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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 2, 5 novembre 2025, n° 22/03298

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/03298

5 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2025

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03298 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFICT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 8] - RG n° 19/07522

APPELANT

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 3] représenté par son administrateur provisoire, la SELARL AJ ASSOCIES, immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le numéro D 423 719 178 prise en la personne de Maître [X] [N] et de Me [H] [S]

dont le siège social est : [Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Priscillia MIORINI de la SELAS AVOCATS ASSOCIES MIORINI, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMEE

S.C.I. PLOUM

SIREN 438 967 986

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Hélène SOULIÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : G0227

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie CHABROLLE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine MOREAU, Présidente de Chambre

Madame Perrine VERMONT, Conseillère

Madame Marie CHABROLLE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Christine MOREAU, Présidente de Chambre, et par Madame Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * * * * * * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société civile immobilière Ploum est propriétaire des lots n° 260211 et n° 260376 au sein de la résidence en copropriété [Localité 9] II située [Adresse 2].

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée AJ Associés, prise en la personne de Maître [X] [N] et de Maître [H] [S], a été nommée en qualité d'administrateur provisoire de cette copropriété par ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Evry du 26 avril 2011, prolongée en dernier lieu par ordonnance du 13 novembre 2020, aux fins de représenter le syndicat principal de la copropriété Grigny II.

Par requête aux fins d'injonction de payer en date du 8 juillet 2019, le syndicat principal des copropriétaires de la résidence [Localité 10], représenté par la société AJ Associés, a sollicité la condamnation la société Ploum au paiement de la somme de 10 237,94 euros au titre des charges et provisions impayées (appel de fond du 4ème trimestre 2020 inclus), outre la somme de 51 euros au titre des frais de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et celle de 200 euros au titre des frais de l'injonction de payer.

Selon ordonnance du 19 août 2019, le président du tribunal judiciaire d'Evry a fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires sauf à fixer le point de départ des intérêts à 150 euros le montant des frais accessoires octroyés et à préciser que le point de départ des intérêts au taux légal était le 27 mai 2019 s'agissant des charges impayées.

La société Ploum, à qui cette ordonnance avait été signifiée à étude le 2 octobre 2019, a fait opposition à celle-ci par déclaration enregistrée au greffe le 30 octobre 2019.

Par jugement du 13 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Evry a :

- déclaré recevable l'opposition formée par la SCI Ploum à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 19 août 2019,

en conséquence,

- constaté sa mise à néant et statuant à nouveau, il a :

- débouté le syndicat principal des copropriétaires de la résidence [Localité 9] [Adresse 11] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SCI Ploum de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné le [Adresse 12] Grigny [Adresse 11] à payer à la SCI Ploum une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le [Adresse 12] [Localité 9] [Adresse 11] aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par deux déclarations remises au greffe le 9 février 2022 enrôlées sous les n° RG 22 /03298 et n° RG 22 /03299, le syndicat principal des copropriétaires de Grigny II a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté la SCI Ploum de sa demande de dommages et intérêts et ordonné l'exécution provisoire.

Par ordonnance d'incident du 9 mars 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction entre les deux procédures et dit qu'elles se poursuivraient sous le n° RG 22 /03298.

La procédure devant la cour a été clôturée le 2 juillet 2025.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2022 par lesquelles le syndicat principal des copropriétaires de [Localité 9] II à [Localité 9], appelant, invite la cour, à :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

déclaré recevable l'opposition formée par la société Ploum à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 19 août 2019,

constaté sa mise à néant et statuant à nouveau,

débouté le syndicat principal des copropriétaires de [Localité 9] II de l'ensemble de ses demandes,

condamné le syndicat principal des copropriétaires de [Localité 9] II à payer à la société Ploum une somme de 1 200 euros,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Ploum de sa demande de dommages et intérêts,

statuant à nouveau,

- débouter la société Ploum de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Ploum au paiement de la somme de 9 978,94 euros au titre des charges de copropriété appel de fonds du 4ème trimestre 2020 inclus,

- condamner la société Ploum aux frais exposés pour le recouvrement de la créance, soit la somme de 251 euros, et qui seront imputés à la défenderesse au titre des charges générales d'administration et ce, tant en application du règlement de copropriété qu'en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

- condamner la société Ploum au paiement des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019, date de la mise en demeure,

- condamner la société Ploum à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dus, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, conformément à l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Ploum à payer la somme de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2022 par lesquelles la société Ploum, intimée et appelante à titre incident, invite la cour, au visa des articles 1353 et suivants du code civil et 9 du code de procédure civile, à :

- la recevoir en ses conclusions d'appelant comportant appel incident et de l'y déclarer bien fondée,

y faisant droit,

- débouter le syndicat principal des copropriétaires de [Localité 9] II, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Ploum de sa demande de dommages et intérêts,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

statuant à nouveau,

- condamner le syndicat principal des copropriétaires de [Localité 9] II à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

pour le surplus,

- condamner le syndicat principal des copropriétaires de [Localité 9] II à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIVATION

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les expressions telles que « dire et juger », « déclarer » ou

« constater » ne constituent pas de véritables prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre la décision entreprise et dans la discussion des prétentions et moyens, mais pas dans le dispositif même des conclusions.

En conséquence, il n'y aura pas lieu de statuer sur celles-ci.

- Sur la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer et ses conséquences

En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires ne formule aucun moyen de fait et de droit au soutien de sa demande d'infirmation du jugement en ce que celui-ci a déclaré l'opposition de la société Ploum recevable.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette prétention.

- Sur les demandes du syndicat des copropriétaires

Moyens des parties

Pour justifier de sa créance de charges à hauteur de 9978,94 euros au 26 octobre 2020 (appel de fond du 4ème trimestre inclus), le syndicat des copropriétaires se prévaut des comptes régulièrement approuvés, y compris pour 2012 après une correction comptable à la suite d'un problème informatique expliqué lors de l'assemblée générale du 16 décembre 2015, et, pour 2017, après un rectificatif établi par un expert-comptable du fait d'erreurs dans les comptages d'eau ayant affecté moins de 1% des index relevés. Il met également en avant les carences de paiement de la société Ploum, contraires au règlement de copropriété.

Il répond à la contestation des montants des charges au titre des consommations d'eau pour les années 2013 à 2015 en soutenant :

produire les index relevés pour ces trois années, effectués par la société ISTA et transmis par le syndicat secondaire, qui avait seul pour mission de les relever, et avoir lui-même repris ces index dans les appels de charges correspondants, sa propre mission étant limitée à l'enregistrement et à l'appel de ces charges ;

que ces relevés sont probants :

comme relatifs aux compteurs de la société Ploum, le nom [U] étant celui de l'ancien propriétaire du lot n° 260376, la référence client E1000260376 correspondant, dans ces chiffres finaux, au numéro du lot,

et les mentions « CTR inaccessible » correspondant aux cas où l'occupant n'avait pas donné accès au logement ni retourné le coupon réponse voire à celui d'un compteur inaccessible du fait du propriétaire ;

qu'il n'est pas démontré par la société Ploum qu'il existerait une erreur sur ces relevés des index de consommation des compteurs d'eau, le syndicat secondaire ne lui ayant communiqué aucune irrégularité sur ces consommations d'eau ni de rectificatif de la société ISTA, et l'intimée procédant par affirmation sans indiquer sur quelle base et quel index retenir si une régularisation devait être justifiée ;

que, si le décompte ne mentionne pas le détail des charges notamment d'eau, ce dernier est bien précisé dans l'apurement des charges au titre de chacune des trois années en cause (pour 2013: 5810,43 euros, pour 2014, 4300,72 euros et pour 2015, 1951,80 euros).

S'agissant des frais de l'article 10-1, il fait valoir des frais hypothécaires, de relance et de mises en demeure.

Pour solliciter des dommages et intérêts, il se prévaut des carences de paiement de la société Ploum ayant provoqué un préjudice distinct d'un simple retard de paiement consistant à mettre en péril sa trésorerie mais aussi l'entretien de la copropriété, contraignant cette dernière à des avances de solidarités pour financer les coûts liés aux procédures, dans un contexte déjà difficile avec son administration provisoire.

En défense, la société Ploum fait valoir que le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la preuve des charges sollicitées en ce qu'il échoue à démontrer les montants de celles dont il demande le recouvrement au titre des consommations d'eau des années 2013, 2014 et 2015.

En effet, elle fait valoir que :

si les relevés d'index des consommations d'eau des trois années en cause contiennent des index identiques à ceux des appels de fond, ils ne peuvent pas lui être imputés comme comportant un numéro client différent de celui des lots dont elle est propriétaire et un nom distinct ;

le relevé d'index du 26 janvier 2017 comporte la mention « CTR inaccessible » sur la période 2014-2016 laissant entendre l'absence de relevé et ce alors que le syndicat reconnaît des incohérences quant au comptage d'eau ;

les montants des charges d'eau évalués à 5810,43 euros pour 2013, 4300,72 euros pour 2014, et 1951,80 euros pour 2015 sont largement excessifs à l'égard de son appartement de 45m2, loué à une personne célibataire, n'ayant subi aucun travaux de plomberie, et compte tenu de la facturation ensuite de 319,03 euros pour 2016, qu'elle estime redevenue normale ;

les incohérences sont visibles sur les montants appelés entre les années en cause (plus de 12000 euros sur ces trois années) et les deux années suivantes (319,30 puis 566,90 euros successivement en 2016 et 2017) ;

ces montants demeurent inexpliqués alors qu'il incombait à l'appelant, en tant que syndicat principal, d'assurer la bonne gestion de ces charges, d'effectuer les démarches nécessaires auprès du syndicat secondaire, ce d'autant qu'elle l'avait alerté à plusieurs reprises sur cette surfacturation dès 2016 (date de la réception des charges des années 2013 et 2014) et qu'il était soumis à la loi Warsmann ;

le décompte des charges produit ne fait pas apparaître les montants réclamés au titre des charges d'eau de ces trois années.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots.

L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges ; les provisions pour charges sont exigibles le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour fixé par l'assemblée générale et les sommes afférentes aux dépenses pour travaux sont exigibles selon les modalités votées en assemblée générale.

Selon l'article 14-1 de la même loi, pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et des équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel et les copropriétaires paient au syndicat des provisions égales au quart du budget voté sauf modalités différentes adoptées par l'assemblée générale. Cette provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale.

Conformément aux dispositions de l'article 45-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, il n'en reste pas moins que l'approbation des comptes de la copropriété n'emporte pas approbation des comptes individuels des copropriétaires.

En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient alors au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable des sommes qu'il réclame.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires verse aux débats en cause d'appel :

- les justificatifs de la qualité de propriétaire de la société Ploum (relevé et titre de propriété),

- le règlement de copropriété,

- les procès-verbaux des assemblées générales des 18 avril, 6 août 2013, 12 septembre 2014, 16 décembre 2015, 25 janvier 2016, 25 avril 2017, 4 juillet, 6 novembre, 10 décembre 2018, 30 septembre 2019,

- les appels de fonds et relevés individuels de charges des exercices 2010 (4ème trimestre et régularisation sur charges), 2011, 2012 avec leur correction comptable, ceux des exercices 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 avec le rectificatif établi par l'expert-comptable, enfin ceux des exercices 2018, 2019 et 2020 (4ème trimestre inclus),

- les relevés des compteurs d'eau transmis par la société ISTA pour la période 2013-2016,

- un décompte des charges demandées,

- une mise en demeure du 27 mai 2019.

Or, les productions et les explications apportées en appel par le syndicat des copropriétaires concernant le relevé des index de consommations d'eau de la SCI Ploum des années 2013 à 2015 démontrent qu'il s'agit bien des relevés transmis par l'intermédiaire de la société ISTA concernant les consommations d'eau de la société Ploum pour ces trois exercices. En effet, les index des consommations d'eau sont identiques à ceux repris dans les appels de fonds adressés à ce copropriétaire pour ces trois exercices, la référence client E1000260376 reprend le numéro du lot de la société Ploum (260376), le nom «[U]» mentionné sur le relevé correspond à celui d'un des anciens propriétaires du lot au vu de l'acte de vente du 16 août 2004 mentionnant notamment «Mme [E] [U]», et un même relevé de la société ISTA, avec des mentions similaires, porte sur les consommations aux index et montants non contestés au titre de l'exercice 2016.

Pour autant, d'importantes incohérences et confusions affectent les montants que le syndicat des copropriétaires dit avoir finalement appelés au titre des consommations d'eau de ces trois années ainsi que la lisibilité du décompte de charges produit.

D'abord, les charges sollicitées au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 portent sur des montants de près de dix fois supérieurs à ceux appelés en 2011 (2012 ayant fait l'objet d'un rectificatif dont le montant au titre des charges d'eau n'est pas lisible sur le décompte et les appels de charges produits aux débats), 2016 et 2017 puisque les montants sont de 5810,43 euros en 2013, 4300,72 euros en 2014, 1951,80 euros en 2015 face à des montants de 228,02 euros en 2011, 319,03 euros en 2016 et 566,90 euros en 2017.

Ensuite, les index de consommation mentionnés sur les relevés produits et retenus pour le calcul de ces charges sont tout aussi incohérents, avec notamment des indices d'eau chaude et d'eau froide de 14 et 30 en 2011, 29 et 28 en 2016, 45 et 69 en 2017 face à 125 et 1188 en 2013, 140 et 1210 en 2014, 84 et 292 en 2015. Ces distorsions auraient dû inciter le syndicat principal à effectuer des vérifications auprès du syndicat secondaire sur ce différentiel exorbitant avant de calculer et d'appeler ces charges auprès de la SCI Ploum, a fortiori face aux mentions «CTR inaccessible» indiquées en 2014, 2015 mais aussi en 2016 qui conduiront pourtant à des relevés d'index et des calculs de charges très différents entre ces trois années, puis au vu des courriels adressés par le copropriétaire dès la réception des appels de charges 2013 et 2014 en 2016.

En outre, le montant retenu par l'appelant au titre de la consommation d'eau de l'exercice 2014 est incompréhensible puisque, s'il argue dans ses écritures d'un total de 4300,72 euros à ce titre en soutenant se fonder sur l'appel de charges du 28 décembre 2015 dit «apurement 2014» produit en pièce n°51 pour ce montant, il produit ensuite en pièce n°52 un appel du 23 mai 2016 intitulé «rectificatif d'eau 2014» portant la mention «annulation répartition eau 2014» déduisant la somme précédemment appelée et retenant, au titre des mêmes index de consommation d'eau pour 2014, un total de 5502,37 euros, repris comme tel dans son décompte de créance de charges.

Au surplus, il est établi que des erreurs de calcul des montants ou des index relatifs à ses consommations d'eau ont également touché la SCI Ploum tant pour les charges d'eau 2012, tout juste antérieures à celles ici contestées, que pour celles de l'exercice 2017 postérieur, puisque cette société a fait l'objet de la régularisation pour 2012 visée par le procès-verbal de l'assemblée générale du 16 décembre 2015 compte tenu de la mention «annulation reprise de provision» portée le 31 décembre 2012 sur le décompte de charges produit, puis du rectificatif comptable issu des irrégularités de comptages d'eau de certains au vu de l'appel de fond dit «apurement 2017» la concernant et du décompte produit aux débats.

Aussi, il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'appelant ne démontre pas la certitude de la créance de charges de 12 062,95 euros au titre des charges d'eau des exercices 2013, 2014 et 2015 dont il se prévaut, donc celle de la créance de 9978,94 euros qu'il sollicite au titre des charges arrêtées au 26 octobre 2020 (appel de fond du 4ème trimestre inclus).

Il doit donc être débouté de sa demande en paiement ainsi que de toutes ses demandes accessoires à cette demande principale, à savoir le paiement des frais invoqués au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, les dommages et intérêts et la capitalisation des intérêts.

Dès lors, le jugement sera également confirmé de ce chef.

3- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Ploum

Moyens des parties

La société Ploum, appelante incidente, se prévaut de la défaillance du syndicat des copropriétaires et de son syndic dans la reddition des comptes de propriété, en ce qu'il lui a adressé ceux-ci avec plusieurs années de retard, en 2015 pour 2013, 2016 pour 2014, après 2021 pour 2018, malgré son courrier recommandé avec accusé de réception du 12 juillet 2019, donc après l'approbation des comptes à effectuer «à N+1». Elle soutient qu'il en est résulté pour elle les préjudices suivants : un empêchement de réaliser la régularisation des charges auprès de ses locataires et d'intervenir en cas de comptes irréguliers comme en 2013, 2014, 2015 ..., ainsi que le montre la note de 2020 relative aux erreurs dans le comptage de la consommation d'eau en 2017.

Le syndicat des copropriétaires, représenté par son administrateur provisoire, répond que la société Ploum ne démontre aucun préjudice ni faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil :

le préjudice invoqué quant à l'impossible régularisation des charges auprès des locataires est hypothétique, faute de preuve, et, en tout état de cause, en tant que propriétaire, l'intimée était en mesure de régulariser ces charges dans le délai maximal de trois ans au vu de leur envoi dans un délai de deux ans ;

le préjudice lié à l'impossible contestation n'est pas constitué compte tenu de la contestation opérée dans le cadre de la présente procédure, du fait que les apurements des consommations d'eau pour 2013 à 2016 ont bien été adressés avant l'approbation des comptes et procès-verbaux de décisions ;

l'apurement effectué «à N+2» ne constitue pas une faute.

Réponse de la cour

Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application des articles 43 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 et 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, le budget prévisionnel est voté avant le début de l'exercice qu'il concerne et dans les 6 mois de la fin de l'exercice comptable précédent.

L'article 14-3 de la même loi, énonce dans son 1er alinéa que les comptes du syndicat comprennent notamment :

le «budget prévisionnel ;

les «charges et produits de l'exercice».

Il précise que ces comptes sont présentés «avec un comparatif des comptes de l'exercice précédent approuvé».

Enfin, l'article 2 du décret n°2005-240 du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires, dispose notamment que «le syndicat des copropriétaires approuve les comptes de l'exercice clos et vote, d'une part, le budget prévisionnel concernant les dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, d'autre part les dépenses pour travaux prévus par l'article 14-2 et les opérations exceptionnelles selon les règles et les modalités de présentation précisées ci-après, pour l'information des copropriétaires et des tiers.».

Il résulte de ces dispositions qu'il doit être voté en assemblée générale annuelle lors de l'année en cours (N+1 selon les documents relatifs à la copropriété), d'une part, l'approbation des comptes de l'exercice N (exercice clos) et d'autre part, le réajustement éventuel du budget prévisionnel de l'exercice N+1 (exercice en cours au moment de l'AG) et le budget prévisionnel de l'exercice futur (N+2) dans les 6 mois qui suivent la fin de l'exercice comptable.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les apurements des charges pour les exercices 2013, 2014, 2015 et 2016 ont été adressés deux années plus tard à la SCI Ploum, avec des dates d'établissement des 11 août 2015, 28 décembre 2015, 3 octobre 2017, 7 juin 2018 et que, s'agissant des charges de l'exercice 2018, aucun apurement n'avait pas été envoyé à l'intimée en 2021, malgré son courrier recommandé de réclamation du 12 juillet 2019.

Il ressort, à cet égard, des procès-verbaux d'assemblée générale versés aux débats que l'approbation des comptes au titre des charges des années 2013, 2014, 2015 et 2016 a eu lieu lors d'assemblées générales organisées également deux ans plus tard, à savoir respectivement le 16 décembre 2015, le 25 janvier 2016, le 3 octobre 2017 et le 4 juillet 2018.

Il est donc établi que n'ont pas été approuvés les comptes comprenant ces charges de l'année N lors de l'assemblée générale de l'année N+1, comme prévu par les textes précités.

L'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires suppose alors que soit rapportée la preuve, par la société Ploum, d'un préjudice en résultant pour elle.

Or, elle ne produit aux débats aucun élément démontrant une impossible régularisation des charges auprès de ses locataires : ni contrat de bail, ni décompte locatif faisant apparaître des impayés de charges, ni courrier de contestation ou décision judiciaire à son détriment du fait de la contestation par un locataire d'une régularisation de charges.

Par ailleurs, il ressort de la présente procédure que l'intimée a été en mesure de contester les charges ici appelées par le syndicat des copropriétaires jusqu'au 4ème trimestre 2020 inclus, en particulier au titre des consommations d'eau 2013 à 2015. Au surplus, l'approbation des comptes au titre des charges des années 2013 à 2016 a toujours eu lieu lors d'assemblées générales organisées après leur établissement au profit de la société Ploum offrant à celle-ci la possibilité de les remettre en cause. Concernant l'apurement des charges 2018, le défaut d'apurement encore en 2021 ne démontre pas en soi une impossibilité pour celle-ci de les contester au moment de leur établissement et de l'assemblée générale relatives à l'approbation des comptes les incluant.

Aussi, faute de démonstration d'un préjudice, la société Ploum sera déboutée de sa demande reconventionnelle et le jugement sera confirmé sur ce chef.

4- Sur les frais du procès et l'exécution de l'arrêt

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires, partie perdante au principal, doit être condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Ploum la somme supplémentaire de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'arrêt étant exécutoire, il n'y a pas lieu d'en ordonner l'exécution provisoire.

Par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1967, la société Ploum sera dispensée de participer aux frais de la présente procédure qui seront répartis sur les autres copropriétaires.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne le syndicat principal de la copropriété [Localité 9] [Adresse 11] située [Adresse 4], représenté par son administrateur provisoire, la société AJ Associés, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Ploum la somme supplémentaire de 1500 euros par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;

Dispense la société Ploum à participer aux frais de la procédure qui seront répartis entre les autres copropriétaires ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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