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CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 5 novembre 2025, n° 25/00544

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/00544

5 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2025

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00544 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLW4L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2025 - Tribunal de Commerce de Créteil - RG n° 2025P00314

APPELANTE

S.A.S.U. TAYLOR-BROWN

[Adresse 4]

[Localité 9]

Immatriculée au RCS de sous le n° 812 324 069

Représentée par Me Claire LAPORTE, avocate au barreau de PARIS, toque : E0479

INTIMÉS

M. [R] [O]

De nationalité française

Né le [Date naissance 3] 1988 à [Localité 13] (67)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Mme [E] [O]

De nationalité française

Née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 12] (75)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Iris LE FLOUR, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Matthieu COUGNENC, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. [I] [B] MANDATAIRE JUDICIAIRE ès qualités de liquidateur de la S.A.S.U. Taylor-Brown

[Adresse 6]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le n° 348 863 093

Assignation à étude conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 21 août 2025)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SASU Taylor Brown exerce depuis 2015 une activité de plomberie, chauffage, électricité.

Sur assignation de M. et Mme [F] invoquant une créance de 29.155 euros résultant de l'inexécution d'un protocole transactionnel, et après enquête, le tribunal de commerce de Créteil a le 21 mai 2025 ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Taylor Brown, fixé la date de cessation des paiements au 21 novembre 2023 et désigné la SAS [B] prise en la personne de Maître [B] en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Taylor Brown a relevé appel de cette décision le 26 mai 2025.

Par ordonnance du 1er juillet 2025, le délégataire du premier président après avoir constaté qu'une somme de 29.155 euros avait été virée sur le compte CARPA de l'avocat de la société Taylor Brown, a suspendu l'exécution provisoire.

Par requête en inscription de faux du 29 août 2025, la société Taylor Brown a saisi la cour aux fins de :

Recevoir la société SASU Taylor-Brown en sa demande d'inscription de faux incidente à l'instance N°RG 25/09332 et la déclarer bien-fondée ;

Constater que les mentions relatives aux diligences accomplies (confirmation du domicile par le facteur, passage et appels téléphoniques) dans le procès-verbal de signification du 10 mars 2025 sont matériellement fausses ;

Juger faux ledit procès-verbal de signification du 10 mars 2025 dressé par Maître [L] [D] ;

Ordonner, conformément à l'article 310 du code de procédure civile, que mention de l'arrêt à intervenir soit faite en marge de l'acte reconnu faux ;

Prononcer en conséquence, l'annulation du jugement N°2025P00314 rendu par le tribunal de commerce de Créteil le 21 mai 2025, qui a été initié sur la base de cet article vicié ;

Transmettre, si la cour l'estime opportun, le dossier au ministère public pour suites pénales éventuelles du chef de faux et usage de faux en écriture publique, sur le fondement de l'article 441-1 du Code pénal.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la saisine de la cour

La cour relève à titre liminaire qu'elle n'est saisie que d'une inscription de faux incidente et ne peut se prononcer sur l'annulation du jugement N°2025P00314 rendu par le tribunal de commerce de Créteil le 21 mai 2025 qui fait l'objet d'une autre procédure enrôlée sous le numéro RG 25/09332 où la SASU Taylor Brown a attrait les consorts [O]. Le jour de l'audience, l'avocat de la société Taylor Brown a demandé que l'affaire ne soit pas plaidée au fond et un renvoi lui a été accordé. Il en résulte que seule l'inscription en faux sera examinée par la cour dans le présent arrêt.

Sur l'inscription en faux

La SASU Taylor Brown soutient que le commissaire de justice, Me [D], chargé de délivrer l'assignation en liquidation judiciaire des consorts a dressé un procès-verbal contenant des mentions fausses. Elle affirme qu'hormis la simple présence du nom sur la boîte aux lettres, jugée notoirement insuffisantes par la jurisprudence, les autres mentions qui sont les seules à pouvoir donner une apparence de légalité à l'acte sont matériellement fausses. Il s'agit d'une part de la mention « le facteur a confirmé le domicile » qui est fallacieuse puisque le facteur atteste qu'il n'a jamais été sollicité par le commissaire de justice. Il s'agit d'autre part de la mention « personne n'est présent ou ne répond à mes appels » qui est également fallacieuse puisque la SASU Taylor Brown affirme que le commissaire de justice ne s'est jamais déplacé sur les lieux et qu'il n'a jamais appelé la société. Elle ajoute que ce faux en écriture lui a causé un grief d'une gravité exceptionnelle puisque le tribunal a prononcé une liquidation judiciaire alors que la société était viable et solvable.

Sur ce,

Aux termes de l'article 441-1 du code pénal, constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.

L'inscription de faux contre un acte authentique relève de la compétence du juge saisi du principal lorsqu'elle est formée incidemment devant un tribunal judiciaire ou devant une cour d'appel.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de signification de l'assignation daté du 10 mars 2025 que le commissaire de justice s'est rendu au [Adresse 5]. Le procès-verbal mentionne :

« N'ayant pu, lors de mon passage, avoir de précisions suffisantes sur le lieu où rencontrer le destinataire de l'acte.

Le domicile étant certain ainsi qu'il résulte des vérifications suivantes :

Le nom est inscrit sur la boîte aux lettres.

Le facteur a confirmé le domicile.

Circonstances rendant impossible la signification à personne :

Personne n'est présent ou ne répond à mes appels.

Je n'ai pu, lors de mon passage, avoir d'indication sur le lieu où rencontrer le destinataire de l'acte. »

La SASU Taylor Brown affirme que la mention relative au « facteur a confirmé le domicile » est fausse. Elle produit une attestation de M. [S] [V] [A] ex-postier, agent d'accueil [Localité 11] du 20 juillet 2025 qui dit avoir été salarié de la SA La Poste du 17 février 2025 au 11 mai 2025 et avoir été le seul facteur de la poste ayant distribué le courrier dans la ZAC de l'Epi d'Or à [Localité 14] le 10 mars 2025 et affirme n'avoir jamais été sollicité pour des informations concernant la SASU Taylor-Brown et n'a donc pas pu donner d'information à un commissaire de justice ou à toute autre personne. Cette attestation est accompagnée de la photocopie de la carte d'identité de M. [S] ainsi que de la première page de son contrat de travail avec La Poste.

Il en ressort qu'il n'est pas établi que M. [S] était le seul facteur exerçant au sein [Adresse 15] de l'Epi d'Or. En effet, le contrat de travail produit ne mentionne pas la tournée de M. [S], de sorte qu'il ne peut en être déduit qu'il était le seul à opérer dans le quartier. En outre, si M. [S] atteste être le seul facteur à distribuer le courrier, il n'exclut pas qu'il existe des facteurs distribuant des colis dans cette zone qui aurait pu être sollicités par le commissaire de justice.

Il en résulte que la SASU Taylor Brown échoue à rapporter la preuve d'un faux concernant cette première mention.

S'agissant de la seconde mention « personne n'est présent ou ne répond à mes appels », la société Taylor Brown produit les enregistrements du système de vidéoprotection de son siège social ainsi que les relevés de toutes les lignes téléphoniques de la société aux fins d'attester que le commissaire de justice ne s'est pas rendu sur place ou n'a passé aucun appel.

La cour relève que la pièce produite relative aux enregistrements vidéo ne sont pas des preuves probantes. En effet, il ressort de la pièce 5 du requérant intitulée « journal des événements (logs) des caméras de vidéoprotection » qu'il s'agit en réalité d'un tableau d'alarme et de « traversée » qui n'établit aucunement si une personne se trouvait devant la grille de l'établissement le 10 mars 2025 pendant la journée. La cour souligne par ailleurs, qu'il est interdit de filmer l'espace public, de sorte que les vidéos n'ont pu filmer le passage du commissaire de justice. Concernant les relevés téléphoniques, la cour constate que les pièces produites sont en partie masquées avec des lignes volontairement noircies, et qu'il est bien fait état d'un appel entrant de 24 secondes qui n'aurait pas été pris par la société. Il en ressort que l'intégrité des données produite n'est pas certifiée et ne prouve pas que le commissaire de justice n'aurait pas téléphoné à la société. La SASU Taylor Brown échoue ainsi à rapporter la preuve d'un faux concernant cette seconde mention.

Par conséquent, il n'est pas établi que le procès-verbal dressé par Me [L] [D] est un faux.

Les dépens suivront ceux de l'appel principal.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande d'inscription en faux du procès-verbal de signification du 10 mars 2025

Dit que les dépens suivront ceux de l'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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