CA Paris, Pôle 6 - ch. 3, 5 novembre 2025, n° 22/04605
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04605 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTDR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 21/00120
APPELANT
Monsieur [Z] [X]
Né le 5 octobre 1966 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Florence REBUT DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : J060
INTIMES
Maître [U] [S] [V], es qualités de liquidateur judiciaire de la société CAYL CONCEPT, désigné jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 22 janvier 2022
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Maryse AFONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1832
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE OUEST, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Fabienne ROUGE, présidente de chambre
Christophe BACONNIER, président de chambre
Marie-Lisette SAUTRON, présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 22 octobre 2025 et prorogé au 5 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [X] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 8 janvier 1990 par la société Stores [X] (SAS), en qualité de technico-commercial (statut cadre).
Monsieur [K] [X], père du demandeur, avait créé la société Stores [X] en 1969, qu'il a cédée lors de son départ à la retraite en 2018. La société a été à nouveau cédée en janvier 2020 et octobre 2020. En janvier 2020, monsieur [H] a été désigné président de l'entreprise, devenue SDVM Construction, en octobre 2020, monsieur [I] a été désigné président de l'entreprise, devenue Cyal Concept.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle brute de monsieur [X] s'élevait à 2 000,00 euros, à laquelle s'ajoutait des commissions. La convention collective applicable est celle des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment de la région parisienne. L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Le 22 février 2021, monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau de demandes de rappels de salaires et au titre d'un préjudice moral. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 21/00120.
A compter du 30 juin 2020, monsieur [X] a été placé en arrêt de travail.
Le 28 janvier 2021, monsieur [X] a été déclaré inapte total par avis du médecin du travail.
Le 17 février 2021, monsieur [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé à la date du 27 février 2021.
Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Cyal Concept avec une période d'observation de six mois et a nommé Maître [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société.
Le 12 avril 2021, monsieur [X] est licencié pour impossibilité de reclassement après l'inaptitude prononcée par le médecin du travail.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce d'Evry a désigné la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [F], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Cyal Concept.
Le 29 juillet 2021, monsieur [X] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau en contestation et nullité de son licenciement. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 21/00463.
Le 22 janvier 2022, la société Cyal Concept a été placée en liquidation judiciaire et Maître [V] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 10 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :
- Ordonné la jonction des instances RG 21/00120 et 21/00463.
- Prononcé l'irrecevabilité des demandes formulées par monsieur [X] au titre de son licenciement.
- Débouté monsieur [X] du surplus de ses demandes.
- Mis hors de cause l'AGS-CGEA Ile de France Est Délégation Unédic.
- Condamné monsieur [X] aux entiers dépens de la présente procédure.
Monsieur [X] a interjeté appel de ce jugement le 13 avril 2022.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 30 juillet 2025 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [X] demande à la Cour de :
- Déclarer recevable et bien-fondé l'appel interjeté par monsieur [X],
- Infirmer le jugement, en ce qu'il a :
' Prononcé l'irrecevabilité des demandes formulées par monsieur [X] au titre de son licenciement,
' Débouté monsieur [X] du surplus de ses demandes,
' Mis hors de cause l'AGS-CGEA Ile de France Est Délégation Unédic,
' Condamné monsieur [X] aux entiers dépens de la présente procédure.
Statuant à nouveau :
- Juger que la société Cyal Concept est responsable de l'arrêt d'activité et des pertes de revenus de monsieur [X] en 2020 et jusqu'au 12 avril 2021,
- Juger que monsieur [X] a été victime de harcèlement moral de la part de la société Cyal Concept,
- Juger que l'inaptitude de monsieur [X] est d'origine professionnelle,
- Prononcer la nullité du licenciement de monsieur [X] du 12 avril 2021,
- Fixer le salaire moyen de monsieur [X] à la somme de 4 411,90 euros bruts,
- Ordonner la fixation au passif de la société Cyal Concept des sommes suivantes :
' 3 123,63 euros nets, à titre de dommages et intérêts en réparation des pertes de salaires et commissions subies en 2020 et jusqu'au 12 avril 2021,
' 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,
' 13 235,70 euros bruts correspondant à une l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, soit 1 323,57 euros,
' 40 951,88 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,
' 105 885,60 euros, nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts,
- Condamner Maître [V] es qualité de Mandataire judiciaire de la société Cyal à remettre à monsieur [X] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, ses bulletins de salaire au titre des mois de décembre 2020 à mars 2021,
- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF Est Délégation Unédic et dire qu'elle devra garantir les créances fixées au passif de la société Cyal Concept dans les limites des plafonds de sa garantie.
- Débouter l'AGS CGEA IDF Est Délégation Unédic et Maître [V] es qualité de Mandataire judiciaire de la société CYAL de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- Condamner in solidum de Maître [V] es qualité de Mandataire judiciaire de la société
Cyal Concept et de l'AGS CGEA à lui verser la somme de 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 10 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau du 10 mars 2022,
- Débouter monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes,
- Rendre opposable le jugement à l'AGS CGEA Ile de France Est,
- Condamner monsieur [X] à payer 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 7 juillet 2025 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l'AGS CGEA IDF EST, demande à la Cour de :
- Confirmer le Jugement dont appel en l'ensemble de ces dispositions.
- Mettre hors de cause l'AGS-CGEA ou à tout le moins, dire irrecevable l'ensemble des demandes à son encontre, faute de demande à son encontre, dans les formes requises par la loi.
Subsidiairement :
- Débouter en l'ensemble des demandes.
vu les article L 622-20 et L 622-21 du code de commerce :
- Déclarer irrecevables toutes les demandes, car tendant à des condamnations.
Subsidiairement :
- Débouter pour l'essentiel.
Dans tous les cas :
- Constater la subsidiarité de la garantie de l'AGS-CGEA en présence d'un redressement (L 3253-20 du code du travail).
- Dire que toutes créances confondues et avances faites à ce jour, la garantie de l'AGS-CGEA sera limitée au plafond 6, tel que prévu à L 3253-17 du code du travail et D 3253-5 du même code.
- Dire que toute éventuelle fixation au titre d'un article 700 ou d'une astreinte, sera déclarée inopposable aux AGS-CGEA.
- Dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 (ex-L143-11-1) et suivants du code du travail.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2025 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 22 septembre 2025.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des demandes
L'AGS CGEA demande à la cour de prononcer l'irrecevabilité des demandes de la première saisine du 22 février 2021 portant sur la demande en paiement d'un complément de salaire et des dommages et intérêts pour préjudice moral, en l'absence de sa mise en cause par voie de requête comme le prévoit les dispositions de l'article R1452-1 du code du travail, et soutient qu'en sa qualité d'intervenante forcée, elle aurait dû être mise en cause par requête adressée au conseil de prud'hommes, alors qu 'elle a été simplement convoquée devant le Conseil des prud'hommes avec en annexe la requête de monsieur [X], qui ne formule aucune demande ni à son encontre, ni à celle de la liquidation.
Elle soutient que les règles procédurales de mises en cause ou d'assignation selon les juridictions concernées, s'appliquent à toutes les parties que l'on souhaite mettre en cause ou assigner.
Elle considère qu' en application de l'article 4 du code de procédure civile qui rappelle que le demandeur doit formuler ses demandes dans son acte introductif et que le juge est tenu par celui-ci et ne peut donc statuer sur ce qui n'est pas demandé en application de l'article 5 du même code, aucune demande n'ayant été formulée à son encontre, ces demandes sont irrecevables.
Par ailleurs l'AGS considère que la demande en garantie s'analyse en une demande additionnelle qui ne peut que s'agréger à une demande initiale figurant dans la requête, laquelle n'existe pas en l'espèce, puisqu'il n'a jamais été demandé, la garantie de l'AGS-CGEA ou la fixation des créances dans le cadre de la liquidation. Il s'agit donc d'une demande nouvelle, laquelle est irrecevable, du fait de la suppression du principe d'unicité d'instance. Elle demande donc sa mise hors de cause ou à tout le moins que toute demande à son encontre soit déclarée irrecevable.
Maître [V] es qualité de mandataire liquidateur de la société Cyal concept demande que l'arrêt soit déclaré opposable à l'AGS CGEA.
Monsieur [X] estime qu'il n'y a plus de difficulté devant la Cour, la société ayant été placée en liquidation judiciaire.
Il rappelle que dans le cadre de sa seconde requête l'AGS a été attraite régulièrement en la cause, et que toutes les demandes ont été reprises dans un seul et même jeu d'écriture.
Il sera observé que lors de la saisine du conseil de prud'hommes, en février 2021 l'employeur était toujours in bonis, de sorte que la requête n'avait pas lieu de prévoir la mise en cause de l' AGS, l'ouverture de la procédure collective ayant été prononcée le 1er mars 2021.
Il résulte du jugement que l'AGS CGEA a eu connaissance des conclusions de monsieur [X] demandant de déclarer le jugement opposable à l'AGS laquelle a alors conclu à sa mise hors de cause ou à l'irrecevabilité des demandes, ainsi le respect du contradictoire a été assuré.
Monsieur [X] rappelle à juste titre que l'article L625-3 du code de commerce prévoit que les instances prud'homales sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés et que l'article L3253-15 du code du travail en son alinéa 3 précise que les décisions de justice sont de plein droit opposables à l'association prévue à l'article L3253-14 du même code.
L'article L3253-6 du code du travail prévoyant une assurance garantissant le paiement des sommes dues au salarié en exécution du contrat de travail en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, la demande de monsieur [X] qui s'inscrit dans ce cadre légal ne peut s'analyser comme une demande nouvelle.
Celui-ci sera déclaré recevable en ses demandes et le jugement sera infirmé.
Sur l'irrecevabilité des demandes en condamnation de la seconde requête
L'AGS rappelle les dispositions des articles L 622-20 et L 622-21 du Code du Commerce, qui prévoit que :
' Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et soutient qu''il est impossible de solliciter la condamnation de l'AGS-CGEA, laquelle intervient pour garantir des fixations de créances à l'exception d'une créance visée par L 622-17du code de commerce '.
Monsieur [X] indique solliciter devant la cour la fixation au passif ( de ses créances) et non plus la condamnation de son employeur, la société étant maintenant en liquidation judiciaire et souligne que l'article 3253-8 du code du travail prévoit que l'assurance mentionnée à l'article L3253-6 s'applique 2° : aux créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant, pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession.
La cour est donc saisie d'une demande en fixation des créances résultant du licenciement de monsieur [X] intervenu le 12 avril 2021 pendant la période d'observation de six mois ordonné par le tribunal de commerce d'Evry du 1er mars 2021
Dès lors les demandes sont recevables, le jugement étant infirmé.
Sur les fautes de la société et leurs conséquences sur le salaire et les commissions du salarié
Monsieur [X] soutient que la société Cyal Concept serait responsable de la perte de ses commissions en 2020 du fait de commandes non honorées qui ont dû être annulées, de son arrêt de travail du 30 juin au 22 septembre 2022 en raison d'un contexte de travail anxiogène, des pertes de commissions liées à cet arrêt, de son impossibilité de travailler du 23 septembre au 18 novembre faute de visite médicale de reprise et en l'absence de matériel de travail et de réponses à ses demandes alors qu'il souhaitait reprendre son activité, de l'avis d'inaptitude dont il a fait ultérieurement l'objet, ainsi que du licenciement qui s'en est suivi.
Il demande des dommages et intérêts au titre des commissions non perçues en 2020 et 2021, en ce qu'il a enregistré de nombreuses commandes et n'a pas été à l'origine de leur annulation et que ses revenus ont été considérablement impactés par les fautes de la société. Il conteste le fait que les difficultés de la société soient été liées au Covid, considère que les méthodes des nouveaux dirigeants en sont la cause exclusive.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, soutient que les allégations du salarié sont mensongères et infondées. Il fait valoir que la société n'a jamais fait preuve de mauvaise foi et que la mise en redressement judiciaire a été provoquée par le salarié lui-même. Il conteste tout manquement qui aurait empêché les salariés de travailler, tout acte d'escroquerie, ou encore toute faute de gestion, ce que le tribunal de commerce n'aurait pas manqué de souligner le cas échéant. Il précise d'ailleurs qu'elle aurait été parfaitement accompagnée pendant la procédure de redressement judiciaire et qu'elle aurait même été bénéficiaire durant la période d'observation.
Concernant les commissions non perçues en 2020 et 2021, il souligne que le salarié a d'abord refusé de se soumettre aux instructions de la nouvelle direction en 2020, que la société a ensuite subi la crise sanitaire, le confinement et rappelle que le salarié a été placé en arrêt maladie continu à compter du 30 juin 2020 jusqu'à son licenciement. Il estime que les dommages et intérêts réclamés par simple comparaison des salaires perçus en 2019 et 2020 ne sont pas justifiés, ni dans leur principe, ni dans leur quantum.
L'AGS s'en rapporte aux observations et éléments pouvant être en possession de la société, précisant que le salarié ne justifierait d'aucun préjudice.
Il est prévu par l'avenant au contrat de travail de monsieur [X] en date du 24 octobre 2017 que celui-ci s'engage à réaliser un chiffre d'affaires HT de 45000€ mensuel. ' En contrepartie de son travail il percevra une rémunération mensuelle de 2000€pour une durée de travail de 169h par mois '. Il s'ajoutera à cette rémunération des commissions calculées sur les pourcentages suivants :
- 3 % HT sur le chiffre d'affaires HT réalisé sur les commandes des clients dont les
coordonnées lui ont été remises par la société,
- 5 % HT sur le chiffre d'affaires HT réalisée sur la clientèle prospectée par lui-même, en respectant la marge bénéficiaire du prix de vente.
Un pourcentage évolutif étant prévu en fonction du chiffre d'affaires HT était par ailleurs prévu.
Monsieur [X] sollicite à titre de dommages et intérêts pour la perte de salaire subie du fait de l'absence de commissions perçues en 2020 et 2021 la somme de 3 123,63 euros.
Il sera observé que cette somme telle que transcrite par la Cour figure tant dans le corps des écritures que dans le dispositif et bien que le conseil de monsieur [X] soutienne oralement à l'audience et par un message RPVA qu'il s'agit d'une erreur matérielle, la cour qui est tenue par le dispositif dans le cadre d'une procédure écrite ne peut modifier ce montant, étant en outre observée que le montant prétendument sollicité ne figure pas dans les développements.
Monsieur [X] fonde son argumentaire sur le montant des commissions perçues les années précédentes et sur les termes de son contrat de travail.
Son raisonnement consistant à considérer qu'il doit obtenir le même montant de commission que les années précédentes ne peut être retenu dés lors qu'il va à l'encontre des dispositions de l'avenant de son contrat de travail qui fonde les commissions sur les commandes effectivement générées par le commercial.
Monsieur [X] verse aux débats une liste de commandes faites entre novembre 21019 et le 25 juin 2020, ainsi que les devis et les commandes acceptées avec paiement d'acompte. Il sera observé que la totalité des commandes figurant sur cette liste n'est pas corroborée par les exemplaires de commandes signées. Certaines de ces commandes ayant été obtenues par un de ses collègues ainsi que cela résulte du nom du contact mentionné sur les factures.
Il produit également ses bulletins de salaire montrant l'existence de commissions en décembre 2019, janvier mars, mai, juillet, août, septembre et novembre 2020, dès lors la cour ne peut connaître le montant total des commissions qui ne lui aurait pas été attribuées pour cette période.
S'il démontre qu'un certain nombre de commandes ont été annulées pour absence de livraison des marchandises par les fournisseurs, monsieur [X] ne démontre pas que l'ensemble de ces annulations concerne ses propres commandes.
Enfin il n'établit aucun décompte entre le montant des commissions qu'il aurait dû percevoir du fait des commandes qu'il a obtenu et le montant des commissions figurant sur ses bulletins de salaires et ne détermine pas le montant exact qui lui serait encore dû. Il résulte cependant du nombre de commandes justifiées dont certaines pour des montants importants que celui-ci n'a pas perçu l'ensemble des commissions qu'il aurait dû percevoir.
Au vu des éléments produits la cour fixe à la somme de 3 123,63 euros, montant sollicité à titre de dommages et intérêts, la réparation du préjudice subi par monsieur [X].
Sur le harcèlement moral
Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Monsieur [X] soutient que les agissements de son employeur auraient caractérisé un véritable harcèlement moral à son encontre. Il fait valoir une impossibilité de travailler normalement et de passer des commandes, une atteinte à son honneur et à sa réputation avec les fournisseurs et clients, une absence de réponses à ses demandes y compris à celles de son avocat, une agressivité de la part de son employeur, un retrait injustifié de ses avantages en nature, véhicule de fonction et téléphone portable, le non-paiement de ses salaires et indemnités journalières à partir de septembre 2020, et l'absence de visite médicale de reprise alors qu'il avait demandé à reprendre le travail. Son employeur aurait ainsi manqué à son obligation de sécurité.
Il précise que l'ensemble du personnel s'accorderait sur le changement radical d'ambiance depuis le rachat de l'entreprise et sur les nombreuses difficultés rencontrées avec les fournisseurs en raison des nouvelles méthodes de gestion. Il produit plusieurs témoignages faisant état de méfiance, dégradation, malaise, mensonges, absences et retards de paiements, fournisseurs et clients mécontents, harcèlement, rapports conflictuels quotidiens,...
Il verse aux débats les attestations de collègues de travail indiquant que les fournisseurs n'étaient pas payés, les clients non livrés et que monsieur [X] recevait des appels incessants et quotidiens de leur part. (Mme [O] [A]) qu'il a été évincé du système de responsabilités ( planning des poses, organisation des chantiers(Mme [N] [D], M.M [E] ). D'autres attestations confirment qu'il était confronté au mécontentement des fournisseurs et des clients (Mme [N] [D] ) (M [L] [T] )(M. [C] [W] ) et d'autres soulignent l'ambiance dégradée, ' un énorme malaise ( M[C] [R], le fait que les commerciaux ne pouvaient pas travailler honnêtement ', qu'un climat de méfiance s'est installé par rapport aux commerciaux et aux poseurs.
Il est versé un mail de l'employeur du 4 mai 2020 précisant que toute commande de matériel devra être validé par M. [I], ce qui démontre à l'évidence un contrôle sur le travail des commerciaux dont monsieur [X] alors que celui-ci est dans l'entreprise depuis 1990.
Enfin Mme [N] relate que le directeur a mis un grand coup de poing dans la porte du bureau où se trouvait monsieur [X] et a ordonné à monsieur [X] de quitter les lieux sur le champs. Elle précise qu'un acharnement s'est poursuivi contre lui et que son bureau a été intégralement fouillé alors qu'il était fermé à clé. Elle verse aux débats une photographie montrant la porte dégradée.
Il verse aux débats une nombreuse correspondance qu'il a adressé à son employeur soit lui même soit par l'intermédiaire de son conseil à compter du 17 septembre 2020 sollicitant l'organisation d'une visite médicale de reprise, la restitution de son véhicule de fonction et le déblocage de son téléphone.
L'employeur prétendait en réponse que ce dernier était en absence injustifiée.
Enfin il verse aux débats un mail qu'il adresse à son employeur le 3 décembre 2020 dans lequel il indique avoir été très choqué : ' que vous ayez totalement vidé mon bureau et que vous m'ayez fait adressé l'ensemble de mes effets personnels à mon domicile. '.
Il verse aux débats l'ordonnance lui prescrivant un traitement médicamenteux, la preuve d'un suivi psychologique, faisant état d'un conflit avec son employeur, d'un épuisement professionnel et d'une souffrance au travail, ainsi que les nombreux arrêts de travail prescrits.
De plus il démontre l'inertie de son employeur à sa demande de visite de reprise afin de revenir travailler. Il sera constaté que l' avis d'inaptitude n'est intervenu que le 28 janvier 2021.
Il apporte ainsi des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Il appartient à l'employeur d'établir que ces faits s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, considère que monsieur [X] n'aurait aucunement été victime de harcèlement moral, en ce que la société n'aurait commis aucun acte de harcèlement, ni aucune faute dans l'exécution de son contrat de travail. Il fait valoir que le salarié n'aurait pas accepté les changements de méthodologies initiés par la nouvelle direction pour restructurer l'entreprise, ce pour quoi il tenterait de justifier son désengagement total dans son travail, en dénonçant des faits mensongers d'escroquerie et de harcèlement.
L'AGS ne formule aucun moyen spécifique sur ce point.
L'employeur échoue à démontrer que le salarié s'est opposé aux nouvelles méthodes de travail et n'apporte aucun élément justifiant de la mise à l'écart de monsieur [X], pas plus qu'elle ne démontre avoir tenté de le protéger des récriminations des clients et fournisseurs, ni avoir organisé la visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail se terminant le 22 septembre 2020, ni lui avoir rendu ses outils de travail( réactivation de son téléphone professionnel ). Aucune contestation n'est produite concernant le renvoi au domicile du salarié de tous ses effets personnels, ce qui démontre la mise à l'écart et la volonté de la société de ne plus le revoir.
Ainsi la harcèlement est établi.
Monsieur [X] sollicite à ce titre le paiement de la somme de 15 000 euros.
Ce dernier a vécu une situation de harcèlement qui a eu pour conséquence de nombreux arrêts de travail, qui ont conduit à son inaptitude et à son licenciement.
Il sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 8 000 euros.
Sur le salaire moyen
Monsieur [X] sollicite la fixation de son salaire moyen à la somme de 4 411,90 euros, il résulte des éléments produits bulletins de salaire et attestation de l'employeur que le salaire moyen incluant les commissions et les primes sera fixé à 2 969,54 euros.
Sur la nullité du licenciement
Monsieur [X] soutient que son licenciement est nul, en ce que son inaptitude aurait été professionnelle et qu'elle résulterait exclusivement du harcèlement moral subi de la part de son employeur. Ce harcèlement aurait dégradé la santé du salarié au point de rendre impossible le maintien de sa relation de travail avec son employeur, comme en attesterait le médecin du travail.
Il demande ainsi le paiement d'une indemnité de préavis, d'une indemnité spéciale de licenciement en raison du caractère professionnel de l'inaptitude, de dommages et intérêts pour licenciement nul et abusif.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, considère infondée la demande du salarié en nullité de son licenciement, en ce qu'aucun acte de harcèlement moral n'aurait été établi et que son inaptitude ne pourrait donc en être la conséquence.
L'AGS soutient que la question du caractère professionnel de l'inaptitude du salarié échapperait à la compétence du conseil de prud'hommes, en ce que seule la CPAM ou le pôle social du tribunal judiciaire pourraient constater l'existence d'une maladie ou accident du travail non inscrit au tableau.
La cour ayant considéré que le harcèlement moral est avéré, que l'inaptitude de monsieur [X] en est la conséquence et qu'il convient de prononcer la nullité du licenciement pour ces motifs.
Sur la demande d'indemnité spéciale
Le lien entre l'inaptitude et le harcèlement résulte des éléments médicaux produits par monsieur [X], la dégradation de ses conditions de travail ayant conduit à ses arrêts de travail et à son inaptitude, cette inaptitude a une origine professionnelle.
L' article L1226-14 du code du travail prévoit que si l'inaptitude résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le salarié bénéficie d'une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue à l'article L1234-9.
Ces règles protectrices s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quelque soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l'espèce le salarié n'établit pas le fait que l'employeur ait connaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude, il sera débouté de cette demande.
En revanche il sera fait droit à sa demande en dommages et intérêts à hauteur de 71 268,96 euros et à sa demande de préavis à hauteur de 8908,62 euros, le harcèlement empêchant le salarié d'effectuer son préavis.
Il sera débouté de sa demande de la somme de 890,80€ due au titre des congés payés y afférents dont le paiement relève de la caisse des congés payés du bâtiment qui n'est pas dans la cause.
Sur le paiement de salaires et des congés payés
Monsieur [X] sollicite le paiement de la somme de 445,80 euros correspondant au montant figurant sur le bulletin de salaire de novembre 2020 dont il n'a pas reçu paiement, celle de 434,52 euros correspondant à la somme figurant sur son bulletin de salaire du mois d'avril 2021 dont il n'a pas reçu paiement et la somme de 911,88 euros correspondant aux salaires des mois de janvier, février et mars 2021.
Il sollicite au titre des congés payés la somme de 4876,88 euros au titre des congés payés pour la période du 1er janvier 2020 au 12 avril 2021.
Maître [V] es qualité de mandataire liquidateur soutient que les salaires ont été versés pendant la période d'embauche.
L'AGS CGEA s'associe aux conclusions du mandataire liquidateur sur ce point.
En matière de salaire il appartient à celui qui se prétend libéré de son obligation de le prouver.
Il sera observé que tel n'est pas le cas en l'espèce, le mandataire liquidateur se bornant à affirmer que les paiements ont été effectués sans en apporté de justificatifs, il sera donc fait droit aux demandes en paiement des salaires.
En revanche il sera débouté de sa demande en paiement des congés payés, ce paiement relevant de la caisse des congés payés du BTP non présent en la cause.
Sur la garantie de l'AGS
Monsieur [X] soutient qu'il n'y aurait plus de difficulté à ce titre, en ce que la société aurait été placée en liquidation judiciaire, que les créances devraient donc être fixées à son passif et ainsi garanties par l'AGS.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, demande à ce que le jugement soit confirmé et rendu opposable à l'AGS.
L'AGS soutient à titre subsidiaire, que sa garantie ne serait elle-même que subsidiaire dans le cadre d'un redressement judiciaire et que celle-ci serait soumise à une absence de fonds disponibles. Dans le cadre de la liquidation, elle précise qu'elle n'interviendrait en garantie que pour des demandes de salaires nés postérieurement à la procédure collective.
En application des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS sera tenue de garantir les sommes au salarié à la date du jugement d'ouverture et celles dues au titre de la rupture du contrat de travail, dans la limite du plafond alors applicable
L'arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA, Ile de France Est.
Sur la remise des documents
Il sera fait droit à la demande du salarié tendant à la remise des bulletins de salaire au titre des mois de décembre 2020 à mars 2021.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Le mandataire judiciaire succombant, il sera condamné au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article susvisé.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté monsieur [X] de sa demande faite au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
FIXE la créance de monsieur [X] dans la procédure collective dela société Cyal Concept aux sommes suivantes qui seront inscrites sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce :
- 3 123,63 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement des commissions dues,
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
- 71 268,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
- 8 908,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 445,80 euros à titre de salaire pour novembre 2020,
- 434,52 euros à titre de salaire pour avril 2021,
- 911,88 euros correspondant aux salaires des mois de janvier, février et mars 2021 ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté monsieur [X] de sa demande faite au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
DÉBOUTE monsieur [X] de ses demandes formulées au titre des congés payés, la caisse des congés payés du BTP n'étant pas dans la cause ;
ORDONNE la remise par le mandataire judiciaire de la société Cyal Concept à monsieur [X] de bulletins de paye de décembre 2020 à Mars 2021 ;
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA ile de France Est, intervenante en la cause, dans les limites de sa garantie légale et du plafond légal en application des dispositions des articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail. dans leur rédaction alors applicable ;
DIT que cet organisme devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement ;
CONSTATE que le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 1er mars 2021, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Cyal Concept, a arrêté le cours des intérêts légaux ;
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Maître [V], mandataire judiciaire de la société Cyal Concept à payer à monsieur [X] en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MET les dépens à la charge de la société Cyal Concept en liquidation judiciaire.
Le Greffier La Présidente
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04605 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTDR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 21/00120
APPELANT
Monsieur [Z] [X]
Né le 5 octobre 1966 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Florence REBUT DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : J060
INTIMES
Maître [U] [S] [V], es qualités de liquidateur judiciaire de la société CAYL CONCEPT, désigné jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 22 janvier 2022
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Maryse AFONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1832
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE OUEST, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Fabienne ROUGE, présidente de chambre
Christophe BACONNIER, président de chambre
Marie-Lisette SAUTRON, présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 22 octobre 2025 et prorogé au 5 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [X] a été engagé par contrat à durée indéterminée le 8 janvier 1990 par la société Stores [X] (SAS), en qualité de technico-commercial (statut cadre).
Monsieur [K] [X], père du demandeur, avait créé la société Stores [X] en 1969, qu'il a cédée lors de son départ à la retraite en 2018. La société a été à nouveau cédée en janvier 2020 et octobre 2020. En janvier 2020, monsieur [H] a été désigné président de l'entreprise, devenue SDVM Construction, en octobre 2020, monsieur [I] a été désigné président de l'entreprise, devenue Cyal Concept.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle brute de monsieur [X] s'élevait à 2 000,00 euros, à laquelle s'ajoutait des commissions. La convention collective applicable est celle des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment de la région parisienne. L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Le 22 février 2021, monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau de demandes de rappels de salaires et au titre d'un préjudice moral. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 21/00120.
A compter du 30 juin 2020, monsieur [X] a été placé en arrêt de travail.
Le 28 janvier 2021, monsieur [X] a été déclaré inapte total par avis du médecin du travail.
Le 17 février 2021, monsieur [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé à la date du 27 février 2021.
Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Cyal Concept avec une période d'observation de six mois et a nommé Maître [V] en qualité de mandataire judiciaire de la société.
Le 12 avril 2021, monsieur [X] est licencié pour impossibilité de reclassement après l'inaptitude prononcée par le médecin du travail.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce d'Evry a désigné la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [F], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Cyal Concept.
Le 29 juillet 2021, monsieur [X] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau en contestation et nullité de son licenciement. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 21/00463.
Le 22 janvier 2022, la société Cyal Concept a été placée en liquidation judiciaire et Maître [V] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 10 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a :
- Ordonné la jonction des instances RG 21/00120 et 21/00463.
- Prononcé l'irrecevabilité des demandes formulées par monsieur [X] au titre de son licenciement.
- Débouté monsieur [X] du surplus de ses demandes.
- Mis hors de cause l'AGS-CGEA Ile de France Est Délégation Unédic.
- Condamné monsieur [X] aux entiers dépens de la présente procédure.
Monsieur [X] a interjeté appel de ce jugement le 13 avril 2022.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 30 juillet 2025 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [X] demande à la Cour de :
- Déclarer recevable et bien-fondé l'appel interjeté par monsieur [X],
- Infirmer le jugement, en ce qu'il a :
' Prononcé l'irrecevabilité des demandes formulées par monsieur [X] au titre de son licenciement,
' Débouté monsieur [X] du surplus de ses demandes,
' Mis hors de cause l'AGS-CGEA Ile de France Est Délégation Unédic,
' Condamné monsieur [X] aux entiers dépens de la présente procédure.
Statuant à nouveau :
- Juger que la société Cyal Concept est responsable de l'arrêt d'activité et des pertes de revenus de monsieur [X] en 2020 et jusqu'au 12 avril 2021,
- Juger que monsieur [X] a été victime de harcèlement moral de la part de la société Cyal Concept,
- Juger que l'inaptitude de monsieur [X] est d'origine professionnelle,
- Prononcer la nullité du licenciement de monsieur [X] du 12 avril 2021,
- Fixer le salaire moyen de monsieur [X] à la somme de 4 411,90 euros bruts,
- Ordonner la fixation au passif de la société Cyal Concept des sommes suivantes :
' 3 123,63 euros nets, à titre de dommages et intérêts en réparation des pertes de salaires et commissions subies en 2020 et jusqu'au 12 avril 2021,
' 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,
' 13 235,70 euros bruts correspondant à une l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, soit 1 323,57 euros,
' 40 951,88 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,
' 105 885,60 euros, nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts,
- Condamner Maître [V] es qualité de Mandataire judiciaire de la société Cyal à remettre à monsieur [X] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, ses bulletins de salaire au titre des mois de décembre 2020 à mars 2021,
- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF Est Délégation Unédic et dire qu'elle devra garantir les créances fixées au passif de la société Cyal Concept dans les limites des plafonds de sa garantie.
- Débouter l'AGS CGEA IDF Est Délégation Unédic et Maître [V] es qualité de Mandataire judiciaire de la société CYAL de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- Condamner in solidum de Maître [V] es qualité de Mandataire judiciaire de la société
Cyal Concept et de l'AGS CGEA à lui verser la somme de 6 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 10 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau du 10 mars 2022,
- Débouter monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes,
- Rendre opposable le jugement à l'AGS CGEA Ile de France Est,
- Condamner monsieur [X] à payer 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 7 juillet 2025 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l'AGS CGEA IDF EST, demande à la Cour de :
- Confirmer le Jugement dont appel en l'ensemble de ces dispositions.
- Mettre hors de cause l'AGS-CGEA ou à tout le moins, dire irrecevable l'ensemble des demandes à son encontre, faute de demande à son encontre, dans les formes requises par la loi.
Subsidiairement :
- Débouter en l'ensemble des demandes.
vu les article L 622-20 et L 622-21 du code de commerce :
- Déclarer irrecevables toutes les demandes, car tendant à des condamnations.
Subsidiairement :
- Débouter pour l'essentiel.
Dans tous les cas :
- Constater la subsidiarité de la garantie de l'AGS-CGEA en présence d'un redressement (L 3253-20 du code du travail).
- Dire que toutes créances confondues et avances faites à ce jour, la garantie de l'AGS-CGEA sera limitée au plafond 6, tel que prévu à L 3253-17 du code du travail et D 3253-5 du même code.
- Dire que toute éventuelle fixation au titre d'un article 700 ou d'une astreinte, sera déclarée inopposable aux AGS-CGEA.
- Dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 (ex-L143-11-1) et suivants du code du travail.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2025 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 22 septembre 2025.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des demandes
L'AGS CGEA demande à la cour de prononcer l'irrecevabilité des demandes de la première saisine du 22 février 2021 portant sur la demande en paiement d'un complément de salaire et des dommages et intérêts pour préjudice moral, en l'absence de sa mise en cause par voie de requête comme le prévoit les dispositions de l'article R1452-1 du code du travail, et soutient qu'en sa qualité d'intervenante forcée, elle aurait dû être mise en cause par requête adressée au conseil de prud'hommes, alors qu 'elle a été simplement convoquée devant le Conseil des prud'hommes avec en annexe la requête de monsieur [X], qui ne formule aucune demande ni à son encontre, ni à celle de la liquidation.
Elle soutient que les règles procédurales de mises en cause ou d'assignation selon les juridictions concernées, s'appliquent à toutes les parties que l'on souhaite mettre en cause ou assigner.
Elle considère qu' en application de l'article 4 du code de procédure civile qui rappelle que le demandeur doit formuler ses demandes dans son acte introductif et que le juge est tenu par celui-ci et ne peut donc statuer sur ce qui n'est pas demandé en application de l'article 5 du même code, aucune demande n'ayant été formulée à son encontre, ces demandes sont irrecevables.
Par ailleurs l'AGS considère que la demande en garantie s'analyse en une demande additionnelle qui ne peut que s'agréger à une demande initiale figurant dans la requête, laquelle n'existe pas en l'espèce, puisqu'il n'a jamais été demandé, la garantie de l'AGS-CGEA ou la fixation des créances dans le cadre de la liquidation. Il s'agit donc d'une demande nouvelle, laquelle est irrecevable, du fait de la suppression du principe d'unicité d'instance. Elle demande donc sa mise hors de cause ou à tout le moins que toute demande à son encontre soit déclarée irrecevable.
Maître [V] es qualité de mandataire liquidateur de la société Cyal concept demande que l'arrêt soit déclaré opposable à l'AGS CGEA.
Monsieur [X] estime qu'il n'y a plus de difficulté devant la Cour, la société ayant été placée en liquidation judiciaire.
Il rappelle que dans le cadre de sa seconde requête l'AGS a été attraite régulièrement en la cause, et que toutes les demandes ont été reprises dans un seul et même jeu d'écriture.
Il sera observé que lors de la saisine du conseil de prud'hommes, en février 2021 l'employeur était toujours in bonis, de sorte que la requête n'avait pas lieu de prévoir la mise en cause de l' AGS, l'ouverture de la procédure collective ayant été prononcée le 1er mars 2021.
Il résulte du jugement que l'AGS CGEA a eu connaissance des conclusions de monsieur [X] demandant de déclarer le jugement opposable à l'AGS laquelle a alors conclu à sa mise hors de cause ou à l'irrecevabilité des demandes, ainsi le respect du contradictoire a été assuré.
Monsieur [X] rappelle à juste titre que l'article L625-3 du code de commerce prévoit que les instances prud'homales sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés et que l'article L3253-15 du code du travail en son alinéa 3 précise que les décisions de justice sont de plein droit opposables à l'association prévue à l'article L3253-14 du même code.
L'article L3253-6 du code du travail prévoyant une assurance garantissant le paiement des sommes dues au salarié en exécution du contrat de travail en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, la demande de monsieur [X] qui s'inscrit dans ce cadre légal ne peut s'analyser comme une demande nouvelle.
Celui-ci sera déclaré recevable en ses demandes et le jugement sera infirmé.
Sur l'irrecevabilité des demandes en condamnation de la seconde requête
L'AGS rappelle les dispositions des articles L 622-20 et L 622-21 du Code du Commerce, qui prévoit que :
' Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et soutient qu''il est impossible de solliciter la condamnation de l'AGS-CGEA, laquelle intervient pour garantir des fixations de créances à l'exception d'une créance visée par L 622-17du code de commerce '.
Monsieur [X] indique solliciter devant la cour la fixation au passif ( de ses créances) et non plus la condamnation de son employeur, la société étant maintenant en liquidation judiciaire et souligne que l'article 3253-8 du code du travail prévoit que l'assurance mentionnée à l'article L3253-6 s'applique 2° : aux créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant, pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession.
La cour est donc saisie d'une demande en fixation des créances résultant du licenciement de monsieur [X] intervenu le 12 avril 2021 pendant la période d'observation de six mois ordonné par le tribunal de commerce d'Evry du 1er mars 2021
Dès lors les demandes sont recevables, le jugement étant infirmé.
Sur les fautes de la société et leurs conséquences sur le salaire et les commissions du salarié
Monsieur [X] soutient que la société Cyal Concept serait responsable de la perte de ses commissions en 2020 du fait de commandes non honorées qui ont dû être annulées, de son arrêt de travail du 30 juin au 22 septembre 2022 en raison d'un contexte de travail anxiogène, des pertes de commissions liées à cet arrêt, de son impossibilité de travailler du 23 septembre au 18 novembre faute de visite médicale de reprise et en l'absence de matériel de travail et de réponses à ses demandes alors qu'il souhaitait reprendre son activité, de l'avis d'inaptitude dont il a fait ultérieurement l'objet, ainsi que du licenciement qui s'en est suivi.
Il demande des dommages et intérêts au titre des commissions non perçues en 2020 et 2021, en ce qu'il a enregistré de nombreuses commandes et n'a pas été à l'origine de leur annulation et que ses revenus ont été considérablement impactés par les fautes de la société. Il conteste le fait que les difficultés de la société soient été liées au Covid, considère que les méthodes des nouveaux dirigeants en sont la cause exclusive.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, soutient que les allégations du salarié sont mensongères et infondées. Il fait valoir que la société n'a jamais fait preuve de mauvaise foi et que la mise en redressement judiciaire a été provoquée par le salarié lui-même. Il conteste tout manquement qui aurait empêché les salariés de travailler, tout acte d'escroquerie, ou encore toute faute de gestion, ce que le tribunal de commerce n'aurait pas manqué de souligner le cas échéant. Il précise d'ailleurs qu'elle aurait été parfaitement accompagnée pendant la procédure de redressement judiciaire et qu'elle aurait même été bénéficiaire durant la période d'observation.
Concernant les commissions non perçues en 2020 et 2021, il souligne que le salarié a d'abord refusé de se soumettre aux instructions de la nouvelle direction en 2020, que la société a ensuite subi la crise sanitaire, le confinement et rappelle que le salarié a été placé en arrêt maladie continu à compter du 30 juin 2020 jusqu'à son licenciement. Il estime que les dommages et intérêts réclamés par simple comparaison des salaires perçus en 2019 et 2020 ne sont pas justifiés, ni dans leur principe, ni dans leur quantum.
L'AGS s'en rapporte aux observations et éléments pouvant être en possession de la société, précisant que le salarié ne justifierait d'aucun préjudice.
Il est prévu par l'avenant au contrat de travail de monsieur [X] en date du 24 octobre 2017 que celui-ci s'engage à réaliser un chiffre d'affaires HT de 45000€ mensuel. ' En contrepartie de son travail il percevra une rémunération mensuelle de 2000€pour une durée de travail de 169h par mois '. Il s'ajoutera à cette rémunération des commissions calculées sur les pourcentages suivants :
- 3 % HT sur le chiffre d'affaires HT réalisé sur les commandes des clients dont les
coordonnées lui ont été remises par la société,
- 5 % HT sur le chiffre d'affaires HT réalisée sur la clientèle prospectée par lui-même, en respectant la marge bénéficiaire du prix de vente.
Un pourcentage évolutif étant prévu en fonction du chiffre d'affaires HT était par ailleurs prévu.
Monsieur [X] sollicite à titre de dommages et intérêts pour la perte de salaire subie du fait de l'absence de commissions perçues en 2020 et 2021 la somme de 3 123,63 euros.
Il sera observé que cette somme telle que transcrite par la Cour figure tant dans le corps des écritures que dans le dispositif et bien que le conseil de monsieur [X] soutienne oralement à l'audience et par un message RPVA qu'il s'agit d'une erreur matérielle, la cour qui est tenue par le dispositif dans le cadre d'une procédure écrite ne peut modifier ce montant, étant en outre observée que le montant prétendument sollicité ne figure pas dans les développements.
Monsieur [X] fonde son argumentaire sur le montant des commissions perçues les années précédentes et sur les termes de son contrat de travail.
Son raisonnement consistant à considérer qu'il doit obtenir le même montant de commission que les années précédentes ne peut être retenu dés lors qu'il va à l'encontre des dispositions de l'avenant de son contrat de travail qui fonde les commissions sur les commandes effectivement générées par le commercial.
Monsieur [X] verse aux débats une liste de commandes faites entre novembre 21019 et le 25 juin 2020, ainsi que les devis et les commandes acceptées avec paiement d'acompte. Il sera observé que la totalité des commandes figurant sur cette liste n'est pas corroborée par les exemplaires de commandes signées. Certaines de ces commandes ayant été obtenues par un de ses collègues ainsi que cela résulte du nom du contact mentionné sur les factures.
Il produit également ses bulletins de salaire montrant l'existence de commissions en décembre 2019, janvier mars, mai, juillet, août, septembre et novembre 2020, dès lors la cour ne peut connaître le montant total des commissions qui ne lui aurait pas été attribuées pour cette période.
S'il démontre qu'un certain nombre de commandes ont été annulées pour absence de livraison des marchandises par les fournisseurs, monsieur [X] ne démontre pas que l'ensemble de ces annulations concerne ses propres commandes.
Enfin il n'établit aucun décompte entre le montant des commissions qu'il aurait dû percevoir du fait des commandes qu'il a obtenu et le montant des commissions figurant sur ses bulletins de salaires et ne détermine pas le montant exact qui lui serait encore dû. Il résulte cependant du nombre de commandes justifiées dont certaines pour des montants importants que celui-ci n'a pas perçu l'ensemble des commissions qu'il aurait dû percevoir.
Au vu des éléments produits la cour fixe à la somme de 3 123,63 euros, montant sollicité à titre de dommages et intérêts, la réparation du préjudice subi par monsieur [X].
Sur le harcèlement moral
Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Monsieur [X] soutient que les agissements de son employeur auraient caractérisé un véritable harcèlement moral à son encontre. Il fait valoir une impossibilité de travailler normalement et de passer des commandes, une atteinte à son honneur et à sa réputation avec les fournisseurs et clients, une absence de réponses à ses demandes y compris à celles de son avocat, une agressivité de la part de son employeur, un retrait injustifié de ses avantages en nature, véhicule de fonction et téléphone portable, le non-paiement de ses salaires et indemnités journalières à partir de septembre 2020, et l'absence de visite médicale de reprise alors qu'il avait demandé à reprendre le travail. Son employeur aurait ainsi manqué à son obligation de sécurité.
Il précise que l'ensemble du personnel s'accorderait sur le changement radical d'ambiance depuis le rachat de l'entreprise et sur les nombreuses difficultés rencontrées avec les fournisseurs en raison des nouvelles méthodes de gestion. Il produit plusieurs témoignages faisant état de méfiance, dégradation, malaise, mensonges, absences et retards de paiements, fournisseurs et clients mécontents, harcèlement, rapports conflictuels quotidiens,...
Il verse aux débats les attestations de collègues de travail indiquant que les fournisseurs n'étaient pas payés, les clients non livrés et que monsieur [X] recevait des appels incessants et quotidiens de leur part. (Mme [O] [A]) qu'il a été évincé du système de responsabilités ( planning des poses, organisation des chantiers(Mme [N] [D], M.M [E] ). D'autres attestations confirment qu'il était confronté au mécontentement des fournisseurs et des clients (Mme [N] [D] ) (M [L] [T] )(M. [C] [W] ) et d'autres soulignent l'ambiance dégradée, ' un énorme malaise ( M[C] [R], le fait que les commerciaux ne pouvaient pas travailler honnêtement ', qu'un climat de méfiance s'est installé par rapport aux commerciaux et aux poseurs.
Il est versé un mail de l'employeur du 4 mai 2020 précisant que toute commande de matériel devra être validé par M. [I], ce qui démontre à l'évidence un contrôle sur le travail des commerciaux dont monsieur [X] alors que celui-ci est dans l'entreprise depuis 1990.
Enfin Mme [N] relate que le directeur a mis un grand coup de poing dans la porte du bureau où se trouvait monsieur [X] et a ordonné à monsieur [X] de quitter les lieux sur le champs. Elle précise qu'un acharnement s'est poursuivi contre lui et que son bureau a été intégralement fouillé alors qu'il était fermé à clé. Elle verse aux débats une photographie montrant la porte dégradée.
Il verse aux débats une nombreuse correspondance qu'il a adressé à son employeur soit lui même soit par l'intermédiaire de son conseil à compter du 17 septembre 2020 sollicitant l'organisation d'une visite médicale de reprise, la restitution de son véhicule de fonction et le déblocage de son téléphone.
L'employeur prétendait en réponse que ce dernier était en absence injustifiée.
Enfin il verse aux débats un mail qu'il adresse à son employeur le 3 décembre 2020 dans lequel il indique avoir été très choqué : ' que vous ayez totalement vidé mon bureau et que vous m'ayez fait adressé l'ensemble de mes effets personnels à mon domicile. '.
Il verse aux débats l'ordonnance lui prescrivant un traitement médicamenteux, la preuve d'un suivi psychologique, faisant état d'un conflit avec son employeur, d'un épuisement professionnel et d'une souffrance au travail, ainsi que les nombreux arrêts de travail prescrits.
De plus il démontre l'inertie de son employeur à sa demande de visite de reprise afin de revenir travailler. Il sera constaté que l' avis d'inaptitude n'est intervenu que le 28 janvier 2021.
Il apporte ainsi des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Il appartient à l'employeur d'établir que ces faits s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, considère que monsieur [X] n'aurait aucunement été victime de harcèlement moral, en ce que la société n'aurait commis aucun acte de harcèlement, ni aucune faute dans l'exécution de son contrat de travail. Il fait valoir que le salarié n'aurait pas accepté les changements de méthodologies initiés par la nouvelle direction pour restructurer l'entreprise, ce pour quoi il tenterait de justifier son désengagement total dans son travail, en dénonçant des faits mensongers d'escroquerie et de harcèlement.
L'AGS ne formule aucun moyen spécifique sur ce point.
L'employeur échoue à démontrer que le salarié s'est opposé aux nouvelles méthodes de travail et n'apporte aucun élément justifiant de la mise à l'écart de monsieur [X], pas plus qu'elle ne démontre avoir tenté de le protéger des récriminations des clients et fournisseurs, ni avoir organisé la visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail se terminant le 22 septembre 2020, ni lui avoir rendu ses outils de travail( réactivation de son téléphone professionnel ). Aucune contestation n'est produite concernant le renvoi au domicile du salarié de tous ses effets personnels, ce qui démontre la mise à l'écart et la volonté de la société de ne plus le revoir.
Ainsi la harcèlement est établi.
Monsieur [X] sollicite à ce titre le paiement de la somme de 15 000 euros.
Ce dernier a vécu une situation de harcèlement qui a eu pour conséquence de nombreux arrêts de travail, qui ont conduit à son inaptitude et à son licenciement.
Il sera justement indemnisé par l'octroi de la somme de 8 000 euros.
Sur le salaire moyen
Monsieur [X] sollicite la fixation de son salaire moyen à la somme de 4 411,90 euros, il résulte des éléments produits bulletins de salaire et attestation de l'employeur que le salaire moyen incluant les commissions et les primes sera fixé à 2 969,54 euros.
Sur la nullité du licenciement
Monsieur [X] soutient que son licenciement est nul, en ce que son inaptitude aurait été professionnelle et qu'elle résulterait exclusivement du harcèlement moral subi de la part de son employeur. Ce harcèlement aurait dégradé la santé du salarié au point de rendre impossible le maintien de sa relation de travail avec son employeur, comme en attesterait le médecin du travail.
Il demande ainsi le paiement d'une indemnité de préavis, d'une indemnité spéciale de licenciement en raison du caractère professionnel de l'inaptitude, de dommages et intérêts pour licenciement nul et abusif.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, considère infondée la demande du salarié en nullité de son licenciement, en ce qu'aucun acte de harcèlement moral n'aurait été établi et que son inaptitude ne pourrait donc en être la conséquence.
L'AGS soutient que la question du caractère professionnel de l'inaptitude du salarié échapperait à la compétence du conseil de prud'hommes, en ce que seule la CPAM ou le pôle social du tribunal judiciaire pourraient constater l'existence d'une maladie ou accident du travail non inscrit au tableau.
La cour ayant considéré que le harcèlement moral est avéré, que l'inaptitude de monsieur [X] en est la conséquence et qu'il convient de prononcer la nullité du licenciement pour ces motifs.
Sur la demande d'indemnité spéciale
Le lien entre l'inaptitude et le harcèlement résulte des éléments médicaux produits par monsieur [X], la dégradation de ses conditions de travail ayant conduit à ses arrêts de travail et à son inaptitude, cette inaptitude a une origine professionnelle.
L' article L1226-14 du code du travail prévoit que si l'inaptitude résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le salarié bénéficie d'une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue à l'article L1234-9.
Ces règles protectrices s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quelque soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l'espèce le salarié n'établit pas le fait que l'employeur ait connaissance de l'origine professionnelle de son inaptitude, il sera débouté de cette demande.
En revanche il sera fait droit à sa demande en dommages et intérêts à hauteur de 71 268,96 euros et à sa demande de préavis à hauteur de 8908,62 euros, le harcèlement empêchant le salarié d'effectuer son préavis.
Il sera débouté de sa demande de la somme de 890,80€ due au titre des congés payés y afférents dont le paiement relève de la caisse des congés payés du bâtiment qui n'est pas dans la cause.
Sur le paiement de salaires et des congés payés
Monsieur [X] sollicite le paiement de la somme de 445,80 euros correspondant au montant figurant sur le bulletin de salaire de novembre 2020 dont il n'a pas reçu paiement, celle de 434,52 euros correspondant à la somme figurant sur son bulletin de salaire du mois d'avril 2021 dont il n'a pas reçu paiement et la somme de 911,88 euros correspondant aux salaires des mois de janvier, février et mars 2021.
Il sollicite au titre des congés payés la somme de 4876,88 euros au titre des congés payés pour la période du 1er janvier 2020 au 12 avril 2021.
Maître [V] es qualité de mandataire liquidateur soutient que les salaires ont été versés pendant la période d'embauche.
L'AGS CGEA s'associe aux conclusions du mandataire liquidateur sur ce point.
En matière de salaire il appartient à celui qui se prétend libéré de son obligation de le prouver.
Il sera observé que tel n'est pas le cas en l'espèce, le mandataire liquidateur se bornant à affirmer que les paiements ont été effectués sans en apporté de justificatifs, il sera donc fait droit aux demandes en paiement des salaires.
En revanche il sera débouté de sa demande en paiement des congés payés, ce paiement relevant de la caisse des congés payés du BTP non présent en la cause.
Sur la garantie de l'AGS
Monsieur [X] soutient qu'il n'y aurait plus de difficulté à ce titre, en ce que la société aurait été placée en liquidation judiciaire, que les créances devraient donc être fixées à son passif et ainsi garanties par l'AGS.
Maître [V], ès qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société Cyal Concept, demande à ce que le jugement soit confirmé et rendu opposable à l'AGS.
L'AGS soutient à titre subsidiaire, que sa garantie ne serait elle-même que subsidiaire dans le cadre d'un redressement judiciaire et que celle-ci serait soumise à une absence de fonds disponibles. Dans le cadre de la liquidation, elle précise qu'elle n'interviendrait en garantie que pour des demandes de salaires nés postérieurement à la procédure collective.
En application des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS sera tenue de garantir les sommes au salarié à la date du jugement d'ouverture et celles dues au titre de la rupture du contrat de travail, dans la limite du plafond alors applicable
L'arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA, Ile de France Est.
Sur la remise des documents
Il sera fait droit à la demande du salarié tendant à la remise des bulletins de salaire au titre des mois de décembre 2020 à mars 2021.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Le mandataire judiciaire succombant, il sera condamné au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article susvisé.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté monsieur [X] de sa demande faite au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
FIXE la créance de monsieur [X] dans la procédure collective dela société Cyal Concept aux sommes suivantes qui seront inscrites sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce :
- 3 123,63 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement des commissions dues,
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
- 71 268,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
- 8 908,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 445,80 euros à titre de salaire pour novembre 2020,
- 434,52 euros à titre de salaire pour avril 2021,
- 911,88 euros correspondant aux salaires des mois de janvier, février et mars 2021 ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté monsieur [X] de sa demande faite au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
DÉBOUTE monsieur [X] de ses demandes formulées au titre des congés payés, la caisse des congés payés du BTP n'étant pas dans la cause ;
ORDONNE la remise par le mandataire judiciaire de la société Cyal Concept à monsieur [X] de bulletins de paye de décembre 2020 à Mars 2021 ;
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA ile de France Est, intervenante en la cause, dans les limites de sa garantie légale et du plafond légal en application des dispositions des articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail. dans leur rédaction alors applicable ;
DIT que cet organisme devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement ;
CONSTATE que le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 1er mars 2021, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Cyal Concept, a arrêté le cours des intérêts légaux ;
DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Maître [V], mandataire judiciaire de la société Cyal Concept à payer à monsieur [X] en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MET les dépens à la charge de la société Cyal Concept en liquidation judiciaire.
Le Greffier La Présidente