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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 5 novembre 2025, n° 24/19957

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/19957

5 novembre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2025

ARRÊT SUR COMPÉTENCE

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19957 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKOD7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Octobre 2024 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil 3ème chambre civile - RG n° 23/02693

APPELANTE

Société BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA société de droit espagnol, immatriculée au registre du commerce de Vizcaya sous le numéro 000008526, EUID : ES48001.000008526, Tomo 2.083, Folio1, Hoja BI-17-A

[Adresse 19]

[Localité 7] (Espagne)

agissantpoursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de Paris, toque : C2477

INTIMÉS

Monsieur [R] [E]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représenté par Me Thierry TORDJMAN, avocat au barreau de Paris, toque : A0949, avocat plaidant

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 8]

[Localité 10]

N°SIREN : 611 858 064

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de Paris, toque : P0298

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 3]

[Localité 10]

N°SIREN :552 120 222

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de Paris, toque : P0077

Société BANCO SABADELL société de droit espagnol, immatriculée au registre du commerce d'Alicante sous le numéro NIF A-08000143,

[Adresse 12] [Adresse 5]

[Localité 1] (Espagne)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

non constituée (transmission de demande de signification de l'assignation à jour fixe dans un autre Etat membre en date du 23 décembre 2024)

Société CAIXA BANK société anonyme de droit espagnol, immatriculée au registre

du commerce de [Localité 20] sous le numéro NIF A-08663619

[Adresse 2]

[Localité 6] (Espagne)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

non constituée (transmission de demande de signification de l'assignation à jour fixe dans un autre Etat membre en date du 23 décembre 2024)

Société PREPAID FINANCIAL SERVICES LIMITED SUITE, société de droit anglais, immatriculée au registre du commerce sous le numéro 06337638, (ci-après désignée « PFSL »)

[Adresse 4],

[Adresse 17] (Angleterre, Royaume-Uni)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

non constituée (transmission de demande de signification de l'assignation à jour fixe à l'étranger en date du 28 janvier 2025)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Vincent BRAUD, président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Mme Anne BAMBERGER, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé parVincent BRAUD, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 9 décembre 2024, la société Banco Bilbao Vizcaya Argentaria a interjeté appel d'une ordonnance rendue le 10 octobre 2024 en ce que le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Créteil saisi par voie d'assignations en date des 30 mars, 31 mars, et 4 avril 2023, délivrées à la requête de M. [R] [E] à l'encontre des sociétés Crédit industriel et commercial, Société Générale, Banco Sabadell, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, Caixabank, et Prepaid Financial Services Limited, a statué ainsi :

'DECLARE irrecevable la demande de désignation de la loi applicable par la Société BANCO [Localité 13] VIZCAYA ARGENTARIA ;

REJETTE la demande de disjonction des affaires sollicitée par la Société BANCO [Localité 13] VIZCAYA ARGENTARIA ;

REJETTE les exceptions d'incompétence soulevées par la Société BANCO SABADELL, la Société BANCO [Localité 13] VIZCAYA ARGENTARIA, la Société CAIXA BANK et la Société PREPAID FINANCIAL SERVICES LIMITED ;

DIT que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du présent litige ;

DÉCLARE le tribunal judiciaire de Créteil incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris,

ORDONNE la transmission du dossier au tribunal judiciaire de Paris une fois le délai d'appel écoulé et en l'absence de justification d'un appel dans ce délai ;

CONDAMNE M. [R] [E] aux entiers dépens ;

DIT n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

RAPPELLE qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de faire signifier à son adversaire, afin de faire courir le délai d'appel, la présente ordonnance, et de justifier auprès du greffe, une fois le délai d'appel écoulé, de l'absence d'appel, afin de permettre la transmission du dossier.'

***

S'agissant de l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, le magistrat statuant sur requête par délégation de M. Le premier président de la cour d'appel de Paris a par ordonnance rendue le 16 décembre 2024 autorisé la partie requérante à assigner à jour fixe devant le Pôle 5 Chambre 6 de la Cour d'appel de Paris, pour l'audience du 4 septembre 2025 à 9 heures.

Les assignations destinées aux sociétés Banco Sabadell, Caixabank ont été transmises selon les formes prévues au Réglement UE n°2020/1784 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale dans les États membres et celle destinée à la Prepaid Financial Services Limited, en application de la Convention de [Localité 16] du 15 novembre 1965 notamment en son article 5 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale.

Seules les banques françaises - Crédit industriel et commercial, Société Générale - ont constitué avocat. Elle n'ont cependant pas fait déposer de conclusions. La société Crédit industriel et commercial a informé la cour, par message électronique du 23 septembre 2025, qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes formées par la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria.

L'affaire appelée à l'audience du 4 septembre 2025 a été renvoyée à l'audience du 25 septembre 2025 pour permettre le respect de la contradiction. Finalement il n'a pas été déposé de nouvelles écritures.

À l'issue de la procédure d'appel les prétentions des parties constituées et concluantes s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses conclusions jointes à la déclaration d'appel communiquées par voie électronique le 9 décembre 2024, qui constituent donc ses seules écritures, la société Banco Vizcaya Argentaria, appelante

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu le Règlement Bruxelles 1 Bis n°1215/2012 du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,

Vu les articles 42, 56, 74, 75, 114, 700, 789 et 791 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1902 du code civil espagnol,

Vu la jurisprudence française et européenne citée et les pièces versées au débat,

Il est demandé à la Cour d'appel de Paris de :

DECLARER la société BBVA recevable et bien fondé en son appel de l'ordonnance rendue le 10 octobre 2024 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Créteil.

Y faisant droit,

INFIRMER l'ordonnance susvisée et datée en ce qu'elle a statué sur les chefs suivants :

- 'REJETTE les exceptions d'incompétence soulevées par la Société BANCO SABADELL, la Société BANCO [Localité 13] VIZCAYA ARGENTARIA, la Société CAIXA BANK et la Société PREPAID FINANCIAL SERVICES LIMITED'

- 'DIT que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du présent litige'

- 'DÉCLARE le tribunal judiciaire de Créteil incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris'

- 'ORDONNE la transmission du dossier au tribunal judiciaire de Paris une fois le délai d'appel écoulé et en l'absence de justification d'un appel dans ce délai'

- 'DIT n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles.'

ET STATUANT A NOUVEAU :

In limine litis,

DECLARER qu'au regard des textes de droit français et européen et en particulier du Règlement Bruxelles 1 Bis, la juridiction territorialement compétente en l'espèce pour statuer sur les demandes formulées par le Demandeur à l'encontre de la société BBVA n'est pas le Tribunal judiciaire de Paris mais le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne) ;

En conséquence :

RECEVOIR l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société BBVA en application de l'article 74 du Code de procédure civile ;

JUGER que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître du présent litige ;

RENVOYER Monsieur [R] [E] à mieux se pourvoir devant le tribunal matériellement compétent en première instance du ressort de Bilbao (Espagne) ;

REJETER toute demande autre, plus ample ou contraire.

En tout état de cause :

- CONDAMNER Monsieur [R] [E] à payer à la société BBVA la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au remboursement intégral des frais de traduction ;

- CONDAMNER Monsieur [R] [E] aux entiers dépens de la présente instance ;

Au dispositif de ses conclusions communiquées par voie électronique le 1er août 2025 qui constituent ses uniques écritures, l'intimé, M. [E],

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 114 et 56 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 73, 74 et 75 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 42 et 43 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 75 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 789 du Code de Procédure Civile,

Vu les Règlements UE 125/2012 du 12 décembre 2012 et 864/2007 du 11 juillet 2007,

Il est demandé à la Cour d'Appel de Paris de :

CONFIRMER l'ordonnance rendue le 10 octobre 2024 par le Juge de la mise en état près le Tribunal Judiciaire de Créteil (RG N°23/02693) en toutes ses dispositions, plus particulièrement en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les Sociétés BANCO SABADELL, BANCO BILBAO VIZCAYA ARGENTARIA et CAIXA BANK ;

DEBOUTER, en toutes hypothèses, la Société BANCO [Localité 13] VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA (BBVA) de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions, telles que formulées dans ses dernières écritures d'appelante ;

CONDAMNER, en cause d'appel, la Société BANCO [Localité 13] VIZCAYA ARGENTARIA SOCIEDAD ANONIMA (BBVA) à verser à Monsieur [R] [E], la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNER aux entiers dépens de la présente instance.'

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le 8 mars 2022, M. [R] [E] a signé un mandat de gestion financière au profit de la société 'Ma SICAV' (dont il s'avérera ultérieurement qu'elle a fait l'objet d'une dissolution amiable treize ans auparavant et que son identité a présentement été usurpée).

Sur la base de ce contrat,

' M. [E] a effectué quatre virements depuis un compte bancaire ouvert dans les livres de la société Crédit industriel et commercial - de 2 000 euros, le 10 mars 2022 au profit de 'ACIS Group' disposant d'un compte auprès de la société de droit espagnol Banco Sabadell ; de 27 870 euros, le 30 mars 2022 au profit de 'YLC SIC Group' titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la société de droit espagnol Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria ; de 18 301 euros, le 4 mai 2022 et de 10 588 euros, le 17 mai 2022 effectués à destination d'un compte ouvert au nom de M. [R] [E], auprès de la société Prepaid Financial Services Limited ;

' M. [E] a également effectué trois virements depuis son compte bancaire ouvert dans les livres de la Société Générale, soit un virement de 17 751 euros le 28 juin 2022 et un virement de 6 000 euros le 6 juillet 2022 à l'ordre de 'MDC [E] [R]', tous deux effectués à destination de la banque Caixabank, puis un virement de 18 750 euros le 25 juillet 2022 à l'ordre de 'GLM [E] [R]' effectué à destination de la société Banco Sabadell.

N'ayant pu obtenir restitution des fonds investis lorsqu'il a souhaité en récupérer une partie, M. [E] le 28 novembre 2022 a déposé plainte pénale auprès du commissariat de [Localité 15] du chef d'escroquerie, faisant état d'un préjudice total de 101 080 euros.

Ses démarches auprès des diverses banques concernées sont demeurées infructueuses.

C'est dans ces circonstances que, selon les énonciations de l'ordonnance entreprise, suivant assignations délivrées les 30 mars, 31 mars et 4 avril 2023, M. [E] a attrait la société Crédit industriel et commercial, la Société Générale, la société Banco Sabadell, la société Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, la société Caixabank et la société Prepaid Financial Services Limited devant le tribunal judiciaire de Créteil en paiement de dommages et intérêts, au titre de la responsabilité contractuelle dans le cas des deux banques françaises, et de la responsabilité délictuelle dans le cas des établissements bancaires étrangers.

La société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria a saisi d'incident le juge de la mise en état, sollicitant, au visa notamment du Règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit 'Bruxelles I Bis', et de l'article 42 du code de procédure civile, l'incompétence territoriale du juge français pour avoir à statuer sur le litige l'opposant à M. [E], seules les juridictions espagnoles étant compétentes, selon elle, pour se prononcer sur les griefs dirigés par ce dernier à son encontre. M. [E] a demandé à la juridiction de (...) rejeter les exceptions d'incompétence soulevées par la société Banco Bilbao Vizcaya Argentaria [et par les autres banques étrangères], et de déclarer le tribunal judiciaire de Créteil compétent pour statuer sur les demandes formulées par M. [E] à leur encontre, demande dont il a été débouté.

Pour soutenir que son exception d'incompétence territoriale doit être accueillie, à hauteur d'appel la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria pour l'essentiel de ses prétentions expose tout d'abord qu'aux termes de l'article 4.1 du Règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit 'Bruxelles I Bis', les juridictions compétentes pour trancher un litige sont, par principe, celles de l'État membre sur le territoire duquel se situe le domicile du défendeur qui doit être apprécié au regard de la loi interne du juge saisi. En l'espèce, en application de l'article 42 du code de procédure civile français, il convient de retenir le lieu du siège social de la personne morale défenderesse, soit en ce qui concerne la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, le lieu de son siège social situé à [Localité 13] en Espagne, en sorte que la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria doit en principe être attraite devant les juridictions espagnoles, plus précisément, les juridictions du ressort de Bilbao. La compétence des juridictions espagnoles, à l'exclusion de celle des juridictions françaises, apparaît somme toute, logique. Il serait en effet particulièrement étonnant qu'un juge français ait compétence pour juger du respect par une banque espagnole de ses obligations professionnelles qui sont nécessairement des règles de droit espagnol. À cet égard, il convient de rappeler que l'un des principaux objectifs du Règlement Bruxelles 1 Bis en matière de règles de compétence, notamment en matière délictuelle, est d'attribuer la compétence au tribunal présentant le plus de proximité avec le litige.

Ensuite, quant aux critères de rattachement mis en avant par M. [E], la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria dit démontrer, d'une part que le fait dommageable, constitué par le détournement allégué des fonds, s'est réalisé en Espagne, et d'autre part, que la présence de plusieurs défendeurs n'entraîne pas de risque d'inconciliabilité des décisions :

' Ainsi, selon la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, l'application des dispositions de l'article 7.2 du Règlement Bruxelles 1 Bis, édictant des règles de compétence spéciale au regard de la matière relative à l'objet du litige, conduit à la même solution que précédemment, au regard de la jurisprudence française qui, dans des cas similaires à la présente espèce, considère que le lieu du fait dommageable est toujours situé au lieu où se trouve le compte de réception des fonds, soit l'établissement situé à l'étranger. Au cas présent, il est reproché à la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria d'avoir manqué à son obligation de vigilance en ne vérifiant pas l'activité de ses clients. Toutefois, et comme rappelé par la jurisprudence, cet évènement s'est nécessairement produit au lieu où se trouvent les comptes de ces sociétés ouverts dans les livres de la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, soit en Espagne. Puisque le fait dommageable (la cause) ne se confond pas avec le lieu où le préjudice est ressenti, le fait que M. [E] soit français ou qu'il ait viré les fonds depuis son compte en France ne doit pas être pris en compte. Le fait dommageable étant constitué par le détournement allégué des fonds, il s'est produit sur le compte ouvert dans les livres de la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria et non sur le compte français de M. [E]. Enfin, M. [E] échoue à apporter toute preuve de démarchage par la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria en France ainsi que tout élément indiquant que la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria aurait été informée du démarchage, par la société espagnole, de M. [E]. En l'absence de ces démonstrations, la localisation des comptes de M. [E] en France ne peut être considérée comme un point de rattachement pertinent. En conséquence, les arguments soulevés par M. [E] pour affirmer que les juridictions françaises sont compétentes pour trancher le litige ne reposent sur aucune base légale et sont parfaitement inopérants.

' La société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria soutient également que M. [E] ne saurait se prévaloir utilement de l'exception prévue à l'article 8.1 du règlement précité, et ainsi attraire toutes les défenderesses devant la juridiction du siège social ou du domicile de l'une d'elles, en l'espèce, celui de l'une des banques françaises de M. [E], faute de démontrer la réunion des trois conditions cumulatives exigées que sont l'existence d'un lien de connexité résultant d'une identité de situation de fait et de droit entre les parties, celle d'un risque de décisions inconciliables si elles venaient à être examinées par des juges différents et enfin celle de la prévisibilité pour les défendeurs qu'ils risquent d'être attraits dans l'Etat membre où au moins l'un d'entre eux a son domicile ou siège social.

- S'agissant de la condition tenant à une identité de situation de fait, les faits reprochés aux banques défenderesses diffèrent en ce que les banques Société générale et Crédit industiel et commercial, banques émettrices des virements litigieux, se voient reprocher un manquement à leurs obligations de vigilance et de surveillance en matière d'exécution de mouvements de fonds en provenance du compte de leur client ainsi qu'à leur obligation d'information générale, tandis que la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, banque réceptrice (et les deux autres banques espagnoles) se voit reprocher un manquement à son obligation de vigilance issue de la réglementation antiblanchiment espagnole, en matière de vérification obligatoire lors de l'ouverture et durant le fonctionnement du compte bancaire ouvert dans ses livres par la société bénéficiaire du virement litigieux. Les banques défenderesses, qui ne réalisent pas les mêmes diligences, qui agissent de manière indépendante et non concertée, et qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations, ne sont donc pas dans une même situation de fait, ce qui écarte tout risque de voir prononcer des décisions inconciliables par des juridictions différentes qui ne se prononceront dès lors pas sur les mêmes faits.

- Il y a également absence d'identité de situation de droit, et par conséquence, également, absence d'inconciliabilité entre des décisions rendues séparément contre les défenderesses, à défaut d'identité de leurs relations avec le demandeur, la responsabilité de la Société Générale et de la société Crédit industriel et commercial étant recherchée sur le terrain contractuel, et celle de la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria sur le terrain délictuel ; en outre, les obligations prétendument non respectées ne sont pas de même nature, étant soumises à leurs législations nationales respectives, et devant donc être appréciées à l'aune de celles-ci, soit le code monétaire et financier français concernant la Société Générale et la société Crédit industriel et commercial, et la loi espagnole quant à la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, dont la responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement des directives européennes, qui ne sont pas d'application directe, et qui ont fait l'objet de transpositions distinctes au plan national.

La société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria conclut ainsi à une absence d'identité de faits, de fondements juridiques et de lois applicables ainsi que de questions communes appelant des solutions coordonnées, dont découle nécessairement une absence de risque de solutions inconciliables faute pour la demanderesse d'établir les circonstances particulières justifiant de la connexité de ses demandes et de la nécessité de les juger ensemble.

Enfin, la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria expose qu'elle ne peut se voir opposer le principe de 'haut degré de prévisibilité 'd'être attraite devant une juridiction française tel que résultant des Considérants 15 et 16 du Réglement Bruxelles 1 Bis, au simple motif que l'un de ses clients a bénéficié de virements bancaires internationaux, dès lors qu'elle n'a aucun lien contractuel avec le demandeur, qu'elle est une banque espagnole domiciliée sur son territoire national et soumise à la législation de celui-ci, qu'elle n'a aucune activité de banque de détail sur le territoire français et que la société bénéficiaire titulaire du compte qui a réceptionné les fonds est également une société de droit espagnol.

Elle conclut à la compétence des juridictions espagnoles conformément à l'esprit du Règlement 'Bruxelles I Bis' dont l'un des principaux objectifs en matière de règles de compétence, notamment en matière délictuelle, est de privilégier la compétence de la juridiction présentant le plus de proximité avec le litige.

M. [E] répond que le lieu où le fait dommageable s'est produit permet de déterminer, en matière délictuelle, le juge compétent, et cette expression vise à la fois, le lieu de l'événement causal et le lieu où le dommage est survenu, et ce au choix du demandeur. À cet égard, selon la jurisprudence européenne, le lieu de la matérialisation du dommage est celui où le dommage allégué se manifeste concrètement. En matière de préjudice financier, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'un préjudice qui se matérialise directement sur le compte bancaire du demandeur ne peut, à lui seul, être qualifié de point de rattachement pour déterminer la compétence juridictionnelle, et c'est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l'affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d'un préjudice purement financier, qu'un tel préjudice pourrait, d'une manière justifiée, permettre au demandeur d'introduire l'action devant cette juridiction. L'action dirigée contre les banques espagnoles par M. [E] est une action délictuelle, qui doit être intentée, en vertu de l'article 7§2 du Règlement du 12 décembre 2012 devant la juridiction 'du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire' que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne définit comme d'une part le lieu de l'évènement causal à l'origine du dommage et d'autre part le lieu où le dommage est survenu.

- L'évènement causal à l'origine du dommage tient indirectement dans l'escroquerie ayant abouti à la perte par M. [E] de la totalité de son héritage familial, commise via la conclusion en France et à son domicile de [Localité 15] d'un contrat de gestion de portefeuille au profit d'une société de droit français dont l'identité avait été usurpée. Si la commission de cette infraction pénale en France et par le biais d'une société française constitue l'évènement causal indirect, la passation des ordres de virements, dont celui de 27 870 euros le 30 mars 2022 vers la Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria constitue l'évènement causal direct à l'origine du dommage. Il ne doit pas être confondu la faute et le dommage, puisque si la faute tient dans le manquement des banques espagnoles à leur devoir de vigilance et à leurs obligations de contrôle, au regard de l'ouverture et du fonctionnement anormal du compte récepteur, le fait générateur du dommage tient dans le débit des comptes Crédit industriel et commercial et Société Générale appartenant à M. [E]. L'argument de la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria tendant à considérer que le lieu de l'évènement causal à l'origine du dommage serait le lieu de la violation par la banque de ses obligations professionnelles est par conséquent inopérant, et relève d'une erreur de droit.

- En matière de préjudice financier, le lieu du fait dommageable est celui où le dommage se réalise directement sur le compte bancaire de la victime, dès lors qu'il est ouvert auprès d'une banque établie dans le ressort de la juridiction effectivement saisie. Or, au cas d'espèce le compte Société Générale de M. [E] n°30003 03782 00050784892 84 a été ouvert puis tenu auprès de l'agence de [Localité 18], et le compte Crédit industriel et commercial de M. [E] n°00020436801 a été ouvert et tenu auprès de l'agence de [Localité 15].

On ne peut raisonnablement considérer que le lieu du fait générateur du dommage serait celui de l'établissement de la banque réceptrice des fonds, sauf à mettre à bas le droit des victimes qui, en matière de virements frauduleux, subissent de plein fouet un préjudice financier directement impacté sur leur compte bancaire. De même, on ne peut admettre que le lieu de matérialisation du dommage serait celui de l'appropriation des fonds par le dépositaire, laquelle n'intervient qu'à réception du ou des virement(s) en cause. En effet, la passation de l'ordre de virement, suivie de l'envoi des fonds, est à n'en pas douter l'élément déclencheur de l'apparition du dommage, caractérisé par le débit sur le compte de la victime des sommes virées. La réception des fonds quant à elle intervient automatiquement, dans le cadre d'un processus interbancaire, déroulé en chambre de compensation, et ne peut donc constituer le fait générateur du dommage.

En toutes hypothèses, des 'circonstances particulières' rattachent le litige au ressort des juridictions françaises. M. [E], de nationalité française, a été victime d'une escroquerie perpétrée sur le territoire français en bande organisée, l'infraction a donné lieu à deux dépôts de plainte avec constitution de partie civile de M. [E] lui-même et de Mme [K] [W] en sa qualité de liquidatrice de la société Ma SICAV, dont les escrocs ont usurpé l'identité ; les liquidités illicitement soustraites à M. [E] étaient issues de la vente de la maison héritée en France, de ses parents, et ont été placées successivement sur deux comptes bancaires ouverts auprès des banques françaises Société Générale et Crédit industriel et commercial ; le contrat de gestion de portefeuille a été signé par M. [E] à son domicile de [Localité 15] ; le litige implique une pluralité de défendeurs, dont ces deux banques françaises, et il est indispensable pour une bonne administration de la justice et pour éviter des décisions contradictoires que le procès soit jugé d'une seule traite et en un seul tenant puisqu'il apparait que la même infraction est à l'origine des sept virements frauduleux, consécutifs à des manoeuvres orchestrées en vue de surprendre le consentement de M. [E], de l'usurpation de l'identité de la société Ma SICAV, dissoute depuis 2009, de l'usurpation de l'identité de M. [E] lui-même, aux fins d'ouverture de comptes bancaires en France et en Espagne, de la contestation par l'intéressé des opérations litigieuses en janvier 2023 et du silence gardé par les banques françaises. Il sera en outre rappelé que, s'agissant de la société Prepaid Financial Services Limited, les virements des 4 et 17 mai 2022 ont été effectués du compte Crédit industriel et commercial vers un bénéficiaire doté d'un IBAN français ('FR76...'). La société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria soutient dans ses écritures d'appelante, qu'il n'y aurait aucun lien de connexité entre les différents virements effectués par ce dernier, alors même que les sept virements en cause ont été effectués en vertu d'un unique contrat de gestion de portefeuille, et que ces virements sont la résultante d'une seule et même infraction, et soutient aussi : 1) qu'il n'y aurait aucune identité dans la situation de fait, alors que le manquement imputable au Crédit industriel et commercial à son obligation de vigilance, en tant que banque émettrice des fonds, est l'équivalent contractuel du manquement imputable à Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria en tant que banque réceptrice des fonds, dont la responsabilité délictuelle est engagée, et qu'il apparaît donc indispensable que l'affaire soit jugée tant avec la banque émettrice des fonds soustraits qu'avec la banque réceptrice, afin d'éviter le risque de décisions contradictoires ; 2) qu'il n'y aurait aucune identité dans la situation de droit : en d'autres termes, la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria entend faire accroire que la directive anti-blanchiment (UE 2015/849) n'aurait jamais été transposée en Espagne et que le droit bancaire espagnol ne disposerait d'aucun équivalent à l'obligation de vigilance et de contrôle inscrite dans le code monétaire et financier aux articles R-561-1 et suivants, alors qu'en droit espagnol, la loi n°10/2010 du 28 avril 2010 réglemente bien les rapports entre les établissements financiers et leurs clients leur imposant des opérations de vérification et de contrôle avant d'établir entres elles toute relation contractuelle, notamment la vérification de l'identité du client, l'identification du bénéficiaire effectif de la société concernée, le contrôle de l'activité exercée par cette dernière et sa réalité (art. 3 et suivants, Chap. 2, Section 1 - Pièce 23), ainsi que le contrôle de tout mouvement de fonds qui, de par sa nature ou son importance, pourrait être relié à des opérations de blanchiment de fonds ou de financement du terrorisme (art 17, Chap. 3 - Pièce 23), et ainsi, quel que soit le droit interne applicable, l'obligation de vigilance et de contrôle s'impose à tout établissement financier, et ce du fait de l'harmonisation du droit bancaire européen, la situation de droit est par conséquent parfaitement identique. La société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria ne peut sérieusement affirmer que chaque partie défenderesse serait soumise à 'des corpus réglementaires nationaux différents', faisant fi de l'obligation de transposition des directives antiblanchiment et de l'harmonisation des droits internes. Enfin, il est tout aussi vain de soutenir que le type de responsabilité engagée (à savoir, contractuelle vis-à-vis des banques françaises, et délictuelle vis-à-vis des banques espagnoles) justifierait la nécessité de procès distincts, alors même que l'engagement de responsabilité s'appuie sur un seul fait, commun à tous les établissements bancaires mis en cause, à savoir le manquement à leur obligation de vigilance et de contrôle, lequel englobe le défaut de surveillance des mouvements de fonds au regard du fonctionnement habituel du compte (émetteur et récepteur) l'absence de vérification de l'identité du titulaire du compte (et des bénéficiaires effectifs en cas de personne morale) et l'absence de contrôle de l'activité réellement exercée par le titulaire dudit compte.

Enfin, la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria soutient que le fait d'être assignée en France, suite à un virement réceptionné en provenance de France, serait totalement imprévisible, de sorte que la condition de prévisibilité inhérente aux règles de compétence en droit européen ne serait pas réunie. Bien au contraire il est totalement prévisible qu'un virement en provenance de France puisse générer un contentieux français, engagé par le donneur d'ordre, lequel a toujours faculté de saisir les juridictions de son [14].

SUR CE,

Il est indéniable qu'il y a lieu de statuer sur la compétence en faisant application des seules dispositions du Règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce que l'action est engagée contre la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, société ayant son siège social en Espagne.

Aux termes de son article 4, paragraphe premier (chapitre II, 'Compétence') qui constitue le texte de principe, sous réserve des autres dispositions dudit règlement les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

Aux termes de l'article suivant - article 5, paragraphe premier, même chapitre - les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d'un autre État membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections II à VII du présent chapitre II.

Aussi, par exception au principe posé par l'article 4, la compétence des juridictions françaises pour connaitre d'une action dirigée contre des personnes domiciliées à l'étranger peut être recherchée dans les conditions des articles 7 et 8 dudit réglement.

Sur l'application de l'article 8-1 :

En vertu de l'article 8, point 1, du Règlement, s'il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut, par dérogation au principe énoncé à l'article 4, paragraphe 1, de ce Règlement, être attraite devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Pour l'application de cet article, dont le critère de compétence est d'interprétation stricte, l'appréciation de l'existence du lien de connexité et donc du risque de décisions inconciliables en présence d'une même situation de fait et de droit, n'exige pas l'identité de fondements juridiques, dès lors qu'il était prévisible pour les défendeurs qu'ils risquaient de pouvoir être attraits dans l'Etat membre où au moins l'un d'eux a son domicile.

En l'espèce, M. [E] a fait assigner en responsabilité les banques françaises, et les banques étrangères parmi lesquelles la société Banco [Localité 13] Vizcaya Argentaria, en ce qu'elles ont concouru à la réalisation d'un même dommage, soit la perte des fonds qu'il croyait investir.

Sans préjuger de leur bienfondé, il appert de prime abord que ces demandes, qui se rapportent aux mêmes faits, tendent à des fins identiques, posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées notamment sur la matérialité et l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la part de responsabilité éventuelle de chaque société.

Il doit être souligné que la banque étrangère, qui détient ou a détenu dans ses livres, un virement en provenance de France susceptible d'avoir un caractère frauduleux ne peut estimer raisonnablement imprévisible d'être attraite, de ce fait, devant les juridictions françaises. Bien au contraire, l'internationalisation croissante des relations bancaires via le développement de l'utilisation des moyens de communication électroniques ne peut que rendre insignifiante l'imprévisibilité pour un établissement bancaire, d'être poursuivi à l'étranger pour une opération à caractère international suspectée d'être frauduleuse à un moment ou à un autre de son déroulement.

Aussi, les actions en responsabilité intentées par M. [E] sont connexes en ce qu'elles s'inscrivent dans une même situation de fait et de droit et par suite, pour éviter tout risque d'inconciliabilité des solutions, il y a lieu de les juger ensemble, peu important que les demandes soient éventuellement fondées sur des lois différentes (1re Civ., 26 sept. 2012, n°11-26.022 ; 17 fév. 2021, n°19-17.345). En effet :

- Il y a identité de situation de fait en ce qu'à l'origine du préjudice dont se plaint M. [E] à savoir la perte avérée des fonds investis, il s'agit d'une seule et unique opération, soit le virement bancaire d'une même somme d'un compte vers un autre, et le fait que cette opération se déroule en deux temps - un ordre de virement traité par la banque de départ, puis la réception par la banque étrangère teneur du compte du bénéficiaire - n'ôte rien au fait que ces deux étapes sont indissociables l'une de l'autre. Il est donc bien allégué d'une implication des deux banques concernées dans les faits litigieux.

- Il y a identité de situation de droit en ce qu'il n'est pas discuté en l'espèce qu'un banquier, qu'il soit français ou espagnol, puisse voir sa responsabilité engagée à raison d'un manquement à un devoir de vigilance. Cette considération est suffisante en soi, peu important à cet égard que la règle de droit applicable en France/en Espagne, soit différente dans l'un et l'autre Etat, et que ne soient pas totalement identiques les conditions plus ou moins restrictives de la mise en jeu de cette responsabilité, la nature juridique de l'action exercée (délictuelle ou contractuelle), les chances de succès des demandes indemnitaires.

- Par ailleurs, le fait, mis en avant par la banque appelante, que les actions exercées contre la banque française d'une part et contre la banque espagnole d'autre part, reposent sur des fondements juridiques différents, n'a pas pour conséquence nécessaire d'écarter tout risque de décisions inconciliables entre elles. En toutes hypothèses un tel risque existe, en particulier, dans le cas où l'un des juges retiendrait, pour des motifs de fait ou de droit, que la banque dont il a à juger du comportement ne serait responsable qu'à hauteur d'une certaine proportion du dommage, et où le juge de l'autre Etat, de son côté, retiendrait que la banque dont il est devant lui invoqué la responsabilité est tenue pour un quantum qui n'en fait pas le complément.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant les conditions posées par l'article 8-1 du Réglement sont bel et bien réunies et l'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle déclare le tribunal de Paris compétent pour connaitre des demandes formées par M. [E] à l'encontre de la société de droit espagnol.

Par conséquent l'ordonnance déférée sera confirmée en ce que le juge de la mise en état sur le fondement de l'article 8.1 du Règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, a débouté la banque espagnole de son exception d'incompétence.

Sur l'application de l'article 7-2 :

Étant retenue la compétence du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article 8.1 du Règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le second moyen exposé par la société Banco Bilbao Vizcaya Argentaria à l'appui de son exception d'incompétence territoriale, tiré des dispositions de l'article 7.2 dudit réglement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu du sens de la présente décision chacune des parties conservera la charge de ses propores dépens et aucune considération particulière d'équité n'impose de faire droit à la demande de M. [E] formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens au titre de l'incident ;

DÉBOUTE chacune des parties de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * * * *

Le greffier Le président

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