CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 5 novembre 2025, n° 23/03661
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 NOVEMBRE 2025
N° 2025 / 301
N° RG 23/03661
N° Portalis DBVB-V-B7H-BK54J
[K] [I]
[R] [V]
[G] [V]
C/
A.S.L. LES OLIVIERS
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Isabelle FICI
Me Lionel ALVAREZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 10 Février 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/07345.
APPELANTS
Madame [K] [I]
née le 09 Décembre 1950 à [Localité 5] (92), demeurant [Adresse 1]
Monsieur [R] [V]
né le 10 Février 1939 à [Localité 6] (16), demeurant [Adresse 1]
Madame [G] [V]
née le 30 Novembre 1945 à [Localité 10] (75), demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Isabelle FICI, membre de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Laura CUERVO membre de l'AARPI MASQUELIER-CUERVO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
A.S.L. LES OLIVIERS
prise en la personne de sa Présidente en exercice, Mme [Z] [D], demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Lionel ALVAREZ, membre de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAROQUE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2025, signé par Monsieur Pierre LAROQUE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par exploit d'huissier du 13 novembre 2020, les consorts [I] et [V] assignaient l'Association Syndicale Libre du lotissement '[Adresse 8]devant le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN.
Propriétaires des lots numéro 11 et 12 dans le périmètre de l'ASL, en limite de l'espace vert commun de cette dernière, ils exposaient pouvoir accéder à cet espace commun par un portillon depuis leur jardin sans avoir à contourner tout le lotissement. En conflit récurrent avec Mme [D], présidente de l'ASL, ils soutenaient que c'était dans le but de leur nuire que celle-ci avait entendu installer une clôture au droit de leur propriété sur l'espace commun, de sorte qu'ils seraient privés de l'accès direct à l'espace vert et ne pourraient entretenir leurs propres haies.
Lors de l'assemblée générale du 4 juillet 2020, Mme [D] avait indiqué que les travaux seraient entrepris au cours de l'été sans soumission préalable à l'assemblée générale, laquelle avait selon elle donné son autorisation en 2007.
Devant l'opposition des demandeurs, Mme [D] avait finalement convoqué une assemblée générale extraordinaire le 3 octobre 2020 laquelle votait en faveur des travaux
envisagés.
Les consorts [I] et [V], observant que la décision ne présentait aucune utilité objective pour le lotissement, soutenaient qu'elle constituait un abus de majorité les fondant à en solliciter l'annulation.
Ils faisaient valoir outre la gêne occasionnée, la difficulté accrue d'évacuation des lieux en cas d'incendie, d'inondation, ou d'éboulement.
Ils demandaient l'annulation de la résolution attaquée, et la condamnation de l'ASL à des frais irrépétibles et à régler les dépens.
Par jugement rendu le10 février 2023, le Tribunal:
DEBOUTE M.[R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] de l'intégralité de leurs demandes,
DEBOUTE l'association syndicale libre (ASL) Les oliviers de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] à verser à l'association syndicale libre (ASL) Les oliviers la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNE M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] aux dépens de l'instance.
Pour statuer en ce sens, le premier juge a relevé qu'il n'y avait pas abus de majorité, la clôture de l'espace vert commun dédié aux enfants et personnes qui les accompagnent ayant été faite dans le but d'assurer leur sécurité en évitant toute intrusion étrangère.
Par déclaration au greffe en date du 9 mars 2023, les consorts [V] [I] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2023, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens et prétentions, ils sollicitent :
INFIRMER le jugement rendu le 10 février 2023 en ce que M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] ont été déboutés de l'intégralité de leurs demandes consistant à voir ANNULER la résolution unique votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020 et CONDAMNER l'ASL [Adresse 9] à verser à Mme [I] et aux époux [V] la somme de 4.000€ au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens, et en ce qu'ils ont été condamnés à verser à l'association syndicale libre (ASL) « Les oliviers » la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC et les dépens.
ANNULER la résolution unique votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020
DEBOUTER l'ASL [Adresse 9] de ses demandes, fins et conclusions
CONDAMNER l'ASL LOTISSEMENT LES OLIVIERS à verser à Mme [I] et aux époux [V] la somme de 5.000€ au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens
A l'appui de leur recours, ils font valoir:
- qu'ils bénéficient chacun d'un portillon leur permettant d'accéder à l'espace vert depuis leur jardin afin à pied d'atteindre plus facilement les boîtes aux lettres à l'entrée du lotissement et d'en sortir plus rapidement sans avoir à le contourner,
- que leurs lots sont clôturés, et les portillons conformes aux permis de construire,
- que l'espace vert n'est pas un espace réservé aux enfants,
- qu'ils sont en conflit avec la présidente de l'ASL depuis plusieurs années,
- que dans ce contexte elle a entendu installer une clôture au droit de leur propriété, afin de les priver d'un accès direct à l'espace vert et à la borne incendie, et de les empêcher d'entretenir leur haie de clôture dans de bonnes conditions,
- que la présidente a voulu faire réaliser ces travaux sans vote de l'AG alléguant qu'ils avaient été autorisé en 2007, mais face à leur mise en demeure, elle a soumis le projet à une AG extraordinaire, le 3 octobre 2020,
- que cette AG a adopté le projet malgré leur opposition motivée de l'absence d'utilité de cette clôture l'espace vert étant déjà clôturé le long du [Adresse 3] en 2008, de sorte qu'aucun tiers au lotissement ne peut y accéder,
- que les portillons sont hauts de 2mètres pour l'un et 2,5 mètres pour l'autre et ne peuvent être franchis par les enfants,
- que cette décision qui ne présente aucune utilité objective pour le lotissement a été prise dans le but de leur porter préjudice elle constitue un abus de majorité et doit être annulée,
- qu'en 2007 lors de l'AG le budget 2007 a été adopté à l'unanimité, il prévoyait la pose de la clôture sise le long du [Adresse 3].
L'ASL conclut:
CONFIRMER le jugement prononcé le 10 février 2023 sous le n° RG 20/07345 par le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en ce qu'il a débouté M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] de l'intégralité de leurs demandes, et les a condamnés à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 NCPC et aux dépens de l'instance,
DECLARER l'Association Syndicale Libre LES OLIVIERS recevable et bien fondée en son appel incident,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement prononcé le 10 février 2023 sous le n° RG 20/07345 par le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en ce qu'il a débouté l'ASL de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNER en conséquence M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] à payer solidairement la somme de 5.000 euros à l'Association Syndicale Libre LES OLIVIERS prise en la personne de sa Présidente en exercice, Mme [Z] [D],
CONDAMNER M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] à payer solidairement la somme de 5.000 euros à l'Association Syndicale Libre LES OLIVIERS prise en la personne de sa Présidente en exercice, Mme [Z] [D] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER Mme [I] et les époux [V] aux entiers dépens.
Elle soutient:
- que lors de l'AG du 6 octobre 2007 il a été décidé à l'unanimité de la fermeture par une clôture de l'espace jeux,
- que lors de l'AG du 4 juillet 2020 cette situation a été rappelée pour information, et le coût des travaux provisionné,
- que face à l'opposition des appelants et leur lettre injurieuse, une AG extraordinaire était convoquée, le 3 octobre 2020, et la clôture adoptée,
- que le but de cette clôture est de sécuriser un espace dédié aux enfants en y autorisant qu'un seul accès, pour éviter les intrusions mais aussi qu'un enfant échappe à la surveillance d'un parent, en sautant par dessus les portillons, limitant les risques d'accidents et facilitant la surveillance,
- qu'il est établi par de nombreuses pièces que cet espace est une aire de jeux,
- qu'il est équitable qu'il n'y ait qu'une seule entrée pour tous les colotis,
- qu'il n'est ainsi pas rapporté la preuve d'un but illégitime contraire à l'intérêt collectif,
- que les bornes à incendie ne sont pas destinées à un usage privatif,
- que les appelants ne disposent d'aucun droit d'accès personnel à l'espace commun, aucune servitude ne grevant ce fond,
- que les portillons quand bien même mentionnés au permis de construire n'ont pas été autorisés par l'ASL,
- qu'il a été jugé par la présente cour d'appel le 30 janvier 2020, que Mme [I] ne dispose d'aucune autorisation de passage sur le fond commun,
- que les appelants ne disposent donc d'aucun droit qui serait entravé par la pose de la clôture,
- qu'il n'y a pas de risque ni de mouvements de terrain, ni d'incendie, ni d'inondation spécifiques,
- qu'il existe une place suffisante entre la clôture et la haie pour entretenir cette dernière, que quoiqu'il en soit ils disposent d'une servitude de tour d'échelle,
- qu'il n'existe aucune intention frauduleuse.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 23 septembre 2025 et mise en délibéré au 5 novembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la résolution unique votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020 pour abus de majorité
Il est de jurisprudence constante qu'en matière d'association libre syndicale, quoique la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété ne trouve pas à s'appliquer, un abus de majorité peut exister lors de l'adoption d'une résolution.
Un tel abus est caractérisé par l'adoption de mesures contraires à l'intérêt collectif, dénotant une intention de nuire ou des manoeuvres frauduleuses ou par la recherche d'un but illégitime, contraire aux intérêts de la collectivité ou des minoritaires.
En l'espèce, il résulte de l'unique résolution votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020, la décision d'effectuer des travaux de mise en place d'une clôture des parties communes pour la fermeture de l'espace jeux laissant comme seul accès le portillon donnant sur la voirie commune du lotissement et accessible à tous les colotis.
Il apparaît qu'en 2008 suite à la résolution 2 adoptée à l'unanimité lors de l'assemblée générale du 6 octobre 2007, relative notamment à la prévision du budget 2007 prévoyant les travaux de mise en place de la clôture des parties communes, fermeture de l'espace jeux, l'espace litigieux a été clôturé le long du chemin de [Localité 11] avec installation d'un portillon permettant aux colotis d'y accéder.
Il est difficilement soutenable que cet espace vert, qualifié dans le plan du lotissement établi en 2002 '[Adresse 4]' n'est pas, si ce n'est réservé aux enfants, destiné à ces derniers, puisqu'il résulte de la photographie intégrée aux conclusions des appelants eux -mêmes, que s'y trouvent des bancs, un toboggan et des tapis mousse au sol pour le jeu des enfants.
Décider de compléter la clôture de cet espace de jeux destiné notamment aux enfants dans un souci d'éviter l'intrusion de tiers mais aussi de faciliter la surveillance des enfants et de limiter le risque d'accident poursuit un but légitime et d'intérêt collectif.
En effet, si la clôture pré-existante le long du [Adresse 3], permet déjà de prévenir l'intrusion de tiers, la présence de portillons d'accès à cet espace vert par les lots des appelants peut être source d'accidents et est de nature à permettre aux enfants d'échapper à la surveillance de leurs accompagnants, la hauteur de ces portillons n'étant pas infranchissable.
En outre, cette décision ne porte pas atteinte aux droits des appelants, de sorte que l'intention de nuire ou les manoeuvres frauduleuses ne sont pas établies.
En effet, il est ici rappelé que la présente Cour par un arrêt du 30 janvier 2020 a rejeté la demande de nullité faite par Mme [I] contre le rejet d'une résolution intitulée 'autorisation de passage des riverains par l'aire de jeux', cette dernière ne s'étant pas conformée à l'obligation de clore résultant du cahier des charges du lotissement. Ainsi, Mme [I] ne dispose d'aucune autorisation de passage sur le fond commun litigieux. Les époux [V] étant dans la même situation, ils ne disposent pas davantage de cette autorisation.
Ils ne peuvent donc se plaindre d'être privés d'un accès à la borne incendie(non destinée à un usage privatif), ou d'une sortie plus rapide à pieds du lotissement.
Les appelants pourront toujours, comme l'ensemble des colotis, accéder à cet espace vert par le portillon commun.
Quant à la gêne pour l'entretien de la haie délimitant leur propriété, il n'est pas justifié de ce que l'espace existant entre la haie et la clôture soit insuffisant pour son entretien, d'autant que pour ce dernier les appelants bénéficient d'une servitude de tour d'échelle.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a retenu l'absence d'abus de majorité et rejeté la demande d'annulation de l'unique résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de l'ASL pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, insuffisamment caractérisé en l'espèce.
Aussi, le jugement est également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande reconventionnelle.
Sur les autres demandes
Les consorts [V] [I] sont condamnés à 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 février 2023 par le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes
CONDAMNE les consorts [V] [I] à régler à l'ASL [Adresse 7] prise en la personne de sa présidente en exercice Mme [D] la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE les consorts [V] [I] aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 NOVEMBRE 2025
N° 2025 / 301
N° RG 23/03661
N° Portalis DBVB-V-B7H-BK54J
[K] [I]
[R] [V]
[G] [V]
C/
A.S.L. LES OLIVIERS
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Isabelle FICI
Me Lionel ALVAREZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 10 Février 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/07345.
APPELANTS
Madame [K] [I]
née le 09 Décembre 1950 à [Localité 5] (92), demeurant [Adresse 1]
Monsieur [R] [V]
né le 10 Février 1939 à [Localité 6] (16), demeurant [Adresse 1]
Madame [G] [V]
née le 30 Novembre 1945 à [Localité 10] (75), demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Isabelle FICI, membre de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Laura CUERVO membre de l'AARPI MASQUELIER-CUERVO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉE
A.S.L. LES OLIVIERS
prise en la personne de sa Présidente en exercice, Mme [Z] [D], demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Lionel ALVAREZ, membre de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAROQUE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2025, signé par Monsieur Pierre LAROQUE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par exploit d'huissier du 13 novembre 2020, les consorts [I] et [V] assignaient l'Association Syndicale Libre du lotissement '[Adresse 8]devant le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN.
Propriétaires des lots numéro 11 et 12 dans le périmètre de l'ASL, en limite de l'espace vert commun de cette dernière, ils exposaient pouvoir accéder à cet espace commun par un portillon depuis leur jardin sans avoir à contourner tout le lotissement. En conflit récurrent avec Mme [D], présidente de l'ASL, ils soutenaient que c'était dans le but de leur nuire que celle-ci avait entendu installer une clôture au droit de leur propriété sur l'espace commun, de sorte qu'ils seraient privés de l'accès direct à l'espace vert et ne pourraient entretenir leurs propres haies.
Lors de l'assemblée générale du 4 juillet 2020, Mme [D] avait indiqué que les travaux seraient entrepris au cours de l'été sans soumission préalable à l'assemblée générale, laquelle avait selon elle donné son autorisation en 2007.
Devant l'opposition des demandeurs, Mme [D] avait finalement convoqué une assemblée générale extraordinaire le 3 octobre 2020 laquelle votait en faveur des travaux
envisagés.
Les consorts [I] et [V], observant que la décision ne présentait aucune utilité objective pour le lotissement, soutenaient qu'elle constituait un abus de majorité les fondant à en solliciter l'annulation.
Ils faisaient valoir outre la gêne occasionnée, la difficulté accrue d'évacuation des lieux en cas d'incendie, d'inondation, ou d'éboulement.
Ils demandaient l'annulation de la résolution attaquée, et la condamnation de l'ASL à des frais irrépétibles et à régler les dépens.
Par jugement rendu le10 février 2023, le Tribunal:
DEBOUTE M.[R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] de l'intégralité de leurs demandes,
DEBOUTE l'association syndicale libre (ASL) Les oliviers de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] à verser à l'association syndicale libre (ASL) Les oliviers la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNE M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] aux dépens de l'instance.
Pour statuer en ce sens, le premier juge a relevé qu'il n'y avait pas abus de majorité, la clôture de l'espace vert commun dédié aux enfants et personnes qui les accompagnent ayant été faite dans le but d'assurer leur sécurité en évitant toute intrusion étrangère.
Par déclaration au greffe en date du 9 mars 2023, les consorts [V] [I] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes des dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2023, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens et prétentions, ils sollicitent :
INFIRMER le jugement rendu le 10 février 2023 en ce que M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] ont été déboutés de l'intégralité de leurs demandes consistant à voir ANNULER la résolution unique votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020 et CONDAMNER l'ASL [Adresse 9] à verser à Mme [I] et aux époux [V] la somme de 4.000€ au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens, et en ce qu'ils ont été condamnés à verser à l'association syndicale libre (ASL) « Les oliviers » la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC et les dépens.
ANNULER la résolution unique votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020
DEBOUTER l'ASL [Adresse 9] de ses demandes, fins et conclusions
CONDAMNER l'ASL LOTISSEMENT LES OLIVIERS à verser à Mme [I] et aux époux [V] la somme de 5.000€ au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens
A l'appui de leur recours, ils font valoir:
- qu'ils bénéficient chacun d'un portillon leur permettant d'accéder à l'espace vert depuis leur jardin afin à pied d'atteindre plus facilement les boîtes aux lettres à l'entrée du lotissement et d'en sortir plus rapidement sans avoir à le contourner,
- que leurs lots sont clôturés, et les portillons conformes aux permis de construire,
- que l'espace vert n'est pas un espace réservé aux enfants,
- qu'ils sont en conflit avec la présidente de l'ASL depuis plusieurs années,
- que dans ce contexte elle a entendu installer une clôture au droit de leur propriété, afin de les priver d'un accès direct à l'espace vert et à la borne incendie, et de les empêcher d'entretenir leur haie de clôture dans de bonnes conditions,
- que la présidente a voulu faire réaliser ces travaux sans vote de l'AG alléguant qu'ils avaient été autorisé en 2007, mais face à leur mise en demeure, elle a soumis le projet à une AG extraordinaire, le 3 octobre 2020,
- que cette AG a adopté le projet malgré leur opposition motivée de l'absence d'utilité de cette clôture l'espace vert étant déjà clôturé le long du [Adresse 3] en 2008, de sorte qu'aucun tiers au lotissement ne peut y accéder,
- que les portillons sont hauts de 2mètres pour l'un et 2,5 mètres pour l'autre et ne peuvent être franchis par les enfants,
- que cette décision qui ne présente aucune utilité objective pour le lotissement a été prise dans le but de leur porter préjudice elle constitue un abus de majorité et doit être annulée,
- qu'en 2007 lors de l'AG le budget 2007 a été adopté à l'unanimité, il prévoyait la pose de la clôture sise le long du [Adresse 3].
L'ASL conclut:
CONFIRMER le jugement prononcé le 10 février 2023 sous le n° RG 20/07345 par le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en ce qu'il a débouté M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] de l'intégralité de leurs demandes, et les a condamnés à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 NCPC et aux dépens de l'instance,
DECLARER l'Association Syndicale Libre LES OLIVIERS recevable et bien fondée en son appel incident,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement prononcé le 10 février 2023 sous le n° RG 20/07345 par le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en ce qu'il a débouté l'ASL de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNER en conséquence M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] à payer solidairement la somme de 5.000 euros à l'Association Syndicale Libre LES OLIVIERS prise en la personne de sa Présidente en exercice, Mme [Z] [D],
CONDAMNER M. [R] [V], Mme [G] [V], Mme [K] [I] à payer solidairement la somme de 5.000 euros à l'Association Syndicale Libre LES OLIVIERS prise en la personne de sa Présidente en exercice, Mme [Z] [D] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER Mme [I] et les époux [V] aux entiers dépens.
Elle soutient:
- que lors de l'AG du 6 octobre 2007 il a été décidé à l'unanimité de la fermeture par une clôture de l'espace jeux,
- que lors de l'AG du 4 juillet 2020 cette situation a été rappelée pour information, et le coût des travaux provisionné,
- que face à l'opposition des appelants et leur lettre injurieuse, une AG extraordinaire était convoquée, le 3 octobre 2020, et la clôture adoptée,
- que le but de cette clôture est de sécuriser un espace dédié aux enfants en y autorisant qu'un seul accès, pour éviter les intrusions mais aussi qu'un enfant échappe à la surveillance d'un parent, en sautant par dessus les portillons, limitant les risques d'accidents et facilitant la surveillance,
- qu'il est établi par de nombreuses pièces que cet espace est une aire de jeux,
- qu'il est équitable qu'il n'y ait qu'une seule entrée pour tous les colotis,
- qu'il n'est ainsi pas rapporté la preuve d'un but illégitime contraire à l'intérêt collectif,
- que les bornes à incendie ne sont pas destinées à un usage privatif,
- que les appelants ne disposent d'aucun droit d'accès personnel à l'espace commun, aucune servitude ne grevant ce fond,
- que les portillons quand bien même mentionnés au permis de construire n'ont pas été autorisés par l'ASL,
- qu'il a été jugé par la présente cour d'appel le 30 janvier 2020, que Mme [I] ne dispose d'aucune autorisation de passage sur le fond commun,
- que les appelants ne disposent donc d'aucun droit qui serait entravé par la pose de la clôture,
- qu'il n'y a pas de risque ni de mouvements de terrain, ni d'incendie, ni d'inondation spécifiques,
- qu'il existe une place suffisante entre la clôture et la haie pour entretenir cette dernière, que quoiqu'il en soit ils disposent d'une servitude de tour d'échelle,
- qu'il n'existe aucune intention frauduleuse.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 23 septembre 2025 et mise en délibéré au 5 novembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la résolution unique votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020 pour abus de majorité
Il est de jurisprudence constante qu'en matière d'association libre syndicale, quoique la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété ne trouve pas à s'appliquer, un abus de majorité peut exister lors de l'adoption d'une résolution.
Un tel abus est caractérisé par l'adoption de mesures contraires à l'intérêt collectif, dénotant une intention de nuire ou des manoeuvres frauduleuses ou par la recherche d'un but illégitime, contraire aux intérêts de la collectivité ou des minoritaires.
En l'espèce, il résulte de l'unique résolution votée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020, la décision d'effectuer des travaux de mise en place d'une clôture des parties communes pour la fermeture de l'espace jeux laissant comme seul accès le portillon donnant sur la voirie commune du lotissement et accessible à tous les colotis.
Il apparaît qu'en 2008 suite à la résolution 2 adoptée à l'unanimité lors de l'assemblée générale du 6 octobre 2007, relative notamment à la prévision du budget 2007 prévoyant les travaux de mise en place de la clôture des parties communes, fermeture de l'espace jeux, l'espace litigieux a été clôturé le long du chemin de [Localité 11] avec installation d'un portillon permettant aux colotis d'y accéder.
Il est difficilement soutenable que cet espace vert, qualifié dans le plan du lotissement établi en 2002 '[Adresse 4]' n'est pas, si ce n'est réservé aux enfants, destiné à ces derniers, puisqu'il résulte de la photographie intégrée aux conclusions des appelants eux -mêmes, que s'y trouvent des bancs, un toboggan et des tapis mousse au sol pour le jeu des enfants.
Décider de compléter la clôture de cet espace de jeux destiné notamment aux enfants dans un souci d'éviter l'intrusion de tiers mais aussi de faciliter la surveillance des enfants et de limiter le risque d'accident poursuit un but légitime et d'intérêt collectif.
En effet, si la clôture pré-existante le long du [Adresse 3], permet déjà de prévenir l'intrusion de tiers, la présence de portillons d'accès à cet espace vert par les lots des appelants peut être source d'accidents et est de nature à permettre aux enfants d'échapper à la surveillance de leurs accompagnants, la hauteur de ces portillons n'étant pas infranchissable.
En outre, cette décision ne porte pas atteinte aux droits des appelants, de sorte que l'intention de nuire ou les manoeuvres frauduleuses ne sont pas établies.
En effet, il est ici rappelé que la présente Cour par un arrêt du 30 janvier 2020 a rejeté la demande de nullité faite par Mme [I] contre le rejet d'une résolution intitulée 'autorisation de passage des riverains par l'aire de jeux', cette dernière ne s'étant pas conformée à l'obligation de clore résultant du cahier des charges du lotissement. Ainsi, Mme [I] ne dispose d'aucune autorisation de passage sur le fond commun litigieux. Les époux [V] étant dans la même situation, ils ne disposent pas davantage de cette autorisation.
Ils ne peuvent donc se plaindre d'être privés d'un accès à la borne incendie(non destinée à un usage privatif), ou d'une sortie plus rapide à pieds du lotissement.
Les appelants pourront toujours, comme l'ensemble des colotis, accéder à cet espace vert par le portillon commun.
Quant à la gêne pour l'entretien de la haie délimitant leur propriété, il n'est pas justifié de ce que l'espace existant entre la haie et la clôture soit insuffisant pour son entretien, d'autant que pour ce dernier les appelants bénéficient d'une servitude de tour d'échelle.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a retenu l'absence d'abus de majorité et rejeté la demande d'annulation de l'unique résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de l'ASL pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, insuffisamment caractérisé en l'espèce.
Aussi, le jugement est également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande reconventionnelle.
Sur les autres demandes
Les consorts [V] [I] sont condamnés à 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 février 2023 par le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes
CONDAMNE les consorts [V] [I] à régler à l'ASL [Adresse 7] prise en la personne de sa présidente en exercice Mme [D] la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE les consorts [V] [I] aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT