Cass. 3e civ., 6 novembre 2025, n° 24-11.404
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 6 novembre 2025
Rejet
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 507 F-D
Pourvoi n° S 24-11.404
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025
Mme [B] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-11.404 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [H], de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 16 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseillère doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 7 décembre 2023), Mme [H] et M. [I], alors concubins, ont vécu ensemble dans une maison construite sur un terrain appartenant à celle-ci.
2. Après la séparation du couple, au mois de juillet 2008, seul M. [I] est demeuré dans l'immeuble.
3. Il a quitté les lieux le 21 janvier 2018, en exécution d'une ordonnance de référé du 5 février 2014 prononçant son expulsion.
4. Mme [H] l'a assigné en paiement d'indemnités d'occupation et M. [I] a sollicité, à titre reconventionnel, le paiement de la moitié du prix de vente de l'immeuble.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [H] fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de M. [I] au titre des indemnités d'occupation dues entre le 2 janvier 2009 et le 21 janvier 2018, alors :
« 1°/ que le montant de l'indemnité d'occupation est, sauf convention contraire, égal à la valeur locative du bien occupé ; qu'un coefficient d'abattement peut être appliqué en cas de convention d'occupation précaire mais à condition que l'occupation soit réellement précaire, autorisée en raison de circonstances particulières objectives et que la précarité de l'occupation résulte d'un événement extérieur aux parties ; qu'en l'espèce, en décidant d'appliquer un coefficient d'abattement de 20 % pour les indemnités d'occupation dues avant l'ordonnance de référé, sans constater l'existence d'une convention d'occupation précaire entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°/ qu'il était acquis aux débats que M. [I] était resté dans les lieux malgré l'opposition de Mme [H], propriétaire du bien occupé, de sorte que la précarité de son occupation, à la supposer avérée, résultait de son propre comportement ; qu'après avoir retenu que, postérieurement à l'ordonnance de référé ordonnant son expulsion, « la précarité de la situation [de M. [I]] résulte de son choix », la cour d'appel a décidé d'appliquer un coefficient d'abattement de 20 % du 2 janvier 2009 jusqu'au 5 février 2014, date de l'ordonnance de référé ordonnant son expulsion ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si, au cours de cette période, la « précarité » alléguée par M. [I] ne résultait pas aussi de son choix consistant à s'être maintenu sciemment dans les lieux malgré l'opposition de la propriétaire et à n'avoir effectué aucune démarche pour se reloger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
3°/ qu'en appliquant au montant de l'indemnité d'occupation due par M. [I] « un coefficient de précarité de 20 % compte tenu des circonstances de l'espèce » sans préciser quelles étaient les circonstances particulières de nature à avoir une influence sur la fixation de l'indemnité d'occupation, laquelle devait, en principe, correspondre à la valeur locative, soit en l'occurrence 400 euros par mois, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel, qui a relevé que M. [I] ne bénéficiait d'aucun contrat de bail après la séparation du couple, a pu, par une motivation suffisante et sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, pratiquer un abattement de précarité jusqu'en février 2014 et a, au vu de la valeur locative du logement proposée par une expertise judiciaire, souverainement fixé le montant de l'indemnité d'occupation dont M. [I] était redevable.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Mme [H] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [I] une certaine somme correspondant à la moitié du prix de revente de l'immeuble, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige dont il est saisi et qui sont délimités par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Mme [H] soutenait que la promesse de reversement de la moitié du produit de la vente de l'immeuble lui avait été « extorquée » par le biais d'une manipulation, M. [I] ayant exercé sur elle un « chantage », en sorte que son consentement avait « été vicié » ; qu'elle n'avait donc pas soutenu que la manuvre ayant vicié son consentement consistait dans « le fait pour M. [I] de demeurer dans l'immeuble dans lequel il n'avait aucun droit » ; qu'en retenant dès lors que « le fait pour M. [I] de demeurer dans l'immeuble dans lequel il n'avait aucun droit et dont il avait été expulsé par ordonnance de référé ( ) ne saurait constituer une manuvre frauduleuse de nature à vicier le consentement de Mme [H] », quand la manuvre invoquée par Madame [H] ne consistait pas dans le maintien des lieux de M. [I] mais dans le chantage exercé par le biais de ce maintien, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le motif inintelligible équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, en retenant que « la seule discussion entre les ex-concubins dont a été témoin M. [C] aux termes de laquelle M. [I] a déclaré « que si elle voulait qu'il quitte la maison de [Localité 3], afin qu'elle puisse récupérer son bien, elle devait lui faire un courrier où elle lui céderait la moitié de la valeur de la maison en prétendant acquérir un autre bien » ne saurait pas plus constituer une manuvre dolosive alors que précisément dans l'écrit litigieux il n'est nullement fait mention de l'acquisition d'un autre bien. Au contraire la cour relève que dans cet écrit Mme [H] emploie le futur et évoque le partage par moitié du prix de vente », la cour d'appel a statué par un motif inintelligible et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la circonstance selon laquelle Mme [H] n'aurait pas évoqué, « dans l'écrit litigieux », la perspective d'acquérir « un autre bien » n'était pas de nature à ôter tout crédit au chantage décrit par M. [C] ; qu'en écartant l'existence de toute manuvre dolosive au motif inopérant que « dans l'écrit litigieux, il n'est nullement fait mention de l'acquisition d'un autre bien », la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1130 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu, sans dénaturer les termes du litige dont elle était saisie, que Mme [H] soutenait qu'elle avait été victime d'un dol de la part de M. [I] qui lui aurait fait un chantage de demeurer dans la maison si elle ne rédigeait pas un écrit dans lequel elle s'engageait à lui céder la moitié du prix de vente de l'immeuble à la construction duquel il avait participé.
10. Appréciant souverainement la valeur probante des éléments qui lui étaient soumis et en relevant notamment que les circonstances décrites par M. [C] dans une attestation dont Mme [H] se prévalait ne se retrouvaient pas dans l'écrit litigieux, elle a, sans se prononcer par des motifs inintelligibles, légalement justifié sa décision de rejeter les demandes de Mme [H] fondées sur le dol.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H] et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FC
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 6 novembre 2025
Rejet
Mme TEILLER, présidente
Arrêt n° 507 F-D
Pourvoi n° S 24-11.404
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025
Mme [B] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 24-11.404 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [H], de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 16 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseillère doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 7 décembre 2023), Mme [H] et M. [I], alors concubins, ont vécu ensemble dans une maison construite sur un terrain appartenant à celle-ci.
2. Après la séparation du couple, au mois de juillet 2008, seul M. [I] est demeuré dans l'immeuble.
3. Il a quitté les lieux le 21 janvier 2018, en exécution d'une ordonnance de référé du 5 février 2014 prononçant son expulsion.
4. Mme [H] l'a assigné en paiement d'indemnités d'occupation et M. [I] a sollicité, à titre reconventionnel, le paiement de la moitié du prix de vente de l'immeuble.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [H] fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de M. [I] au titre des indemnités d'occupation dues entre le 2 janvier 2009 et le 21 janvier 2018, alors :
« 1°/ que le montant de l'indemnité d'occupation est, sauf convention contraire, égal à la valeur locative du bien occupé ; qu'un coefficient d'abattement peut être appliqué en cas de convention d'occupation précaire mais à condition que l'occupation soit réellement précaire, autorisée en raison de circonstances particulières objectives et que la précarité de l'occupation résulte d'un événement extérieur aux parties ; qu'en l'espèce, en décidant d'appliquer un coefficient d'abattement de 20 % pour les indemnités d'occupation dues avant l'ordonnance de référé, sans constater l'existence d'une convention d'occupation précaire entre les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°/ qu'il était acquis aux débats que M. [I] était resté dans les lieux malgré l'opposition de Mme [H], propriétaire du bien occupé, de sorte que la précarité de son occupation, à la supposer avérée, résultait de son propre comportement ; qu'après avoir retenu que, postérieurement à l'ordonnance de référé ordonnant son expulsion, « la précarité de la situation [de M. [I]] résulte de son choix », la cour d'appel a décidé d'appliquer un coefficient d'abattement de 20 % du 2 janvier 2009 jusqu'au 5 février 2014, date de l'ordonnance de référé ordonnant son expulsion ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si, au cours de cette période, la « précarité » alléguée par M. [I] ne résultait pas aussi de son choix consistant à s'être maintenu sciemment dans les lieux malgré l'opposition de la propriétaire et à n'avoir effectué aucune démarche pour se reloger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
3°/ qu'en appliquant au montant de l'indemnité d'occupation due par M. [I] « un coefficient de précarité de 20 % compte tenu des circonstances de l'espèce » sans préciser quelles étaient les circonstances particulières de nature à avoir une influence sur la fixation de l'indemnité d'occupation, laquelle devait, en principe, correspondre à la valeur locative, soit en l'occurrence 400 euros par mois, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel, qui a relevé que M. [I] ne bénéficiait d'aucun contrat de bail après la séparation du couple, a pu, par une motivation suffisante et sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, pratiquer un abattement de précarité jusqu'en février 2014 et a, au vu de la valeur locative du logement proposée par une expertise judiciaire, souverainement fixé le montant de l'indemnité d'occupation dont M. [I] était redevable.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Mme [H] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [I] une certaine somme correspondant à la moitié du prix de revente de l'immeuble, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige dont il est saisi et qui sont délimités par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, Mme [H] soutenait que la promesse de reversement de la moitié du produit de la vente de l'immeuble lui avait été « extorquée » par le biais d'une manipulation, M. [I] ayant exercé sur elle un « chantage », en sorte que son consentement avait « été vicié » ; qu'elle n'avait donc pas soutenu que la manuvre ayant vicié son consentement consistait dans « le fait pour M. [I] de demeurer dans l'immeuble dans lequel il n'avait aucun droit » ; qu'en retenant dès lors que « le fait pour M. [I] de demeurer dans l'immeuble dans lequel il n'avait aucun droit et dont il avait été expulsé par ordonnance de référé ( ) ne saurait constituer une manuvre frauduleuse de nature à vicier le consentement de Mme [H] », quand la manuvre invoquée par Madame [H] ne consistait pas dans le maintien des lieux de M. [I] mais dans le chantage exercé par le biais de ce maintien, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le motif inintelligible équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, en retenant que « la seule discussion entre les ex-concubins dont a été témoin M. [C] aux termes de laquelle M. [I] a déclaré « que si elle voulait qu'il quitte la maison de [Localité 3], afin qu'elle puisse récupérer son bien, elle devait lui faire un courrier où elle lui céderait la moitié de la valeur de la maison en prétendant acquérir un autre bien » ne saurait pas plus constituer une manuvre dolosive alors que précisément dans l'écrit litigieux il n'est nullement fait mention de l'acquisition d'un autre bien. Au contraire la cour relève que dans cet écrit Mme [H] emploie le futur et évoque le partage par moitié du prix de vente », la cour d'appel a statué par un motif inintelligible et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la circonstance selon laquelle Mme [H] n'aurait pas évoqué, « dans l'écrit litigieux », la perspective d'acquérir « un autre bien » n'était pas de nature à ôter tout crédit au chantage décrit par M. [C] ; qu'en écartant l'existence de toute manuvre dolosive au motif inopérant que « dans l'écrit litigieux, il n'est nullement fait mention de l'acquisition d'un autre bien », la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1130 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu, sans dénaturer les termes du litige dont elle était saisie, que Mme [H] soutenait qu'elle avait été victime d'un dol de la part de M. [I] qui lui aurait fait un chantage de demeurer dans la maison si elle ne rédigeait pas un écrit dans lequel elle s'engageait à lui céder la moitié du prix de vente de l'immeuble à la construction duquel il avait participé.
10. Appréciant souverainement la valeur probante des éléments qui lui étaient soumis et en relevant notamment que les circonstances décrites par M. [C] dans une attestation dont Mme [H] se prévalait ne se retrouvaient pas dans l'écrit litigieux, elle a, sans se prononcer par des motifs inintelligibles, légalement justifié sa décision de rejeter les demandes de Mme [H] fondées sur le dol.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H] et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.