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Cass. com., 13 novembre 2025, n° 24-17.250

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

SIT Service industriel de tuyauterie (SAS)

Défendeur :

Robert Bas (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Bellino

Avocats :

SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Cass. com. n° 24-17.250

12 novembre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 mai 2024), reprochant à la société Robert Bas des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, les sociétés SIT Service industriel de tuyauterie (la société SIT) et Berre, appartenant au groupe SIT, ont, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, saisi par voie de requête le président d'un tribunal de commerce d'une demande de mesure de constat à exécuter dans les locaux de la société Robert Bas.

2. Par ordonnance du 18 mai 2022, le président du tribunal de commerce a accueilli cette demande et a ordonné le séquestre des éléments recueillis.

3. La mesure de constat a été exécutée le 7 juin 2022.

4. Les 18 juillet et 5 août 2022, la société Robert Bas a assigné en référé les sociétés SIT et Berre devant le président du tribunal de commerce aux fins de voir rétracter l'ordonnance du 18 mai 2022. Les sociétés SIT et Berre ont sollicité reconventionnellement la mainlevée du séquestre.

5. Par ordonnance du 6 février 2023, le président du tribunal de commerce a rejeté la demande de rétractation et ordonné la mainlevée des éléments séquestrés ainsi que leur communication aux sociétés SIT et Berre.

6. La société Robert Bas a relevé appel de cette ordonnance.

7. La société SIT a absorbé la société Berre avec effet au 30 avril 2023.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

8. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocate générale, après débats à l'audience publique du 2 avril 2025, où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Caillard, conseillère rapporteure, Mme Durin-Karsenty, conseillère doyenne, et Mme Thomas, greffière de chambre.

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société SIT, agissant tant en son nom qu'en qualité de société absorbante de la société Berre, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de mainlevée du séquestre présentée par les sociétés SIT et Berre, alors « que, lorsqu'à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès, il est fait état ou demandé la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué qu'elle est de nature à porter atteinte au secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, ordonner des mesures tendant à protéger le secret des affaires, et notamment la mise sous séquestre des éléments saisis à l'occasion de l'exécution de la mesure d'instruction in futurum ; qu'ensuite, le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre ; qu'en l'espèce, l'ordonnance sur requête du 18 mai 2022, rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, a autorisé les sociétés SIT et Berre à faire procéder à différentes mesures d'instruction in futurum à l'encontre de la société Robert Bas, "sans que puisse être opposé le secret des affaires" et donné en conséquence pour mission à l'huissier instrumentaire de conserver toutes les pièces recueillies en son étude et d'en être séquestre ; que le juge des requêtes ayant ainsi ordonné une mesure de séquestre afin de protéger le secret des affaires de la société Robert Bas, la levée totale ou partielle de cette mesure pouvait être sollicitée par les parties au cours de l'instance en rétractation introduite devant le juge des référés, peu important que le juge des requêtes ait ordonné la mesure de séquestre à la demande des sociétés SIT et Berre et non d'office ; qu'en décidant cependant que "les dispositions des articles R. 153-1 et suivants du code de commerce n'ont pas en l'espèce vocation à s'appliquer, dès lors que le premier juge saisi n'a pas ordonné d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires", la cour d'appel a violé les articles L. 153-1 et R. 153-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 153-1, alinéas 1er et 3, du code de commerce :

11. Il résulte de ce texte que, lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner, au besoin d'office, le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires. Le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues aux articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce, que cette mesure ait été prononcée d'office ou à la demande du requérant.

12. Pour infirmer l'ordonnance du 6 février 2023 en ce qu'elle a ordonné la mainlevée du séquestre et, statuant à nouveau, déclarer irrecevable la demande de mainlevée du séquestre présentée par les sociétés SIT et Berre, l'arrêt énonce qu'en application de l'article 497 du code de procédure civile, le juge des requêtes, saisi d'une demande de rétractation, a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance. Il retient que, dès lors, l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Il ajoute que les dispositions des articles R. 153-1 et suivants du code de commerce n'ont pas en l'espèce vocation à s'appliquer, dès lors que le premier juge saisi n'a pas ordonné d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires. Il en déduit que la demande de mainlevée de séquestre était irrecevable devant le juge de la rétractation.

13. En statuant ainsi, alors que le juge saisi en référé d'une demande de rétractation de l'ordonnance disposait du pouvoir de statuer sur la levée de la mesure de séquestre ordonnée par le juge à la demande du requérant afin d'assurer la protection du secret des affaires du saisi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. Il résulte de l'article R. 153-1, alinéa 3, du code de commerce, que le juge saisi en référé d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête est compétent pour statuer sur la levée de la mesure de séquestre ordonnée à la demande du requérant afin d'assurer la protection du secret des affaires du requis.

17. Toutefois, en application de l'article R. 153-1, alinéa 2, du code de commerce, lorsqu'aucune demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance n'a été présentée par le requis dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, ce dernier n'est plus recevable à invoquer la protection du secret des affaires pour s'opposer à la levée de la mesure de séquestre provisoire et à la transmission des pièces au requérant.

18. Comme le font valoir à juste titre les sociétés SIT et Berre, dès lors que l'ordonnance sur requête ayant prononcé la mesure de séquestre a été exécutée le 7 juin 2022 et que l'assignation aux fins de rétractation n'a été signifiée que le 18 juillet 2022 à la société SIT et le 5 août 2022 à la société Berre, la société Robert Bas n'est plus recevable à invoquer le secret des affaires pour s'opposer à la mainlevée de la mesure de séquestre.

19. Il y a donc lieu, par ce motif substitué, de confirmer l'ordonnance du 6 février 2023 en ce qu'elle a ordonné la mainlevée du séquestre et la communication des pièces placées sous séquestre aux sociétés SIT et Berre, à l'exclusion des documents obtenus en exécution de la mesure d'instruction au titre d'un débauchage déloyal et d'un détournement de clientèle s'agissant des clients Pernod-Ricard et Evian qui doivent être restitués à la société Robert Bas et dont les sociétés Berre et SIT ne peuvent se prévaloir.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance du 6 février 2023 rendue par le président du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en ce qu'elle a ordonné la mainlevée du séquestre et, statuant à nouveau, déclare irrecevable la demande de mainlevée du séquestre présentée par les sociétés SIT et Berre, l'arrêt rendu le 15 mai 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme l'ordonnance du 6 février 2023 en ce qu'elle a ordonné la mainlevée du séquestre des éléments et pièces placés sous séquestre auprès de l'huissier de justice en exécution de l'ordonnance du 18 mai 2022 et autorisé leur communication aux sociétés SIT et Berre, à l'exclusion des documents obtenus en exécution de la mesure d'instruction au titre d'un débauchage déloyal et d'un détournement de clientèle s'agissant des clients Pernod-Ricard et Evian qui doivent être restitués à la société Robert Bas et dont les sociétés Berre et SIT ne peuvent se prévaloir ;

Condamne la société Robert Bas aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Robert Bas et la condamne à payer à la société SIT Service industriel de tuyauterie, tant en son nom propre qu'en qualité de société absorbante de la société Berre, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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