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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 5 novembre 2025, n° 23/01758

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/01758

5 novembre 2025

05/11/2025

ARRÊT N° 25/ 433

N° RG 23/01758

N° Portalis DBVI-V-B7H-POFQ

SL - SC

Décision déférée du 21 Mars 2023

TJ de [Localité 10] - 19/00429

E. JOUEN

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 05/11/2025

à

Me Emmanuelle DESSART

Me Etienne DURAND-RAUCHER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTS

Madame [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant-droit de [H] [R]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Monsieur [F] [R], agissant en sa qualité d'ayant-droit de [H] [R]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentés par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentés par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SELARL BONDIGUEL & ASSOCIES, avocat au barreau de RENNES (plaidant)

INTIMEE

LA DIRECTRICE REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR ET DU DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE

Pôle juridictionnel judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :

A.M. ROBERT, présidente

S. LECLERCQ, conseillère

N. ASSELAIN, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties

- signé par A.M. ROBERT, présidente et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiées (Sas) Finaréa Gamma, créée le 23 mai 2008, a pour objet principal la gestion et l'animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés des participations prises dans des entreprises.

Elle a pris part à l'augmentation du capital de plusieurs PME.

Le 15 juin 2009 et le 26 mai 2010, M. [H] [R] et Mme [D] [X], son épouse, ont investi dans des augmentations du capital de la Sas Finaréa Gamma.

Ils ont mentionné sur leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune des années 2009 et 2010 avoir souscrit au capital de la Sas Finaréa Gamma pour un montant total de 45.000 euros (20.000 euros le 15 juin 2009 et 25.000 euros le 26 mai 2010).

Les 31 juillet 2009 et 2 juin 2010, la Sas Finaréa Gamma leur a délivré une attestation certifiant que la société revêtait la qualité d'une holding animatrice et que le placement était donc éligible à la réduction d'impôt prévue à l'article 885-0 V bis du code général des impôts.

M. [H] [R] et Mme [D] [X] épouse [R] ont effectivement obtenu le bénéfice de la réduction d'ISF prévue en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, au titre de la souscription directe au capital de PME. Les contribuables ont également obtenu, en 2010, le bénéfice de l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune prévu par l'article 885 I ter du code général des impôts.

Au cours de l'année 2012, toutes les société du groupe Finaréa ont fait l'objet d'une vérification de leur comptabilité, portant pour la société Finaréa Gamma sur les exercices clos en 2009, 2010 et 2011, sans redressement consécutif.

Par une proposition de rectification du 5 décembre 2012, l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'ISF au titre des années 2009 et 2010 et l'exonération d'ISF au titre de l'année 2010 dont M. [H] [R] et Mme [D] [X] épouse [R] avaient bénéficié, au motif que la Sas Finaréa Gamma ne pouvait être qualifiée de holding animatrice, leur réclamant un montant total de 38.399 euros au titre des droits et intérêts de retard.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2013, les époux [R], représentés par leur mandataire, [O] [I], président de la Sas Finaréa, ont contesté la proposition de rectification.

En réponse aux observations du contribuable, les rectifications ont été maintenues en totalité par l'administration fiscale, par courrier du 28 mars 2013.

M. et Mme [R] ont formulé des observations complémentaires par courriel du 29 avril 2013, auxquelles l'administration fiscale a répondu par courrier du 4 juin 2013.

Les impositions ont été mises en recouvrement par avis du 23 août 2013 pour 33.763 euros en droits rappelés et 4.636 euros d'intérêts moratoires, soit un total de 38.399 euros.

Le 24 décembre 2015, M. [H] [R] et Mme [D] [X] épouse [R] ont présenté une réclamation préalable (réclamation contentieuse), qui a donné lieu à une décision de rejet de l'administration le 24 août 2018.

Par acte du 15 octobre 2018, M. [H] [R] et Mme [D] [X], son épouse, ont fait assigner la [Adresse 9] devant le tribunal de grande instance de Toulouse, aux fins de voir :

- dire et juger que la procédure de contrôle est irrégulière et prononcer la décharge des rappels contestés ;

- sur le fond, prononcer la décharge des rappels contestés.

Par courrier reçu au greffe le 20 mai 2022, le tribunal a été informé du décès de M. [H] [R], survenu le [Date décès 4] 2022, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [D] [X] veuve [R], et son fils [F] [R], selon acte de notoriété établi le 4 mai 2022 par Me [J] [E], notaire à Toulouse. Mme [D] [X] veuve [R] a indiqué qu'elle reprenait la procédure en sa qualité de débiteur solidaire de l'ISF et co-demandeur à l'instance.

-:-:-:-

Par un jugement du 21 mars 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [R] aux dépens,

- rejeté la demande présentée par Mme [R] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que cette décision est exécutoire de plein droit.

Sur la demande de communication des rescrits, le premier juge a considéré que le rescrit fiscal, à la différence de la doctrine administrative, revêt un caractère strictement personnel dont il découle que seul le contribuable qui se trouve dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, peut se prévaloir de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales ; que seule une publication officielle est de nature à lui conférer une portée générale et un statut créateur de droit en l'intégrant dans l'ordonnancement juridique ; que les rescrits Truffle et Partech n'ont pas été publiés au BOFiP ; que la référence qui en est faite dans les prospectus distribués par les sociétés Truffle et Partech ne saurait valoir publication officielle ; qu'en conséquence, ces rescrits ne fixent pas l'état du droit pour tous les contribuables et ne sont pas opposables à l'administration.

Il a ajouté que le contenu de ces documents n'était pas utile à la solution du litige, car la question dans le cadre du présent litige n'est pas la même que celles dont ces rescrits sont dits avoir traité.

En conséquence, il a dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la communication des rescrits Truffle et Partech.

Sur la conformité du rehaussement au droit de l'Union européenne et sur la demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne, le premier juge a considéré que la question de l'éligibilité de la réduction fiscale aux holdings animatrices relevait de la seule application du droit interne que le juge national était tout à fait capable d'interpréter.

Il a considéré que les rescrits ne sauraient être assimilés à des aides d'Etat ni représenter un traitement inégalitaire et que du reste, le litige ne portait pas sur le droit de l'Etat français de prendre des rescrits à l'égard des concurrents de la société Finaréa Gamma, mais sur l'éligibilité des investissements des époux [R] à la réduction d'impôt.

Il a considéré que les rescrits ne constituant pas des normes s'appliquant à tout contribuable, leur communication en justice n'était pas utile.

En conséquence, il y a dit n'y avoir lieu à questions préjudicielles sur ces points.

Sur la régularité de la procédure de rehaussement au regard de l'obligation de loyauté de l'administration et des dispositions des articles L 57 et L 76 B alinéa 1er du livre des procédures fiscales, le premier juge a considéré que la proposition de rectification était complètement motivée tant en droit qu'en fait, dans le respect de l'article L 57 du livre des procédures fiscales.

Il a considéré que la réponse aux observations des époux [R], certes synthétique, était complète et suffisante, leur permettant ainsi de comprendre les raisons du refus qui était opposé à leur demande.

S'agissant du fait que la vérification de comptabilité n'a pas donné lieu à redressement, il a considéré que cette circonstance ne saurait valoir position formelle de l'administration sur le caractère éligible des souscriptions en cause à la réduction d'impôt.

S'agissant de l'obligation d'information, en application de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales, il a considéré que les informations légales et financières accessibles au public ne sont pas concernées par l'obligation d'information ; que l'administration n'était pas tenue de fournir une liste des documents fondant sa proposition de rectification, dès lors que ces documents étaient clairement identifiés, ce qui était le cas en l'espèce, et qu'ils avaient été communiqués de manière à permettre au contribuable de faire valoir ses observations.

Il a considéré que l'administration avait présenté loyalement les documents en provenance de tiers qu'elle avait mentionnés dans la proposition.

S'agissant de l'obligation de communication de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales, il a considéré que l'administration n'avait pas à communiquer les documents accessibles au public, et que s'agissant des éléments à décharge, l'administration n'avait pas une obligation générale de fournir un accès intégral au dossier dont elle dispose, d'autant que le tribunal n'est pas mis en mesure d'apprécier si les pièces dont la communication est ainsi sollicitée auraient été utiles à l'exercice des droits de la défense.

Il a jugé que la procédure de rehaussement n'était ni irrégulière ni déloyale.

S'agissant du bien-fondé du rehaussement, le premier juge a considéré qu'est assimilée à une PME exerçant à titre prépondérant une activité éligible, la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, et, le cas échéant, et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Il a considéré que dès lors, aux termes de la doctrine administrative applicable, le bénéfice du régime de holding animatrices est réservé aux sociétés dont l'actif est principalement composé de titres de participation.

Il a relevé qu'en 2009-2010, l'actif de la société Finaréa Gamma n'était pas composé principalement de participations, et qu'en conséquence les souscriptions effectuées par les époux [R] en 2009 et 2010 au capital de cette société n'étaient pas éligibles à la réduction d'ISF au titre des années 2009 et 2010.

-:-:-:-

Par déclaration du 16 mai 2023, Mme [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R], ont interjeté appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 21 mars 2023 en toutes ses dispositions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2025, Mme [D] [X] veuve [R] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R], appelants, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes,

'rejeté la demande présentée par Mme [R] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamné Mme [R] aux dépens,

et statuant à nouveau,

en tout état de cause :

- déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse,

- en conséquence, annuler ladite procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements,

- rejeter comme étant infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement prise à l'encontre du concluant,

- en conséquence, prononcer la décharge des rehaussements.

Le cas échéant :

- ordonner la communication par la Direction régionale des finances publiques, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels,

- ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire et fixation de l'astreinte définitive,

- en cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union européenne, poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles, dans les termes suivants :

"La décision de la Commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription voire dont l'actif n'est pas encore principalement composé de titres de participations '"

"Le droit des aides d'Etat (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'Etat horizontales) doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME ' Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable '"

"En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, ensemble la réglementation des aides d'Etat (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'Etat horizontales) et les principes de libertés de circulation des capitaux, d'établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux '"

- condamner la Direction régionale des finances publiques, au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

avec toutes conséquences de droit et de dépens.

Ils soutiennent que la procédure est irrégulière. Au soutien de l'irrégularité, ils font valoir que l'administration fonde ses redressements sur des éléments qu'elle a recueillis en dehors du dossier du contribuable, sans les lui avoir tous communiqués.

Ils invoquent les principes généraux du droit communautaire et de la charte des droits fondamentaux de l'Union qui s'appliquent quand les Etats membres mettent en oeuvre le droit de l'Union européenne. Ils invoquent le respect des droits de la défense garanti par le droit de l'Union, le principe du droit à un recours effectif, le principe de l'égalité des armes prévus à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union.

Ils soutiennent que la France met en oeuvre le droit de l'Union européenne lorsque son administration fiscale contrôle l'application de la réduction ISF-PME et qu'elle questionne le champ d'application exact de cette aide d'Etat. Ils font valoir que les principes généraux du droit communautaire et de la charte des droits fondamentaux de l'Union s'appliquent quand les Etats membres mettent en oeuvre le droit de l'Union européenne.

Ils soutiennent que le respect des droits de la défense garanti par le droit de l'Union et le droit à un recours effectif et le principe d'égalité des armes prévus à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont pour corollaire le droit d'accès au dossier au cours de la procédure administrative, qui englobe non seulement les éléments à charge, mais également les éléments à décharge que les autorités fiscales ont pu rassembler. Ils invoquent le principe de loyauté des échanges.

Ils invoquent également l'article L 76 B du livre des procédures fiscales. Ils font valoir que l'administration fiscale n'a pas communiqué le contrat de prestation de services passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010 mentionné expressément dans la proposition de rectification. Ils ajoutent qu'elle n'a pas communiqué le ou les documents permettant d'affirmer que le GIE Finaréa Services dispose d'un nombre de salariés limité, et qu'elle n'a pas communiqué les éléments à décharge.

Sur le fond, ils soutiennent que le maintien du redressement est contraire au droit de l'Union européenne et à l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme.

D'une part, s'agissant de la violation du droit de l'UE, ils estiment que trois questions préjudicielles méritent d'être posées.

Selon eux, la première question qui mérite d'être posée à la Cour de justice de l'Union européenne est celle de savoir s'il est possible de réserver le bénéfice de la réduction d'ISF aux holdings d'ores et déjà pleinement animatrices, en excluant celles qui sont en phase de démarrage, ou si au contraire le droit des aides d'Etat n'est respecté que si la souscription est réalisée dans des holdings en phase liminaire de développement.

Ils font valoir qu'une deuxième question se pose pour savoir si le droit des aides d'Etat interdit l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME, et pour savoir si pareil rescrit ne doit pas donner lieu à notification préalable. A ce propos, ils font valoir que la production des rescrits Partech et Truffle est indispensable pour savoir si l'administration pouvait à la fois valider le schéma d'investissement de Partech et Truffle, et contester celui de Finaréa.

Ils font valoir que se pose une troisième question préjudicielle sur le point de savoir si le juge national doit ordonner la production du rescrit litigieux quand un contribuable revendique l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable.

D'autre part, ils font valoir que le maintien des rappels constituerait une discrimination prohibée par l'article 14 de la ConvEDH combiné avec l'article 1er du 1er protocole additionnel à cette convention.

Sur le fond, ils soutiennent que la société Finaréa Gamma est une holding animatrice éligible à la réduction d'ISF ; qu'en effet, elle joue un rôle actif à l'égard des PME, orientant leur stratégie, conseillant et assistant leurs dirigeants fondateurs, et apportant son expertise. Ils soulignent qu'à l'issue des vérifications de comptabilité de 2012, la conformité de l'activité réelle à l'objet social des holdings Finaréa a été validée.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mars 2025,la directrice régionale des finances publiques de Provence -Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la procédure de redressement était régulière,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la procédure de rappel et la décharge des rehaussements,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de communication des rescrits Truffle et Partech,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne,

En conséquence, statuant à nouveau,

- confirmer la régularité de la procédure de rappel,

- reconnaître le rappel fondé en droit et en fait,

- confirmer la décision de rejet du 24 août 2018,

- rejeter toutes les demandes du contribuable,

- condamner le contribuable aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit,

- condamner le contribuable à verser à l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la procédure est régulière.

A ce propos, elle fait valoir que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inapplicable en l'espèce, car le litige concerne l'application d'une disposition de droit interne, qui de surcroît ne saurait constituer une aide d'Etat au sens de la réglementation européenne pour les particuliers qui en obtiennent le bénéfice.

Elle ajoute que l'article L 76 B du livre des procédures fiscales a été respecté : que l'obligation de communication à la charge de l'administration est limitée aux seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rappels, sans que le contribuable puisse prétendre à se voir communiquer les éléments à décharge. Elle fait valoir que le contribuable était en possession des principaux documents cités dans la proposition de rectification, et qu'il les a commentés. A cet égard, elle fait valoir que le contribuable était en possession du contrat de prestation de services passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010, car il parle lui-même de ce contrat. Elle fait valoir qu'il a eu communication du règlement intérieur du GIE Finaréa.

Sur le fond, elle soutient que la société Finaréa Gamma ne peut être qualifiée de holding animatrice, car au moment de l'investissement du contribuable, sa participation dans les sociétés opérationnelles était minoritaire, et qu'en outre son rôle d'animation n'est pas démontré, c'est-à-dire sa participation de manière active à la conduite de la stratégie et de l'activité du groupe. Elle soutient que même s'il n'y a pas eu de redressement à l'issue de la vérification de comptabilité, la qualité de holding animatrice n'a pas pour autant été reconnue par l'administration fiscale.

S'agissant de la conformité au droit de l'UE, elle fait valoir que le litige relève du droit interne et non du droit communautaire. Elle fait valoir que la commission européenne, dans sa décision du 11 mars 2008, a elle-même considéré que les risques de distorsion ou d'éviction de la concurrence qui pourraient découler du dispositif de l'article 885-0 V bis du code général des impôts soumis à son approbation étaient limités. Elle ajoute que la condition relative à la phase de développement de la société ne s'applique qu'à la société cible, qui doit être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, et non à la holding. Elle soutient que les questions préjudicielles ne s'imposent pas.

S'agissant de la demande de communication des rescrits Partech et Truffle, elle s'y oppose, au motif qu'il s'agit de décisions particulières, sans intérêt pour le présent litige, et qu'en outre le secret professionnel s'oppose à leur communication.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du 8 septembre 2025 à 14h00.

En cours de délibéré, il a été demandé la production d'un document d'identité de Mme [X] veuve [R], dont le prénom était orthographié [W] dans diverses pièces de procédure mais [D] dans le certificat de décès de son mari et dans l'acte de notoriété.

Par message RPVA, il a été produit l'acte de naissance de [D] [X], et également son acte de décès, survenu le [Date décès 5] 2025, après l'audience de plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de constater que Mme [D] [X] veuve [R] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R], ont repris l'instance en appel.

En vertu de l'article 370 du code de procédure civile, à compter de la notification qui est faite à l'autre partie, l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible. En vertu de l'article 371 du code de procédure civile, en aucun cas l'instance n'est interrompue si l'événement survient ou est notifié après l'ouverture des débats. En conséquence, le décès de [D] [X] n'a pas d'incidence sur la présente instance.

Il résulte de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, que les contribuables qui souscrivent au capital d'une société constituant une petite ou moyenne entreprise (PME), exerçant exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale , agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, au sens des lignes directives concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME (2006 / C 194 / 02) peuvent bénéficier d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune de 75% du montant de leur investissement.

L'article 885 I ter du code général des impôts dans sa version en vigueur du 1er janvier 2009 au 3 août 2011 prévoit que sont exonérés les titres reçus par le redevable en contrepartie de sa souscription au capital initial ou aux augmentations de capital, en numéraire, des petites et moyennes entreprises.

Sur la régularité de la procédure de rappel :

Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

L'article R. 57-1 du même livre dispose que la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

Les appelants se plaignent que l'administration fiscale fonde ses redressements sur des éléments qu'elle a recueillis en dehors du dossier du contribuable, sans les lui avoir tous communiqués. Ils invoquent le droit de l'Union européenne et l'article L 76 B du livre des procédures fiscales.

- au regard du droit de l'Union européenne :

La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les principes généraux du droit de l'Union ne s'appliquent aux Etat membres que lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. Elle n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union.

- au regard de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales.

Selon l'article L 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents, dans leur version intégrale, au contribuable qui en fait la demande.

L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.

Cette obligation ne porte que sur les documents dont, n'étant ni l'auteur ni le destinataire, le contribuable n'a pas connaissance.

Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.

Ce texte n'impose pas non plus à l'administration fiscale d'adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu'elle invoque dès lors qu'ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.

Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que ci celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.

Les appelants se plaignent que :

* l'administration fiscale n'a pas communiqué le contrat de prestation de services passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010 mentionné expressément dans la proposition de rectification ;

* elle n'a pas communiqué le ou les documents permettant d'affirmer que le GIE Finaréa Services dispose d'un nombre de salariés limité ;

* elle n'a pas communiqué les éléments à décharge.

En l'espèce, la proposition de rectification du 5 décembre 2012 (pièce 47 [R]) mentionne au point III 2, relatif aux 'relations de la société Finaréa Gamma avec les sociétés dans lesquelles elle a investi' que 'la société Finarea Gamma ne dispose pas de moyens propres. En effet, la représentation de la société Finarea Gamma est assurée au sein de ces sociétés opérationnelles par une tierce personne, 'un gérant de participations' qui est son délégué permanent au sein de chacune de ces sociétés et assure ses fonctions notamment en siégeant au sein du conseil de direction de la filiale opérationnelle.'

Elle mentionne au point III 2 : 'S'agissant de la société 3E Habitat, le 'gérant de participations' de cette société est lié avec la société Finaréa Gamma par un contrat de prestation de services. Le contrat en vigueur en 2010 prévoit que le 'gérant de participation' s'implique au quotidien dans l'accompagnement stratégique de la filiale opérationnelle. Toutefois, cette prestation réalisée par le gérant de participation est fixée à au moins 7 journées par an moyennant une rémunération fixe de 5.600 euros. Ce même contrat stipule en outre que le 'gérant de participations' s'abstiendra de toute inférence dans la gestion de la PME et de tout acte pouvant constituer une gestion de fait de la PME.''

Elle ajoute au point III 2 : 'A compter du 1er janvier 2010, il résulte du règlement intérieur du GIE Finaréa Services dont est membre la société Finaréa Gamma que la gestion fonctionnelle, opérationnelle (gestion de trésorerie, gestion administrative, comptable et juridique) de cette dernière était assurée par ce groupement disposant d'un nombre de salariés limité.'

L'administration fiscale fait valoir que par courrier du 4 juin 2013 (pièce 6 administration fiscale), le contribuable a reçu les documents suivants :

- bilan (actif) ; tableau 2050 de l'actif du bilan de la société Finarea Gamma)

- contrat d'animation ;

- rapport de gestion ;

- pacte d'associés ;

- règlement intérieur GIE Finaréa Services.

Elle ne conteste pas ne pas avoir communiqué le contrat de prestation de services passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010.

M. [O] [I], président de la Sas Finaréa, agissant en qualité de mandataire des contribuables, signataire du courrier d'observations du 25 janvier 2013 (pièce 48 [R]), a fait référence à la vérification de comptabilité de la société Finaréa Gamma. Il a insisté sur le fait que lors de la vérification de comptabilité dont la société avait fait l'objet, l'administration avait bénéficié de la mise à disposition d'innombrables justificatifs factuels (contrats, comptes rendus, études, audits, échanges réguliers, frais de déplacement, note de synthèse) dont la pertinence n'était pas écartée dans la proposition de rectification. Ainsi, il a étayé sa position par des éléments tirés de la vérification de comptabilité de la société Finaréa Gamma.

Les époux [R] étaient actionnaires de la société Finaréa Gamma. En tant qu'actionnaires, ils disposaient d'informations sur la société Finaréa Gamma, étant notamment destinataires des documents relatifs à la vie sociale que la loi ou le règlement lui imposait de communiquer à ses actionnaires ou que ces derniers pouvaient solliciter auprès d'elle.

Le courrier d'observations du 25 janvier 2013 évoque au point II 2 b le réseau de prestataires de service (gérants de participation et experts ponctuels) qui, au travers d'un contrat, agissent pour le compte de la société, en assurant le suivi opérationnel des participations.

Il évoque au point II 2 f le rôle d'animation de la société Finaréa Gamma compte tenu du rôle des gérants de participation aux compétences professionnelles exceptionnelles et agissant pour la compte de la société dans la conduite de la politique des filiales.

Dès lors, il apparaît que les époux [R] avaient en leur possession, en qualité d'associés de la société Finaréa Gamma, le contrat de prestation de service passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010, puisque leur mandataire fait référence aux contrats par lesquels les gérants de participations des filiales sont liés avec la société Finaréa Gamma.

S'agissant du ou des documents permettant d'affirmer que le GIE Finaréa Services disposait d'un nombre de salariés limité, l'administration fiscale a communiqué aux époux [R] le règlement intérieur du GIE Finaréa Services, dont elle indique avoir tiré cette information à l'article 1.2 et 1.4 'direction des participations ; gestion fonctionnelle'. D'ailleurs, les appelants qui produisent le registre unique du personnel du GIE Finaréa Services avaient en leur possession un document permettant d'établir le nombre de salariés du GIE Finaréa.

En tout état de cause, il apparaît que le contrat de prestation de services passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010 et le ou les documents permettant d'affirmer que le GIE Finaréa Services dispose d'un nombre de salariés limité n'ont pas fondé la rectification.

En effet, si l'administration évoque, au point III 2 relatif aux 'relations de la société Finaréa Gamma avec les sociétés dans lesquelles elle a investi', le contrat de prestation de services passé avec la société 3E Habitat en vigueur en 2010 et expose que le GIE Finaréa Services disposait d'un nombre de salariés limité, en revanche, au point III 3 'Analyse au regard des constats effectués', elle ne s'appuie pas sur ces deux éléments pour apprécier le caractère animateur de la holding, mais sur d'autres éléments.

Ainsi, dans son analyse, l'administration fiscale retient que la société Finaréa Gamma ne respecte pas les critères de la doctrine administrative qui réserve le bénéfice du régime des holdings animatrices aux sociétés dont l'actif est principalement composé de participations. Elle retient qu'au bilan clos le 30 juin 2009, et de même au 1er janvier 2010, l'actif de la société Finaréa Gamma était composé essentiellement de liquidités et de valeurs mobilières de placement. Elle ajoute que même si les participations détenues par la société Finaréa Gamma avaient représentées plus de 50% de son actif, conférant ainsi la qualité de holding au sens de la doctrine administrative, le caractère animateur n'aurait pu être reconnu. Elle estime que la société Finaréa Gamma 'ne pouvait ni définir la politique d'ensemble des sociétés 3E Habitat et Aquadream, ni prendre seule les décisions stratégiques concernant le fonctionnement et l'activité de ces dernières, dès lors qu'elle ne détenait qu'une participation minoritaire et que les dirigeants historiques étaient maintenus aux commandes de ces sociétés. Elle ne disposait en effet que d'un simple droit de veto permettant de s'assurer que la politique soit conforme à ses intérêts et à ceux de ses actionnaires [...]. Le rôle de la société Finaréa Gamma se cantonnait à un rôle d'accompagnement de la stratégie initiée par les dirigeants historiques comme l'attestent les conventions conclues avec chacune de ces sociétés opérationnelles'. Ceci fait référence au pacte d'associés et à la conventions d'animation.

Elle retient qu'en définitive la société Finaréa Gamma ne se comportait pas différemment d'un investisseur institutionnel, tel qu'un fonds d'investissement, et qu'elle ne pouvait donc revendiquer la qualité de société holding animatrice à la date des versements effectués au titre de la souscription au capital de ces sociétés.

Enfin, il ne peut être reproché à l'administration de ne pas avoir communiqué, dans la proposition de rectification, tous les éléments que les contribuables estimaient être 'à décharge'. En effet, pour effectuer sa démonstration, elle est libre d'utiliser et d'analyser les faits qu'elle estime de nature à motiver sa proposition. En outre, aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de communiquer les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder une imposition.

En conséquence, la procédure de rehaussement est régulière.

Sur le fond :

Sur la communication des rescrits Partech et Truffle :

Selon l'article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

Il est de principe que le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner ou non la production d'un élément de preuve détenu par une partie, et n'est pas tenu de s'expliquer sur une telle demande.

L'article L 80 A livre des procédures fiscales dans sa version en vigueur du 1er janvier 2009 au 12 août 2018 dispose :

'Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales.'

Le rescrit fiscal permet au contribuable d'obtenir la position de l'administration sur le sens et la portée d'un texte fiscal en application de l'article L 80 A alinéa 1 du livre des procédures fiscales. Il s'agit d'une demande individuelle qui porte sur un point de droit particulier.

Les rescrits de portée générale sont des rescrits délivrés à des contribuables et qui apportent des réponses à des questions que d'autres contribuables sont susceptibles de se poser. Ces rescrits sont anonymisés puis intégrés au BOFiP. Ces prises de position formelles de portée générale sont opposables au sens du 2ème alinéa de l'article L 80 A du LPF. Ce texte ne permet au contribuable de se prévaloir que des seules interprétations formelles publiées.

En l'espèce, les rescrits Partech et Truffle n'ont pas été publiés. Ils ne constituent donc pas des prises de position de portée générale, mais se rapportent à la situation de deux sociétés avec lesquelles les appelants n'entretiennent aucun lien juridique ou de fait.

En outre, ils ne présentent pas un intérêt pour la solution du litige, qui repose sur l'appréciation des circonstances de fait permettant de déterminer si la société Finaréa Gamma est une société holding animatrice de groupe.

En conséquence, la demande de communication des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels sera rejetée.

Sur la violation du droit de l'Union européenne, ce qui pourrait justifier trois questions préjudicielles

Aux termes de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation des traités et sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre sa décision, demander à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer sur cette question.

Le présent litige porte sur l'interprétation d'une disposition de droit interne, l'article 885-0 V bis du code général des impôts, qui ne requiert pas l'interprétation préalable d'une norme de droit européen, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union.

En tout état de cause, la réduction 'ISF-PME' est un régime d'aide d'Etat, au sens du droit de l'Union européenne, au profit des entreprises bénéficiaires des apports de capitaux, et, à ce titre, elle a été notifiée à la commission européenne.

La commission européenne, dans sa décision du 11 mars 2008 concernant l'aide d'Etat n°596/A/2007 (n°C (2008) 1055) a analysé le régime de réduction ISF-PME dans l'hypothèse d'investissements directs dans les PME ou par l'intermédiaire de société holdings dites 'passives' au regard de sa compatibilité aux lignes directrices sur les aides d'Etat et en a autorisé la mise en oeuvre. La décision de la commission européenne du 11 mars 2008 n'a pas à être interprétée sur le point de savoir si elle interdit ou non la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de souscription, voire dont l'actif n'est pas encore principalement composé de titres de participation, seules étant en effet concernées par la décision de la commission les PME ou des holdings dites 'passives', la situation des PME devant être compatible avec les lignes directrices sur les aides d'Etat.

Par ailleurs, les deux autres questions préjudicielles concernent l'édiction et la notification, ou l'application et la production de rescrits. Or, des rescrits admettant le principe de l'éligibilité de l'investissement au dispositif de l'article 885-0 V bis du code général des impôts en l'état des informations communiquées, n'excluent pas la remise en cause ultérieure de la réduction d'ISF au cas où les conditions n'en seraient pas effectivement réunies, notamment dans l'hypothèse où la holding ne pourrait pas être considérée comme animatrice d'un groupe de sociétés opérationnelles. Les rescrits n'apparaissent pas, dans ces conditions, comme incompatibles avec la réglementation des aides d'Etat, le renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne n'étant donc pas justifié.

En conséquence, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel.

Sur la violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné à l'article 1er du 1er protocole additionnel :

L'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : 'La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation'.

L'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention prévoit que : 'Toute personne physique ou morale a droit a respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.'

Les appelants invoquent une discrimination :

- d'une part, entre les souscripteurs de la société Finaréa Gamma et les souscripteurs des sociétés Partech et Truffle, dont il est indiqué qu'ils n'ont jamais été inquiétés par l'administration fiscale française, alors que les montages étaient identiques ;

- d'autre part, entre les différents souscripteurs de Finaréa, dont certains n'ont in fine pas été redressés, soit que l'administration ait abandonné toute idée de les redresser, soit que le juge, par une décision devenue irrévocable, leur ait donné gain de cause.

Cependant, les investissements dans les PME via une holding animatrice sont admis par la doctrine administrative, sous le contrôle du juge de l'impôt. La preuve n'est pas rapportée par les appelants, qui ont la charge de la preuve, que dans les autres cas dont ils se prévalent, les circonstances de fait étaient identiques à celles objet du présent litige. L'existence d'une discrimination n'est donc pas établie.

Sur la qualité de holding animatrice de la société Finaréa Gamma.

L'instruction administrative 7-S-3-08 du 11 avril 2008 précise que la holding animatrice est soumise, à l'instar des sociétés opérationnelles, à l'exigence d'une activité éligible prépondérante : elle n'est regardée comme exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole qu'à la condition que son activité d'animation de groupe soit principale et son activité civile accessoire.

Le caractère principal de son activité d'animation de groupe doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres des filiales qu'elle détient représente plus de la moitié de son actif total.

Il convient de se placer à la date des investissements des époux [R], le 15 juin 2009 et le 26 mai 2010.

Selon la proposition de rectification, au bilan clos le 30 juin 2009, l'actif de la société Finaréa Gamma était réparti comme suit :

- participations, titre immobilisés et créances rattachées à des participations : 20,78% ;

- valeurs mobilières de placement et disponibilités : 69,47% ;

- autres actifs (frais d'établissement, créances clients et autres créances) : 9,75%.

Au bilan clos le 30 juin 2010, l'actif de la société Finaréa Gamma était réparti comme suit :

- participations, titre immobilisés et créances rattachées à des participations : 47,04% ;

- valeurs mobilières de placement et disponibilités : 32,82% ;

- autres actifs (frais d'établissement, créances clients et autres créances) : 20,14%.

Les appelants ne contestent pas ces chiffres, les bilans leur ayant été communiqués.

Ainsi, il est établi qu'à la date des investissements des époux [R], l'actif de la société Finaréa Gamma n'était pas composé principalement de participations.

Par ailleurs, est assimilée à une société constituant une PME exerçant à titre prépondérant une activité éligible la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite d'activité de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, et le cas échéant, à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

En vertu de l'article 1315 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, il incombre aux appelants d'apporter la preuve de la qualité de holding animatrice. En effet, la preuve incombe au contribuable qui fait état d'une situation de fait qui entraîne une réduction de la base taxable, un allègement de l'impôt, dont l'administration fiscale conteste l'existence.

Les appelants soulignent dans leurs conclusions qu'à l'issue des vérifications de comptabilité de 2012, la conformité de l'activité réelle à l'objet social des holdings Finaréa a été validée.

Cependant l'absence de redressement à l'issue de la vérification de comptabilité ne peut être regardée comme une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait, qui puisse lui être ultérieurement opposable.

Ils invoquent également le devoir de loyauté auquel l'administration est tenue s'agissant du contentieux fiscal. Néanmoins, l'administration a pu décider, sans se contredire ni faire preuve de déloyauté, de ne pas procéder au redressement de la société Finaréa Gamma au terme de sa vérification, tout en invoquant le défaut de la qualité d'animatrice de groupe de cette société dans le cadre le cadre de la rectification concernant M. et Mme [R].

Il appartient aux appelants de justifier que la société Finaréa Gamma :

- exerçait un rôle d'animation effective du groupe qu'elle forme avec ses filiales

- qu'elle participait activement à la conduite de la politique de ce groupe et au contrôle de ses filiales ;

- qu'elle rendait, le cas échéant à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

L'activité d'animation de la holding doit être effective.

Les appelants produisent un modèle de pacte d'associés (pièce 29 [R]) et un modèle de contrat d'animation (pièce 30 [R]).

Le pacte d'associés distingue entre les associés historiques en qualité d'entrepreneurs et la société Finaréa en qualité d'investisseur.

Certes, il était prévu au pacte d'associés que la société Finaréa puisse disposer de certains pouvoirs, ainsi sa présence au conseil de direction avec un droit de veto, par le jeu de la majorité qualifiée au conseil de direction, c'est-à-dire la majorité comprenant la voix du membre investisseur. Ceci concernait les décisions concernant les investissements financiers les plus importants. Néanmoins, ce droit de veto ne signifiait pas que la société Finaréa impulsait l'activité de sa filiale, mais qu'elle pouvait s'opposer à la conduite d'une politique menée par autrui.

S'agissant de la convention d'animation, elle prévoyait que la société Finaréa avait une mission de conseil en stratégie et de contrôle de gestion. Elle prévoyait notamment la définition conjointe et la matérialisation par un document normalisé du plan d'action annuel fixant la stratégie de l'entreprise. L'article 4 du contrat d'animation indiquait que la société Finaréa avait assisté le bénéficiaire dans l'établissement de son business plan. Il ne ressort pas de ce contrat que la société Finaréa fixait la stratégie de l'entreprise et l'imposait à la filiale.

Il ne ressort pas du rapport de gestion au 30 juin 2010 (pièce 23 [R]) que les décisions stratégiques des filiales 3E Habitat et Aquadream auraient été prises par la société Finaréa Gamma.

Dès lors, même si la société Finaréa Gamma avait pour objet principal la gestion et l'animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés des participations prises dans des entreprises, il n'est pas démontré que la société Finaréa Gamma a animé ses filiales en prenant des décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégique s'imposant aux filiales.

En conséquence, dès lors que l'actif de la société Finaréa Gamma était majoritaire composé, non pas de titres de participations, mais de liquidités et de valeurs mobilières de placement, et qu'ainsi l'activité d'animation de groupe de la société Finaréa Gamma ne revêtait pas un caractère prépondérant par rapport à ses activités de nature civile, mais encore qu'il n'était pas établi que la société Finaréa Gamma avait effectivement mis en oeuvre les moyens dont elle disposait pour animer ses filiales en prenant des décisions de politique commerciale ou d'orientation stratégiques s'imposant à elles, de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme une holding animatrice à la date du 15 juin 2009 ni à la date du 15 juin 2010, les souscriptions effectuées par les époux [R] au capital de cette société n'étaient pas éligibles à la réduction d'ISF au titre de l'année 2009 ni de l'année 2010.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce que Mme [R] a été déboutée de ses demandes, sauf à préciser que le débouté s'applique à Mme [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et à M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R].

Sur la demande de confirmer la décision de rejet de l'administration du 24 août 2018 :

Il n'y a pas lieu de confirmer la décision de rejet du recours administratif préalable. En effet, vu l'article L 199 du livre des procédures fiscales, il appartient au juge du fond de décider si l'administration est bien fondée à percevoir les droits ou de décharger totalement ou partiellement le redevable. Il ne lui appartient pas d'apprécier une décision administrative.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sauf à préciser que la condamnation aux dépens s'applique à Mme [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et à M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R].

Mme [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R], seront condamnés aux dépens d'appel.

Ils seront condamnés à payer à la directrice régionale des finances publiques de Provence -Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Ils seront déboutés de leur demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 21 mars 2023, sauf à préciser qu'il s'applique à Mme [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et à M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R] ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [X] veuve [R], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de [H] [R], et M. [F] [R], agissant en qualité d'héritier de [H] [R], aux dépens d'appel ;

Les condamne à payer à la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Les déboute de leur demande sur le même fondement.

La greffière La présidente

M. POZZOBON A.M. ROBERT

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