Livv
Décisions

CA Rennes, 2e ch., 4 novembre 2025, n° 23/04955

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jobard

Conseillers :

M. Pothier, Mme Picot-Postic

Avocats :

Me Balk-Nicolas, Me Chomel

TJ Quimper, du 1er juil. 2025, n° 112200…

1 juillet 2025

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant devis en date du 20 décembre 2019, Mme et M. [G] ont commandé à la Société [P] Abiven la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur moyennant la somme de 11 452,03 euros en remplacement d'une chaudière Fioul.

Le devis a été accepté le 20 février 2020.

Les travaux ont été réalisés et facturés le 21 avril 2020.

Le 26 mai 2020, le dossier de prime Edf « prime coup de pouce économies énergie» a été rempli et a fait l'objet d'une décision de rejet le 10 février 2021.

Une autre demande a été formée auprès des CPO qui a été rejetée.

Considérant que la société [P] Abiven avait manqué à ses obligations, les époux [G] ont assigné le vendeur devant le tribunal de Brest en paiement de la somme de 5 500 euros correspondant au montant de la prime qu'ils auraient pu percevoir.

Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal a :

- condamné la SARL [P] Abiven à payer à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [Y] [G] la somme de 5 500 euros de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

- condamné la même à leur payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société [P] Abiven a formé appel et par dernières conclusions notifiées demande de :

- rejeter toutes fins, moyens ou prétentions contraires,

- infirmer le jugement rendu le 6 juillet 2023 par le Tribunal Judiciaire de BREST en ce qu'il a :

- condamné la SARL [P] Abiven à payer à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [Y] [G] la somme de 5 500 euros de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

- Condamné la SARL [P] Abiven à payer à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [Y] [G] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SARL [P] Abiven aux dépens.

En conséquence, statuant de nouveau :

A'titre'principal':

- Débouter Mme [V] [G] et M. [M] [G] de l'intégralité de leurs demandes ;

A'titre'subsidiaire':'''

- Réduire le montant des sommages intérêts à de plus justes proportions ;

En'tout'état'de'cause :'''

- Condamner in solidum Mme [V] [G] et M. [M] [G] au règlement de la somme de 3 000 euros au profit de la SARL Abiven au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 5 février 2024, Mme [G] et M. [M] [G] intervenant volontaire comme venant aux droits de son [Y] décédé le 18 février 2023 demandent de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la SARL [P] Abiven à payer à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [Y] [G] la somme de 5 500 euros de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

- condamné la même à leur payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

- et sollicitent la condamnation de la SARL [P] Abiven à leur payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les intimés sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il a retenu qu'il n'était pas établi que la société [P] Abiven avait été mandatée pour solliciter la prime énergie versée par EDF.

Il est constant que le commercial de la société [P] Abiven a prêté son concours à la constitution du dossier de demande de prime énergie et notamment en créant l'adresse mail nécessaire à l'enregistrement de la demande de subvention.

Il conviendra cependant de relever que cette demande n'a été formée par M. [Y] [G] à titre personnel que le 26 mai 2020 de sorte que le seul fait que la société [P] Abiven ait créé une adresse de courriel n'établit aucunement qu'elle s'était vu confier le soin de solliciter la prime pour le compte des époux [G] à la date d'acceptation du devis par ces derniers le 20 décembre 2019.

Il convient de relever que la demande de prime signée par M. [G] à titre personnel le 26 mai 2020 fonde la demande sur la foi d'un devis qu aurait été accepté le 18 mars 2020 pour des travaux réalisés et facturés le 21 avril 2020.

Cette demande est manifestement fondée sur des éléments factuellement erronés compte tenu de la date d'acceptation du devis le 20 décembre 2019, ce qui tend à établir que cette demande a été formée postérieurement à la réalisation des travaux et à tout le moins postérieurement à l'acceptation du devis.

C'est dès lors par des motifs pertinents adoptés par la cour que le premier juge a retenu que la preuve n'était pas rapportée de ce que la société [P] Abiven s'était vue confier un mandat pour déposer le dossier de prime énergie et le jugement sera confirmé sur ce point.

La société [P] Abiven fait grief au jugement d'avoir retenu qu'elle avait manqué à son obligation de conseil. Elle fait valoir qu'elle a avisé les époux [G] dès l'établissement du devis au mois de décembre 2019 du fait que la demande de prime devait être sollicitée avant la réalisation des travaux et que ce n'est que postérieurement à leur réalisation que les époux [G] l'ont informée de ce que la demande n'avait pas été déposée et que c'est dans ces conditions qu'elle est intervenue pour les accompagner dans leurs démarches.

Elle fait valoir que le retard dans l'envoi du devis ne saurait lui être imputé à faute comme ressortant d'un manquement imputable à ses clients.

Les consorts [G] font valoir qu'il appartenait à la société [P] Abiven de renseigner ses clients sur les éléments externes au contrat et particulièrement que la demande de primer devait être effectuée avant la réalisation des travaux s'agissant d'un élément ayant une incidence significative sur le financement de la prestation.

Par application des dispositions de l'article 1112-1 du code civil celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que légitimement cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie lui devait à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

La société [P] Abiven en sa qualité de professionnelle des installations d'électricité, sanitaire chauffage et faisant état sur son cachet professionnel de ses spécialités en 'Géothermie- pompes à chaleur- solaire' ne méconnaissait pas l'existence de dispositifs d'aides publiques à la transition énergétique, les conditions particulières de leurs mise en oeuvre et notamment de ce que ces demandes devaient être formalisées avant la réalisation des travaux.

Cette information est déterminante du consentement de ses clients en ce que le bénéfice de cette aide permet d'obtenir une réduction substantielle du coût de l'installation, ce que la société [P] Abiven ne conteste pas pour affirmer en avoir précisément informé ses clients au moment de la conclusion du contrat.

Cependant, la société [P] Abiven ne fournit aucunement la preuve d'avoir fourni cette information aux époux [G] avant la réalisation des travaux ce qui ne saurait ressortir de sa seule affirmation.

Il apparaît ainsi que c'est a bon droit que le premier juge a retenu que la société [P] Abiven a manqué à ses obligations précontractuelles à défaut de justifier avoir informé les époux [G] de l'obligation de solliciter la prime avant la réalisation des travaux.

Les époux [G] sont en conséquence fondés à solliciter la réparation du préjudice résultant de ce manquement.

Cependant, la société [P] Abiven fait sur ce point valoir à juste titre que l'indemnisation d'un manquement à un devoir d'information ne porte que sur la perte de chance d'une éventualité favorable.

Il ressort des éléments contenus dans le dossier de demande de prime régularisé le 15 mars 2021 auprès de la société CPO et du courriel d'EDF en date du 29 décembre 2020 que compte tenu de leur situation personnelle et des travaux réalisés, les époux [G] étaient éligibles à une prime d'un montant de 5 500 euros s'ils avaient formé cette demande avant réalisation des travaux.

La chance perdue par les époux [G] de solliciter et de veiller à remplir les conditions leur permettant d'obtenir le versement de cette prime apparaît particulièrement forte au regard de son importance s'agissant d'une prime correspondant à la moitié du coût de l'installation.

Il convient en conséquence d'allouer aux appelants une indemnité correspondant à 90 % de l'avantage perdu soit la somme de 4950 euros.

Le jugement sera réformé en conséquence.

Le jugement sera confirmé pour le surplus en ses dispositions pertinentes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société [P] Abiven qui succombe principalement sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux intimés une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Réforme le jugement rendu le 6 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Brest en ce qu'il a condamné la SARL [P] Abiven à payer à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [Y] [G] la somme de 5 500 euros de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

Statuant à nouveau sur le chef réformé,

Condamne la SARL [P] Abiven à payer in solidum à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [M] [G] ès qualité d'ayant droit de M. [Y] [G] la somme de 4 950 euros de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de la présente décision ;

Confirme le jugement pour le surplus

Y ajoutant

Condamne la SARL [P] Abiven à payer in solidum à Mme [V] [J] épouse [G] et M. [M] [G] ès qualité d'ayant droit de M. [Y] [G] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL [P] Abiven aux dépens d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site