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Cass. com., 13 novembre 2025, n° 24-14.355

COUR DE CASSATION

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Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Sabotier

Avocats :

Cabinet François Pinet, SCP Célice, Texidor, Périer

Cass. com. n° 24-14.355

12 novembre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 février 2024), en 1978, M. [B] [K] a fondé, à Étain (Meuse), la société [B] [K], spécialisée dans la menuiserie et les fermetures.

2. En 2001, M. [U] [K], frère de M. [B] [K], a créé, à [Localité 3] (Meurthe-et-Moselle), une entreprise active dans le même domaine sous le nom commercial « [K] fermetures ».

3. Le 11 juillet 2013, la société [B] [K] a déposé la marque verbale française « [K] Fermetures », enregistrée sous le n° 4019035, pour désigner différents produits et services en classes n° 6, 17, 19 et 37. Le 12 décembre 2016, elle a déposé la marque verbale « [K] », enregistrée sous le n° 4321754, pour désigner les mêmes produits et services.

4. Le 1er octobre 2018, la société [K] NB fermetures, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 3 septembre 2018, a acquis le fonds de commerce de menuiserie exploité M. [U] [K].

5. Le 15 octobre 2018, la société [B] [K] a mis en demeure la société [K] NB fermetures de cesser toute utilisation et imitation des marques « [K] » et « [K] Fermetures », avant de l'assigner en contrefaçon de marques ainsi qu'en concurrence déloyale. Soutenant que la société [B] [K] avait déposé frauduleusement la marque « [K] Fermetures », la société Huyen NB fermetures a demandé, à titre reconventionnel, le transfert à son profit et sa condamnation pour concurrence déloyale et parasitisme.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

6. La société [K] NB fermetures fait grief à l'arrêt de dire qu'en faisant
usage dans la vie des affaires du signe « [K] » à compter du 2 octobre 2018, elle a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société [B] [K], alors :

« 1°/ que l'action en concurrence déloyale ne peut se cumuler avec une action en contrefaçon qu'à la condition de reposer sur un fait distinct ; que, sur le terrain de la contrefaçon, la cour d'appel a considéré que la dénomination sociale [K] NB fermetures" contrefaisait les marques [K] Fermetures" et [K]" enregistrées par la société [B] [K] en retenant que les signes étant similaires et reprenant l'élément distinctif de la marque et les produits et services étant identiques, le risque de confusion de la part du consommateur, qui inclut le risque d'association est avéré" ; que, sur le terrain de la concurrence déloyale, la cour d'appel a retenu que les faits de concurrence déloyale reprochés à l'intimée sont distincts de la contrefaçon en ce qu'ils portent sur la période postérieure à l'acquisition du fonds de commerce de M. [U] [K] soit à compter du 1er octobre 2018, et ne visent que l'utilisation du nom patronymique de [K] dans le but de générer une confusion" ; que les faits ne pouvaient pourtant être considérés comme distincts du seul fait qu'ils portaient sur des périodes différentes dès lors que tant l'action en contrefaçon que l'action en concurrence déloyale sanctionnaient l'utilisation du nom [K]" par la société [K] NB fermetures ; qu'en se fondant, pour prononcer une condamnation distincte de celle résultant de la contrefaçon de marques, sur des faits qui ne se distinguent pas de ceux caractérisant cette contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

2°/ que le défendeur à l'action en concurrence déloyale exercée par le titulaire d'une marque est fondé à se prévaloir de l'usage d'un signe comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne lorsqu'il est antérieur à l'enregistrement de la marque ; que le cessionnaire d'un fonds de commerce acquiert, sauf disposition expresse contraire, les droits afférents à la dénomination sociale, au nom commercial et à l'enseigne ; que le 1er octobre 2018, la société [K] NB fermetures a acquis, le fonds de commerce de l'entreprise de M. [U] [K] incluant le nom commercial et l'enseigne [K] Fermetures" sous lesquels il exerçait depuis le 3 septembre 2001 ; que l'arrêt retient pourtant que la circonstance que l'intimée ait acquis le 1er octobre 2018, le nom commercial de l'entreprise créée par M. [U] [K] en 2010, ne lui permet pas de se prévaloir du patronyme de [K] (…) à titre de nom commercial dès lors que celui-ci ayant été déposé comme marque en 2013 et en 2016, un tel usage n'est possible qu'à la condition (…) qu'il soit antérieur à l'enregistrement, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne la société intimée (…)" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil, ensemble l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. »

Réponse de la Cour

7. L'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale peuvent être exercées simultanément à titre principal dès lors que se trouve caractérisée au soutien de l'action en concurrence déloyale l'existence d'une faute relevant de faits distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon.

8. Constituent des faits distincts, des faits commis à des périodes différentes.

9. Après avoir retenu que la société [K] NB fermetures avait commis, entre le 23 septembre et le 1er octobre 2018, des actes de contrefaçon des marques « [K] Fermetures » et « [K] », dont la société [B] [K] est titulaire, l'arrêt retient qu'elle a également commis, à compter du 2 octobre 2018, des actes de concurrence déloyale en créant, dans l'esprit du public, un risque avéré de confusion entre la société [B] [K] et elle.

10. Inopérant en sa seconde branche, qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

11. La société [K] NB fermetures fait grief à l'arrêt de la condamner à
payer à la société [B] [K] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale, alors « que l'indemnisation d'un préjudice ne peut faire l'objet d'une évaluation forfaitaire ; que pour allouer la somme de 10 000 euros à la société [B] [K] sur le fondement de la concurrence déloyale, l'arrêt se borne à relever qu'elle sollicitait l'allocation de la somme de 50 000 euros avant d'énoncer qu'il lui sera alloué la somme de 10 000 euros ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a nécessairement alloué une indemnisation forfaitaire, a violé l'article 1240 du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

12. Sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1240 du code civil et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, après avoir relevé que la société [B] [K] ne faisait état d'aucune perte, ni d'un gain manqué, a estimé à la somme qu'elle a arrêté la valeur du préjudice moral subi par cette société, incluant l'atteinte à l'image subi par cette société.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. La société [K] NB fermetures fait grief à l'arrêt de la dire irrecevable à agir en revendication de la marque française « [K] Fermetures » n° 4019035, déposée par la société [B] [K], alors « que lorsque le déposant est de mauvaise foi, l'action en revendication de la marque déposée en fraude des droits d'un tiers n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; que pour écarter la mauvaise foi de la société [B] [K], l'arrêt retient que la volonté de protéger son nom patronymique lorsqu'il est utilisé dans la vie des affaires constitue en soi un but légitime" ; qu'en ne recherchant pas si la mauvaise foi ne résultait pas de ce que la marque déposée n'était pas constituée du seul nom patronymique [K], mais de l'association de termes correspondant précisément au nom commercial sous lequel était exploité le fonds de commerce de la société [K] NB fermetures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle :

15. Aux termes de ce texte, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement.

16. Pour écarter la mauvaise foi de la société [B] [K] et dire prescrite l'action en revendication de la marque « [K] Fermetures » pour dépôt en fraude des droits d'un tiers, l'arrêt énonce que la volonté de protéger son nom patronymique, lorsqu'il est utilisé dans la vie des affaires, constitue en soi un but légitime et que le dépôt de la marque « [K] Fermetures » avait pour objet, non de porter atteinte à l'entreprise personnelle de M. [U] [K], mais de protéger le nom patronymique [K] contre tout tiers concurrent qui prétendrait en faire usage.

17. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter les moyens de la société [K] NB fermetures pris de ce que le signe « [K] Fermetures », qui n'est pas constitué du seul nom patronymique « [K] » et dont la société [B] [K] savait qu'il était déjà exploité par une entreprise tierce, avait été déposé de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur ce moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

18. La société [K] NB fermetures fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'est frauduleux le dépôt d'une marque sans intention de l'exploiter ; que l'arrêt retient que la marque [K] Fermetures" n'a jamais été opposée par sa titulaire à l'encontre de M. [U] [K] tant que celui-ci a poursuivi l'exploitation de son commerce" et que celle-ci ne s'en est prévalue qu'après qu'il avait vendu son fonds de commerce à une société dont aucun des actionnaires ne portaient le patronyme [K] ; qu'il ajoute que les dispositions de l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle interdisaient à la société [B] [K] de se prévaloir de la marque à l'encontre de M. [U] [K] ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en déposant une marque qu'elle n'avait pas l'intention d'exploiter au jour de son dépôt, la société [B] [K] n'avait pas agi frauduleusement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle :

19. Pour retenir que la société [B] [K] n'était pas de mauvaise foi en déposant la marque « [K] Fermetures » et dire prescrite l'action de la société [K] NB fermetures en revendication de cette marque, l'arrêt énonce qu'il est de fait que la marque en cause n'a jamais été opposée par sa titulaire à l'encontre de M. [U] [K] tant que celui-ci a poursuivi l'exploitation de son commerce et que ce n'est que lorsque ce dernier a entrepris de vendre son fonds à une société dont aucun des actionnaires ne portait le patronyme « [K] » que l'intimée s'est prévalue de la marque « [K] Fermetures » dans une mise en demeure préalable à la présente action engagée à l'encontre de la société qui a acquis le fonds et que, n'ayant pas formé de demande en déchéance de la marque, l'argument tiré du défaut d'usage de celle-ci manque de pertinence.

20. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société [B] [K] avait exploité le signe « [K] fermetures » ou si elle avait eu une telle intention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur ce moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

21. La société [K] NB fermetures fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en revendication est ouverte sans restriction et uniquement soumise à la preuve que la demande d'enregistrement de la marque ait été faite de mauvaise foi ; que le cessionnaire d'un fonds de commerce acquiert, sauf disposition expresse contraire, les droits afférents à la dénomination sociale, au nom commercial et à l'enseigne ; que la société [K] NB fermetures, cessionnaire du fonds de commerce exploité sous le nom [K] Fermetures", était par conséquent fondée à agir en revendication en se prévalant de la mauvaise foi de la société [B] [K], déposante, dans l'enregistrement d'une marque qu'elle n'avait pas l'intention d'utiliser, uniquement en vue d'empêcher l'entrée d'un tiers sur le marché ; que l'arrêt retient cependant que la circonstance que la SAS [K] NB fermetures ait acquis le nom commercial '[K] Fermetures' le 1er octobre 2018 est indifférente" et qu' en effet, cette société qui n'avait pas d'existence légale au jour du dépôt de la marque ne peut se prévaloir d'aucune intention de nuire à son égard" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 141-5 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle :

22. Par ce texte, le législateur français a utilisé la faculté ouverte aux Etats membres par l'article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, repris en termes identiques à l'article 3, paragraphe 2, sous d), de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques et repris en substance à l'article 4, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

23. Ces dispositions sont interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne en ce sens que l'enregistrement d'une marque sans que le demandeur ait aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par cet enregistrement est susceptible d'être constitutif de mauvaise foi, dès lors que la demande de marque est privée de justification au regard des objectifs visés par la première directive 89/104. Une telle mauvaise foi ne peut cependant être caractérisée que s'il existe des indices objectifs pertinents et concordants tendant à démontrer que, à la date du dépôt de la demande d'enregistrement de la marque considérée, le demandeur de celle-ci avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque (arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C-371/18, point 77).

24. Pour écarter la mauvaise foi de la société [B] [K], l'arrêt énonce que la société [K] NB fermetures, qui n'avait pas d'existence légale au jour du dépôt de la marque « [K] Fermetures », ne peut se prévaloir d'aucune intention de nuire à son égard.

25. En statuant ainsi, alors que la mauvaise foi ne nécessite pas, pour être constituée, de viser un tiers en particulier, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

26. La société [K] NB fermetures fait grief à l'arrêt de dire qu'en faisant usage du signe « [K] Fermetures » entre le 3 septembre et le 1er octobre 2018, la société [K] NB fermetures avait commis des actes de contrefaçon des marques « [K] Fermetures » n° 4019035 et « [K] » n° 4321754, alors « que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage par un tiers, dans la vie des affaires et sans son consentement, d'un signe identique ou similaire qu'à condition que cet usage soit fait pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et porte atteinte aux fonctions de la marque ; que l'usage du signe pour une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne – qui n'ont pas pour finalité de distinguer des produits ou services – ne saurait être considéré comme étant fait à titre de marque, à moins que le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne soit apposé sur les produits commercialisés ou, en l'absence d'apposition, que le tiers utilise ledit signe de telle façon qu'il s'établit un lien avec ses produits ou services ; que l'action en contrefaçon des signes « [K] Fermetures» et « [K] » enregistrés par la société [B] [K] visait exclusivement la reprise desdits signes dans la dénomination sociale de la société [K] NB fermetures, sans qu'un usage à titre de marque soit allégué ; que pour conclure à l'existence d'actes de contrefaçon, la cour d'appel a relevé que la dénomination sociale de la société [K] NB fermetures était similaire à la marque « [K] Fermetures » et que le risque de confusion était avéré, les produits et services des deux sociétés étant identiques ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé un usage de la dénomination sociale à titre de marque en recherchant si elle était apposée sur les produits ou si un lien était établi avec les produits et services, ce qui n'était pas allégué par la société [B] [K] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

27. Aux termes du dernier de ces textes, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4.

28. Il résulte du premier, lu à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, tel qu'interprété lui-même par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, point 26 et jurisprudence citée), dont il assure la transposition en droit français, que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, dont sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service.

29. Il résulte du deuxième, lu à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, tel qu'interprété lui-même par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt Daimler, précité, point 26 et jurisprudence citée), dont il assure la transposition en droit français, que, lorsque les produits ou les services pour lesquels ces signes sont utilisés sont seulement similaires, le titulaire de la marque peut interdire un tel usage du signe uniquement si, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, celui-ci porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction d'indication d'origine.

30. Pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt retient que le choix de sa raison sociale par la société [K] NB fermetures et l'utilisation de celle-ci antérieurement à la cession du fonds de commerce de M. [U] [K] sont constitutifs d'actes de contrefaçon des marques « [K] » et « [K] Fermetures ».

31. En se déterminant ainsi, sans caractériser aucun usage du signe « [K] Fermetures » pour des produits ou des services, par la société [K] NB fermetures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

32. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déclarant la société [K] NB fermetures irrecevable à agir en revendication de la marque « [K] Fermetures » n° 4 019 035 entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant le transfert de la marque « [K] Fermetures » n° 4 019 035 à la société [B] [K] et faisant défense à la société [K] NB fermetures de faire usage du patronyme « [K] » à quelque titre que ce soit.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société [K] NB fermetures irrecevable à agir en revendication de la marque française « [K] Fermetures » n° 4 019 035, ordonne le transfert de la marque ci-dessus désignée à la société [B] [K], dit qu'en faisant usage du signe « [K] Fermetures » entre le 3 septembre et le 1er octobre 2018, la société [K] NB fermetures a commis des actes de contrefaçon des marques « [K] Fermetures » n° 4 019 035 et « [K] » n°4 321 754, condamne la société [K] NB fermetures à payer à la société [B] [K] une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon, fait défense à la société [K] NB fermetures de faire usage du patronyme « [K] » à quelque titre que ce soit, ainsi qu'en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ;

Condamne la société [B] [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [B] [K] et la condamne à payer à la société [K] NB fermetures la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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