CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 4 novembre 2025, n° 25/06050
PARIS
Autre
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 04 NOVEMBRE 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/06050 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMGKF
Décision déférée : ordonnance rendue le 01 novembre 2025, à 16h29, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT
M. [J] [C]
né le 17 août 1987 à [Localité 3], de nationalité haïtienne
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°3
assisté de Me Nina Galmot, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
INTIMÉ
LE PREFET DU [Localité 4]
représenté par Me Joyce Jacquard du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 01 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [J] [C] enregistrée sous le numéro RG 25/412 et celle introduite par la requête du préfet du [Localité 4] enregistrée sous le numéro RG 25/4403, déclarant le recours de M. [J] [C] recevable, le rejetant, déclarant la requête du préfet du [Localité 4] recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [J] [C] au centre de rétention administrative [2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 1er novembre 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 03 novembre 2025, à 12h07 complété à 12h13 et 12h19, par M. [J] [C] ;
- Après avoir entendu les observations :
- par visioconférence, de M. [J] [C], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet du Val-d'Oise tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Monsieur [J] [C], né le 17 août 1987 à [Localité 3] (Haïti), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 28 octobre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.
La mesure a été prolongée par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 1] le 1er novembre 2025.
Monsieur [J] [C] a interjeté appel et demande à la cour d'infirmer la décision aux motifs suivants :
- L'irrecevabilité de la requête de la préfecture pour :
o Défaut de registre actualisé, le registre ne mentionnant pas le recours exercé devant le tribunal administratif contre l'OQTF, la demande d'asile et l'arrêté de maintien en rétention pris à sa suite
o Défaut de pièce justificative utile en l'espèce non production du procès-verbal de demande d'asile et des données de l'AGDREF
- L'irrégularité de la procédure en raison de :
o L'absence de preuve de la notification des droits attachés à la demande d'asile
o L'absence de preuve de la notification des droits et obligations Eurodac
- Le défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention
- A titre subisidiaire, il sollicite une assignation à résidence
Réponse de la cour
Sur la recevabilité de la requête de la préfecture
Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être "actualisé" pour être pertinent.
L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.
Il ne peut être suppléé à l'absence d'une pièce justificative utile par sa seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de les joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
S'agissant des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux " conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ".
En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative " (LOGICRA) en son article 2 dispose que :
" Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. ".
Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.
En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.
Le défaut de production d'un registre actualisé avec la requête ne peut être régularisé en cours d'instance que dès lors qu'est établi une impossibilité d'une production avec la requête saisissant le juge.
S'agissant du recours portant sur le fondement même de la rétention que constitue ici l'OQTF, il est indifférent pour l'importance de cette mention que le recours ait été diligenté avant le placement en rétention. D'une part, le texte susvisé est clair et d'autre part, il n'est ni contesté ni contestable que l'autorité administrative avait eu connaissance, dès le 29 octobre 2025 (courriel du conseil de Monsieur [J] [C] à la préfecture), du recours diligenté à l'encontre de l'OQTF, soit avant la saisine du premier juge ; il sera dès lors retenu que faute de mention à tout le moins du recours actuellement en cours sur cette décision, la copie du registre jointe à la requête n'était pas dûment actualisée.
De façon surabondante, la cour ajoute que le registre ne comporte pas non plus de mention de la demande d'asile formulée le 29 octobre et de l'arrêté de maintien en rétention.
Il n'est établi aucune impossibilité pouvant justifier ce défaut d'actualisation alors que le réquérant démontre que l'ensemble des informations étaient en possession de la préfecture avant même la saisine du juge.
Ce moyen consistant en une fin de non-recevoir, il n'impose pas la démonstration d'un grief.
Dès lors, faute de registre actualisé, constituant une pièces justificatives utiles, la requête de l'administration sera déclarée irrecevable et l'ordonnance déférée infirmée.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance,
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête du préfet,
DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [J] [C],
RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 04 novembre 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 04 NOVEMBRE 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/06050 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMGKF
Décision déférée : ordonnance rendue le 01 novembre 2025, à 16h29, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT
M. [J] [C]
né le 17 août 1987 à [Localité 3], de nationalité haïtienne
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°3
assisté de Me Nina Galmot, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
INTIMÉ
LE PREFET DU [Localité 4]
représenté par Me Joyce Jacquard du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 01 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [J] [C] enregistrée sous le numéro RG 25/412 et celle introduite par la requête du préfet du [Localité 4] enregistrée sous le numéro RG 25/4403, déclarant le recours de M. [J] [C] recevable, le rejetant, déclarant la requête du préfet du [Localité 4] recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [J] [C] au centre de rétention administrative [2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 1er novembre 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 03 novembre 2025, à 12h07 complété à 12h13 et 12h19, par M. [J] [C] ;
- Après avoir entendu les observations :
- par visioconférence, de M. [J] [C], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet du Val-d'Oise tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Monsieur [J] [C], né le 17 août 1987 à [Localité 3] (Haïti), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 28 octobre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.
La mesure a été prolongée par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 1] le 1er novembre 2025.
Monsieur [J] [C] a interjeté appel et demande à la cour d'infirmer la décision aux motifs suivants :
- L'irrecevabilité de la requête de la préfecture pour :
o Défaut de registre actualisé, le registre ne mentionnant pas le recours exercé devant le tribunal administratif contre l'OQTF, la demande d'asile et l'arrêté de maintien en rétention pris à sa suite
o Défaut de pièce justificative utile en l'espèce non production du procès-verbal de demande d'asile et des données de l'AGDREF
- L'irrégularité de la procédure en raison de :
o L'absence de preuve de la notification des droits attachés à la demande d'asile
o L'absence de preuve de la notification des droits et obligations Eurodac
- Le défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention
- A titre subisidiaire, il sollicite une assignation à résidence
Réponse de la cour
Sur la recevabilité de la requête de la préfecture
Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être "actualisé" pour être pertinent.
L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.
Il ne peut être suppléé à l'absence d'une pièce justificative utile par sa seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de les joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
S'agissant des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux " conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ".
En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative " (LOGICRA) en son article 2 dispose que :
" Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. ".
Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.
En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.
Le défaut de production d'un registre actualisé avec la requête ne peut être régularisé en cours d'instance que dès lors qu'est établi une impossibilité d'une production avec la requête saisissant le juge.
S'agissant du recours portant sur le fondement même de la rétention que constitue ici l'OQTF, il est indifférent pour l'importance de cette mention que le recours ait été diligenté avant le placement en rétention. D'une part, le texte susvisé est clair et d'autre part, il n'est ni contesté ni contestable que l'autorité administrative avait eu connaissance, dès le 29 octobre 2025 (courriel du conseil de Monsieur [J] [C] à la préfecture), du recours diligenté à l'encontre de l'OQTF, soit avant la saisine du premier juge ; il sera dès lors retenu que faute de mention à tout le moins du recours actuellement en cours sur cette décision, la copie du registre jointe à la requête n'était pas dûment actualisée.
De façon surabondante, la cour ajoute que le registre ne comporte pas non plus de mention de la demande d'asile formulée le 29 octobre et de l'arrêté de maintien en rétention.
Il n'est établi aucune impossibilité pouvant justifier ce défaut d'actualisation alors que le réquérant démontre que l'ensemble des informations étaient en possession de la préfecture avant même la saisine du juge.
Ce moyen consistant en une fin de non-recevoir, il n'impose pas la démonstration d'un grief.
Dès lors, faute de registre actualisé, constituant une pièces justificatives utiles, la requête de l'administration sera déclarée irrecevable et l'ordonnance déférée infirmée.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance,
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête du préfet,
DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [J] [C],
RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 04 novembre 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé