CA Versailles, ch. com. 3-1, 5 novembre 2025, n° 23/07849
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/07849 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WGOS
AFFAIRE :
S.A.S. RRV
C/
S.N.C. PEREGE PATRIMOINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles
N° RG : 23/04579
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Morgane FRANCESCHI
Me Sophie ROJAT
TJ [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. RRV
RCS [Localité 9] n° 913 584 777
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentants : Me Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570 et Me Nicolas PCHIBICH de la SELARL RETAIL PLACES, plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.N.C. PEREGE PATRIMOINE
RCS [Localité 5] n° 913 594 529
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentants : Me Sophie ROJAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427 et Me Davina SUSINI-LAURENTI de la SARL DAVINA SUSINI-LAURENTI AVOCAT, membre de l'AARPI ANDERS AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
Exposé du litige
Par acte sous-seing du 22 octobre 1982, les consorts [E] ont donné à bail commercial à la société [Localité 6] esthétique des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble sis, [Adresse 1] à [Localité 7] pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 1982. Ce bail a été renouvelé le 2 janvier 1992 et le 30 mars 2001.
Le 16 avril 2007, la société [Localité 6] esthétique a cédé son fonds de commerce à la société [W] Esthétique et un avenant au bail commercial a été régularisé le 10 juin 2007 prenant acte du changement de preneur.
Par acte du 30 décembre 2011, la société [W] esthétique a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2012. Le 30 mars 2012, les membres de l'indivision ont accepté le principe du renouvellement, le bail étant renouvelé moyennant le loyer en cours. En application de la révision, le loyer a été porté à la somme annuelle de 6.340,92 euros hors taxes et hors charges.
Par acte du 19 janvier 2022, la société [W] esthétique a demandé le renouvellement du bail commercial à compter du 1er avril 2022 aux mêmes charges et conditions que le bail expiré.
Le 2 juin 2022, la société [W] Esthétique a cédé son fonds de commerce à la société RVV et, par acte du 11 juillet 2022, la société Pérège patrimoine a acquis l'ensemble immobilier dont dépendent les locaux loués.
Après avoir notifié à la société RRV un mémoire préalable, la société Pérège patrimoine l'a assignée devant le juge des loyers commerciaux de [Localité 9] en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle en principal de 17.553 euros. La société RVV, s'opposant au déplafonnement du loyer, a demandé la fixation de ce loyer à la somme annuelle de 6.504 euros en principal.
Par jugement du 3 novembre 2023, ce juge a pour l'essentiel :
- constaté le renouvellement au 1er avril 2022 du bail commercial liant les parties et portant sur divers locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] (78) ;
- dit que le montant du loyer du bail renouvelé n'est pas soumis au plafond indiciaire en raison d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce exercé au cours du bail expiré ;
- avant-dire droit, sur la 'xation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé, ordonné une expertise et commis pour y procéder, M. [O] et fixé le loyer provisionnel dû par la société RRV, pour la durée de l'instance, au montant du loyer résultant du bail échu, indexé conformément aux stipulations contractuelles ;
- réservé les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Par déclaration du 21 novembre 2023, la société RRV a fait appel de ce jugement en chacun de ses chefs et par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 mai 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- de fixer le prix du bail renouvelé au 1er avril 2022, à la somme annuelle de 6.504 euros hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées à l'exception de celles incompatibles avec les dispositions d'ordre public de la loi Pinel ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert de donner son avis sur les éventuels motifs de déplafonnement du loyer, en application de l'article R. 145-30 du code de commerce, et de fixer le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au dernier loyer en vigueur ;
- à titre plus subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle de 8.100 euros hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées à l'exception de celles incompatibles avec les dispositions d'ordre public de la loi Pinel ;
- en tout état de cause, de juger que le nouveau loyer est dû à compter de la date de la notification du mémoire du bailleur, à savoir le 1er juin 2023, conformément à l'article L. 145-11 du code de commerce, de condamner la société Pérège patrimoine à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Pérège patrimoine aux dépens de l'instance.
La société RVV soutient que le loyer du bail renouvelé doit être fixé au montant du loyer plafonné et que le nouveau loyer n'est dû en tout état de cause qu'à compter du 1er juin 2023, date de la première demande du bailleur comportant un montant de loyer.
Elle fait valoir qu'en l'absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exploitée par son prédécesseur, le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative décidés par le premier juge ne sont pas fondés et que le juge des loyers ne pouvait pas considérer comme acquise la modification notable des facteurs locaux de commercialité alors que les rapports amiables produits par les parties divergeaient et qu'elle-même contestait des arguments de l'expert mandaté par le bailleur mais qu'une expertise judiciaire s'imposait sur ce point.
Elle conteste que la provision à valoir sur la rémunération de l'expert judiciaire ait été partagée entre les parties alors que c'est le bailleur qui souhaite le déplafonnement du loyer et fait observer que le juge des loyers a fixé le loyer provisionnel au montant du loyer résultant du bail échu indexé conformément aux stipulations contractuelles alors que le bail ne comporte pas de clause d'indexation.
Subsidiairement, la société RVV soutient que si la cour entendait, sans mesure d'expertise sur les facteurs locaux de commercialité, considérer qu'il y a lieu à déplafonnement, elle ne saurait se prononcer sur la valeur locative, sauf à priver les parties d'un double degré de juridiction mais la société RVV ajoute que dans une telle hypothèse, le loyer doit être fixé au montant de 8.100 euros.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 juin 2025, la société Pérège patrimoine demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la société RRV de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, si le jugement entrepris devait être censuré pour avoir désigné avant-dire droit un expert, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle en principal de 18.076 euros HT et HC ;
- de dire que les arriérés de loyer porteront intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2022 et au fur et à mesure des échéances échues jusqu'à parfait paiement et que les intérêts seront capitalisés par application de l'article 1343-2 du code civil ;
- de juger que le dépôt de garantie devra être réajusté pour correspondre à trois mois de loyer HT et HC ;
- en tout état de cause, de condamner la société RRV au paiement d'une indemnité complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
La société Pérège patrimoine soutient que, compte tenu de l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré, le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative.
Elle estime que le juge des loyers a recouru à bon droit à une expertise judiciaire pour déterminer la valeur locative en partageant entre les parties la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, la mesure étant dans l'intérêt des deux parties, et qu'ayant sursis à statuer, il est normal qu'il n'ait pas examiné les autres demandes dont celle de la société RVV de faire application de l'article L. 145-11 du code de commerce.
Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement en ce qu'il a désigné avant-dire droit un expert, la société Pérège patrimoine demande la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative de 18.076 euros hors taxes et hors charges, faisant valoir que la surface pondérée à retenir est de 39 m², que le prix unitaire ne peut être inférieur à 450 euros/m², que la clause de destination, extrêmement large, justifie une majoration de 5 % sur la valeur locative et que les travaux de mise en conformité à la charge du preneur impliquent un abattement de 2 %
Pendant l'instance d'appel, l'expert judiciaire a déposé son rapport le 2 décembre 2024.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 juin 2025.
Par message RPVA du 11 septembre 2025, la cour a invité les parties à faire valoir leurs observations sur le pouvoir de la cour, en cas de confirmation de la mesure d'expertise judiciaire, de fixer le loyer à la valeur locative comme l'y invite à titre très subsidiaire la société RVV, alors que l'appel porte sur un jugement mixte.
SUR CE,
L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage. »
L'article L. 145-34 du même code dispose que :
« A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques ('). »
Il résulte de ces textes qu'il ne peut être fait droit au déplafonnement qu'à la condition que soit démontrée une modification notable de l'un et/ou de l'autre des éléments suivants : les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité.
Pour justifier sa demande de déplafonnement du loyer, la société Pérège patrimoine se prévaut d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Une telle modification, dont la preuve incombe à la société Pérège patrimoine, doit être intervenue pendant le bail expiré, soit en l'espèce entre 2012 et 2022, et être de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur, soit en l'espèce un commerce de soins de beauté tel qu'exploité par la société [W] Esthétique dont l'activité principale déclarée était « soins esthétiques en cabine du visage et du corps, achat et vente de produits de beauté, produits naturels et tous produits d'esthétique et de parfumerie et tous objets s'y rattachant, objet, cadeaux ». L'activité effectivement exploitée par la société RVV à compter de l'acquisition du fonds de commerce, le 2 juin 2022 après l'expiration du bail à renouveler, n'a donc pas à être prise en compte pour apprécier la modification des facteurs locaux de commercialité et son caractère notable.
L'article R.145-6 du code de commerce précise que « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ».
Selon la société Pérège patrimoine, l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité résultent cumulativement de la construction entre 2016 et 2021 de 395 logements représentant 24.619 m², de la restructuration complète de la gare de [Localité 6] à proximité immédiate dans la perspective du prolongement du RER E, de l'augmentation de la population entre 2012 et 2019 du quartier de la gare (+ 8,86 %), de l'augmentation sur la même période des revenus des ménages de la commune de [Localité 6] (+ 5,25 %), tous éléments établis par l'expert qu'elle a mandaté, M. [B]. Elle s'appuie également sur les éléments d'évolution favorables relevés par l'expert mandaté par la société RVV, M. [J] et relatifs aux constructions de logement, à l'augmentation du nombre des résidences principales et secondaires, à l'augmentation du pouvoir d'achat des résidents du secteur, à l'augmentation de la population salariée, au développement du télétravail, au rachat d'un cinéma en novembre 2020 rendant attractif le centre-ville.
Le local pris à bail est situé dans le centre-ville historique de [Localité 6], sur l'axe commerçant central de la ville et à 250 mètres environ de la gare du [8] et de la ligne J du Transilien. Il n'est pas fait état de modifications du centre-ville de [Localité 6] et de cette artère commerçante pendant le bail expiré et si la gare a été restructurée et modernisée entre 2016 et 2019, les experts mandatés par chacune des parties n'ont pas mesuré l'impact de ce changement sur la fréquentation de la gare, dont l'évolution est seule susceptible d'avoir une incidence favorable sur le commerce exploité. Au contraire M. [B] a relevé une fréquentation en faible hausse entre 2015 et 2019 (10,6 millions de passages en 2015 et 10,8 millions en 2019) et l'année 2021 affiche une faible fréquentation (6,4 millions de passages), les données 2022 n'étant pas disponibles.
Quant aux constructions de logements, M. [B] a pris en compte une construction neuve située à 500 mètres du local considéré, ce qui est une distance excessive pour qu'elle puisse être considérée comme favorable au commerce en cause, et une opération de « démolition-construction neuve » en considérant les seuls logements neufs à l'exclusion de ceux susceptibles d'avoir été démolis. En dehors de ces deux opérations, le nombre de logements dans un secteur situé à 400 mètres du commerce en cause s'est ainsi accru de 251 unités entre 2016 et 2019. La population de la commune de [Localité 6] est par ailleurs passée de 38.059 habitants en 2012 à 39.475 habitants en 2019, soit une hausse de 3,72 %, celle du quartier de la gare ayant connu une évolution plus dynamique de + 8,86 % en passant de 2.844 à 3.096 habitants. Ainsi, si la tendance en termes d'évolution de la population est favorable pour le commerce de soins esthétiques, elle ne peut toutefois être qualifiée de significative.
L'évolution des revenus fiscaux est, quant à elle, qualifiée par M. [B] de favorable pour l'activité visée mais « non significative », les revenus fiscaux disponibles médians des quatre quartiers de [Localité 6] retenus par l'expert ayant augmenté en moyenne de 5,25 % entre 2012 et 2019, ceux des résidents du quartier de la gare ayant augmenté de 3,73 %. M. [B] n'a pas relevé de changement dans la répartition des catégories socio-professionnelles pendant cette même période.
Quant aux mouvements d'enseignes, la période 2013-2022 est marquée par une grande stabilité, M. [B] dénombrant 43 locaux commerciaux dans la rue des locaux pris à bail et relevant 7 changements d'enseignes.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si la commune de [Localité 6] et, en particulier, le quartier de la gare ont connu sur la période pertinente un dynamisme démographique favorable au commerce considéré, cette évolution ne s'est pas accompagnée d'autres changements, les autres facteurs de commercialité ayant été au contraire remarquablement stables.
M. [J], expert mandaté par la société RVV, conclut sa propre analyse de l'évolution des facteurs de commercialité en qualifiant cette évolution de « légèrement favorable ».
Il convient dès lors de constater, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise judiciaire en vue d'analyser l'évolution des facteurs locaux de commercialité, que la société Pérège patrimoine manque à établir une modification notable des facteurs locaux de commercialité pendant la durée du bail expiré, entre 2012 et 2022.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à un déplafonnement du loyer et que le loyer du bail renouvelé doit être fixé selon la variation des indices comme en dispose l'article L. 145-34 du code de commerce, soit à la somme de 6.504 euros par an hors taxes et hors charges correspondant au loyer plafonné.
Aux termes de l'article L. 145-11 du code de commerce, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose, faute de quoi le nouveau prix n'est dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.
En l'espèce, la société [W] esthétique a demandé le renouvellement du bail commercial par acte du 19 janvier 2022 et le bailleur n'a pas répondu à cette demande dans les trois mois de sa notification. La société Pérège patrimoine a fait connaître le loyer qu'elle propose par mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux notifié à la date non discutée par les parties du 1er juin 2023, le nouveau prix de 6.504 euros par an est dû à compter de cette dernière date.
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a constaté le renouvellement du bail commercial au 1er avril 2022 et fixé le loyer provisionnel dû par la société RRV, pour la durée de l'instance, au montant du loyer résultant du bail échu. La société Pérège patrimoine sera déboutée de toutes ses demandes et le loyer du bail renouvelé fixé à 6.504 euros par an hors taxes et hors charges, ce nouveau prix étant dû à compter du 1er juin 2023.
Partie perdante, la société Pérège patrimoine sera condamnée aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel. Elle ne peut de ce fait prétendre à une indemnité procédurale et sera condamnée à payer à la société RVV une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a constaté le renouvellement du bail commercial au 1er avril 2022 et a fixé le loyer provisionnel dû par la société RRV, pour la durée de l'instance, au montant du loyer résultant du bail échu ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société Pérège patrimoine de toutes ses demandes ;
Fixe le prix du bail commercial liant les parties et portant sur divers locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] (78) et renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle de 6.504 euros hors charges et hors taxes ;
Dit que le nouveau loyer est dû à compter du 1er juin 2023 ;
Condamne la société Pérège patrimoine aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel ;
Déboute la société Pérège patrimoine de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Pérège patrimoine à payer à la société RVV la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 30C
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/07849 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WGOS
AFFAIRE :
S.A.S. RRV
C/
S.N.C. PEREGE PATRIMOINE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Versailles
N° RG : 23/04579
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Morgane FRANCESCHI
Me Sophie ROJAT
TJ [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. RRV
RCS [Localité 9] n° 913 584 777
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentants : Me Morgane FRANCESCHI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 570 et Me Nicolas PCHIBICH de la SELARL RETAIL PLACES, plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.N.C. PEREGE PATRIMOINE
RCS [Localité 5] n° 913 594 529
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentants : Me Sophie ROJAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427 et Me Davina SUSINI-LAURENTI de la SARL DAVINA SUSINI-LAURENTI AVOCAT, membre de l'AARPI ANDERS AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
Exposé du litige
Par acte sous-seing du 22 octobre 1982, les consorts [E] ont donné à bail commercial à la société [Localité 6] esthétique des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble sis, [Adresse 1] à [Localité 7] pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 1982. Ce bail a été renouvelé le 2 janvier 1992 et le 30 mars 2001.
Le 16 avril 2007, la société [Localité 6] esthétique a cédé son fonds de commerce à la société [W] Esthétique et un avenant au bail commercial a été régularisé le 10 juin 2007 prenant acte du changement de preneur.
Par acte du 30 décembre 2011, la société [W] esthétique a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2012. Le 30 mars 2012, les membres de l'indivision ont accepté le principe du renouvellement, le bail étant renouvelé moyennant le loyer en cours. En application de la révision, le loyer a été porté à la somme annuelle de 6.340,92 euros hors taxes et hors charges.
Par acte du 19 janvier 2022, la société [W] esthétique a demandé le renouvellement du bail commercial à compter du 1er avril 2022 aux mêmes charges et conditions que le bail expiré.
Le 2 juin 2022, la société [W] Esthétique a cédé son fonds de commerce à la société RVV et, par acte du 11 juillet 2022, la société Pérège patrimoine a acquis l'ensemble immobilier dont dépendent les locaux loués.
Après avoir notifié à la société RRV un mémoire préalable, la société Pérège patrimoine l'a assignée devant le juge des loyers commerciaux de [Localité 9] en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle en principal de 17.553 euros. La société RVV, s'opposant au déplafonnement du loyer, a demandé la fixation de ce loyer à la somme annuelle de 6.504 euros en principal.
Par jugement du 3 novembre 2023, ce juge a pour l'essentiel :
- constaté le renouvellement au 1er avril 2022 du bail commercial liant les parties et portant sur divers locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] (78) ;
- dit que le montant du loyer du bail renouvelé n'est pas soumis au plafond indiciaire en raison d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce exercé au cours du bail expiré ;
- avant-dire droit, sur la 'xation judiciaire du montant du loyer du bail renouvelé, ordonné une expertise et commis pour y procéder, M. [O] et fixé le loyer provisionnel dû par la société RRV, pour la durée de l'instance, au montant du loyer résultant du bail échu, indexé conformément aux stipulations contractuelles ;
- réservé les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Par déclaration du 21 novembre 2023, la société RRV a fait appel de ce jugement en chacun de ses chefs et par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 mai 2025, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- de fixer le prix du bail renouvelé au 1er avril 2022, à la somme annuelle de 6.504 euros hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées à l'exception de celles incompatibles avec les dispositions d'ordre public de la loi Pinel ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert de donner son avis sur les éventuels motifs de déplafonnement du loyer, en application de l'article R. 145-30 du code de commerce, et de fixer le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au dernier loyer en vigueur ;
- à titre plus subsidiaire, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle de 8.100 euros hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées à l'exception de celles incompatibles avec les dispositions d'ordre public de la loi Pinel ;
- en tout état de cause, de juger que le nouveau loyer est dû à compter de la date de la notification du mémoire du bailleur, à savoir le 1er juin 2023, conformément à l'article L. 145-11 du code de commerce, de condamner la société Pérège patrimoine à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Pérège patrimoine aux dépens de l'instance.
La société RVV soutient que le loyer du bail renouvelé doit être fixé au montant du loyer plafonné et que le nouveau loyer n'est dû en tout état de cause qu'à compter du 1er juin 2023, date de la première demande du bailleur comportant un montant de loyer.
Elle fait valoir qu'en l'absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur l'activité exploitée par son prédécesseur, le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative décidés par le premier juge ne sont pas fondés et que le juge des loyers ne pouvait pas considérer comme acquise la modification notable des facteurs locaux de commercialité alors que les rapports amiables produits par les parties divergeaient et qu'elle-même contestait des arguments de l'expert mandaté par le bailleur mais qu'une expertise judiciaire s'imposait sur ce point.
Elle conteste que la provision à valoir sur la rémunération de l'expert judiciaire ait été partagée entre les parties alors que c'est le bailleur qui souhaite le déplafonnement du loyer et fait observer que le juge des loyers a fixé le loyer provisionnel au montant du loyer résultant du bail échu indexé conformément aux stipulations contractuelles alors que le bail ne comporte pas de clause d'indexation.
Subsidiairement, la société RVV soutient que si la cour entendait, sans mesure d'expertise sur les facteurs locaux de commercialité, considérer qu'il y a lieu à déplafonnement, elle ne saurait se prononcer sur la valeur locative, sauf à priver les parties d'un double degré de juridiction mais la société RVV ajoute que dans une telle hypothèse, le loyer doit être fixé au montant de 8.100 euros.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 juin 2025, la société Pérège patrimoine demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la société RRV de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, si le jugement entrepris devait être censuré pour avoir désigné avant-dire droit un expert, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle en principal de 18.076 euros HT et HC ;
- de dire que les arriérés de loyer porteront intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2022 et au fur et à mesure des échéances échues jusqu'à parfait paiement et que les intérêts seront capitalisés par application de l'article 1343-2 du code civil ;
- de juger que le dépôt de garantie devra être réajusté pour correspondre à trois mois de loyer HT et HC ;
- en tout état de cause, de condamner la société RRV au paiement d'une indemnité complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.
La société Pérège patrimoine soutient que, compte tenu de l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré, le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative.
Elle estime que le juge des loyers a recouru à bon droit à une expertise judiciaire pour déterminer la valeur locative en partageant entre les parties la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, la mesure étant dans l'intérêt des deux parties, et qu'ayant sursis à statuer, il est normal qu'il n'ait pas examiné les autres demandes dont celle de la société RVV de faire application de l'article L. 145-11 du code de commerce.
Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement en ce qu'il a désigné avant-dire droit un expert, la société Pérège patrimoine demande la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative de 18.076 euros hors taxes et hors charges, faisant valoir que la surface pondérée à retenir est de 39 m², que le prix unitaire ne peut être inférieur à 450 euros/m², que la clause de destination, extrêmement large, justifie une majoration de 5 % sur la valeur locative et que les travaux de mise en conformité à la charge du preneur impliquent un abattement de 2 %
Pendant l'instance d'appel, l'expert judiciaire a déposé son rapport le 2 décembre 2024.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 juin 2025.
Par message RPVA du 11 septembre 2025, la cour a invité les parties à faire valoir leurs observations sur le pouvoir de la cour, en cas de confirmation de la mesure d'expertise judiciaire, de fixer le loyer à la valeur locative comme l'y invite à titre très subsidiaire la société RVV, alors que l'appel porte sur un jugement mixte.
SUR CE,
L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que :
« Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage. »
L'article L. 145-34 du même code dispose que :
« A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques ('). »
Il résulte de ces textes qu'il ne peut être fait droit au déplafonnement qu'à la condition que soit démontrée une modification notable de l'un et/ou de l'autre des éléments suivants : les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité.
Pour justifier sa demande de déplafonnement du loyer, la société Pérège patrimoine se prévaut d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Une telle modification, dont la preuve incombe à la société Pérège patrimoine, doit être intervenue pendant le bail expiré, soit en l'espèce entre 2012 et 2022, et être de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur, soit en l'espèce un commerce de soins de beauté tel qu'exploité par la société [W] Esthétique dont l'activité principale déclarée était « soins esthétiques en cabine du visage et du corps, achat et vente de produits de beauté, produits naturels et tous produits d'esthétique et de parfumerie et tous objets s'y rattachant, objet, cadeaux ». L'activité effectivement exploitée par la société RVV à compter de l'acquisition du fonds de commerce, le 2 juin 2022 après l'expiration du bail à renouveler, n'a donc pas à être prise en compte pour apprécier la modification des facteurs locaux de commercialité et son caractère notable.
L'article R.145-6 du code de commerce précise que « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ».
Selon la société Pérège patrimoine, l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité résultent cumulativement de la construction entre 2016 et 2021 de 395 logements représentant 24.619 m², de la restructuration complète de la gare de [Localité 6] à proximité immédiate dans la perspective du prolongement du RER E, de l'augmentation de la population entre 2012 et 2019 du quartier de la gare (+ 8,86 %), de l'augmentation sur la même période des revenus des ménages de la commune de [Localité 6] (+ 5,25 %), tous éléments établis par l'expert qu'elle a mandaté, M. [B]. Elle s'appuie également sur les éléments d'évolution favorables relevés par l'expert mandaté par la société RVV, M. [J] et relatifs aux constructions de logement, à l'augmentation du nombre des résidences principales et secondaires, à l'augmentation du pouvoir d'achat des résidents du secteur, à l'augmentation de la population salariée, au développement du télétravail, au rachat d'un cinéma en novembre 2020 rendant attractif le centre-ville.
Le local pris à bail est situé dans le centre-ville historique de [Localité 6], sur l'axe commerçant central de la ville et à 250 mètres environ de la gare du [8] et de la ligne J du Transilien. Il n'est pas fait état de modifications du centre-ville de [Localité 6] et de cette artère commerçante pendant le bail expiré et si la gare a été restructurée et modernisée entre 2016 et 2019, les experts mandatés par chacune des parties n'ont pas mesuré l'impact de ce changement sur la fréquentation de la gare, dont l'évolution est seule susceptible d'avoir une incidence favorable sur le commerce exploité. Au contraire M. [B] a relevé une fréquentation en faible hausse entre 2015 et 2019 (10,6 millions de passages en 2015 et 10,8 millions en 2019) et l'année 2021 affiche une faible fréquentation (6,4 millions de passages), les données 2022 n'étant pas disponibles.
Quant aux constructions de logements, M. [B] a pris en compte une construction neuve située à 500 mètres du local considéré, ce qui est une distance excessive pour qu'elle puisse être considérée comme favorable au commerce en cause, et une opération de « démolition-construction neuve » en considérant les seuls logements neufs à l'exclusion de ceux susceptibles d'avoir été démolis. En dehors de ces deux opérations, le nombre de logements dans un secteur situé à 400 mètres du commerce en cause s'est ainsi accru de 251 unités entre 2016 et 2019. La population de la commune de [Localité 6] est par ailleurs passée de 38.059 habitants en 2012 à 39.475 habitants en 2019, soit une hausse de 3,72 %, celle du quartier de la gare ayant connu une évolution plus dynamique de + 8,86 % en passant de 2.844 à 3.096 habitants. Ainsi, si la tendance en termes d'évolution de la population est favorable pour le commerce de soins esthétiques, elle ne peut toutefois être qualifiée de significative.
L'évolution des revenus fiscaux est, quant à elle, qualifiée par M. [B] de favorable pour l'activité visée mais « non significative », les revenus fiscaux disponibles médians des quatre quartiers de [Localité 6] retenus par l'expert ayant augmenté en moyenne de 5,25 % entre 2012 et 2019, ceux des résidents du quartier de la gare ayant augmenté de 3,73 %. M. [B] n'a pas relevé de changement dans la répartition des catégories socio-professionnelles pendant cette même période.
Quant aux mouvements d'enseignes, la période 2013-2022 est marquée par une grande stabilité, M. [B] dénombrant 43 locaux commerciaux dans la rue des locaux pris à bail et relevant 7 changements d'enseignes.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si la commune de [Localité 6] et, en particulier, le quartier de la gare ont connu sur la période pertinente un dynamisme démographique favorable au commerce considéré, cette évolution ne s'est pas accompagnée d'autres changements, les autres facteurs de commercialité ayant été au contraire remarquablement stables.
M. [J], expert mandaté par la société RVV, conclut sa propre analyse de l'évolution des facteurs de commercialité en qualifiant cette évolution de « légèrement favorable ».
Il convient dès lors de constater, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise judiciaire en vue d'analyser l'évolution des facteurs locaux de commercialité, que la société Pérège patrimoine manque à établir une modification notable des facteurs locaux de commercialité pendant la durée du bail expiré, entre 2012 et 2022.
Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à un déplafonnement du loyer et que le loyer du bail renouvelé doit être fixé selon la variation des indices comme en dispose l'article L. 145-34 du code de commerce, soit à la somme de 6.504 euros par an hors taxes et hors charges correspondant au loyer plafonné.
Aux termes de l'article L. 145-11 du code de commerce, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose, faute de quoi le nouveau prix n'est dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.
En l'espèce, la société [W] esthétique a demandé le renouvellement du bail commercial par acte du 19 janvier 2022 et le bailleur n'a pas répondu à cette demande dans les trois mois de sa notification. La société Pérège patrimoine a fait connaître le loyer qu'elle propose par mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux notifié à la date non discutée par les parties du 1er juin 2023, le nouveau prix de 6.504 euros par an est dû à compter de cette dernière date.
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a constaté le renouvellement du bail commercial au 1er avril 2022 et fixé le loyer provisionnel dû par la société RRV, pour la durée de l'instance, au montant du loyer résultant du bail échu. La société Pérège patrimoine sera déboutée de toutes ses demandes et le loyer du bail renouvelé fixé à 6.504 euros par an hors taxes et hors charges, ce nouveau prix étant dû à compter du 1er juin 2023.
Partie perdante, la société Pérège patrimoine sera condamnée aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel. Elle ne peut de ce fait prétendre à une indemnité procédurale et sera condamnée à payer à la société RVV une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a constaté le renouvellement du bail commercial au 1er avril 2022 et a fixé le loyer provisionnel dû par la société RRV, pour la durée de l'instance, au montant du loyer résultant du bail échu ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société Pérège patrimoine de toutes ses demandes ;
Fixe le prix du bail commercial liant les parties et portant sur divers locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] (78) et renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle de 6.504 euros hors charges et hors taxes ;
Dit que le nouveau loyer est dû à compter du 1er juin 2023 ;
Condamne la société Pérège patrimoine aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel ;
Déboute la société Pérège patrimoine de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Pérège patrimoine à payer à la société RVV la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente