas contestée par la société [W] Estructuras,
- que la moins-value de l'avenant n° 2 du lot carrelage pour 3 000 € HT est justifiée, dès lors que les travaux de salle de bain faisaient partie du lot attribué à la société [W] Estructuras, et qu'elle a elle-même émis le souhait que la reprise soit effectuée par une entreprise tierce et a indiqué en supporter le coût, lequel s'élève bien à 3 000 € HT selon facture produite par la SCCV Argian,
- que la plus-value de l'avenant n° 3 du lot carrelage pour 240 € HT et la plus-value de l'avenant n° 4 du lot carrelage pour 300 € HT sont justifiées dès lors que la SCCV Argian indique les avoir prises en compte dans le DGD et qu'elles ne sont pas contestées par la société [W] Estructuras,
- que la SCCV Argian démontre avoir procédé à un double paiement au titre du lot démolition, terrasse, VRD, pour la somme de 5 696,40 € TTC,
- qu'il résulte de ces éléments, que le montant dû par la SCCV Argian à la société [W] Estructuras au titre du lot gros-oeuvre est de 11 706,59 € TTC (881 665 € TTC de marché - 869 958,41 euros TTC déjà payés),
- que pour le lot carrelage, la société [W] Estructuras a bénéficié d'un trop-perçu de la SCV Argian de 2 569,44 €,
- que pour les lots démolition et terrassement, la société [W] Estructuras a bénéficié d'un trop-perçu de la SCCV Argian de 5 696,94 €,
- que la somme totale restant due par la SCCV Argian à la société [W] Estructuras est donc de 3 440,21 € (11 706,59 - (2 569,44 + 5 696,94)),
- que si la SARL Modex s'est vue confier une mission d'économie de la construction et de suivi des travaux par le maître d'oeuvre principal de l'opération, il est démontré que les préjudices financiers subis par la société [W] Estructuras ne sont causés que par des désordres dont elle est elle-même responsable, échouant à démontrer que la SARL Modex serait fautive, de sorte que sa demande de condamnation solidaire ne peut aboutir,
- que la désignation d'un expert ne se justifie pas, les parties ayant eu toute flexibilité pour apporter les évidences soutenant leurs demandes, et le tribunal ayant pu juger sur la base des pièces fournies.
La société [W] Estructuras a relevé appel de ce jugement par déclaration du 7 septembre 2023, en intimant la SCCV Argian et la S.A.R.L. Modex et en critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- débouté la SCCV Argian de sa demande de nomination d'un expert,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SCCV Argian aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer et d'huissier, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 266,96 €.
Par bulletin du 15 janvier 2025, les parties ont été avisées de la fixation de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 9 septembre 2025, avec une date de clôture de l'instruction fixée au 2 juillet 2025.
Le 2 septembre 2025, le conseil de la société [W] Estructuras a transmis et notifié des conclusions dites 'd'appelant n° 4" et un bordereau de communication de pièces complémentaires en sollicitant le 'rabat de la clôture, compte-tenu de la réception des conclusions des parties adverses la veille de la clôture'.
Par message reçu le 5 septembre 2025, le conseil de la SCCV Argian a demandé à la cour de rejeter les conclusions transmises et les pièces communiquées postérieurement au prononcé de la clôture.
Par conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2025, la société [W] Estructuras a demandé à la cour d'ordonner le 'rabat de la clôture' et, à titre subsidiaire de déclarer irrecevables les conclusions de la société Argian et de la société Modex notifiées les 30 juin et 1er juillet 2025.
A l'audience du 9 septembre 2025, le conseil de la société [W] Estructuras a maintenu sa demande principale visant à la révocation de l'ordonnance de clôture, le conseil de la SCCV Argian s'y est opposé et celui de la société Modex a indiqué s'en rapporter.
La cour a joint l'incident au fond et les conseils des sociétés [W] Estrucuturas et Modex ont déposé leur dossier et celui de la SCCV Argian a développé ses conclusions écrites.
MOTIFS
Sur les demandes en révocation d'ordonnance de clôture et en irrecevabilité de conclusions :
Il doit être rappelé:
- qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, que sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture (article 914-3 du C.P.C.),
- que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du conseiller de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision de la cour (article 914-4 du C.P.C.),
- que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense (article 15 du C.P.C.).
En l'espèce, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture régularisée par conclusions du 2 septembre 2025 est recevable mais doit être rejetée dès lors qu'il n'est justifié d'aucune cause grave depuis que ladite ordonnance a été rendue, cause grave que ne peuvent constituer des conclusions remises et notifiées antérieurement à son prononcé.
Il convient cependant de constater qu'en suite du bulletin de fixation notifié aux parties le 15 janvier 2025 (fixant la date de l'audience de plaidoirie au 9 septembre 2025 avec clôture annoncée au mardi 2 juillet 2025) et alors que les dernières conclusions de la société [W] Estructuras avaient été transmises et notifiées le 6 janvier 2025 :
- la SCCV Argian a déposé et notifié des conclusions dites 'n° 3" et communiqué 8 nouvelles pièces le vendredi 27 juin 2025 à 18 h 21,
- la S.A.R.L. Modex a transmis et notifié des conclusions dites 'd'intimé n° 2" le lundi 30 juin 2025 à 18h31.
Les dates de notification de ces conclusions et communication de pièces, très proches de celle de la clôture (deux jours avant pour celles de Modex, quatre jours avant - dont deux jours non ouvrables - pour celles d'Argian) ne permettaient manifestement pas au conseil de la société [W] Estructuras d'en prendre connaissance, d'en conférer avec sa cliente et d'y répondre utilement avant la clôture annoncée de longue date.
Ces circonstances caractérisent, de la part des sociétés intimées, un manquement à l'obligation de loyauté et au respect du principe du contradictoire énoncés aux articles 15 et 16 du C.P.C. (étant rappelé que la société Argian s'est opposée fermement à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par l'appelante) qui a causé un préjudice certain à la société [W] Estructuras, placée de facto dans l'impossibilité de répliquer utilement.
La cour déclarera en conséquence irrecevables :
- les conclusions de la S.A.R.L. Modex transmises et notifiées le 30 juin 2025 et les conclusions et pièces (38 à 45) transmises et communiquées le 27 juin 2025 par la SCCV Argian,
- irrecevables les conclusions remises et notifiées par la société [W] Estructuras les 2 et 8 septembre 2025, sauf en ce qu'elles tendent à voir ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et, à défaut prononcer l'irrecevabilité des dernières conclusions de la SCCV Argian et de la S.A.R.L. Modex ainsi que les pièces 23 et 24 communiquées le 2 septembre 2025.
Il sera donc statué sur la base des conclusions et pièces antérieurement communiquées, soit :
1 - les conclusions dites 'n° 3", notifiées le 6 janvier 2025, auxquelles il convient ici de se référer pour l'exposé des moyens de droit et de fait, par lesquelles la société [W] Estructuras, appelante, demande à la cour :
- de déclarer recevable et fondé son appel,
- y faisant droit, d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
> reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,
> reçu dans sa forme la SCCV Argian en son opposition, et l'a déclarée non fondée,
> condamné la SCCV Argian au paiement de la somme de 3 440,21 € à la société [W] Estructuras, plus intérêts à taux légal à compter de la date de signification du jugement,
> débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire de la SARL Modex,
> condamné la SCCV Argian à régler à la société [W] Estructuras la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
> débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif,
- statuant à nouveau,
> de condamner la SCCV Argian et la SARL Modex solidairement à lui verser la somme de 38 481,59 €,
> de dire et juger que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal en vigueur,
- de condamner la SCCV Argian et la SARL Modex au versement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCCV Argian de sa demande reconventionnelle tendant à la voir condamner à lui verser la somme de 917,84 €.
2 - les conclusions dites 'd'intimé et d'appelant incident n° 2", remises et notifiées le 31 octobre 2024 auxquelles il convient ici de se référer pour l'exposé des moyens de droit et de fait et au terme desquelles la SCCV Argian demande à la cour :
- de juger l'appel recevable mais non fondé et de débouter la société [W] Estructuras de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son opposition n'était pas fondée et l'a condamnée à payer à la société [W] Estructuras la somme de 3 440,21 € avec intérêts au taux légal, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance, en ce compris ceux de la procédure d'injonction de payer et d'huissier dont les frais de greffe liquidés à la somme de 266,96 €,
- de débouter la société [W] Estructuras de ses demandes,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et statuant à nouveau, de condamner reconventionnellement la société [W] Estructuras à lui payer la somme de 917,84 €,
- en toute hypothèse, de condamner la société [W] Estructuras à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de procédure.
3 - les conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2024, auxquelles il convient ici de se référer pour l'exposé des moyens de droit et de fait, au terme desquelles la SARL Modex demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire à son encontre,
- de débouter la société [W] Estructuras de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner la société [W] Estructuras à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance,
- de condamner la société [W] Estructuras aux entiers dépens.
SUR CE
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable, en application de l'article 1415 du C.P.C., l'opposition formée, par courrier du 20 mai 2022, par la SCCV Argian à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2022, signifiée à celle-ci par acte du 22 avril 2022.
La cour examinera en premier lieu la demande en paiement de solde de travaux restant prétendument dû formée par la société [W] Estructuras contre son cocontractant, la SCCV Argian, maître d'ouvrage avant de statuer sur les demandes formées par la société [W] Estructuras contre la S.A.R.L. Modex, sur un fondement extracontractuel.
Sur la demande formée par la société [W] Estructuras contre la SCCV Argian :
Il doit être rappelé:
- que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation (article 1353 du code civil),
- que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution (article 1217 du code civil).
En l'espèce, l'analyse des écritures et des pièces régulièrement versés aux débats établit :
- que le montant global des marchés dont la société [W] Estructuras était titulaire s'élève à la somme de 1 189 479,96 € T.T.C. dont 901 200 € T.T.C. au titre du lot gros-oeuvre, 216 000 € T.T.C. au titre des lots démolition, terrassement, VRD et 71 479,96 € T.T.C. au titre du lot carrelage-faïence (marché de base et avenants en plus-value non contestés compris),
- qu'il a été versé à la société [W] Estructuras les sommes de 216 000 € T.T.C. au titre du lot 'démolition, terrassement, VRD', 865 958,41 € T.T.C. au titre du lot 'gros-oeuvre' et de 70 449,40 € au titre du lot 'chape, carrelage, faïence',
- que la société [W] Estructuras sollicite le règlement d'une somme globale de 38 481,59 € T.T.C. correspondant aux soldes restant dus sur les lots 'gros-oeuvre' (35 241,59 €) et 'chape, carrelage, faïence' (3 240,00 € T.T.C.),
- que la SCCV Argian (qui ne conteste pas le montant théorique de la créance de solde de travaux invoquée par la société [W] Estructuras) oppose à cette réclamation diverses créances réciproques au titre de moins-values, retenues, pénalités et trop-perçus afférents aux lot 'gros-oeuvre', 'carrelage' et 'démolition, terrassement, VRD'.
1 - S'agissant du lot 'gros-oeuvre'
A la réclamation de la société [W] Estructuras sollicitant le paiement du solde restant dû (non contesté en son montant théorique de 35 241,59 € T.T.C.), la SCCV Argian oppose, au visa de l'article 1217 du code civil, des créances réciproques au titre de diverses moins-values et retenues d'un montant global de 27 893,05 € T.T.C. qui seront examinées ainsi qu'il suit :
1-1 : moins-value de 7 000 € H.T. (avenant dit 'n° 1')
La SCCV Argian se prévaut de ce chef d'un 'avenant' établi le 10 juillet 2020 par le maître d'oeuvre d'exécution, à concurrence de la somme de 7 000 € H.T. représentant le coût de remplacement de sept portes d'accès aux sous-sols endommagées par de l'eau stagnante s'étant accumulée en l'absence de dispositif d'évacuation des eaux pluviales (pompe de relevage) et elle soutient en substance qu'il appartenait, en application du CCTP, à la société [W] Estructuras d'assurer, jusqu'à l'achèvement de l'ouvrage, le maintien hors d'eau des sous-sols par un dispositif provisoire d'évacuation, que ce dispositif avait été installé par ses soins mais qu'elle ne l'avait pas reconnecté au réseau après la mise en place du dispositif définitif qui ne pouvait lui-même être mis en fonctionnement avant la réception de l'ouvrage.
La société [W] Estructuras conteste avoir commis un quelconque manquement de ce chef en soutenant que l'installation d'une pompe de relevage n'était pas incluse dans sa mission, telle que définie par le CCAP (qui la mettait à la charge des entreprises titulaires des lots plomberie ou étanchéité), qu'elle a cependant gracieusement fourni et mis en place un dispositif provisoire qui a été enlevé lors de la mise en place du dispositif définitif, qu'elle a avisé la maîtrise d'oeuvre d'exécution des risques encourus en l'absence de dispositif en fonctionnement effectif et que celle-ci a refusé de faire fonctionner le dispositif définitif avant la réception.
Sur ce,
Il doit être considéré :
- que la circonstance que le CCTP annexé aux marchés de travaux n'a pas été régulièrement produit aux débats doit demeurer sans incidence dès lors que dans sa note, le propre expert mandaté par la société [W] Estructuras en fait état et l'analyse, en en donnant une description conforme à celle de la SCCV Argian, s'agissant de la clause relative à la mise en place d'une installation provisoire d'évacuation des eaux pluviales en sous-sol,
- que les photographies versées aux débats (pièce 8 de la SCCV Argian) établissent les dégradations des portes d'accès aux niveaux inférieurs causées par l'eau stagnante (humidité, gonflement) et le nécessité de leur remplacement,
- que le CCTP - qui définit les ouvrages et les conditions particulières de leur exécution - prévalant sur le CCAP, l'installation et le maintien en fonctionnement d'un dispositif provisoire jusqu'à l'achèvement des travaux marqué par leur réception incombaient donc à la société [W] Estructuras,
- qu'aucun élément objectif du dossier n'établit l'impossibilité de raccorder la pompe provisoire, notamment par piquage, au dispositif définitif qui ne pouvait être mis en service avant la réception des travaux,
- qu'à défaut d'y avoir procédé, la société [W] Estructuras a manqué à son obligation contractuelle et que la retenue de 7 000 € H.T., soit 8 400 € T.T.C., opérée par le maître d'ouvrage par 'avenant' du 10 juillet 2020, au titre du coût de remplacement des portes d'accès au sous-sol est justifiée, tant dans son principe que dans son montant, la preuve n'étant pas rapportée d'un remplacement des portes endommagées par des portes d'une valeur sensiblement supérieure,
- que la circonstance que l'avenant n'a pas été signé par la société [W] Estructuras est sans incidence dès lors que la preuve de son manquement à ses obligations contractuelles et du préjudice en résultant pour le maître d'ouvrage est rapportée,
- que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu de ce chef l'existence de la créance réciproque invoquée par la SCCV Argian.
1-2 : moins-value de 5 000 € (avenant dit 'n° 2')
Le tribunal a rejeté les prétentions de la SCCV Argian en considérant qu'elle n'apportait pas la preuve de la non-conformité d'un marché qu'elle avait contracté avec la société [W] Estructuras ou d'une inexécution par celle-ci de son obligation de pose des jardinières.
La société [W] Estructuras n'a pas expressément conclu de ce chef et est réputée solliciter la confirmation du jugement déféré.
La SCCV Argian conclut de ce chef à l'infirmation du jugement et demande à la cour de valider l'avenant établi le 5 août 2020 (pièce n° 5) par le maître d'oeuvre d'exécution à concurrence de la somme de 5 000 € H.T. en exposant avoir dû régler à une tierce société (Atout Fer) le coût de fourniture et de pose de jardinières en raison de la non-conformité de celles posées par la société [W] Estructuras, telle que mentionnée dans un compte-rendu de chantier du 21 juillet 2020 (pièce 32).
Sur ce,
Il doit être considéré :
- que la SCCV Argian verse aux débats (pièce 32) le compte-rendu de la réunion de chantier du 21 juillet 2020 (mentionnant la présence du représentant de la société [W] Estructuras) stipulant, s'agissant du lot 'gros-oeuvre' :
> point 71-12 'rappel 3' : refus par Modex et Argian du mode de pose des jardinières, comme prévu [W] devra poser la jardinière sur les dalles sur plots, prévoir un vide entre le relevé béton séparatif des deux types de TT, les dalles sur plots ne viendront pas en butée du relevé,
> point 73-3 'rappel 2' il est constaté ce jour que les jardinières ont la peinture qui s'enlève comme une pellicule, [W] devra reprendre l'ensemble des jardinières et prévoir un thermolaquage,
> point 75-8 'rappel' : [W] s'engage à ce jour à reprendre l'ensemble des jardinières avec une finition thermolaquée pour le 11 juillet 2020,
> point 76-12 : suite à la réunion de ce jour, en présence de la société [W] Estructuras et de la SCCV Argian, l'entreprise devra enlever les jardinières du logement 301, réalisation des jardinières par une tierce entreprise aux frais de [W].
- que ce compte-rendu de réunion stipule en page de garde qu'il vaudra acceptation si, dans les 7 jours suivant son édition aucune remarque écrite n'est formulée par les intéressés au maître d'oeuvre,
- qu'à défaut de justification d'une remarque écrite de la société [W] Estructuras, celle-ci est réputée avoir accepté les termes du point 76-12,
- que la SCCV Argian verse aux débats (pièce 5) le devis de la société Atout Fer pour un montant de 5 000 € H.T.,
- que l'avenant n° 2 est ainsi justifié,
- que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté la SCCV Argian de son application d'une moins-value de 5 000 € H.T., soit 6 000 € T.T.C. de ce chef.
1-3 : moins-value de 790,00 € (avenant n° 3)
Un avenant en moins-value a été signé par le maître d'ouvrage le 2 mars 2021 à concurrence d'une somme de 790,00 € H.T. au titre de la mise en place d'une équerre résine sur seuil sous dallage sur plots.
Le tribunal a débouté la SCCV Argian de 'l'application de cette moins-value' considérant qu'elle n'apportait pas la preuve que [W] avait dans son marché, outre la pose d'un seuil en béton, l'exécution d'une étanchéité de ce seuil.
La société [W] Estructuras n'a pas conclu expressément de ce chef et est réputée solliciter la confirmation du jugement déféré.
La SCCV Argian conclut à l'infirmation du jugement en exposant que la reprise d'étanchéité a été envisagée dans le cadre de la levée des réserves suite à un manquement de la société [W] Estructuras qui avait scellé la dalle sur plot à la menuiserie extérieure, ce qui a nécessité la mise en place d'une équerre en résine sur le seuil de la baie vitrée, que cette malfaçon incombait à l'entreprise qui n'a pas voulu intervenir pour reprendre ses travaux, qu'il est constant qu'il appartenait à la société [W] Estructuras d'assurer l'étanchéité de son ouvrage et de ne pas détériorer l'étanchéité par des malfaçons affectant ses travaux.
Sur ce,
La SCCV Argian ne verse aux débats aucun élément objectif et vérifiable au soutien de ses allégations selon lesquelles l'intervention de la société GMT est imputable à un manquement de la société [W] Estructuras à ses obligations contractuelles, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prendre en compte l'avenant n° 3.
1-4 : retenue de 6 340,20 € TTC
Le tribunal a jugé que cette pénalité (correspondant au coût de logement provisoire d'un acheteur d'un lot de copropriété (Mme [O]) en raison d'un retard de livraison imputable à la société [W] Estructuras) était justifiée.
La société [W] Estructuras conclut à l'infirmation du jugement de ce chef en soutenant :
- que le tribunal ne pouvait sans se contredire considérer que le retard dans le livraison des logements a été largement causé par [W] et condamner celle-ci au paiement de la totalité des frais de relogement,
- qu'il convient de tenir compte de divers éléments qui ne lui sont pas imputables et qui ont eu pour conséquence de retarder le délai de livraison d'au moins 14 semaines :
> interruptions du chantier à l'initiative de Modex du 12 au 22 février 2019 et pendant le confinement du 17 mars au 13 mai 2020,
> intempéries non prises en compte bien qu'approuvées par la maîtrise d'oeuvre à concurrence de six semaines selon le décompte établi par l'expert privé qu'elle a mandaté,
> non prise en compte de l'incidence de la modification du projet (création d'un second sous-sol sans modification du planning initial),
> erreurs imputables à la maîtrise d'oeuvre dans l'enchaînement des tâches en chevauchant/anticipant des tâches alors que les tâches précédentes n'étaient pas terminées, décrites dans la note expertale de M. [V],
> non prise en compte de certains événements (fermeture imposée pour les fêtes de [Localité 7], le sommet du G7, le 15 août et 2 jours de congé obligatoires en août).
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement entrepris en soutenant que les premiers juges ont exactement retenu qu'il résulte des pièces que dès le début du projet des retards significatifs et défauts de rattrapage répétés ont été notifiés à [W] par LRAR du 4 novembre 2019.
Sur ce,
Force est de constater :
- que la SCCV Argian a versé aux débats un contrat de location meublée visant la période du 26 mars au 20 mai 2020 pour un montant de 2 576 € T.T.C. (aucun justificatif d'une reconduction de ce contrat n'étant produit, lequel ne saurait être que ne saurait constituer l'inscription manuscrite, dans la case montant total, '+ 1920 € -> 7.8.20'), quatre factures de garde-meubles pour la période du 13 mai au 4 août 2020 pour un montant total de 713,20 € T.T.C. portant le tampon 'payé', une facture de livraison de meubles pour le 5 août 2020 d'un montant de 1 047 € T.T.C. ne portant pas de mention de paiement et une facture de frais de stockage de cuisine pour 2 mois, d'un montant de 84 € T.T.C. ne portant pas mention de son paiement,
- qu'elle n'a pas produit la LRAR du 4 novembre adressée par Modex à la société [W] Estructuras à laquelle elle fait référence dans ses écritures, étant par ailleurs constaté que ne figure dans les pièces produites par Modex qu'une LRAR du 7 novembre 2019 adressée à la SCCV Argian (pièce 4 de la S.A.R.L. Modex),
- qu'aucune explication n'a été fournie en réplique aux arguments de la société [W] Estructuras, étayés par la note exertale de M. [V], soumise à la libre discussion des parties, faisant état d'événements et causes d'arrêts des travaux non imputables à l'appelante et non prises en compte par le maître d'ouvrage,
- que les autres pièces régulièrement communiquées et spécialement le compte-rendu de réunion de chantier du 21 juillet 2020 sont insuffisantes à évaluer précisément le retard effectif de livraison et à l'imputer, en tout ou partie, à la société [W] Estructuras qui le conteste.
La preuve d'un retard de livraison imputable à la société [W] Estructuras à l'origine de l'exposition des dépendes dont la SCCV Argian exposé avoir exposées au profit de Mme [O] n'étant pas rapportée, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a jugé que la retenue opérée de ce chef était justifiée.
1-5 : retenue de 1 410 €
Le tribunal a rejeté la demande de la SCCV Argian en considérant que ni Argian ni Modex n'expliquent la justification d'une imputation partielle de la facture de 2 598 € T.T.C. ni ne rapportent la preuve que le passage de caméra était à la charge de [W].
La SCCV Argian conclut à l'infirmation du jugement en se prévalant du point 49-7 du compte-rendu de chantier du 20 juillet 2020.
La société [W] Estructuras n'a pas conclu de ce chef.
Sur ce,
Le P.V. de réunion de chantier du 20 juillet 2020 dont il a ci-dessus été constaté qu'il n'a fait l'objet d'aucune contestation par la société [W] Estructuras, rappelle (point 49-7) que la société [W] Estructuras devra réaliser un passage caméra avec rapport sur l'ensemble du réseau EP et [Localité 8] extérieur au bâtiment.
La SCCV Argian produit au soutien de sa demande une facture (portant acquit) de la S.A.S Aquitaine Débouchage du 30 novembre 2020 listant divers postes d'intervention dont les seuls en lien avec les obligations résultant pour la société [W] Estructuras du P.V. du 20 juillet 2020 sont: passage caméra dans l'ensemble du réseau EP et [Localité 8] (475 € H.T.) et rapport d'inspection vidéo (75 € H.T.).
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'Argian et la cour, statuant à nouveau, fixera la retenue opposable à la société [W] Estructuras à la somme de 550 € H.T. soit 660 € T.T.C.
1-6 : retenue de 4 794,85 € T.T.C. au titre des frais nécessaires à la levée des réserves
Les premiers juges ont considéré que cette pénalité était justifiée au motif qu'il résulte des éléments versés aux débats que la multiplication des désordres, non-respect des échéances de façon répétée contraignant le maître d'oeuvre à faire appel à des entreprises tierces avant l'échéance de garantie de parfait achèvement ne permettaient pas à la société [W] Estructuras de faire le nécessaire pour que les réserves soient levées.
La société [W] Estructuras conclut à l'infirmation du jugement en exposant que l'ensemble des réserves a été levé à l'exception de la reprise des peintures, pour laquelle, n'ayant pas de peintre en poste, elle a dû faire appel à un prestataire extérieur, indisponible sur la période estivale, qu'en accord avec le maître d'oeuvre d'exécution, il a été convenu que la reprise soit réalisée avant l'expiration du délai de parfait achèvement (mail du 29 avril 2021) que malgré cela, elle s'est vue opposer les refus des propriétaires qui avaient contracté avec une tierce entreprise pour la reprise des peintures, que la SCCV Argian ne prouve pas que d'autres réserves n'auraient pas été levées, ce qui aurait nécessité un recours à des tierces entreprises dont il n'est pas justifié.
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement entrepris dont elle fait sienne la motivation.
Sur ce,
Il doit être rappelé que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception, que les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné et qu'en l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant (article 1792-6 du code civil).
En l'espèce, la SCCV Argian verse aux débats :
- un tableau récapitulatif des réserves émises à réception ou dans l'année de celle-ci relativement aux ouvrages réalisés par la société [W] Estructuras et les factures des entreprises intervenues en lieu et place de cette dernière (pièce 10),
- le courrier adressé par la S.A.R.L. Modex à la société [W] Estructuras le 19 octobre 2020 valant mise en demeure d'exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves concernant les désordres signalés à la réception (pièce 26).
Par ailleurs, la société [W] Estructuras verse aux débats (pièces 15 à 17 et 24) des courriers et mails échangés avec la S.A.R.L. Modex et la SCCV Argian au sujet des modalités de reprise des désordres en vue de la levée des réserves.
Il doit être considéré :
- s'agissant des désordres signalés à réception (n° appt 0.4 et 1.2), que la société [W] Estructuras n'a pas effectué les travaux permettant la levée des réserves dans le délai imparti par la mise en demeure du 19 octobre 2020,
- s'agissant des désordres subis par une copropriété voisine (résidence [Adresse 9]) que la société [W] Estructuras n'a pas respecté le délai de reprise mentionné dans le mail du 23 mars 2021 valant mise en demeure(pièce 6 de Modex),
- s'agissant des désordres dénoncés dans l'année de la réception (n° appt 3.1 et 3.2) , à supposer même qu'il ait été convenu que les travaux de réfection soient réalisées au plus tard à l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, soit le 5 août 2021 (mail du 1er mars 2021 invoqué), force est de constater que la société [W] Estructuras n'avait pas à cette date exécuté les travaux de reprise et que la société maître d'ouvrage était fondée, compte-tenu du risque d'engagement de procédures par les acquéreurs à faire exécuter les travaux nécessaires par des tierces entreprises, aux frais de la société [W] Estructuras.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que la pénalité de 4 794,85 € T.T.C. appliquée par la SCCV Argian était justifiée.
1-7 : apurement des comptes au titre du lot gros-oeuvre
En définitive, s'agissant du lot 'gros-oeuvre', la SCCV Argian est fondée à opposer à la réclamation de la société [W] Estructuras au titre du solde restant dû (35 241,59 € T.T.C.) une créance réciproque d'un montant global de 19 854,85 € T.T.C.
2 - S'agissant du lot 'carrelage'
Les parties s'opposent sur l'apurement des comptes au titre du lot carrelage, la SCCV Argian soutenant que la société [W] Estructuras a bénéficié d'un trop-perçu de 2 569,44 €, après règlement du montant du marché et des avenants en plus-value, libération de la retenue de garantie, versement d'un delta de 2 209,40 € T.T.C. suite à réclamation de l'entreprise et application d'une retenue de 3 600 € T.T.C. au titre d'un avenant 'n° 2' (pièce 16) pour le coût d'intervention d'une tierce entreprise (S.A.R.L. Atlantic Revêtements) pour une 'reprise des bandes de placo' (facture du 15 juin 2020).
Le tribunal a jugé :
- que cette moins-value était bien-fondée en retenant que dans un échange de courriels du 27 mai 2020 entre la société [W] Estructuras et la SCCV Argian, il est rapporté que lors d'un entretien du 26 mai 2020, [W] a souhaité qu'Atlantic Revêtements procède à la reprise, à ses frais,
- que l'analyse des pièces produites établissait l'existence du trop-perçu invoqué par la SCCV Argian.
La société [W] Estructuras conclut à l'infirmation du jugement en soutenant qu'elle a elle-même effectué les travaux de reprise qui consistaient à enlever l'excédent de produits d'étanchéité hors l'emprise de la faïence pour permettre au peintre d'intervenir et en exposant qu'elle n'a jamais donné son accord sur l'avenant litigieux et qu'elle n'a jamais consenti à ne diminution de sa prestation à concurrence de 2 209,40 €.
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement sur ce point, en exposant que l'intervention d'Atlantic Revêtements a été validée d'un commun accord lors d'une réunion sur site le 26 mai 2020 et que la société [W] Estructuras impute erronément en moins-value le versement d'une somme de 2 209,40 € négocié entre les parties en fin de chantier.
Sur ce,
Il doit être considéré, à l'analyse des pièces versées aux débats :
- que le montant global du marché est (avenants en plus-value non contestés et acceptation par le maître d'ouvrage du 'delta' de 2 209,40 € T.T.C. (pièce20) compris), de 73 789,39 € T.T.C.,
- que la retenue de 3 600 € T.T.C. au titre des reprises effectuées par la société Atlantic Revêtements est justifiée :
> tant dans son principe, au vu :
* d'une part, des courriels échangés les 27 et 28 mai 2020 par lesquels le maître d'ouvrage indique qu'il a été convenu le 26 mai 2020 que la reprise des SPEC en haut des faïences serait effectuée, aux frais de [W], par la société Atlantic Revêtements, et la société [W] Estructuras ne formule aucune contestation sur ce point),
* d'autre part, de l'absence de justification par la société [W] Estructuras de la réalisation par ses soins des travaux de reprise dont s'agit pour lesquels est produite la facture d'Atlantic Revêtements,
> que dans son montant, correspondant à la facture précitée,
- que les sommes dues à la société [W] Estructuras au titre de ce marché de travaux s'élèvent à 70 189,40 € T.T.C.,
- que la société [W] Estructuras a perçu sur ce lot une somme de 70 449,40 €,
- qu'il existe un trop-perçu de 260 € T.T.C.
3 - S'agissant du lot 'démolition-VRD-terrassement'
Le tribunal a fait droit à la demande de la SCCV Argian invoquant le double paiement d'une somme de 5 696,40 € T.T.C.
La société [W] Estructuras soutient que la SCCV Argian ne justifie pas, au titre du lot dont s'agit, du paiement d'une somme de 221 696,94 € T.T.C. (soit le montant du marché : 216 000 € T.T.C. et le double paiement invoqué: 5 696,94 € T.T.C.).
La SCCV Argian conclut à la confirmation du jugement déféré sur ce point en exposant que le double paiement par elle invoqué est établi par les extraits de compte versés aux débats (pièces 36 et 37) desquels il résulte :
- qu'un virement de 13 367,69 € a été effectué le 25 août 2020 correspondant à la situation 3 du lot carrelage pour 7 671,05 € T.T.C. et à la situation 8 du lot VRD pour 5 696,94 € T.T.C.,
- quun deuxième virement de 5 696,64 € T.T.C. a été effectué le 30 septembre 2020 correspondant à la situation 8 du lot VRD.
Sur ce,
A défaut de production des situations de travaux 3 du lot 'carrelage' (lot 14) et 8 du lot 'démolition-VRD-terrassement' (lots 1 et 2) et alors même que le virement de 5 696,64 € du 30 septembre 2020 est mentionné sur l'extrait de compte comme réalisé au titre d'un 'lot 8' et que le double paiement allégué porte sur des sommes différentes (5 696,94 € comme soutenu par Argian au titre du règlement d'août 2020 et 5 694,64 € au titre du second virement de septembre 2020), il est impossible de vérifier la réalité même de ce double paiement, contesté par la société [W] Estructuras.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a reconnu de ce chef l'existence d'une créance de la SCCV Argian d'un montant de 5 696,94 € T.T.C. et la SCCV Argian sera déboutée de ce chef de demande.
4 - Apurement définitif des comptes
Il convient d'ordonner la compensation des créances réciproques des parties et, infirmant le jugement entrepris, de condamner la SCCV Argian à payer à la société [W] Estructuras la somme de 18 366,74 € T.T.C. au titre du solde restant dû sur les marchés de travaux du chantier litigieux, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer valant mise en demeure.
Sur la demande formée par la société [W] Estructuras contre la S.A.R.L. Modex :
La société [W] Estructuras demande à la cour, infirmant le jugement entrepris, de condamner solidairement la S.A.R.L. Modex à lui payer la somme de 38 481,59 € en soutenant :
- que Modex a commis de nombreux manquements dans le cadre de sa mission de maîtrise d'oeuvre lui ayant causé un préjudice,
- que s'agissant du pompage de l'eau et du remplacement des portes en sous-sol, que le désordre émane d'une directive contradictoire de Modex, que l'évacuation des eaux ne lui incombait pas et que Modex a refusé de mettre en marche les pompes définitives, que le préjudice lié au remplacement des portes est la conséquence de sa carence et qu'elle est fondée à solliciter la condamnation solidaire des sociétés Modex et Argian,
- s'agissant de la gestion du chantier, que le projet initial a fait l'objet de changements importants qui auraient dû entraîner une adaptation des délais d'exécution que Modex a refusé d'entreprendre, imposant des délais impossibles à atteindre.
La S.A.R.L. Modex conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société [W] Estructuras de ses demandes à son encontre en exposant :
- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans l'exécution de sa mission de coordination et direction du chantier dès lors qu'en sa qualité de maître d'oeuvre, elle n'est pas responsable du choix des entreprises, lesquelles sont contractuellement liées au maître de l'ouvrage,
- qu'elle a été contrainte de régulariser plusieurs avenants et d'appliquer des pénalités de retard en raison des seuls manquements et retards accumulés par la société [W] Estructuras qui a toujours été informée de l'intervention d'entreprises tierces du fait de ses carences malgré les sollicitations réitérées, générant des dépenses additionnelles justifiées,
- qu'il n'est pas démontré que les retards du chantier seraient dus à sa négligence, alors que le planning des travaux a été modifié à plusieurs reprises pour permettre à la société [W] Estructuras d'effectuer les travaux dans les délais,
- que les préjudices financiers subis par la société [W] Estructuras ne sont liés qu'à des désordres dont celle-ci est elle-même responsable,
- que l'avenant n° 1 sur le lot gros-oeuvre pour une moins-value de 7 000 € HT est justifié par la défaillance de la pompe mise en place par la société [W] Estructuras, qui a nécessité l'intervention d'une société tierce alors que le pompage provisoire et la mise en place de la pompe définitive étaient à sa charge suivant le devis qu'elle a établi,
- que l'avenant n° 2 sur le lot gros-oeuvre pour une moins-value de 5 000 € HT correspond à la pose de jardinières qui était initialement dévolue au lot gros-oeuvre mais dont la réalisation a finalement été assurée par l'entreprise en charge du lot serrurerie,
- que l'avenant n° 3 sur le lot gros-oeuvre pour une moins-value de 790 € se justifie par l'intervention d'une entreprise tierce pour la reprise d'une malfaçon imputable à la société [W] Estructuras,
- que les inexécutions de la société [W] Estructuras sur le lot carrelage ont nécessité l'achat de fournitures supplémentaires pour un montant total de 7 026,63 €,
- qu'au titre du lot démolition, la SCCV Argian a réglé par erreur deux fois le solde dû au titre du DGD pour la somme de 5 696,94 €.
Sur ce,
La S.A.R.L. Modex, intervenue sur le chantier litigieux en qualité de maître d'oeuvre d'exécution, ne peut, en l'absence de tout lien contractuel avec la société [W] Estructuras, être condamnée au paiement du solde restant dû des travaux exécutés par celle-ci dont est seul débiteur le maître d'ouvrage mais seulement à des dommages-intérêts en réparation d'un éventuel manquement à ses obligations ayant causé un préjudice à la société [W] Estructuras, au titre des pénalités, moins-values et retenues pratiquées par le maître d'ouvrage.
En l'espèce, il résulte de ce qui précède que les moins-values, frais, retenues et pénalités dont le bien-fondé a été reconnu sont exclusivement imputables à des manquements de la société [W] Estructuras à ses obligations contractuelles et qu'aucune faute de la S.A.R.L. Modex à ses propres obligations de suivi du chantier en lien de causalité avec ces manquements n'est caractérisée.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société [W] Estructuras de ses demandes contre la S.A.R.L. Modex.
Sur les demandes accessoires :
Compte-tenu des succombances réciproques, la société [W] Estructuras et la SCCV Argian seront condamnées aux dépens d'appel et de première instance, in solidum et, dans leurs rapports entre elles, à concurrence de moitié chacune.
L'équité commande de condamner la société [W] Estructuras à payer à la S.A.R.L. Modex, en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance (conformément à sa demande) et de débouter les autres parties de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Bayonne du 24 juillet 2023,
Déclare recevables les conclusions déposées les 2 et 8 septembre 2025 par la société [W] Estructuras en ce qu'elles tendent à voir ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et, à défaut prononcer l'irrecevabilité des dernières conclusions de la SCCV Argian et de la S.A.R.L. Modex,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 2 juillet 2025,
Déclare irrecevables les conclusions de la S.A.R.L. Modex transmises et notifiées le 30 juin 2025, les conclusions et pièces (38 à 45) transmises et communiquées le 27 juin 2025 par la SCCV Argian et les conclusions remises et notifiées les 2 et 8 septembre 2025 par la société [W] Estructuras en ce qu'elles n'ont pas trait aux demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et, subsidiairement, d'irrecevabilité des dernières conclusions adverses, ainsi que les pièces 23 et 24 par elle communiquées le 2 septembre 2025,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'opposition formée par la SCCV Argian à l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2022,
- débouté la société [W] Estructuras de sa demande de condamnation solidaire de la S.A.R.L. Modex,
Infirmant la décision entreprise pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SCCV Argian à payer à la société [W] Estructuras, au titre du solde des marchés de travaux litigieux, la somme de 18 366,74 € T.T.C., augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 11 avril 2022,
Déboute la société [W] Estructuras du surplus de sa demande contre la SCCV Argian,
Condamne la SCCV Argian et la société [W] Estructuras, in solidum et, dans leurs rapports entre elles, à concurrence de moitié chacune, aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société [W] Estructuras à payer à la S.A.R.L. Modex, en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et déboute les autres parties de leurs demandes réciproques de ce chef.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Hélène BRUNET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hélène BRUNET Patrick CASTAGNÉ