CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 5 novembre 2025, n° 24/04090
TOULOUSE
Arrêt
Autre
05/11/2025
ARRÊT N° 25/ 429
N° RG 24/04090
N° Portalis DBVI-V-B7I-QWNN
LI - SC
Décision déférée du 06 Décembre 2024
TJ de [Localité 15] - 24/01226
C. LOUIS
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 05/11/2025
à
Me Alexandre DELORD
Me Brigitte LAYANI-AMAR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
Madame [I] [O]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentée par Me Alexandre DELORD, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIME
Monsieur [Y] [V]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Brigitte LAYANI-AMAR de la SCP D'AVOCATS F. DOUCHEZ - LAYANI-AMAR, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant L. IZAC, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. DEFIX, président
A.M ROBERT, conseillère
L. IZAC, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSE DU LITIGE
En 2015, Mme [I] [O] et M. [Y] [V], mariés sous le régime de la séparation de biens, ont fait construire par la Sas [V] [Y] et Frère une maison d'habitation sur un terrain leur appartenant indivisément, sis [Adresse 2] (31), cadastré section [Cadastre 11], n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Aux termes de l'état liquidatif reçu le 25 septembre 2017 par Me [J] [F], notaire associé à [Localité 14] (31), dans le cadre du divorce par consentement mutuel des époux, Mme [O] a été notamment désignée attributaire de cet ensemble immobilier.
Par acte authentique reçu le 18 juin 2020 par Me [U] [K], notaire à [Localité 13] (09), Mme [O] a vendu le bien de [Localité 12] à M. [T] [L] moyennant le prix de 277.000 euros.
Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Foix a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sas [V] [Y] et Frère, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 26 juin 2023 rendu par ce même tribunal.
Se plaignant de divers désordres et malfaçons, M. [L] a, par acte du 9 août 2023, fait assigner Mme [I] [O] et la Sas [V] [Y] et Frère devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a fait droit à sa demande et a désigné M. [P] [A] en qualité d'expert.
Par acte du 11 juin 2024, Mme [O] a fait assigner M. [V], en qualité de constructeur, afin de voir les opérations d'expertise lui être déclarées communes et opposables.
Par une ordonnance du 6 décembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a :
- rejeté l'appel en cause ;
- condamné Mme [O] à verser à M. [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [O] aux dépens de l'instance.
Le juge des référés a estimé que, si M. [V] était certes le conjoint de Mme [O] au moment de la construction, celle-ci a été réalisée par la Sas [V] [Y] et Frère, laquelle est déjà dans la cause tandis que, d'une part, seule l'assurance de responsabilité civile décennale de cette dernière devait être discutée, ce qui n'était pas le cas et, d'autre part, aucun des autres arguments soulevés par Mme [O] ne permettait de faire droit à l'appel en cause de son ex-conjoint.
Mme [O] a formé appel le 20 décembre 2024, désignant M. [V] en qualité d'intimé, et visant dans sa déclaration l'ensemble des dispositions de l'ordonnance de référé.
Selon avis d'orientation du 31 janvier 2025, l'affaire a été fixée à bref délai selon les modalités de l'article 905 du code de procédure civile.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions du 22 juillet 2025, Mme [I] [O], appelante, demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de référé du 6 décembre 2024 en ce qu'elle a :
# rejeté l'appel en intervention forcée à l'égard de M. [V] ;
# condamné Mme [O] à verser à M. [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
# condamné Mme [O] aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau,
- dire l'action recevable ;
- ordonner l'appel en cause en intervention forcée de M. [V] ;
- déclarer communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire ordonnées par ordonnance du 20 octobre 2023, à la requête de M. [L] contre Mme [O], sous le numéro RG 23/01618 ;
y ajoutant,
- condamner M. [V] à payer à Mme [O] la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, civile outre les dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Alexandre Delord.
Au soutien de son appel en cause, elle fait valoir qu'il ressort du pré-rapport d'expertise que certains désordres allégués par M. [L] sont susceptibles d'engager sa responsabilité décennale et qu'à ce titre, elle dispose de plusieurs actions récursoires à l'encontre de M. [V] tenant, d'une part, à la garantie des lots pesant sur les copartageants (article 884 du code civil) et, d'autre part, à la garantie décennale applicable au co-constructeur cessionnaire du bien (article 1792-1 2° du code civil).
Elle ajoute que l'extension de la mesure d'expertise à M. [V] permettra d'éclairer le juge éventuellement saisi au fond sur les conséquences de la garantie due à Mme [O] par son ex-conjoint.
Par dernières conclusions du 25 avril 2025, M. [Y] [V], intimé, demande à la cour, au visa des articles 514 et suivants du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance du 6 décembre 2024, dont appel, sauf à ajouter les frais irrépétibles d'appel ;
in limine litis
- déclarer et juger l'incompétence de la juridiction des référés ;
- rejeter l'action et les demandes d'appel en cause à l'encontre de M. [V] ;
en tout état de cause
- constater l'absence de mise en cause de l'assurance décennale constructeur ;
- constater l'absence de mise en cause des entreprises mandatées par Mme [O] à l'acte de construire de 2017 à 2019 ;
- constater la clôture définitive de la Sas [Y] [V] et frère, par jugement définitif du 27 juin 2023 ;
en conséquence,
- prononcer l'irrecevabilité et la nullité de l'action et des demandes engagées par Mme [O], à l'encontre de M. [Y] [V], par assignation du 16 juin 2024 ;
- débouter Mme [O] de son action et de toutes ses demandes, à l'encontre de M. [V] ;
- condamner Mme [O] en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, en paiement d'une somme de 1.500 euros, au titre des frais irrépétibles en 1ère instance et une somme de 2.000 euros pour ceux d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens ;
très subsidiairement, et dans le cas improbable où la juridiction des référés déclarerait recevable les présentes actions et demandes ;
- donner acte à M. [V] de ce qu'il émet les plus expresses protestations d'usage et réserves de responsabilité ;
- juger que les frais d'expertise seront à la charge exclusive du demandeur principal.
M. [V] fait valoir que le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner sa mise en cause dans la mesure où sa responsabilité ne peut être engagée puisqu'il n'est pas le constructeur de la maison et qu'après qu'elle en soit devenue attributaire, Mme [O] a fait réaliser d'importants travaux sur le bien.
Il oppose également le fait que les demandes de Mme [O] à son égard sont nulles et irrecevables parce qu'elles se rattachent à une instance engagée le 9 août 2023 à l'encontre de la Sas [V] [Y] et Frère, laquelle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée le 27 juin 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 septembre 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du même jour.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en intervention forcée formée par Mme [O]
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il est de principe que ce texte n'exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée (Cass. Civ.(2e), 4 novembre 2021, n°21-14.023).
Il convient en revanche que l'action au fond ne soit pas manifestement vouée à l'échec et que la mesure sollicitée soit utile et améliore la situation probatoire des parties.
Ces mêmes conditions s'appliquent à l'examen d'une demande en intervention forcée destinée à rendre communes et opposables à une tierce partie des opérations d'expertise précédemment ordonnées.
* Aux termes du 1er alinéa de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Selon les dispositions de l'article 1792-1 2°, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est réputée constructeur.
L'article 1542 du code civil rend applicable au partage de biens indivis entre époux séparés de biens les règles relatives au partage successoral.
Selon les dispositions de l'article 884 du code civil, les cohéritiers demeurent respectivement garants, les uns envers les autres, des troubles et évictions seulement qui procèdent d'une cause antérieure au partage.
En l'espèce, il est constant que le bien vendu à M. [L] par Mme [O] a été construit, à la demande de Mme [O] et M. [V], par la Sas [V] [Y] et Frère et non par M. [V], quand bien même il était alors dirigeant de ladite société.
De sorte qu'il ne peut être considéré comme constructeur au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil.
Par ailleurs, l'éventuelle action récursoire qu'invoque Mme [O] à l'encontre de M. [V] apparaît manifestement vouée à l'échec au regard des fondements juridiques qu'elle invoque.
D'une part, la garantie entre-copartageants prévue par l'article 884 du code civil a uniquement pour objet les troubles susceptibles d'émaner d'un tiers invoquant un droit concurrent sur le bien et non la garantie décennale fondée sur l'existence de désordres affectant celui-ci.
D'autre part, si l'article 1792-1 2° du code civil met cette même garantie décennale à la charge de toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire, pareille conséquence ne concerne que le seul vendeur du bien. Or, tel n'est pas le cas de M. [V] qui, en vertu de l'acte de partage du 25 septembre 2017, n'était plus propriétaire de la maison de [Localité 12] au jour de sa vente à M. [L] par Mme [O].
De sorte que la garantie décennale attachée à la vente du bien étant étrangère à M. [V], il ne saurait en répondre ni au profit de M. [L], ni au profit de Mme [O].
En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
Sur les demandes de M. [V] autres que la confirmation de l'ordonnance
Les demandes de constat sollicitées par M. [V] sont dépourvues de portée juridique et ne peuvent ainsi constituer des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Par ailleurs, outre le fait qu'elles n'ont pas été présentées devant le premier juge, l'ensemble des prétentions de M. [V] autres que celle tendant à la confirmation de l'ordonnance du 6 décembre 2024 sont devenues d'objet en raison de sa mise hors de cause.
Sur les demandes accessoires
L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en remette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En conséquence, compte tenu de l'économie générale de la présente décision, la totalité des dépens sera supportée par Mme [O] s'agissant de la procédure d'appel.
L'ordonnance du 1er juge sera confirmée s'agissant des dépens de l'instance en référé.
L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée.
En l'espèce, eu égard aux circonstances, il y a lieu de condamner Mme [O] à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros sur ce fondement.
L'ordonnance du 1er juge sera confirmée s'agissant des frais irrépétibles de l'instance en référé.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, et dans les limites de sa saisine,
Confirme l'ordonnance de référé du 6 décembre 2024 en toutes ses dispositions ;
Constate que les demandes de M. [Y] [V] autres que celle tendant à la confirmation de l'ordonnance du 6 décembre 2024 sont devenues sans objet ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [I] [O] aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne Mme [I] [O] à verser à M. [Y] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
.
ARRÊT N° 25/ 429
N° RG 24/04090
N° Portalis DBVI-V-B7I-QWNN
LI - SC
Décision déférée du 06 Décembre 2024
TJ de [Localité 15] - 24/01226
C. LOUIS
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le 05/11/2025
à
Me Alexandre DELORD
Me Brigitte LAYANI-AMAR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
Madame [I] [O]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentée par Me Alexandre DELORD, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIME
Monsieur [Y] [V]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Brigitte LAYANI-AMAR de la SCP D'AVOCATS F. DOUCHEZ - LAYANI-AMAR, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant L. IZAC, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. DEFIX, président
A.M ROBERT, conseillère
L. IZAC, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSE DU LITIGE
En 2015, Mme [I] [O] et M. [Y] [V], mariés sous le régime de la séparation de biens, ont fait construire par la Sas [V] [Y] et Frère une maison d'habitation sur un terrain leur appartenant indivisément, sis [Adresse 2] (31), cadastré section [Cadastre 11], n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Aux termes de l'état liquidatif reçu le 25 septembre 2017 par Me [J] [F], notaire associé à [Localité 14] (31), dans le cadre du divorce par consentement mutuel des époux, Mme [O] a été notamment désignée attributaire de cet ensemble immobilier.
Par acte authentique reçu le 18 juin 2020 par Me [U] [K], notaire à [Localité 13] (09), Mme [O] a vendu le bien de [Localité 12] à M. [T] [L] moyennant le prix de 277.000 euros.
Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Foix a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sas [V] [Y] et Frère, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 26 juin 2023 rendu par ce même tribunal.
Se plaignant de divers désordres et malfaçons, M. [L] a, par acte du 9 août 2023, fait assigner Mme [I] [O] et la Sas [V] [Y] et Frère devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 20 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a fait droit à sa demande et a désigné M. [P] [A] en qualité d'expert.
Par acte du 11 juin 2024, Mme [O] a fait assigner M. [V], en qualité de constructeur, afin de voir les opérations d'expertise lui être déclarées communes et opposables.
Par une ordonnance du 6 décembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a :
- rejeté l'appel en cause ;
- condamné Mme [O] à verser à M. [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [O] aux dépens de l'instance.
Le juge des référés a estimé que, si M. [V] était certes le conjoint de Mme [O] au moment de la construction, celle-ci a été réalisée par la Sas [V] [Y] et Frère, laquelle est déjà dans la cause tandis que, d'une part, seule l'assurance de responsabilité civile décennale de cette dernière devait être discutée, ce qui n'était pas le cas et, d'autre part, aucun des autres arguments soulevés par Mme [O] ne permettait de faire droit à l'appel en cause de son ex-conjoint.
Mme [O] a formé appel le 20 décembre 2024, désignant M. [V] en qualité d'intimé, et visant dans sa déclaration l'ensemble des dispositions de l'ordonnance de référé.
Selon avis d'orientation du 31 janvier 2025, l'affaire a été fixée à bref délai selon les modalités de l'article 905 du code de procédure civile.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions du 22 juillet 2025, Mme [I] [O], appelante, demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de référé du 6 décembre 2024 en ce qu'elle a :
# rejeté l'appel en intervention forcée à l'égard de M. [V] ;
# condamné Mme [O] à verser à M. [V] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
# condamné Mme [O] aux dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau,
- dire l'action recevable ;
- ordonner l'appel en cause en intervention forcée de M. [V] ;
- déclarer communes et opposables les opérations d'expertise judiciaire ordonnées par ordonnance du 20 octobre 2023, à la requête de M. [L] contre Mme [O], sous le numéro RG 23/01618 ;
y ajoutant,
- condamner M. [V] à payer à Mme [O] la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, civile outre les dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Alexandre Delord.
Au soutien de son appel en cause, elle fait valoir qu'il ressort du pré-rapport d'expertise que certains désordres allégués par M. [L] sont susceptibles d'engager sa responsabilité décennale et qu'à ce titre, elle dispose de plusieurs actions récursoires à l'encontre de M. [V] tenant, d'une part, à la garantie des lots pesant sur les copartageants (article 884 du code civil) et, d'autre part, à la garantie décennale applicable au co-constructeur cessionnaire du bien (article 1792-1 2° du code civil).
Elle ajoute que l'extension de la mesure d'expertise à M. [V] permettra d'éclairer le juge éventuellement saisi au fond sur les conséquences de la garantie due à Mme [O] par son ex-conjoint.
Par dernières conclusions du 25 avril 2025, M. [Y] [V], intimé, demande à la cour, au visa des articles 514 et suivants du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance du 6 décembre 2024, dont appel, sauf à ajouter les frais irrépétibles d'appel ;
in limine litis
- déclarer et juger l'incompétence de la juridiction des référés ;
- rejeter l'action et les demandes d'appel en cause à l'encontre de M. [V] ;
en tout état de cause
- constater l'absence de mise en cause de l'assurance décennale constructeur ;
- constater l'absence de mise en cause des entreprises mandatées par Mme [O] à l'acte de construire de 2017 à 2019 ;
- constater la clôture définitive de la Sas [Y] [V] et frère, par jugement définitif du 27 juin 2023 ;
en conséquence,
- prononcer l'irrecevabilité et la nullité de l'action et des demandes engagées par Mme [O], à l'encontre de M. [Y] [V], par assignation du 16 juin 2024 ;
- débouter Mme [O] de son action et de toutes ses demandes, à l'encontre de M. [V] ;
- condamner Mme [O] en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, en paiement d'une somme de 1.500 euros, au titre des frais irrépétibles en 1ère instance et une somme de 2.000 euros pour ceux d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens ;
très subsidiairement, et dans le cas improbable où la juridiction des référés déclarerait recevable les présentes actions et demandes ;
- donner acte à M. [V] de ce qu'il émet les plus expresses protestations d'usage et réserves de responsabilité ;
- juger que les frais d'expertise seront à la charge exclusive du demandeur principal.
M. [V] fait valoir que le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner sa mise en cause dans la mesure où sa responsabilité ne peut être engagée puisqu'il n'est pas le constructeur de la maison et qu'après qu'elle en soit devenue attributaire, Mme [O] a fait réaliser d'importants travaux sur le bien.
Il oppose également le fait que les demandes de Mme [O] à son égard sont nulles et irrecevables parce qu'elles se rattachent à une instance engagée le 9 août 2023 à l'encontre de la Sas [V] [Y] et Frère, laquelle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée le 27 juin 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 septembre 2025. L'affaire a été examinée à l'audience du même jour.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en intervention forcée formée par Mme [O]
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il est de principe que ce texte n'exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée (Cass. Civ.(2e), 4 novembre 2021, n°21-14.023).
Il convient en revanche que l'action au fond ne soit pas manifestement vouée à l'échec et que la mesure sollicitée soit utile et améliore la situation probatoire des parties.
Ces mêmes conditions s'appliquent à l'examen d'une demande en intervention forcée destinée à rendre communes et opposables à une tierce partie des opérations d'expertise précédemment ordonnées.
* Aux termes du 1er alinéa de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Selon les dispositions de l'article 1792-1 2°, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est réputée constructeur.
L'article 1542 du code civil rend applicable au partage de biens indivis entre époux séparés de biens les règles relatives au partage successoral.
Selon les dispositions de l'article 884 du code civil, les cohéritiers demeurent respectivement garants, les uns envers les autres, des troubles et évictions seulement qui procèdent d'une cause antérieure au partage.
En l'espèce, il est constant que le bien vendu à M. [L] par Mme [O] a été construit, à la demande de Mme [O] et M. [V], par la Sas [V] [Y] et Frère et non par M. [V], quand bien même il était alors dirigeant de ladite société.
De sorte qu'il ne peut être considéré comme constructeur au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil.
Par ailleurs, l'éventuelle action récursoire qu'invoque Mme [O] à l'encontre de M. [V] apparaît manifestement vouée à l'échec au regard des fondements juridiques qu'elle invoque.
D'une part, la garantie entre-copartageants prévue par l'article 884 du code civil a uniquement pour objet les troubles susceptibles d'émaner d'un tiers invoquant un droit concurrent sur le bien et non la garantie décennale fondée sur l'existence de désordres affectant celui-ci.
D'autre part, si l'article 1792-1 2° du code civil met cette même garantie décennale à la charge de toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire, pareille conséquence ne concerne que le seul vendeur du bien. Or, tel n'est pas le cas de M. [V] qui, en vertu de l'acte de partage du 25 septembre 2017, n'était plus propriétaire de la maison de [Localité 12] au jour de sa vente à M. [L] par Mme [O].
De sorte que la garantie décennale attachée à la vente du bien étant étrangère à M. [V], il ne saurait en répondre ni au profit de M. [L], ni au profit de Mme [O].
En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
Sur les demandes de M. [V] autres que la confirmation de l'ordonnance
Les demandes de constat sollicitées par M. [V] sont dépourvues de portée juridique et ne peuvent ainsi constituer des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Par ailleurs, outre le fait qu'elles n'ont pas été présentées devant le premier juge, l'ensemble des prétentions de M. [V] autres que celle tendant à la confirmation de l'ordonnance du 6 décembre 2024 sont devenues d'objet en raison de sa mise hors de cause.
Sur les demandes accessoires
L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en remette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En conséquence, compte tenu de l'économie générale de la présente décision, la totalité des dépens sera supportée par Mme [O] s'agissant de la procédure d'appel.
L'ordonnance du 1er juge sera confirmée s'agissant des dépens de l'instance en référé.
L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée.
En l'espèce, eu égard aux circonstances, il y a lieu de condamner Mme [O] à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros sur ce fondement.
L'ordonnance du 1er juge sera confirmée s'agissant des frais irrépétibles de l'instance en référé.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, et dans les limites de sa saisine,
Confirme l'ordonnance de référé du 6 décembre 2024 en toutes ses dispositions ;
Constate que les demandes de M. [Y] [V] autres que celle tendant à la confirmation de l'ordonnance du 6 décembre 2024 sont devenues sans objet ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [I] [O] aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne Mme [I] [O] à verser à M. [Y] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
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