CA Bordeaux, 4e ch. com., 5 novembre 2025, n° 23/05527
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 05 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/05527 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NREW
S.A.R.L. EGS [Localité 6] EXPLOITATION
c/
Monsieur [M] [I]
Madame [G] [X] épouse [I]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 novembre 2023 (R.G. 20/09080) par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 07 décembre 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. EGS [Localité 6] EXPLOITATION, immatriculée au RCS de Chambery sous le numéro 497 822 775, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1] - [Localité 2]
Représentée par Maître Marie-Christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Bénédicte NOEL, avocat au barreau de DAX
INTIMÉS :
Monsieur [M] [I], né le 29 Juillet 1968 à [Localité 7] (IRLANDE), de nationalité Irlandaise, demeurant [Adresse 4], [Localité 8] (IRLANDE), ayant élu domicile en l'étude de Maître [N] huissier de justice sis [Adresse 5] - [Localité 2]
Madame [G] [X] épouse [I], née le 13 Octobre 1968 à [Localité 3] (IRLANDE), de nationalité Irlandaise, demeurant [Adresse 4], [Localité 8] (IRLANDE), demeurant ayant élu domicile en l'étude de Maître [N] huissier de justice demeurant [Adresse 5] - [Localité 2]
Représentés par Maître Johanne AYMARD-CEZAC, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Sylviane GRADUS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 juin 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Par contrat du 23 février 2006, Monsieur [M] [I] et Mme [G] [X] son épouse ont conclu une promesse de bail commercial avec la société Eurogroup, à laquelle s'est substituée la société à responsabilité limitée EGS [Localité 6] Exploitation par un avenant signé le 8 août 2007, portant sur des locaux meublés (un appartement de type T4) situé au sein d'une résidence de tourisme « [Adresse 9] » [Localité 6].
Le bail a contractuellement pris effet le 1er mai 2007, pour s'achever le 31 octobre 2018, et le loyer a été fixé à la somme de 5 769 euros par an payable en quatre termes égaux par trimestre à terme échu les 15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier de chaque année outre un loyer annuel en nature consistant en l'attribution d'un budget vacances d'une valeur de 1 798 euros HT.
Par avenant du 17 novembre 2009, les parties ont régularisé un protocole transactionnel prévoyant notamment une diminution du loyer annuel et du loyer annuel en nature, la création d'un loyer annuel variable et la renonciation à la faculté de résiliation triennale sous conditions suspensives.
2. Par acte d'huissier du 10 avril 2018, M. et Mme [I] ont mis en demeure la société EGS [Localité 6] Exploitation de mettre fin aux manquements à ses obligations contractuelles dans le délai d'un mois, en raison d'un défaut de respect des termes du loyer aux échéances contractuellement définies
Par acte d'huissier du 25 avril 2018, le bailleur a fait signifier à la société EGS [Localité 6] Exploitation un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime au visa de l'article L145-17 du code de commerce pour le 31 octobre 2018.
Par courrier du 4 mai 2018, le preneur a contesté la mise en demeure adressée et le congé pour motif grave et légitime délivré.
Par acte délivré le 29 octobre 2020, la société EGS [Localité 6] Exploitation a fait assigner M. et Mme [I] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, contestant la régularité de la procédure et la réalité des motifs graves invoqués et revendiquant le paiement d'une indemnité d'éviction.
Par courrier du 18 janvier 2021, le conseil de M. et Mme [I] a mis en demeure la société EGS [Localité 6] Exploitation de s'acquitter des sommes dues au titre des soldes de loyers dus au titre des premier et deuxième trimestres 2020.
Par acte d'huissier du 9 février 2021, M. et Mme [I] ont fait délivrer à la société EGS [Localité 6] Exploitation un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le preneur y a répondu par courrier du 5 mars 2021.
Par jugement rendu le 16 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- constaté que le bail conclu le 23 février 2006 a pris fin le 31 octobre 2018 en application du congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime délivré le 26 avril 2018 ;
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction ;
- ordonné l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T4, numéro S13 situé au sein de la résidence « [Adresse 9] » [Adresse 10] [Localité 6] appartenant à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I], avec au besoin, le concours de la force publique, et ce sous astreinte provisoire journalière de 100 euros par jour de retard commençant à courir à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux par la restitution des clés au bailleur à la somme annuelle de 9 205,18 euros TTC avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Mme Johanne Aymard-Cezac ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de ses demandes fondées sur la dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 7 décembre 2023, la société EGS [Localité 6] Exploitation a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] épouse [I].
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
3. Par dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2024, la société EGS [Localité 6] Exploitation demande à la cour de :
Vu les articles L145-17, L145-28 et suivants du code de commerce,
- rejetant toutes fins, prétentions et conclusions contraires,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction ;
- ordonné l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T3, numéro S13 situé au sein de la résidence '[Adresse 9]' [Adresse 10] [Localité 6] appartenant à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I], avec au besoin, le concours de la force publique, et ce sous astreinte provisoire journalière de 100 euros par jour de retard commençant à courir à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux par la restitution des clés au bailleur à la somme annuelle de 9 205,18 euros TTC, avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Johanne Aymard-Cezac ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
In limine litis,
- dire et juger nulle et de nul effet la mise en demeure notifiée à la Société EGS [Localité 6] Exploitation le 10 avril 2018,
- déclarer réputé non écrit le commandement visant la clause résolutoire délivré à la Société EGS [Localité 6] Exploitation le 9 février 2021,
En conséquence,
- déclarer les époux [I] irrecevables à invoquer des motifs graves et légitimes à l'encontre de la Société EGS [Localité 6] Exploitation, faute de mise en demeure préalable conforme aux dispositions de l'article L145-17 du Code de commerce,
- débouter les époux [I] de leur demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou au prononcé de la résiliation judiciaire postérieurement au congé,
- fixer le montant total de l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation à la somme totale de 124 235 euros détaillée ainsi :
' indemnité principale : 110 095 euros
' indemnités accessoires :
- frais de remploi : 11 009 euros
- indemnité pour troubles commerciaux : 1 131,11 euros
- frais de déménagement : 2 000 euros
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation une indemnité d'éviction d'un montant de 124 235 euros,
- à défaut, désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec mission habituelle en la matière et notamment celle de :
- convoquer les parties et recueillir leurs explications,
- entendre tous sachants que l'Expert souhaite auditionner,
- se faire remettre l'ensemble des documents dont les parties entendent se prévaloir au cours de l'instance,
- évaluer l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation en toutes ses composantes,
Subsidiairement,
- dire et juger que les époux [I] n'établissent aucun motif grave et légitime justifiant que la Société EGS [Localité 6] Exploitation soit privée du versement d'une indemnité d'éviction,
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation une indemnité d'éviction,
- fixer le montant total de l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation à la somme totale de 124 235 euros détaillée ainsi :
' indemnité principale : 110 095 euros
' indemnités accessoires :
- frais de remploi : 11 009 euros
- indemnité pour troubles commerciaux : 1 131,11 euros
- frais de déménagement : 2 000 euros
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation une indemnité d'éviction d'un montant de 124 235 euros,
- à défaut, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission habituelle en la matière et notamment celle de :
- convoquer les parties et recueillir leurs explications,
- entendre tous sachants que l'Expert souhaite auditionner,
- se faire remettre l'ensemble des documents dont les parties entendent se prévaloir au cours de l'instance,
- évaluer l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation en toutes ses composantes,
En tout état de cause,
- débouter les époux [I] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la Société EGS [Localité 6] Exploitation à la somme annuelle de 7 484,40 euros TTC (1 871,10 euros TTC par trimestre),
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à assumer les entiers dépens de l'instance.
***
4. Par dernières conclusions notifiées le 26 mai 2025, M. et Mme [I] demandent à la cour de :
Vu les articles 112 et 114 du code de procédure civile,
Vu les articles 1104, 1134 ancien, 1217, 1227, 1184 ancien, 1728, 1343-2, 1347 et suivants du code civil,
Vu les articles L.145-17, L.145-28 et suivants, L.145-41 du code de commerce,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 novembre 2023 en ce qu'il :
- constate que le bail conclu le 23 février 2006 a pris fin le 31 octobre 2018 en application du congé pour motifs graves et légitimes sans offre de renouvellement signifié à la société EGS [Localité 6] Exploitation le 25 avril 2018,
- déboute la société EGS de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction,
- ordonne l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T4, numéro S13, appartenant à M. Et Mme [I], situé dans la résidence « [Adresse 9] », [Adresse 10] ' [Localité 6],
- fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. Et Mme [I], à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés au bailleur à la somme de 9 205,18 euros TTC avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I], la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour juge qu'il n'y a lieu de valider le congé signifié à la société EGS [Localité 6] Exploitation le 25 avril 2018,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail conclu le 23 février 2006 par l'effet du commandement signifié à la société EGS [Localité 6] Exploitation par exploit de la SELARL [N] du 9 février 2021, à la date du 9 mars 2021,
Encore plus subsidiairement,
- prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu le 23 février 2006 à effet du 15 novembre 2021 en raison des infractions commises par la société EGS [Localité 6] Exploitation dans l'exécution des charges et conditions du bail,
Et,
- confirmer de plus fort le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 novembre 2023 en ce qu'il :
- déboute la société EGS [Localité 6] Exploitation de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction,
- ordonne l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T4, numéro S13, appartenant à M. Et Mme [I], situé dans la résidence « [Adresse 9] », [Adresse 10] ' [Localité 6],
- fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. et Mme [I] à la somme annuelle de 9 205,18 euros TTC avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ajoutant,
- condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I] la somme de 603,20 euros indûment déduite du terme de loyers du deuxième trimestre 2023,
- juger que les charges récupérables seront dues par la société EGS [Localité 6] Exploitation jusqu'au 12 février 2024 et qu'elles seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021 date de la demande,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année,
- juger que les dépens mis à la charge de la société EGS [Localité 6] Exploitation incluront les frais de la mise en demeure, du congé et du commandement visant la clause résolutoire,
- condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement de la somme de 1 407,80 euros correspondant à l'échéance locative du 4ème trimestre 2020, ladite somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2021, date du commandement, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année,
- débouter la société EGS [Localité 6] Exploitation de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions y compris en ce qu'elles tendent à :
- la fixation du montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 124 235,00 euros,
- la fixation du montant de l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 7 484,40 euros TTC,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement rendu le 16 novembre 2023, juger la société EGS [Localité 6] Exploitation fondée en ses demandes et désigner un expert Judiciaire,
- juger que pour la détermination de l'indemnité d'éviction l'expert judiciaire procédera comme il est dit à l'article L.145-14 du code de commerce,
- juger que pour l'accomplissement de sa mission l'expert Judiciaire devra se rendre sur place et visiter les locaux donnés à bail,
- juger que les frais et honoraires de l'expertise seront aux frais avancés de la société EGS [Localité 6] Exploitation, demanderesse à l'expertise,
- ordonner, en toute hypothèse, la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation ainsi que les charges et taxes et plus généralement toutes autres sommes mises à la charge de la société EGS [Localité 6] Exploitation,
- condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I] la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de Maître Johanne Aymard-Cezac conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la validité de la mise en demeure préalable
Moyens des parties
5. Au visa de l'article 145-17 I 1° du code de commerce, la société EGS [Localité 6] Exploitation (ci-après EGS [Localité 6]) fait grief au jugement déféré d'avoir retenu que la mise en demeure qui lui a été délivrée le 10 avril 2018 par M. et Mme [I] n'était pas affectée de nullité.
L'appelante fait valoir que cette mise en demeure est nulle en ce qu'elle est rédigée en termes très généraux ; qu'il n'est pas précisé quels loyers auraient été réglés avec retard et seraient encore dus, alors pourtant que l'objectif de cette mise en demeure est de permettre à la locataire d'avoir une dernière chance de pouvoir régulariser sa situation avant d'encourir la perte de son bail sans versement d'une indemnité d'éviction ; que l'absence de précision de l'acte cause ainsi nécessairement grief puisqu'en l'espèce, la société EGS [Localité 6] n'a pas été mise en mesure de régulariser sa situation.
6. M. et Mme [I] répliquent que la mise en demeure litigieuse répond aux exigences de l'article L.145-17 du code de commerce puisqu'elle précise le motif invoqué et rappelle les termes de l'article L.145-1 I 1° du code de commerce, sans qu'il soit nécessaire, comme le précise le jugement dont appel, d'exiger à ce stade que le terme de chaque retard soit spécifié puisque la mise en demeure a pour objet de stigmatiser les manquements passés et d'enjoindre au locataire de s'acquitter des termes de loyers aux échéances prévues par le bail.
Les intimés ajoutent que l'appelante ne justifie pas le grief que l'irrégularité invoquée serait susceptible de lui causer alors que, au vu de la mise en demeure, elle savait et ne pouvait de bonne foi ignorer qu'à défaut de déférer à l'injonction de régler les échéances locatives aux dates déterminées
par le contrat de bail, M. et Mme [I] entendraient refuser le renouvellement du bail sans offrir le versement d'une indemnité d'éviction.
Réponse de la cour
7. L'article L.145-17 du code de commerce dispose :
« I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;
2° S'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnue par l'autorité administrative ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.
II.-En cas de reconstruction par le propriétaire ou son ayant droit d'un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire a droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit, sous les conditions prévues par les articles L. 145-19 et L. 145-20.»
8. La mise en demeure du 10 avril 2018 a été délivrée à l'appelante par acte extrajudiciaire et reproduit in extenso les dispositions de l'alinéa 1° du premier paragraphe de l'article L.145-17 du code de commerce. Elle satisfait donc aux formes exigées par cet article à peine de nullité.
9. Sur le fond, cette mise en demeure rappelle les stipulations du bail relatives au principe du paiement du loyer en quatre termes égaux par trimestre à terme échu les 15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier de chaque année et reproche à la société locataire de ne pas respecter son obligation à cet égard, indiquant : « (...) la société EGS [Localité 6] Exploitation ne règle pas les termes de loyers aux échéances contractuellement définies, systématiquement avec retard.»
Cet acte d'huissier met donc expressément en demeure l'appelante de mettre fin à ses manquements à cet égard, ce dans un délai d'un mois et mentionne que, dans le cas contraire, la bailleresse se prévaudra de ces infractions au soutien d'un refus de renouvellement du bail.
Le tribunal judiciaire a, à juste titre, souligné que le détail des retards de paiement n'était pas exigé par le texte à cette phase de la procédure.
10. La mise en demeure du 10 avril 2018 discutée par la société EGS [Localité 6] est donc parfaitement conforme aux exigences de l'article L.145-17 du code de commerce et n'encourt pas la nullité.
11. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le congé du 26 avril 2018
Moyens des parties
12. La société EGS [Localité 6] fait grief au tribunal judiciaire d'avoir retenu l'existence de motifs graves et légitimes et d'en avoir tiré la conséquence de la validité du congé du 26 avril 2018 avec refus de renouvellement et sans indemnité.
L'appelante soutient qu'il est de principe que l'accumulation et le retard répété dans le paiement de loyers ne peuvent constituer un motif grave et légitime d'un refus de renouvellement d'un bail commercial que si au moins une sommation d'avoir à régler la somme, dans le délai d'un mois, est demeurée sans effet ; que dès lors que le paiement intervient dans le mois de la mise en demeure, il est considéré que l'infraction est réparée et ne peut pas constituer un motif grave et légitime, même si le bailleur subit des retards ou des défauts de paiement réitérés, constants et chroniques ; qu'il n'est pas établi par M. et Mme [I] que la société EGS [Localité 6] n'aurait pas honoré les causes d'un commandement de payer dans le délai d'un mois qui lui aurait été imparti.
13. Au visa de l'article 1728 du code civil, M. et Mme [I] répondent que l'appelante, qui a obtenu de ses bailleurs dès l'année 2009 une minoration du montant du loyer, n'a jamais expliqué les raisons pour lesquelles elle réglait les loyers systématiquement avec retard, ni même invoqué et encore moins justifié l'existence d'une quelconque difficulté à laquelle elle aurait pu être confrontée ; que le bailleur n'a pas l'obligation, face à la carence systématique de son locataire à respecter les charges et conditions du contrat qu'il a accepté de signer, de multiplier les frais de mise en demeure ou de commandement, étant rappelé que M. et Mme [I] vivent à l'étranger et communiquent difficilement en langue française ; qu'en dépit de la mise en demeure du 10 avril 2018 dont la portée ne lui a pas échappé, la société EGS [Localité 6] a non seulement persisté dans les infractions aux stipulations de l'article 8 du bail mais encore allongé les délais de règlement des loyers ; que, depuis l'origine, les termes de loyers ne sont jamais réglés aux échéances stipulées dans le bail, mettant de la sorte la trésorerie des intimés en difficulté alors qu'ils étaient eux-mêmes contraints, jusqu'en 2020, de rembourser chaque début de mois - à date fixe - à la société BNP Paribas la somme de 804,89 euros, soit 2.414,67 euros par trimestre au titre de l'acquisition du bien donné à bail.
Réponse de la cour
14. En vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
Par application de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
15. Le contrat de bail commercial conclu entre les parties stipule à l'article 8 que le loyer « sera payable en quatre termes égaux par trimestre à terme échu les 15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier de chaque année.»
16. M. et Mme [I] produisent à leur dossier la totalité des relevés des années 2018 à 2021 des mouvements de leur compte ouvert dans les livres de la société BNP Paribas et affecté à la gestion du bien litigieux, qu'il s'agisse du remboursement de l'emprunt consenti par la banque ou du paiement des loyers par virements trimestriels.
Ils produisent également le récapitulatif -réalisé par l'appelante elle-même- des versements de la société locataire pour les années 2015 à 2017.
L'étude de ces documents met en évidence tout d'abord le fait que M. et Mme [I] ont remboursé mensuellement à la société BNP Paribas la somme de 804,89 euros, prélevée le 5 ou le 6 de chaque mois.
Ensuite, il apparaît qu'au cours de la totalité de la période qui court du 19 janvier 2015 au 19 mai 2018, tous les loyers ont été versés en retard, à l'exception des paiements du 15 avril 2016 et du 13 octobre 2017, le retard pouvant aller de quelques jours à un mois.
De plus, la situation n'a pas été régularisée postérieurement à la mise en demeure délivrée le 10 avril 2018, puisque l'examen des relevés des mouvements du compte de M. et Mme [I] révèle que les loyers d'avril, juillet, octobre ont été payés avec retard, certes d'un jour pour le terme de juillet 2018, mais de sept semaines pour le terme d'octobre, payé le 3 décembre, ce qui a d'ailleurs contraint M. et Mme [I] à procéder eux-mêmes à des versements exceptionnels au crédit de ce compte, ainsi le virement de 1.000 euros le 5 novembre 2018.
Il en est de même pour l'année 2019 au cours de laquelle tous les loyers ont été payés en retard, en particulier les termes d'avril et juillet qui ont été réglés le 20 juin et le 30 août suivant.
17. Or la société EGS [Localité 6] ne donne aucune explication à ce manquement récurrent à sa principale obligation contractuelle, étant observé qu'il s'agit d'une période très antérieure à celle de la pandémie de Covid 19. Une telle désinvolture, renouvelée pendant plusieurs années caractérise un motif grave et légitime suffisant à justifier le refus de renouvellement sans indemnité, étant souligné que le fait que M. et Mme [I] n'ont pas immédiatement protesté ne peut être considéré comme une ratification des agissements de leur locataire commerciale.
18. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le congé délivré le 26 avril 2018 avec effet au 31 octobre 2018 était valable et a rejeté la demande de la société EGS [Localité 6] tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction.
19. Il en résulte que la discussion développée par l'appelante relativement aux conditions de la délivrance le 9 février 2021 du commandement de payer visant la clause résolutoire est inopérante car elle ne peut conduire à l'invalidation du congé avec refus de renouvellement.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande tendant à ce que soit constaté le caractère non écrit du commandement du 9 février 2021.
Sur l'indemnité d'occupation
20. Le bail dont bénéficiait la société EGS [Localité 6] a pris fin le 31 octobre 2018 par l'effet du congé. Il n'est pas discuté que l'appelante, qui était donc occupante sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2018, a quitté les lieux le 13 février 2024 ; elle est donc redevable d'une indemnité d'occupation pour cette période de 63 mois et demi, soit 21 trimestres.
21. Il est constant que le juge des loyers commerciaux a, par un jugement du 14 juin 2023, retenu une valeur locative annuelle de 9.205,18 euros pour le type d'appartement dont M. et Mme [I] sont propriétaires au sein de la résidence hôtelière '[Adresse 9]'.
C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a condamné la société EGS [Localité 6] au paiement d'une indemnité annuelle d'occupation de 9.205,18 euros, sans qu'il y ait lieu d'appliquer un abattement de précarité, l'appelante ne justifiant pas de la pertinence d'un tel abattement dans le cas d'une éviction sans indemnité pour motif grave et légitime.
En effet, le préjudice subi par le bailleur, du fait de l'occupation des lieux après la date d'effet du congé doit être indemnisé à concurrence du montant du loyer qu'il aurait pu obtenir d'un autre locataire ainsi que du montant des charges locatives.
Dès lors, il ne peut être tenu compte de ce que les loyers versés par la société EGS [Localité 6] étaient amputés une fois par an de la somme de 400 euros TTC, qualifiée de 'loyers en nature', au titre de la possibilité pour M. et Mme [I] de louer, à concurrence de ce montant, un appartement dans une autre résidence hôtelière gérée par l'appelante, ce service ayant nécessairement cessé avec la fin du bail commercial.
22. M. et Mme [I] sont fondés à tendre également au remboursement par l'occupante des lieux du montant des charges récupérables, avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021, date de la première demande en justice en ce sens. Le premier juge a fait droit à cette demande en son principe, sans cependant l'assortir des intérêts réclamés.
Il y a donc lieu de condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer aux intimés les intérêts au taux légal sur les sommes dues au titre des charges récupérables, à compter du 17 février 2021 pour les sommes exigibles à cette date et à compter de leur échéance pour les charges récupérables postérieures.
23. Les intimés réclament le remboursement des primes d'assurances qui auraient été portées à leur charge par la locataire mais ne justifient ni du principe de cette demande ni de son montant, aucun document n'étant versé à leur dossier en ce qui concerne le versement du loyer du 3ème trimestre 2023 dont le montant serait amputé de la somme litigieuse.
Leur demande de ce chef sera donc rejetée.
24. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée au titre de l'impayé du 4ème trimestre 2020 puisque cette indemnité d'occupation est comprise dans les sommes au paiement desquelles la société EGS [Localité 6] est tenue par l'effet de la condamnation au paiement d'indemnités d'occupation depuis le 1er novembre 2018.
25. Il convient de confirmer les chefs de dispositif du jugement déféré relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
Il sera à cet égard fait droit à la demande relative à la prise en compte, dans les dépens, des frais de mise en demeure, du congé et du commandement visant la clause résolutoire, ces actes se situant dans un rapport étroit et nécessaire avec l'introduction d'un litige relatif à la fin d'un bail commercial.
Y ajoutant, la cour condamnera l'appelante à payer les dépens de la procédure d'appel et à verser à les intimés une somme de 5.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 16 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Y ajoutant,
Dit que les dépens de première instance comprennent les frais de mise en demeure, du congé et du commandement visant la clause résolutoire.
Condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] son épouse les intérêts au taux légal sur les sommes dues au titre des charges récupérables, à compter du 17 février 2021 pour les sommes exigibles à cette date et à compter de leur échéance pour les charges récupérables postérieures.
Ordonne la capitalisation des intérêts dus par année entière.
Déboute Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] son épouse de leur demande au titre du remboursement des primes d'assurance.
Condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] son épouse la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 05 NOVEMBRE 2025
N° RG 23/05527 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NREW
S.A.R.L. EGS [Localité 6] EXPLOITATION
c/
Monsieur [M] [I]
Madame [G] [X] épouse [I]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 novembre 2023 (R.G. 20/09080) par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 07 décembre 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. EGS [Localité 6] EXPLOITATION, immatriculée au RCS de Chambery sous le numéro 497 822 775, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1] - [Localité 2]
Représentée par Maître Marie-Christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Bénédicte NOEL, avocat au barreau de DAX
INTIMÉS :
Monsieur [M] [I], né le 29 Juillet 1968 à [Localité 7] (IRLANDE), de nationalité Irlandaise, demeurant [Adresse 4], [Localité 8] (IRLANDE), ayant élu domicile en l'étude de Maître [N] huissier de justice sis [Adresse 5] - [Localité 2]
Madame [G] [X] épouse [I], née le 13 Octobre 1968 à [Localité 3] (IRLANDE), de nationalité Irlandaise, demeurant [Adresse 4], [Localité 8] (IRLANDE), demeurant ayant élu domicile en l'étude de Maître [N] huissier de justice demeurant [Adresse 5] - [Localité 2]
Représentés par Maître Johanne AYMARD-CEZAC, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Sylviane GRADUS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 juin 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Par contrat du 23 février 2006, Monsieur [M] [I] et Mme [G] [X] son épouse ont conclu une promesse de bail commercial avec la société Eurogroup, à laquelle s'est substituée la société à responsabilité limitée EGS [Localité 6] Exploitation par un avenant signé le 8 août 2007, portant sur des locaux meublés (un appartement de type T4) situé au sein d'une résidence de tourisme « [Adresse 9] » [Localité 6].
Le bail a contractuellement pris effet le 1er mai 2007, pour s'achever le 31 octobre 2018, et le loyer a été fixé à la somme de 5 769 euros par an payable en quatre termes égaux par trimestre à terme échu les 15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier de chaque année outre un loyer annuel en nature consistant en l'attribution d'un budget vacances d'une valeur de 1 798 euros HT.
Par avenant du 17 novembre 2009, les parties ont régularisé un protocole transactionnel prévoyant notamment une diminution du loyer annuel et du loyer annuel en nature, la création d'un loyer annuel variable et la renonciation à la faculté de résiliation triennale sous conditions suspensives.
2. Par acte d'huissier du 10 avril 2018, M. et Mme [I] ont mis en demeure la société EGS [Localité 6] Exploitation de mettre fin aux manquements à ses obligations contractuelles dans le délai d'un mois, en raison d'un défaut de respect des termes du loyer aux échéances contractuellement définies
Par acte d'huissier du 25 avril 2018, le bailleur a fait signifier à la société EGS [Localité 6] Exploitation un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime au visa de l'article L145-17 du code de commerce pour le 31 octobre 2018.
Par courrier du 4 mai 2018, le preneur a contesté la mise en demeure adressée et le congé pour motif grave et légitime délivré.
Par acte délivré le 29 octobre 2020, la société EGS [Localité 6] Exploitation a fait assigner M. et Mme [I] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, contestant la régularité de la procédure et la réalité des motifs graves invoqués et revendiquant le paiement d'une indemnité d'éviction.
Par courrier du 18 janvier 2021, le conseil de M. et Mme [I] a mis en demeure la société EGS [Localité 6] Exploitation de s'acquitter des sommes dues au titre des soldes de loyers dus au titre des premier et deuxième trimestres 2020.
Par acte d'huissier du 9 février 2021, M. et Mme [I] ont fait délivrer à la société EGS [Localité 6] Exploitation un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le preneur y a répondu par courrier du 5 mars 2021.
Par jugement rendu le 16 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- constaté que le bail conclu le 23 février 2006 a pris fin le 31 octobre 2018 en application du congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime délivré le 26 avril 2018 ;
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction ;
- ordonné l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T4, numéro S13 situé au sein de la résidence « [Adresse 9] » [Adresse 10] [Localité 6] appartenant à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I], avec au besoin, le concours de la force publique, et ce sous astreinte provisoire journalière de 100 euros par jour de retard commençant à courir à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux par la restitution des clés au bailleur à la somme annuelle de 9 205,18 euros TTC avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Mme Johanne Aymard-Cezac ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de ses demandes fondées sur la dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 7 décembre 2023, la société EGS [Localité 6] Exploitation a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] épouse [I].
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
3. Par dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2024, la société EGS [Localité 6] Exploitation demande à la cour de :
Vu les articles L145-17, L145-28 et suivants du code de commerce,
- rejetant toutes fins, prétentions et conclusions contraires,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction ;
- ordonné l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T3, numéro S13 situé au sein de la résidence '[Adresse 9]' [Adresse 10] [Localité 6] appartenant à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I], avec au besoin, le concours de la force publique, et ce sous astreinte provisoire journalière de 100 euros par jour de retard commençant à courir à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux par la restitution des clés au bailleur à la somme annuelle de 9 205,18 euros TTC, avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Johanne Aymard-Cezac ;
- condamné la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. [M] [I] et Mme [G] [X] épouse [I] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société EGS [Localité 6] Exploitation de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
In limine litis,
- dire et juger nulle et de nul effet la mise en demeure notifiée à la Société EGS [Localité 6] Exploitation le 10 avril 2018,
- déclarer réputé non écrit le commandement visant la clause résolutoire délivré à la Société EGS [Localité 6] Exploitation le 9 février 2021,
En conséquence,
- déclarer les époux [I] irrecevables à invoquer des motifs graves et légitimes à l'encontre de la Société EGS [Localité 6] Exploitation, faute de mise en demeure préalable conforme aux dispositions de l'article L145-17 du Code de commerce,
- débouter les époux [I] de leur demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou au prononcé de la résiliation judiciaire postérieurement au congé,
- fixer le montant total de l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation à la somme totale de 124 235 euros détaillée ainsi :
' indemnité principale : 110 095 euros
' indemnités accessoires :
- frais de remploi : 11 009 euros
- indemnité pour troubles commerciaux : 1 131,11 euros
- frais de déménagement : 2 000 euros
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation une indemnité d'éviction d'un montant de 124 235 euros,
- à défaut, désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec mission habituelle en la matière et notamment celle de :
- convoquer les parties et recueillir leurs explications,
- entendre tous sachants que l'Expert souhaite auditionner,
- se faire remettre l'ensemble des documents dont les parties entendent se prévaloir au cours de l'instance,
- évaluer l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation en toutes ses composantes,
Subsidiairement,
- dire et juger que les époux [I] n'établissent aucun motif grave et légitime justifiant que la Société EGS [Localité 6] Exploitation soit privée du versement d'une indemnité d'éviction,
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation une indemnité d'éviction,
- fixer le montant total de l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation à la somme totale de 124 235 euros détaillée ainsi :
' indemnité principale : 110 095 euros
' indemnités accessoires :
- frais de remploi : 11 009 euros
- indemnité pour troubles commerciaux : 1 131,11 euros
- frais de déménagement : 2 000 euros
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation une indemnité d'éviction d'un montant de 124 235 euros,
- à défaut, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission habituelle en la matière et notamment celle de :
- convoquer les parties et recueillir leurs explications,
- entendre tous sachants que l'Expert souhaite auditionner,
- se faire remettre l'ensemble des documents dont les parties entendent se prévaloir au cours de l'instance,
- évaluer l'indemnité d'éviction revenant à la Société EGS [Localité 6] Exploitation en toutes ses composantes,
En tout état de cause,
- débouter les époux [I] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la Société EGS [Localité 6] Exploitation à la somme annuelle de 7 484,40 euros TTC (1 871,10 euros TTC par trimestre),
- condamner les époux [I] à verser à la Société EGS [Localité 6] Exploitation la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à assumer les entiers dépens de l'instance.
***
4. Par dernières conclusions notifiées le 26 mai 2025, M. et Mme [I] demandent à la cour de :
Vu les articles 112 et 114 du code de procédure civile,
Vu les articles 1104, 1134 ancien, 1217, 1227, 1184 ancien, 1728, 1343-2, 1347 et suivants du code civil,
Vu les articles L.145-17, L.145-28 et suivants, L.145-41 du code de commerce,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 novembre 2023 en ce qu'il :
- constate que le bail conclu le 23 février 2006 a pris fin le 31 octobre 2018 en application du congé pour motifs graves et légitimes sans offre de renouvellement signifié à la société EGS [Localité 6] Exploitation le 25 avril 2018,
- déboute la société EGS de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction,
- ordonne l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T4, numéro S13, appartenant à M. Et Mme [I], situé dans la résidence « [Adresse 9] », [Adresse 10] ' [Localité 6],
- fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. Et Mme [I], à compter du 1er novembre 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés au bailleur à la somme de 9 205,18 euros TTC avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I], la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour juge qu'il n'y a lieu de valider le congé signifié à la société EGS [Localité 6] Exploitation le 25 avril 2018,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail conclu le 23 février 2006 par l'effet du commandement signifié à la société EGS [Localité 6] Exploitation par exploit de la SELARL [N] du 9 février 2021, à la date du 9 mars 2021,
Encore plus subsidiairement,
- prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu le 23 février 2006 à effet du 15 novembre 2021 en raison des infractions commises par la société EGS [Localité 6] Exploitation dans l'exécution des charges et conditions du bail,
Et,
- confirmer de plus fort le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 16 novembre 2023 en ce qu'il :
- déboute la société EGS [Localité 6] Exploitation de sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction,
- ordonne l'expulsion de la société EGS [Localité 6] Exploitation et de tous occupants de son chef de l'appartement de type T4, numéro S13, appartenant à M. Et Mme [I], situé dans la résidence « [Adresse 9] », [Adresse 10] ' [Localité 6],
- fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par la société EGS [Localité 6] Exploitation à M. et Mme [I] à la somme annuelle de 9 205,18 euros TTC avec indexation en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux, outre le règlement des charges de copropriété et des taxes,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement des dépens de l'instance,
- condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ajoutant,
- condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I] la somme de 603,20 euros indûment déduite du terme de loyers du deuxième trimestre 2023,
- juger que les charges récupérables seront dues par la société EGS [Localité 6] Exploitation jusqu'au 12 février 2024 et qu'elles seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021 date de la demande,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année,
- juger que les dépens mis à la charge de la société EGS [Localité 6] Exploitation incluront les frais de la mise en demeure, du congé et du commandement visant la clause résolutoire,
- condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation au paiement de la somme de 1 407,80 euros correspondant à l'échéance locative du 4ème trimestre 2020, ladite somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2021, date du commandement, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année,
- débouter la société EGS [Localité 6] Exploitation de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions y compris en ce qu'elles tendent à :
- la fixation du montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 124 235,00 euros,
- la fixation du montant de l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 7 484,40 euros TTC,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement rendu le 16 novembre 2023, juger la société EGS [Localité 6] Exploitation fondée en ses demandes et désigner un expert Judiciaire,
- juger que pour la détermination de l'indemnité d'éviction l'expert judiciaire procédera comme il est dit à l'article L.145-14 du code de commerce,
- juger que pour l'accomplissement de sa mission l'expert Judiciaire devra se rendre sur place et visiter les locaux donnés à bail,
- juger que les frais et honoraires de l'expertise seront aux frais avancés de la société EGS [Localité 6] Exploitation, demanderesse à l'expertise,
- ordonner, en toute hypothèse, la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation ainsi que les charges et taxes et plus généralement toutes autres sommes mises à la charge de la société EGS [Localité 6] Exploitation,
- condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à M. et Mme [I] la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de Maître Johanne Aymard-Cezac conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2025.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la validité de la mise en demeure préalable
Moyens des parties
5. Au visa de l'article 145-17 I 1° du code de commerce, la société EGS [Localité 6] Exploitation (ci-après EGS [Localité 6]) fait grief au jugement déféré d'avoir retenu que la mise en demeure qui lui a été délivrée le 10 avril 2018 par M. et Mme [I] n'était pas affectée de nullité.
L'appelante fait valoir que cette mise en demeure est nulle en ce qu'elle est rédigée en termes très généraux ; qu'il n'est pas précisé quels loyers auraient été réglés avec retard et seraient encore dus, alors pourtant que l'objectif de cette mise en demeure est de permettre à la locataire d'avoir une dernière chance de pouvoir régulariser sa situation avant d'encourir la perte de son bail sans versement d'une indemnité d'éviction ; que l'absence de précision de l'acte cause ainsi nécessairement grief puisqu'en l'espèce, la société EGS [Localité 6] n'a pas été mise en mesure de régulariser sa situation.
6. M. et Mme [I] répliquent que la mise en demeure litigieuse répond aux exigences de l'article L.145-17 du code de commerce puisqu'elle précise le motif invoqué et rappelle les termes de l'article L.145-1 I 1° du code de commerce, sans qu'il soit nécessaire, comme le précise le jugement dont appel, d'exiger à ce stade que le terme de chaque retard soit spécifié puisque la mise en demeure a pour objet de stigmatiser les manquements passés et d'enjoindre au locataire de s'acquitter des termes de loyers aux échéances prévues par le bail.
Les intimés ajoutent que l'appelante ne justifie pas le grief que l'irrégularité invoquée serait susceptible de lui causer alors que, au vu de la mise en demeure, elle savait et ne pouvait de bonne foi ignorer qu'à défaut de déférer à l'injonction de régler les échéances locatives aux dates déterminées
par le contrat de bail, M. et Mme [I] entendraient refuser le renouvellement du bail sans offrir le versement d'une indemnité d'éviction.
Réponse de la cour
7. L'article L.145-17 du code de commerce dispose :
« I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;
2° S'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnue par l'autorité administrative ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.
II.-En cas de reconstruction par le propriétaire ou son ayant droit d'un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire a droit de priorité pour louer dans l'immeuble reconstruit, sous les conditions prévues par les articles L. 145-19 et L. 145-20.»
8. La mise en demeure du 10 avril 2018 a été délivrée à l'appelante par acte extrajudiciaire et reproduit in extenso les dispositions de l'alinéa 1° du premier paragraphe de l'article L.145-17 du code de commerce. Elle satisfait donc aux formes exigées par cet article à peine de nullité.
9. Sur le fond, cette mise en demeure rappelle les stipulations du bail relatives au principe du paiement du loyer en quatre termes égaux par trimestre à terme échu les 15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier de chaque année et reproche à la société locataire de ne pas respecter son obligation à cet égard, indiquant : « (...) la société EGS [Localité 6] Exploitation ne règle pas les termes de loyers aux échéances contractuellement définies, systématiquement avec retard.»
Cet acte d'huissier met donc expressément en demeure l'appelante de mettre fin à ses manquements à cet égard, ce dans un délai d'un mois et mentionne que, dans le cas contraire, la bailleresse se prévaudra de ces infractions au soutien d'un refus de renouvellement du bail.
Le tribunal judiciaire a, à juste titre, souligné que le détail des retards de paiement n'était pas exigé par le texte à cette phase de la procédure.
10. La mise en demeure du 10 avril 2018 discutée par la société EGS [Localité 6] est donc parfaitement conforme aux exigences de l'article L.145-17 du code de commerce et n'encourt pas la nullité.
11. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le congé du 26 avril 2018
Moyens des parties
12. La société EGS [Localité 6] fait grief au tribunal judiciaire d'avoir retenu l'existence de motifs graves et légitimes et d'en avoir tiré la conséquence de la validité du congé du 26 avril 2018 avec refus de renouvellement et sans indemnité.
L'appelante soutient qu'il est de principe que l'accumulation et le retard répété dans le paiement de loyers ne peuvent constituer un motif grave et légitime d'un refus de renouvellement d'un bail commercial que si au moins une sommation d'avoir à régler la somme, dans le délai d'un mois, est demeurée sans effet ; que dès lors que le paiement intervient dans le mois de la mise en demeure, il est considéré que l'infraction est réparée et ne peut pas constituer un motif grave et légitime, même si le bailleur subit des retards ou des défauts de paiement réitérés, constants et chroniques ; qu'il n'est pas établi par M. et Mme [I] que la société EGS [Localité 6] n'aurait pas honoré les causes d'un commandement de payer dans le délai d'un mois qui lui aurait été imparti.
13. Au visa de l'article 1728 du code civil, M. et Mme [I] répondent que l'appelante, qui a obtenu de ses bailleurs dès l'année 2009 une minoration du montant du loyer, n'a jamais expliqué les raisons pour lesquelles elle réglait les loyers systématiquement avec retard, ni même invoqué et encore moins justifié l'existence d'une quelconque difficulté à laquelle elle aurait pu être confrontée ; que le bailleur n'a pas l'obligation, face à la carence systématique de son locataire à respecter les charges et conditions du contrat qu'il a accepté de signer, de multiplier les frais de mise en demeure ou de commandement, étant rappelé que M. et Mme [I] vivent à l'étranger et communiquent difficilement en langue française ; qu'en dépit de la mise en demeure du 10 avril 2018 dont la portée ne lui a pas échappé, la société EGS [Localité 6] a non seulement persisté dans les infractions aux stipulations de l'article 8 du bail mais encore allongé les délais de règlement des loyers ; que, depuis l'origine, les termes de loyers ne sont jamais réglés aux échéances stipulées dans le bail, mettant de la sorte la trésorerie des intimés en difficulté alors qu'ils étaient eux-mêmes contraints, jusqu'en 2020, de rembourser chaque début de mois - à date fixe - à la société BNP Paribas la somme de 804,89 euros, soit 2.414,67 euros par trimestre au titre de l'acquisition du bien donné à bail.
Réponse de la cour
14. En vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
Par application de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
15. Le contrat de bail commercial conclu entre les parties stipule à l'article 8 que le loyer « sera payable en quatre termes égaux par trimestre à terme échu les 15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier de chaque année.»
16. M. et Mme [I] produisent à leur dossier la totalité des relevés des années 2018 à 2021 des mouvements de leur compte ouvert dans les livres de la société BNP Paribas et affecté à la gestion du bien litigieux, qu'il s'agisse du remboursement de l'emprunt consenti par la banque ou du paiement des loyers par virements trimestriels.
Ils produisent également le récapitulatif -réalisé par l'appelante elle-même- des versements de la société locataire pour les années 2015 à 2017.
L'étude de ces documents met en évidence tout d'abord le fait que M. et Mme [I] ont remboursé mensuellement à la société BNP Paribas la somme de 804,89 euros, prélevée le 5 ou le 6 de chaque mois.
Ensuite, il apparaît qu'au cours de la totalité de la période qui court du 19 janvier 2015 au 19 mai 2018, tous les loyers ont été versés en retard, à l'exception des paiements du 15 avril 2016 et du 13 octobre 2017, le retard pouvant aller de quelques jours à un mois.
De plus, la situation n'a pas été régularisée postérieurement à la mise en demeure délivrée le 10 avril 2018, puisque l'examen des relevés des mouvements du compte de M. et Mme [I] révèle que les loyers d'avril, juillet, octobre ont été payés avec retard, certes d'un jour pour le terme de juillet 2018, mais de sept semaines pour le terme d'octobre, payé le 3 décembre, ce qui a d'ailleurs contraint M. et Mme [I] à procéder eux-mêmes à des versements exceptionnels au crédit de ce compte, ainsi le virement de 1.000 euros le 5 novembre 2018.
Il en est de même pour l'année 2019 au cours de laquelle tous les loyers ont été payés en retard, en particulier les termes d'avril et juillet qui ont été réglés le 20 juin et le 30 août suivant.
17. Or la société EGS [Localité 6] ne donne aucune explication à ce manquement récurrent à sa principale obligation contractuelle, étant observé qu'il s'agit d'une période très antérieure à celle de la pandémie de Covid 19. Une telle désinvolture, renouvelée pendant plusieurs années caractérise un motif grave et légitime suffisant à justifier le refus de renouvellement sans indemnité, étant souligné que le fait que M. et Mme [I] n'ont pas immédiatement protesté ne peut être considéré comme une ratification des agissements de leur locataire commerciale.
18. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le congé délivré le 26 avril 2018 avec effet au 31 octobre 2018 était valable et a rejeté la demande de la société EGS [Localité 6] tendant à la fixation d'une indemnité d'éviction.
19. Il en résulte que la discussion développée par l'appelante relativement aux conditions de la délivrance le 9 février 2021 du commandement de payer visant la clause résolutoire est inopérante car elle ne peut conduire à l'invalidation du congé avec refus de renouvellement.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande tendant à ce que soit constaté le caractère non écrit du commandement du 9 février 2021.
Sur l'indemnité d'occupation
20. Le bail dont bénéficiait la société EGS [Localité 6] a pris fin le 31 octobre 2018 par l'effet du congé. Il n'est pas discuté que l'appelante, qui était donc occupante sans droit ni titre depuis le 1er novembre 2018, a quitté les lieux le 13 février 2024 ; elle est donc redevable d'une indemnité d'occupation pour cette période de 63 mois et demi, soit 21 trimestres.
21. Il est constant que le juge des loyers commerciaux a, par un jugement du 14 juin 2023, retenu une valeur locative annuelle de 9.205,18 euros pour le type d'appartement dont M. et Mme [I] sont propriétaires au sein de la résidence hôtelière '[Adresse 9]'.
C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a condamné la société EGS [Localité 6] au paiement d'une indemnité annuelle d'occupation de 9.205,18 euros, sans qu'il y ait lieu d'appliquer un abattement de précarité, l'appelante ne justifiant pas de la pertinence d'un tel abattement dans le cas d'une éviction sans indemnité pour motif grave et légitime.
En effet, le préjudice subi par le bailleur, du fait de l'occupation des lieux après la date d'effet du congé doit être indemnisé à concurrence du montant du loyer qu'il aurait pu obtenir d'un autre locataire ainsi que du montant des charges locatives.
Dès lors, il ne peut être tenu compte de ce que les loyers versés par la société EGS [Localité 6] étaient amputés une fois par an de la somme de 400 euros TTC, qualifiée de 'loyers en nature', au titre de la possibilité pour M. et Mme [I] de louer, à concurrence de ce montant, un appartement dans une autre résidence hôtelière gérée par l'appelante, ce service ayant nécessairement cessé avec la fin du bail commercial.
22. M. et Mme [I] sont fondés à tendre également au remboursement par l'occupante des lieux du montant des charges récupérables, avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021, date de la première demande en justice en ce sens. Le premier juge a fait droit à cette demande en son principe, sans cependant l'assortir des intérêts réclamés.
Il y a donc lieu de condamner la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer aux intimés les intérêts au taux légal sur les sommes dues au titre des charges récupérables, à compter du 17 février 2021 pour les sommes exigibles à cette date et à compter de leur échéance pour les charges récupérables postérieures.
23. Les intimés réclament le remboursement des primes d'assurances qui auraient été portées à leur charge par la locataire mais ne justifient ni du principe de cette demande ni de son montant, aucun document n'étant versé à leur dossier en ce qui concerne le versement du loyer du 3ème trimestre 2023 dont le montant serait amputé de la somme litigieuse.
Leur demande de ce chef sera donc rejetée.
24. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée au titre de l'impayé du 4ème trimestre 2020 puisque cette indemnité d'occupation est comprise dans les sommes au paiement desquelles la société EGS [Localité 6] est tenue par l'effet de la condamnation au paiement d'indemnités d'occupation depuis le 1er novembre 2018.
25. Il convient de confirmer les chefs de dispositif du jugement déféré relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
Il sera à cet égard fait droit à la demande relative à la prise en compte, dans les dépens, des frais de mise en demeure, du congé et du commandement visant la clause résolutoire, ces actes se situant dans un rapport étroit et nécessaire avec l'introduction d'un litige relatif à la fin d'un bail commercial.
Y ajoutant, la cour condamnera l'appelante à payer les dépens de la procédure d'appel et à verser à les intimés une somme de 5.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 16 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Y ajoutant,
Dit que les dépens de première instance comprennent les frais de mise en demeure, du congé et du commandement visant la clause résolutoire.
Condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] son épouse les intérêts au taux légal sur les sommes dues au titre des charges récupérables, à compter du 17 février 2021 pour les sommes exigibles à cette date et à compter de leur échéance pour les charges récupérables postérieures.
Ordonne la capitalisation des intérêts dus par année entière.
Déboute Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] son épouse de leur demande au titre du remboursement des primes d'assurance.
Condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer à Monsieur [M] [I] et Madame [G] [X] son épouse la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société EGS [Localité 6] Exploitation à payer les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat