Cass. com., 13 novembre 2025, n° 23-22.879
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 13 novembre 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 558 FS-B
Pourvois n°
U 23-22.879
E 23-23.855 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 NOVEMBRE 2025
I- Le président du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-22.879 contre un arrêt n° RG 21/21143 rendu le 26 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Gazonor, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société GRTgaz, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
II- La Société GRTgaz, société anonyme, a formé le pourvoi n° E 23-23.855 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Gazonor, société par actions simplifiée,
2°/ au président du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS),
3°/ à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dont le siège est [Adresse 1],
4°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur au pourvoi U 23-22.879 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi E 23-23.855 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du président du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société GRTGaz, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Gazonor, et l'avis de Mme Luc, première avocate générale, après débats en l'audience publique du 23 septembre 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Michel-Amsellem, Sabotier, Tréfigny, M. Bailly, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, Jallut, de Naurois, conseillers référendaires, Mme Luc, première avocate générale, et Mme Labat, greffière de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du président et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 23-22.879 et 23-23.855 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 octobre 2023), le 16 février 2012, les sociétés Gazonor et GRTgaz ont conclu un contrat ayant notamment pour objet l'injection par la première de gaz de mine dans le réseau de transport de gaz naturel géré par la seconde.
3. Le 15 mars 2021, soutenant que des limitations à l'injection de gaz de mine lui étaient indûment imposées par la société GRTgaz, la société Gazonor a saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (le CoRDiS) d'une demande de règlement de différend.
4. Par une décision n° 08-38-21 du 4 novembre 2021 (la décision), le CoRDiS a fait droit à l'une des demandes de la société Gazonor et ordonné à la société GRTgaz de lui proposer un avenant au contrat d'injection contenant une clause l'obligeant à lui fournir les informations sur les volumes injectables mensuels de gaz de mine.
5. La société GRTgaz a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Paris.
Examen du moyen
Sur le premier moyen du pourvoi n° 23-22.879
Enoncé du moyen
6. Le président du CoRDiS fait grief à l'arrêt de rejeter des débats les observations de la Commission de régulation de l'énergie (la CRE), alors « que, pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à la CRE, le président de la CRE et le président du CoRDiS ont respectivement qualité pour agir en justice au nom du collège et au nom du comité ; que le CoRDiS dispose d'une compétence exclusive en matière de règlement de différends ; qu'en cas de recours en annulation ou en réformation contre une décision de règlement de différend du CoRDiS, la CRE doit être en mesure de présenter des observations devant la cour d'appel de Paris ; que le président de la CRE et le président du CoRDiS peuvent former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de règlement de différend prise par le CoRDiS et peuvent présenter des observations devant la Cour de cassation ; qu'il s'ensuit que le président du CoRDiS, qui peut former un pourvoi contre un arrêt ayant réformé une décision du CoRDiS ou présenter des observations sur un pourvoi, a nécessairement qualité à agir pour présenter des observations à l'occasion des recours dirigé contre des décisions de règlement de différend du CoRDiS devant la cour d'appel et peut donc représenter la CRE à cet effet ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 132-1, L. 134-19, L. 134-21, L. 134-24 et R. 134-24 du code de l'énergie. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. La société Gazonor conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le président du CoRDiS n'a pas qualité pour représenter la CRE et qu'il est sans intérêt à critiquer le chef de dispositif rejetant des débats les observations de cette dernière.
8. Cependant, l'article L. 134-24 du code de l'énergie confère au président du CoRDiS le droit de former un pourvoi en cassation contre les arrêts de la cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de règlement des différends prise par le CoRDiS et de présenter des observations devant la Cour de cassation.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 132-1, L. 134-19 et R. 134-24 du code de l'énergie :
10. Selon le premier de ces textes, la Commission de régulation de l'énergie, autorité administrative indépendante, comprend un collège et un comité de règlement des différends et des sanctions. Hormis les cas d'attributions confiées expressément au comité de règlement des différends et des sanctions, les attributions confiées à la Commission ou à son président sont respectivement exercées par le collège ou par son président. Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à la Commission, le président du collège et le président du comité ont qualité pour agir en justice respectivement au nom du collège et au nom du comité.
11. Il résulte du deuxième que le CoRDiS est compétent pour statuer sur les différends portant sur les conditions d'accès et d'utilisation des réseaux de transports de gaz naturel.
12. Selon le troisième, la cour d'appel de Paris, compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions de règlement de différends prises par le CoRDiS, statue après que les parties et la CRE ont été mises à même de présenter leurs observations.
13. Il résulte de la combinaison de ces textes que le président du CoRDiS agit au nom de la CRE pour tous les actes qui se rattachent à la mission de règlement des différends prévue à l'article L. 134-19 du code de l'énergie. La présentation d'observations devant la cour d'appel de Paris, saisie d'un recours contre une décision de règlement de différend prise par le CoRDiS, participe de l'accomplissement de cette mission. Par exception, l'article L. 134-24 du même code a également reconnu au président du collège le pouvoir de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de règlement de différend et de présenter des observations devant la Cour de cassation.
14. Pour rejeter des débats les observations de la CRE, l'arrêt retient que la présentation d'observations par celle-ci devant la cour d'appel ne relève pas du pouvoir d'« agir en justice au nom du comité » mentionné à l'article L. 132-1, dernier alinéa, du code de l'énergie et, par conséquent, que c'est au seul président de la CRE qu'il appartient de présenter des observations devant la cour d'appel, de sorte que les observations signées par le président du CoRDiS sont irrecevables et doivent être écartées des débats.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 23-22.879 et sur le pourvoi n° 23-23.855, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Gazonor aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gazonor et la condamne à payer au président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie et à la société GRTgaz, à chacun, la somme de 5 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le treize novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.