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Décisions

CA Grenoble, ch. civ. A, 4 novembre 2025, n° 24/01011

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 24/01011

4 novembre 2025

N° RG 24/01011

N° Portalis DBVM-V-B7I-MFGH

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP MONTOYA & DORNE

Me Yamina M'BAREK

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU MARDI 04 NOVEMBRE 2025

Appel d'un jugement (N° R.G. 22/00620)

rendu par le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu

en date du 08 février 2024

suivant déclaration d'appel du 04 mars 2024

APPELANTE :

S.A. MMA IARD Prise en la personne de son représentant légal, en exercice, domicilié es qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentée par Me Olivier DORNE de la SCP MONTOYA & DORNE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Nicolas CROZIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Mme [D] [A] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 12]

M. [C] [N]

né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 12]

Mme [B] [T]-[S]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

Mme [M] [W] épouse [U]

née le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 12]

M. [Z] [U]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 12]

représentés par Me Yamina M'BAREK, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Raphaëlle Faivre, conseiller,

M. Jean - Yves Pourret, conseiller

Assistés lors des débats de Mme Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 septembre 2025, Mme Clerc a été entendue en son rapport.

Maître Nicolas CROZIER a été entendu en ses observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Salzillo Finance (la société Salzillo) exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine et est assurée par la compagnie MMA Iard.

Dans le cadre de cette activité, elle est entrée en relation avec Mme [D] [A] épouse [N], M. [C] [N], Mme [B] [T]-[S], Mme [M] [W] épouse [U] et M. [Z] [U] lesquels ont respectivement investi :

M. [N] :

le 18 juin 2015, 50.000€ sur le produit ICBS (Capital Builder System) , bénéficiant d'un engagement de rachat par la SAS Marne et Finance après deux ans d'indisponibilité,

le 20 juillet 2017, 50.000€ sur un placement Altipierre, proposé par la SAS Stonehedge, en parts de la SCS Altipierre Distribution ;

Mme [N] :

le 9 octobre 2015, 30.000€ sur le produit BCBB (Bio C'Bon Builder) bénéficiant d'un engagement de rachat par la SAS Bio C'Bon ;

Mme [T]-[S] :

le 27 septembre 2016, 15.000€ sur le produit BCBB bénéficiant d'un engagement de rachat par la SAS Bio C'Bon

le 8 juin 2017, 50.000€ sur un placement Altipierre, proposé par la SAS Stonehedge, en parts de la SCS Altipierre Distribution;

Mme [U] :

le 9 juin 2017, 50.000€ sur un placement Altipierre, proposé par la SAS Stonehedge, en parts de la SCS Altipierre Distribution;

M. [U] :

le 12 juillet 2017, 50.000€ sur le produit ICBS, bénéficiant d'un engagement de rachat par la SAS Marne et Finance.

Le 2 septembre 2020, la SAS Bio C'Bon a été placée en redressement judiciaire, un plan de cession a été adopté le 2 novembre 2020, au bénéfice de la SAS Carrefour France.

La SAS Marne et Finance a été placée en redressement judiciaire le 12 septembre 2022 et n'avait pas à cette date, honoré les engagements de remboursement des produits ICBS.

La SAS Stonehedge a été placée en liquidation judiciaire le 3 novembre 2020, la société Altipierre Distribution ayant elle-même été placée en liquidation judiciaire le 27 février 2020.

Suivant actes extrajudiciaires des 2 et 3 juin 2022, M. et Mme [N], Mme [S], M. et Mme [U] ont fait assigner la société Salzillo et son assureur la société MMA IARD devant le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu en responsabilité et en indemnisation de leurs préjudices nés de la perte de chance d'investir dans des placements moins hasardeux et de l'immobilisation des sommes investies outre des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

Par jugement contradictoire du 8 février 2024 le tribunal précité a :

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle d'un montant de 5.000€, à verser à M. [U] :

au titre du placement ICBS : une somme de 37.114,48€ outre 4.500€ au titre du préjudice d'immobilisation,

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle d'un montant de 5.000€, à verser à Mme [U] :

au titre du placement Altipierre une somme de 39.140€ outre 4.500€ au titre du préjudice d'immobilisation,

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle d'un montant de 5.000€, à verser à M. [N] :

au titre du placement ICBS : une somme de 47.500€ outre 6.000€ au titre du préjudice d'immobilisation,

au titre du placement Altipierre une somme de 39.140€ outre 4.500€ au titre du préjudice d'immobilisation,

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle d'un montant de 5.000€, à verser à Mme [N] :

au titre du placement BCBB une somme de 28.500€ outre 3.600€ au titre du préjudice d'immobilisation,

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle d'un montant de 5.000€, à verser à Mme [T]-[S] :

au titre du placement BCBB une somme de 14.250€ outre 1.575€ au titre du préjudice d'immobilisation,

au titre du placement Altipierre une somme de 39.140€ outre 4.500€ au titre du préjudice d'immobilisation,

dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

ordonné la capitalisation des intérêts,

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle d'un montant de 5.000€, à verser à M. et Mme [N], Mme [T]-[S] , M. et Mme [U] la somme de 2.500€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Salzillo in solidum avec la compagnie MMA Iard aux dépens.

La juridiction a retenu en substance que :

la société Salzillo a agi en qualité de conseiller en investissements financiers (CIF) et était soumise à ce titre aux règles de bonne conduite édictées par l'article L.541-8-1 du code monétaire et financier ainsi que par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers auquel renvoie cet article,

sur l'action en responsabilité

la société Salzillo a manqué à son obligation d'information auprès de chacun des investisseurs,

lors de la souscription aux produits proposés par la société Salzillo, aucun des demandeurs, novices en matière d'investissement financier, ne pouvait avoir perçu ou compris les risques très importants liés aux investissements proposés,

la présentation des produits dans les documents remis par la société Salzillo, malgré le risque de perte de liquidité et de perte en capital qui y était brièvement exposé et minimisé très largement, laissait penser aux investisseurs que de tels placements ne présentaient aucun risque compte tenu de la possibilité de solliciter le rachat des parts à court terme et du taux de rendement énoncé dans le contrat, sans que ces documents évoquent le risque d'insolvabilité des sociétés, les opérations de liquidation des sociétés n'étant pas closes lors de la demande de rachat des parts,

les rapports transmis par la société Salzillo à Mme [N] et Mme [S] pour leur proposer des produits BCBB sont postérieurs aux souscriptions réalisées par celles-ci de sorte qu'elles ne pouvaient pas être considérées comme ayant disposé d'une information préalable à la souscription de ces produits ; il en est de même à l'égard des époux [U] et de Mme [S], qui ont reçu des rapports postérieurement à leur souscription aux produits Altipierre II ; de plus ces rapports minoraient très largement les risques liés à la souscription de ces produits,

la société Salzillo a manqué à son obligation de conseil,

les produits proposés extrêmement risqués n'étaient manifestement pas en adéquation avec le profil de chacun des demandeurs qui n'étaient pas des investisseurs avertis en matière financière,

elle leur a présenté ces produits risqués en soutenant dans ses rapports écrit qu'ils correspondaient à leur profil,

sur les demandes indemnitaires des investisseurs,

la perte de chance de ne pas investir est établie,

compte tenu des objectifs poursuivis par chacun des demandeurs dans le cadre de la gestion de leur patrimoine financier et de leur expérience, aucun d'entre eux n'aurait accepté de souscrire aux offres proposées par la société Salzillo s'il avait eu connaissance de la nature des investissements proposés et des risques induits par ceux-ci. Ils ont donc perdu une chance de ne pas souscrire aux différents produits proposés par la société Salzillo qui doit être estimée à 95 %,

sur le préjudice au titre de l'immobilisation des sommes et de la privation des intérêts,

les demandeurs ont perdu toute possibilité, du fait des investissements réalisés d'obtenir un quelconque rendement financier ; le préjudice en résultant peut être évalué par application d'un taux d'intérêt annuel de 1,5%,

la franchise de la compagnie MMA doit être appliquée par sinistre, et donc par demandeur.

Par déclaration déposée le 4 mars 2024, la société Salzillo et la compagnie MMA Iard ont relevé appel.

Par ordonnance juridictionnelle du 1er octobre 2024, le conseiller de la mise en état a :

déclaré irrecevable l'appel de la société Salzillo,

dit recevable l'appel de MMA Iard,

dit n'y avoir lieu, dans le cadre du présent incident, à se prononcer sur la régularité de l'appel de la société Holding Gennaro faisant l'objet de l'instance RG 24/2083,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Salzillo aux dépens de l'incident.

Aux termes de ses dernières conclusions n° 4 déposées le 4 septembre 2025, la compagnie MMA Iard demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré

et par conséquent,

à titre principal

juger que les époux [N] et [U] ainsi que Mme [T]-[S] sont défaillants dans l'administration de la triple preuve cumulative d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité,

débouter les époux [N] et [U] ainsi que Mme [T]-[S] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Salzillo et d'elle-même,

à titre subsidiaire,

juger que MMA Iard « et MMA Iard Assurances Mutuelles » (sic) assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Salzillo dans la limite globale de 3.200.000€ par sinistre et par année d'assurance,

juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 5.000€, à charge de la société Salzillo, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA Iard « et MMA Iard Assurances Mutuelles » (sic) au profit de chacun des investisseurs, dans le cas où la cour devait retenir la responsabilité de la société Salzillo,

en tout état de cause,

débouter les époux [N] et [U] ainsi que Mme [T]-[S] de leur appel incident,

condamner in solidum les consorts [N] et [U] ainsi que Mme [S] au paiement de la somme de 8.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum les consorts [N] et [U] ainsi que Mme [S] aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Olivier Dorne, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir en substance que :

sur la faute

la société Salzillo n'a pas manqué à son devoir de conseil et d'information, qui s'analyse en une obligation de moyen,

son devoir de conseil et d'information s'arrêtant à la date du placement, rien ne lui laissait supposer que les produits proposés n'étaient pas fiables,

elle a remis aux investisseurs une documentation soulignant très largement les risques de perte de liquidités et de perte en capital des placements qu'elle proposait, et contenant une information complète sur leurs mécanismes ;

les intimés, qui n'étaient pas des investisseurs profanes car ils avaient investi dans plusieurs produits dont la plupart sont classés en terme de risque 7/7, connaissaient ainsi le fonctionnement du produit proposé, notamment le mécanisme de la prime d'émission et de la promesse de rachat des actions des produit ICBS , BCBB, étaient parfaitement informés des risques encourus et les avaient clairement acceptés,

elle a accompli sa mission avec la compétence, le soin et la diligence nécessaires

son obligation de moyen à laquelle elle est tenue ne s'étend pas à l'obligation de détecter d'éventuelles infractions pénales commises par les monteurs des produits proposés à l'investissement à savoir les dirigeants des groupes Stonehedge, Bio C'Bon, Marne et Finance ayant conçu les produits d'investissement litigieux et qu'elle n'a pas été en mesure de déceler,

la preuve d'un manquement à son obligation de conseil ne s'induit pas automatiquement du fait que le résultat qu'elle escomptait n'a pas été obtenu,

la société Salzillo n'a pas dissimulé ses liens financiers avec les sociétés Marne & Finance et Stonehedge, la première lettre de mission signée par les époux [N] en 2015 mentionnant qu'elle était rémunérée directement par les établissements promoteurs de produits, les lettres de mission signées en 2016, 2017et 2018 par les intimés précisant que la mission était « rémunérée par des rétrocessions de commissions par les établissements promoteurs de produits liés aux investissements que vous réaliserez »,

sur le préjudice

le préjudice des intimés n'est pas actuel et certain et ceux-ci ne peuvent pas être indemnisés deux fois de leur préjudice dès lors que :

les investisseurs sont susceptibles d'être indemnisés dans le cadre des procédures pénales ouvertes à l'encontre des dirigeants des sociétés Marne et Finance et Stonehedge,

ils ont déclaré leur créance au passif des procédures collectives des sociétés Altipierre, Bio C'Bon sans qu'il soit établi qu'ils ne pourront pas recouvrer celle-ci les opérations de liquidation n'étant pas closes,

un protocole transactionnel a été conclu le 25 janvier 2022 entre M. [U] et la société Marne et Finance par lequel celle-ci s'engageait à racheter les parts de cet investisseur et a effectué à ce titre un premier versement,

la société Marne et Finance a été condamnée par le tribunal de commerce de Paris à verser le capital et les intérêts garantis à M. [N],

le préjudice au titre de la privation de la perception d'intérêts ne peut pas être indemnisé, les intimés ne démontrant pas que mieux avertis, ils auraient investi sur un autre support qui aurait produit des intérêts, alors qu'au contraire, en s'adressant à la société Salzillo, ils avaient pour objectif d'investir dans des produits leur permettant d'obtenir des taux de rendement supérieur à la moyenne en contrepartie d'un risque plus important, la privation de la perception d'intérêts n'étant que la contrepartie de la réussité ou de l'échec de l'investissement réalisé,

le préjudice moral est inexistant, en l'absence de tromperie ou de dissimulation commise par la société Salzillo, tout investissement comportant par nature une part de risque,

en l'absence de tout élément démontrant la possibilité d'investir autrement pour obtenir les mêmes avantages, la perte de chance doit être déclarée nulle,

sur le lien de causalité

le lien de causalité entre les manquements reprochés à la société Salzillo dans son intervention initiale et le suivi de l'investissement et les préjudices allégués fait défaut, dès lors que seule la liquidation judiciaire des sociétés du groupe Altipierre, Bio C'Bon et Stonehedge ou les infractions pénales commises par leurs dirigeants sont à l'origine de l'échec des investissements,

la limite de garantie de l'assureur responsabilité civile professionnelle de la société Salzillo est opposable aux investisseurs et par conséquent, toute indemnisation qui serait accordée à ceux-ci doit être diminuée du montant de cette franchise.

Dans leurs uniques conclusions déposées le 3 septembre 2024, les époux [N], les époux [U] et Mme [T]-[S] entendent voir la cour :

confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu du 8 février 2024, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de réparation au titre du préjudice moral,

l'infirmer en ce qu'il a rejeté l'allocation de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

et, statuant à nouveau,

condamner MMA Iard à leur verser, à chacun, une somme de 5.000€ de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

y ajoutant,

condamner MMA Iard à leur verser, à chacun, une somme de 12.000€ au titre des frais irrépétibles d'appel.

Les intimés répondent que :

le défaut de diligence en phase précontractuelle quant à l'évaluation du profil investisseur est établi, les investissements qui leur ont été proposés ne correspondaient pas à leur profil investisseur tel que défini dans le questionnaire profil de risque complété par les époux [U] ou dans le rapport de mission concernant les époux [N], et la société Salzillo ne s'est pas enquis du profil investisseur de Mme [S], l'étude patrimoniale la concernant étant postérieure à la préconisation du produit BCBB,

le défaut d'information et de conseil en phase précontractuelle est établi :

la société Salzillo Finance ne s'est pas assurée de la fiabilité des produits qu'elle proposait avant de les conseiller à ses clients,

la société Salzillo Finance ne les pas informés des risques exceptionnels induits par les produits ostensiblement toxiques que constituaient les produits ICBS, BCBB et Altipierre

la société Salzillo Finance ne les a pas clairement informés qu'elle était rémunérée par les entreprises donneuses d'ordre,

la société Salzillo Finance ne démontre pas avoir effectué un suivi des investissements réel et sérieux,

leurs pertes en capital sont certaines dès lors que :

le liquidateur de la société Bio C'bon a attesté de l'importance du passif consolidé et la vraisemblance d'une clôture pour insuffisance d'actif,

la société Marne et Finance est en liquidation judiciaire avec un passif déclaré conséquent sans actif pour contrebalancer, notamment d'actif immobilier,

le liquidateur judiciaire de la société Stonehedge ayant perçu 12 % de l'investissement a établi un certificat d'irrécouvrabilité tandis que sa filiale la société Altipierre Distribution II ayant perçu 88 % de l'investissement, également en liquidation judiciaire a vu son actif immobilier réalisé, ce qui laisse envisager pour les investisseurs un taux de recouvrement maximum de 20 % des capitaux investis,

leur préjudice en lien avec la perte de chance de ne pas investir est constitué, la probabilité objective qu'ils s'engagent dans de tels produits toxiques étant nulle,

il existe un préjudice financier accessoire tenant à l'immobilisation des capitaux investis,

ils ont subi un préjudice moral ayant eu le sentiment d'avoir été bernés par leur conseiller en gestion de patrimoine, l'exercice de cette profession créant une relation particulière avec le client, faite de proximité et de confiance,

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2025.

Il est expressément renvoyé aux dernières écritures des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens soutenus en fait et en droit.

MOTIFS

Sur l'appel principal

Les moyens soutenus par les parties, par référence à des jurisprudences qu'elles commentent et qu'elles reprennent quasi in extenso dans le corps de leurs conclusions quand bien même ces décisions ne concernent pas les placements précisément réalisés par les consorts [N]-[S]-[U] ni ces mêmes investisseurs, ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels, à la faveur d'une étude exhaustive, il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, qu'il s'agisse de l'obligation d'information et de conseil de la société Salzillo, de la perte de chance de ne pas investir, du préjudice lié à l'immobilisation des sommes et de la privation des intérêts, et de la garantie de la MMA Iard.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.

Il est rappelé que la société Salzillo qui a agi comme conseiller en investissement financier (CIF) lors de la souscription des investissements litigieux était tenue, en cette qualité, aux obligations énoncées par les article 325-5 à 325-7 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et par l'article L.541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, notamment d'avoir à se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de ses clients ; d' exercer son activité, dans les limites autorisées par son statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts de ses clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; de s'enquérir auprès de ses clients, avant de formuler un conseil en investissement de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation ; de communiquer aux clients d'une manière appropriée, la nature juridique et l'étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l'article L.341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de sa rémunération, notamment la tarification de ses prestations.

En application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur d'une obligation contractuelle qui du fait de l'inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s'oblige à le réparer.

S'il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou d'une obligation de conseil doit apporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

Les obligations du CIF s'analysent en une obligation de moyen, compte tenu notamment du caractère intellectuel de la prestation et de l'aléa propre à tout investissement ou gestion de patrimoine.

ll appartient au CIF de délivrer à son client une information exacte, claire et non trompeuse, quant aux caractéristiques du produit qu'il conseille. Il doit notamment informer son client des conditions de succès de l'opération projetée et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions.

S'agissant de la responsabilité de la société Salzillo

Il ne résulte pas clairement des informations dispensées par la société Salzillo aux époux [N], à Mme [S] et M. [U], investisseurs non professionnels, qu'en investissant dans les actions ICBS et BCBB que ceux-ci acquéraient en réalité des actions de sociétés support dont l'identité et l'activité n'étaient pas précisées, gérées par le groupe Marne et Finance, lesquelles investissaient dans des magasins de la chaîne Bio C'Bon, l'information donnée dans les rapports écrits du CIF, étant annoncé uniquement en particulier que le produit Bio C'Bon permettait « d'accompagner le développement d'une PME en croissance sur le marché du bio en étant associé à la performance de l'entreprise », sans indication que les investisseurs allaient devenir associés d'une SAS, donc d'une société non cotée en bourse, parmi d'autres SAS dont l'activité n'était pas déterminée et consistait à gérer des titre de participation. Il y était également fait état d'un avantage fiscal « au moment de la sortie, celle-ci peut s'effectuer sous forme de rente ou de capital avec une fiscalité avantageuse grâce au statut de 'société à capital risque' » sans pour autant expliciter la notion de société à capital risque.

La société Salzillo ne démontre pas non plus avoir abordé et détaillé le risque encouru en cas d'impossibilité d'exécution de la promesse de rachat formulée par les sociétés Marne et Finance et la société Bio C'Bon respectivement pour les produits ICBS et BCBB, ni en avoir informé précisément les époux [N] et M. [U] qui avaient souscrit à ces placements, l'engagement de rachat étant présenté comme acquis dans le pacte d'associés que la société Marne et Finance a fait signer à M. [N] le 18 juin 2015 et à M. [U] le 12 juillet 2017 pour les produit ICBS et celui de la société Bio C'Bon signé le 9 octobre 2015 avec Mme [N] et le 27 septembre 2016 avec Mme [S] pour le produit BCBB, la présentation du produit BCBB annonçant également comme acquis le rendement découlant de l'exécution de cette promesse d'achat. Pas plus qu'il n'est démontré que la société Salzillo a particulièrement attiré l'attention des investisseurs sur les conséquences de la clause de renonciation au rachat annuel figurant dans l'avenant au pacte d'actionnaires, par dérogation au pacte d'actionnaires signé initialement.

Ainsi, alors même que le rendement annoncé de ces produits ICBS et BCBB reposait donc exclusivement sur la capacité financière des sociétés promettantes d'exécuter la promesse de rachat des actions, capacité financière sur laquelle il n'est pas démontré que des informations ont été données personnellement aux époux [N], à M. [U] et à Mme [S] sur ce point.

Le risque d'illiquidité et de perte en capital, énoncé d'une manière générale (« l'investissement est soumis à tous les risques inhérents à la vie d'une entreprise, notamment risque de perte en capital, risque de liquidité et risque lié à l'effet de levier, risque de défaillance de Bio C'Bon SAS ou à son incapacité ponctuelle de faire face à ses obligations contractuelles » pour le produit BCBB et « cet investissement est soumis notamment aux risques suivants : risques de perte en capital et risque de liquidité » pour le produit ICBS) n'est pas documenté par la société Salzillo qui n'apparaît pas avoir fourni aux intimés une information sérieuse lui permettant d'apprécier le risque de non-respect de la promesse de rachat, qu'il s'agisse du montant pouvant leur être dû en un tel cas, du niveau d'endettement pouvant être supporté par les sociétés Marne et Finance et Bio C'Bon ou encore le montant des ressources de ces sociétés pour leur permettre d'honorer cette promesse de rachat.

Si ne peuvent être opposés à la société Salzillo des signalements et décisions mettant en évidence l'insécurité des produits ICBS et BCBB en tant que publiés après la signature des bons de souscription par les intimés investisseurs pour dire son défaut de conseil à l'époque de ces souscriptions, il n'en demeure pas moins, qu'elle ne s'est pas renseignée sur la solidité de ces produits d'investissement proposés par le groupe Marne Finance, s'étant manifestement remise aux seules informations dispensées dans la plaquette publicitaire du produit.

Les mêmes observations s'imposent à l'égard du produit Altipierre souscrit par Mme [S], Mme [U] et M. [N]

En conclusion, la société Salzillo ne peut pas sérieusement conclure que c'est en pleine conscience des risques encourus que les intimés lors de la souscription aux produits litigieux, l'information donnée sur les performances et les risques attachés à celui-ci n'étant pas complète ni explicite, de sorte que leur acceptation du risque en perte en capital et en liquidités ne peut pas être admise comme libre et éclairée, en l'état de ces lacunes et de plus fort des perspectives alléchantes de gains annoncées.

La société Salzillo n'était pas dispensée de son obligation de conseil et d'information à l'égard des intimés qui avaient la qualité d'investisseurs non avertis et néophytes en matière de produit de capital-risque.

De fait, le profil de Mme [S], des époux [U] était « équilibré à 100 % risque et rendement moyen » , voir même « prudent (risque, rendement faible) » pour Mme [S] dans le rapport écrit du 2 juin 2017 en vue du placement de 50.000€ sur le produit Altipierre, le profil des époux [N] étant également « prudent ».

La circonstance que les intimés ont pu au cours des années précédant les investissements litigieux, effectuer divers placements et investissements, n'occulte pas leur inexpérience en matière de financement de la création d'entreprises, investissement impliquant un risque de perte en capital et d'illiquidité (notamment les produits ICBS, BCBB) ; en outre, le produit Altipierre était réservé « aux investisseurs bien informés », qui comprennent « les investisseurs institutionnels, les investisseurs professionnels ayant confirmé par écrit qu'ils adhérent au statut d'investisseurs bien informés, et qui soit investissent un minimum de 125.000€ , soit pour les investisseurs ayant été validés par une institution de crédit, une société d'investissement ou une société de gestion ou d'un conseil en gestion de patrimoine certifié, qui, par ce dernier, aura établi au préalable une étude patrimoniale tout en s'assurant de la capacité des investisseurs à comprendre les risques associés à l'investissement dans Altipierre » (fiche d'information standardisée Altipierre Distribution II) , conditions non satisfaites à l'égard de M. [N] et de Mmes [N] et [S], qui n'étaient pas des investisseurs « bien informés » institutionnels ou professionnels et qui n'avaient pas reçu les informations utiles de la part de la société Salzillo pour dire leur acceptation éclairée des risques attachés à ce placement Altipierre.

La société Salzillo a ainsi manqué à l'obligation définie à l'article L541-8-1 du code monétaire et financier imposant aux conseillers en investissement financier de veiller à comprendre les instruments financiers qu'ils proposent ou recommandent, évaluer leur compatibilité avec les besoins des clients auxquels ils fournissent un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, obligation qu'elle ne pouvait ignorer ayant fait l'objet d'une décision disciplinaire le 24 octobre 2022 de la part de la commission des sanctions de l'AMF du chef de la recommandation du produit Altipierre pour des manquements similaires à ceux constatés dans le présent litige (pièce 6-12 des intimés)

Il est par ailleurs établi que la société Salzillo a signé avec chacun des intimés une lettre de mission de suivi patrimonial avec abonnement dont l'objet était de définir et de contractualiser les conditions et les modalités d'intervention de celle-ci ; elle leur proposait notamment « d'examiner la situation consolidée des investissements réalisés par l'intermédiaire de notre cabinet et de votre exposition au risque ».

Quand bien même la mission de la société Salzillo quant à la proposition d'investissement dans les produits ICBS, BCBB et Altipierre a pris fin à la signature des bons de souscription correspondants, elle s'était engagée contractuellement à une obligation personnelle de suivi pour laquelle elle était rémunérée.

Or, elle n'établit pas avoir informé les intimés des informations négatives et des alertes émises à l'encontre des produits ICBS et BCBB entre 2016 et décembre 2018 tant par l'AMF que par l'association ANACOFI-CIF.

De plus, en février 2020 elle a occulté aux époux [U] la gravité de la situation du groupe Stonehedge concernant le produit Altipierre en expliquant les retards dans la distribution des revenus trimestriels par « une situation inhabituelle de décalage de revenus liés à un problème bancaire dépendant aussi par la restructuration au sein du Grpupe des actifs mis en vente. Il y a, je vous l'assure, aucun problème de liquidités mais une opération de cession de certains biens est en cours et qui devraient être finalisés en mars »

Sans qu'il y ait lieu de statuer plus avant sur le grief imputé à la société Salzillo du chef de l'absence d'informations précises sur sa rémunération et sur ses liens juridiques et financiers avec la société Marne Finance et la société Stonehedge, en tant qu'étant sans réelle incidence sur le devoir de conseil et d'information dans la préconisation des produits ICBS, BCBB et Altipierre, le manquement à cette obligation de loyauté envers les clients relevant principalement des sanctions disciplinaires pouvant être prononcées par la commissions des sanctions de l'AMF, il s'évince de ces seules constatations et considérations, que les placements ICBS, BCBB et Altipierre proposés par la société Salzillo étaient inadaptés au profil des intimés, ceux-ci n'ayant pas entendu investir dans de tels produits qui étaient réservés à des investisseurs professionnels et qui comportaient un risque de perte totale en capital dans la propriété des titres outre un risque d'illiquidité, et n'ont pas été en mesure, en l'état des informations données par la société Salzillo France, qui avait leur confiance , de prendre conscience de l'inadéquation de ces placements.

Sans plus ample discussion, le jugement déféré est ainsi confirmé en ce qu'il a par de justes et pertinents motifs adoptés par la cour et complétés par ceux du présent arrêt, retenu la responsabilité de la société Salzillo au titre d'un manquement à son devoir de conseil et d'information.

S'agissant des préjudices

Le manquement d'un conseiller en investissement financier à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués ; cette perte de chance se double de celle de ne pas souscrire au produit d'investissement lorsque le conseiller en investissement financier manque à son obligation de conseil, en orientant son client vers un produit non adapté à son profil.

Il se déduit des objectifs sécuritaires poursuivis par les intimés mais également de leur inexpérience en matière d' investissements en matière de produit de capital-risque, qu'ils n'auraient pas accepté de souscrire aux investissements proposées par la société Salzillo France s'ils avaient été pleinement informés de la nature de ces investissements et des risques induits par ceux-ci ; qu'ils ont donc perdu une chance de ne pas souscrire à ce produit proposés par leur conseiller dans lequel ils avaient placé leur confiance depuis plusieurs années, et corrélativement une perte de chance d'éviter le risque de perte de leur mise qui s'est réalisé.

L'indemnisation du préjudice résultant de cette perte de chance des intimés suppose nécessairement de démontrer l'existence d'un lien de causalité direct entre les manquements de la société Salzillo et ce préjudice, à savoir que les manquements relevés à l'encontre du CIF au titre de son devoir de conseil et d'information doivent être la cause génératrice du dommage.

La société Zalzillo est mal fondée à discuter l'existence de ce lien de causalité au motif de la survenance des procédures collectives des sociétés Bio C'Bon, Stonehedge et Marne et Finance et des poursuites pénales initiées contre certains des dirigeants de ces sociétés ; en effet, si ces procédures collectives et procédures pénales ont mis fin prématurément aux investissements litigieux en mettant à mal notamment la perception des intérêts et l'exécution de la promesse de rachat prévue contractuellement, entraînant ainsi la perte des sommes qu'ils avaient investies, la cause originelle de cette perte financière quoique prématurée, réside bien exclusivement dans la souscription des produits ICBS, BCBB et Altipierre qui n'étaient pas adaptés à leur profil d'investisseur, à la suite d'un manquement au devoir de conseil du CIF.

Il ne peut être soutenu le risque d'une double indemnisation des préjudices des intimés au motif de leur constitution de partie civile dans ces procédures pénales et/ ou de leur déclaration de créance au passif des procédures collectives des sociétés sus-visées.

En effet, les demandes indemnitaires formées contre la société Salzillo sont fondées sur l'inexécution de ses obligations contractuelles et ne peuvent donner lieu qu'à l'indemnisation d'une perte de chance, tandis que leurs demandes en paiement portées au pénal ou devant le liquidateur judiciaire sont formées à l'encontre des sociétés ayant créé et mis sur le marché les produits d'investissements litigieux et tendent à obtenir la restitution des fonds qu'ils ont investis. De plus fort, la MMA Iard ne peut pas sérieusement conclure dans le cadre des poursuites pénales à l'encontre de la société Marne et Finance « il apparaît également concernant l'affaire Bio C 'Bon que les conseils représentant les associations de défense (dont l'un d'eux agit ici au civil) ont dirigé une plainte au pénal » pour dire que « là encore, les investisseurs sont susceptibles d'être indemnisés par ce biais ce qui constituerait une double indemnisation des demandeurs », alors même qu'il n'est pas démontré que l'un ou l'autre des intimés fait partie de l'une de ces associations de défense

Ensuite, cette perte de chance tant de ne pas contracter que de ne pas bénéficier de la rentabilité du placement du capital investi signe un préjudice actuel et certain dès lors qu'en raison de la procédure collective des sociétés Stonehedge , Bio C 'Bon et Marne et Finance, les perspectives des intimés, simples créanciers chirographaires, d'être payés de leur créance déclarée sont hautement compromises, le liquidateur judiciaire de la société Stonehedge ayant notamment délivré un certificat d'irrecouvrabilité.

Dans ces conditions, la perte de chance des intimés de ne pas contracter et donc de ne pas se dessaisir de leur capital doit être évaluée à 95% ainsi que l'a justement décidé le tribunal dont la décision est confirmée sur ce point, étant relevé que les premiers juges ont pris en compte les sommes que M. [U] a perçu en exécution du protocole transactionnel signé avec la société Marne et Finance, les intimés n'ayant pas relevé appel incident sur le quantum des indemnités qui leur ont été ainsi allouées.

Les intimés ont par ailleurs subi un préjudice réel par le fait qu'il ont vainement investi des sommes dans des placements qui n'étaient pas adaptés à leur profil et leurs connaissances, subissant ainsi une perte de chance de percevoir une rémunération de ces capitaux, ceux-ci ayant été immobilisés en pure perte.

Le jugement déféré est en conséquence également confirmé sur l'indemnisation du préjudice des intimés au titre de l'immobilisation des sommes et de la privation des intérêts.

Sur l'appel incident

L'appréciation du préjudice moral des intimés ne peut pas être cantonée à la perte d'un investissement financier ainsi que l'a motivé le premier juge, alors même que cette motivation n'était pas soutenue par les intimés pour fonder cette demande indemnitaire.

L'existence et les éléments constitutif de ce poste de préjudice sont établis en considération du fait que la société Salzillo était en relation d'affaires avec les intimés, qu'elle n'a pas tenu compte de leur profil d'investisseur et qu'ils ont découvert tardivement la dangerosité des produits d'investissements commercialisés par celle-ci (les informations portées par ce CIF à la suite de la survenance des difficultés rencontrées par ces placements étant timorées et non représentatives de la situation) qui se sont avérés très éloignés de leur volonté d'investir dans des produits sécurisés

L'indemnisation de ce poste de préjudice sera accueillie à hauteur de la somme réclamée de 5.000€ pour chacun des investisseurs sous réserve de l'application de la franchise contractuelle de la MMA Iard.

Sur les mesures accessoires

Succombant dans ses prétentions, la MMA Iard est condamnée aux dépens d'appel et conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour ; elle est condamnée à verser aux intimés une indemnité de procédure pour l'instance d'appel.

Les mesures accessoires de première instance sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral,

Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

Condamne la société MMA Iard à verser, sous réserve de l'application de sa franchise contractuelle, à M. [C] [N], Mme [D] [A] épouse [N], Mme [B] [T]-[S], M. [Z] [U] et Mme [M] [W] épouse [U] une indemnité de 5.000€ chacun au titre du préjudice moral,

Déboute la société MMA Iard de sa demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MMA Iard à verser à M. [C] [N], Mme [D] [A] épouse [N], Mme [B] [T]-[S], M. [Z] [U] et Mme [M] [W] épouse [U], unis d'intérêts, la somme de 12.000€ à titre d'indemnité de procédure d'appel,

Condamne la société MMA Iard aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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