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CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 5 novembre 2025, n° 22/03352

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/03352

5 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2025

(n° /2025, 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03352 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLWS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/08103

APPELANT

Monsieur [F] [W] [R]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par M. [K] [P] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEES

AGS CGEA IDF OUEST, représentée par sa Directrice, [Y] [E]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

S.A.S. ARIANE INVEST 1 prise en la personne de Maître [L] [H] [C] es qualité de mandataire liquidateur

[Adresse 3]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia NORVAL-GRIVET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère rédactrice

M. LATIL Christophe, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 2 mai 2019, M. [F] [W] [R] a été embauché par la société Ariane invest 1, spécialisée dans le secteur d'activité de l'achat, de la vente et du négoce de matériel de bâtiment et de produits de construction et employant moins de 11 salariés, en qualité de responsable administratif, juridique et financier, statut cadre, niveau VII, échelon 3 moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 553,05 euros pour un temps de travail mensuel de 75h83.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective de commerces de gros.

La relation contractuelle entre les parties a pris fin le 20 février 2021, à la suite d'une rupture conventionnelle.

Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Ariane invest 1.

Par acte du 1er octobre 2021, M. [R] a assigné la société SCP BTSG représentée par Me [L] [H] en qualité de mandataire liquidateur de la société Ariane invest 1 et l'AGS CGEA Île-de-France Ouest devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir, notamment, condamner son employeur à lui verser diverses sommes relatives à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement du 20 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Paris a statué en ces termes :

- Déboute M. [F] [W] [R] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamne M. [F] [W] [R] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 28 février 2022, M. [R] a interjeté appel de ce jugement, intimant Me [L] [H] en qualité de mandataire liquidateur de la société Ariane invest 1 et l'AGS CGEA Ile de France Ouest.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er juillet 2025.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 6 mai 2022, M. [R] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a débouté des demandes suivantes :

* 1 117,76 euros indemnité de licenciement conventionnelle

* 5 020,00 euros dommages et intérêts (compensation dettes de loyers)

* 30 651,32 euros salaires mai 2019 à février 2021 (paiements partiels reçus 2020)

* 4 563,30 euros congés payés afférents sur salaire (de mai 2019 à février 2021)

* 1 819,73 euros PAS non versé

* Paiement à titre conservatoire du solde de tout compte comprenant les congés payés et le remboursement du PAS soit la somme de 7 500,79 euros dans un délai de 15 jours (en raison du caractère alimentaire de ces sommes à dater du jugement sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard en application de l'article L.3253-15.

Au Conseil de prononcer à l'encontre du mandataire en raison de son manque de volonté manifeste à conduire les dossiers à terme dans des délais raisonnables ainsi que l'AGS sous peine d'astreinte de 200 euros chacun par jour de retard dans le paiement à dater de 15 jours après le jugement

Rendre le jugement opposable à l'AGS.

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés :

- Juger que l'employeur a failli à ses obligations contractuelles.

En conséquence :

- Condamner la société SAS Ariane invest 1, en la personne de Me [L] [H] mandataire liquidateur à lui payer les sommes suivantes :

* 1 117,76 euros à titre d'indemnité de licenciement légal

* 51 663,34 euros à titre des salaires non payés de mai 2019 à février 2021

* 874,14 euros à titre de congés payés afférents (mai 2019 à février 2021)

* 5 020,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi

* 3 074,12 euros à titre de prélèvement à la source mai 2019 à février 2021

- Condamner la société SAS Ariane invest 1, en la personne de Me [L] [H] mandataire liquidateur à remettre à M. [R] [F] un bulletin de salaire de solde de tout compte, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision à intervenir, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.

- se réserver le droit de liquider l'astreinte

- Débouter la société SAS Ariane invest 1, en la personne de Me [L] [H] mandataire liquidateur de ses demandes, fins et conclusions.

- Dire et juger que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, l'AGS CGEA Île-de-France Ouest demande à la cour de :

A titre principal

- Confirmer le jugement entrepris,

- Débouter [F] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire

Vu l'article 1271 du code civil,

- Constater la novation de la créance salariale en créance civile,

Vu l'article 3253-8 du code du travail,

- Dire cette créance non garantie par l'AGS,

- Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

- Dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail,

Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail.

- Dans la limite d'un plafond toutes créances brutes confondues,

- Exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Exclure de l'opposabilité à l'AGS l'astreinte,

Vu l'article L 621-48 du code de commerce,

- Rejeter la demande d'intérêts légaux,

- Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

La société SAS Ariane invest 1, en la personne de Me [L] [H] mandataire liquidateur, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, il est rappelé qu'en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui sans énoncer de nouveaux moyens demande la confirmation du jugement est réputé s'en approprier les motifs.

Le liquidateur de la société Arian invest 1, n'ayant pas conclu, est donc réputé s'approprier les motifs du jugement.

Sur la demande au titre des rappels de salaire :

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

M. [R] soutient qu'il n'a jamais été payé pour l'année 2019, qu'il a reçu du mois de janvier 2020 au mois de mars 2021 des acomptes en espèces ou des virements de salaire incomplets pour la plupart, pour un montant total de 13 739,16 euros.

Il produit notamment, au soutien de sa demande, son contrat de travail, ses bulletins de salaire, relevés de compte bancaire et avis d'imposition sur la période considérée, ainsi qu'un récapitulatif des sommes réclamées portant à titre principal sur une somme de 30 651,52 euros bruts.

Le liquidateur de la société Ariane invest 1 n'ayant pas constitué avocat, il n'est justifié d'aucun paiement autre que ceux dont fait état le salarié.

Il en résulte que la créance réclamée est établie à hauteur de 30 651,52 euros au titre du rappel de salaires de mai 2019 à février 2021, outre la somme réclamée de 874,14 euros au titre des congés payés correspondants.

Sur la demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement :

Au regard des pièces produites, le salarié est fondé à réclamer le paiement de l'indemnité de rupture de 1 117,76 euros prévue par la rupture conventionnelle.

Sur les demandes indemnitaires :

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts correspondant aux intérêts débiteurs générés par les impayés :

Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

En l'espèce, l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard apporté dans le paiement des créances, causé par la mauvaise foi de l'employeur, n'est pas établie.

Le salarié n'est pas davantage fondé à se prévaloir de la mise en 'uvre de la responsabilité délictuelle de l'employeur à cet égard.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de reverser à l'administration fiscale les sommes prélevées à la source :

M. [R] soutient que son employeur a prélevé chaque mois des sommes sur ses salaires sans jamais les reverser.

Toutefois, les manquements dont se prévaut le salarié ne sont pas établis ni, en tout état de cause, le préjudice qu'il allègue, alors que le code général des impôts prévoit des sanctions administratives ou pénales spécifiques en cas de non-respect par l'employeur de ses obligations en la matière et qu'il est de principe que le collecteur de la retenue à la source est redevable de la retenue à la source réalisée par lui.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur l'incidence de la procédure collective :

En vertu de l'article L. 622-7 du code du commerce, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture.

En application de l'article L. 622-21 du code de commerce, les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective.

Il en résulte que les juges du fond doivent se borner à se prononcer sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci.

Les créances du salarié ont pris naissance antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Il appartient donc à la cour d'en constater l'existence et d'en fixer le montant.

Sur la garantie de l'AGS :

Selon le 1° de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement, au régime de la procédure collective et la garantie de l'AGS doit intervenir selon les principes énoncés par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

En l'espèce, l'AGS soutient que s'agissant des salaires, M. [R] a affirmé devant la juridiction prud'homale avoir privilégié l'intérêt de l'entreprise au détriment du sien, ce qui établit son intention de nover la créance de salaire en créance civile de prêt de sorte que sa garantie n'est pas applicable.

Il résulte de l'article 1273, devenu 1329 du code civil, que la novation ne se présume pas.

Au cas présent, il ressort des termes du jugement que le salarié a reconnu avoir tardé à agir, nonobstant sa créance salariale, en raison des relations personnelles et humaines qu'il entretenait avec le dirigeant, privilégiant ainsi les intérêts de la société.

Cette seule circonstance ne suffit toutefois pas à établir que l'appelant a renoncé au paiement de ses salaires en manifestant clairement manifesté sa volonté d'éteindre l'obligation de paiement de ses rémunérations.

Le moyen tiré d'une novation de la créance salariale en créance civile sera donc écarté.

En conséquence, le présent arrêt est opposable à l'AGS dans les limites légales et réglementaires.

Sur les autres demandes :

L'employeur devra remettre au salarié les documents conformes au présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Il sera rappelé que les créances salariales portent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

Toutefois, en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux.

Sur les frais du procès :

Au regard de ce qui précède, le jugement sera infirmé sur les dépens qui seront mis à la charge de l'employeur, de même que les dépens en cause d'appel, les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant en revanche rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de M. [F] [W] [R] ;

STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

CONSTATE l'existence des créances suivantes au profit de M. [F] [W] [R] sur la société Ariane invest 1 et en FIXE le montant comme suit :

30 651,52 euros au titre du rappel de salaires de mai 2019 à février 2021,

874,14 euros au titre des congés payés correspondants,

1 117,76 euros au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA Île-de-France Ouest qui devra sa garantie dans les conditions légales ;

RAPPELLE que le jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Ariane invest 1 a arrêté le cours des intérêts ;

ENJOINT à la société Ariane invest 1 de remettre à M. [F] [W] [R] les documents sociaux - bulletins de salaire, attestation France travail, certificat de travail - conformes au présent arrêt ;

CONSTATE l'existence au profit de M. [F] [W] [R] sur la société Ariane invest 1 et d'une créance correspondant aux dépens de première instance et d'appel ;

REJETTE le surplus des demandes.

La greffière La présidente

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