CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 6 novembre 2025, n° 25/00747
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 6 NOVEMBRE 2025
(n° / 2025, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00747 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTP4
Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation du 23 octobre 2024 (Arrêt - n° 598 F-D) de l'arrêt du 16 mai 2023 de la chambre 8 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris ( RG 21/1163) sur appel de l'ordonnance du 31 décembre 2020 du juge commissaire du Tribunal de commerce de Paris ( RG P201901644)
APPELANT
Monsieur [T] [I]
Né le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 13] (ALGERIE)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 11]
Représenté par Me Audrey LAZIMI de la SELEURL AUDREY LAZIMI AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, toque : L0245,
Assisté de Me Richard RONDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque E 878,
INTIMÉES
S.C.I. PROMOLOIRE [Localité 12] 2, prise en la personne de son gérant, Monsieur [O] [L], domicilié en cette qualité audit siège.
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'ORLEANS sous le numéro 424 844 801,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Maître [P] [F] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la S.C.I PROMOLOIRE [Localité 12] 2.
Dont l'étude est située [Adresse 8]
[Localité 9]
Immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° 832 377 691
S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [J] [G] en qualité de mandataire judiciaire de la S.C.I PROMOLOIRE [Localité 12] 2.
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 10]
Représentées par Me Nathalie BOUDÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,
Assistées de Me Dominique BOUTIERE, avocat au barreau de PARIS, toque L 168,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le [Date décès 2] 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre,
Madame Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère,
Madame Caroline TABOUROT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Valentin HALLOT
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, et par Madame Yvonne TRINCA, présente lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
M. [K] [H] exerçait en nom personnel une activité de promotion immobilière sous l'enseigne [M]. Il était également associé gérant de plusieurs sociétés, qui intervenaient directement ou indirectement dans le cadre des opérations de promotion- construction de [M].
M. [K] [H] est décédé le [Date décès 2] 2016 et ses héritiers étaient son épouse Mme [A] [W] et son fils, M. [O] [H].
M. [I] intervenait depuis 1979 auprès de M. [H] en tant que comptable et conseiller financier. En 2018, la comptabilité du groupe a été confiée au cabinet Cogeed.
Par jugements du 25 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la succession de M. [H] et des sociétés du groupe [M], à savoir la SARL La Hutterie, la SARL Le Renouveau, les SCI La Sulpicienne, Les Jardins de Montargis, Méliès Montreuil, Du Moulin, Promoloire [Localité 12] 2, Montrep, La Nemourienne, Colombes, Bois Colombes Pelletier, [Localité 12] Transit, De La Gare et Pyrénées, et la SNC Patripro.
La SELARL BCM, prise en la personne de Me [F], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [S], en qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de ces différentes procédures.
Le 2 août 2019, M. [I] a déclaré des créances d'honoraires au passif des sociétés du groupe, et de la succession [H], pour un montant total de 9 762 218,91 euros.
Par ordonnances du 31 décembre 2020, le juge-commissaire a rejeté l'ensemble des créances déclarées par M. [I], faute de justificatifs et a rendu autant d'ordonnance que de sociétés débitrices concernées ainsi que dans la succession [H].
Par déclarations du 15 janvier 2021, M. [I] a fait appel de chacune de ces ordonnances.
La présente procédure a trait à l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté la créance déclarée au passif de la SCI Promoloire [Localité 12] 2 pour un montant de 15 720 euros.
Par jugements du 5 mai 2021, le tribunal a arrêté un plan de redressement par voie de continuation d'une durée de dix ans de chacune des personnes sous procédure, désigné la SELARL BCM, prise en la personne de Me [F], en qualité de commissaire à l'exécution du plan et maintenu la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [S], en qualité de mandataire judiciaire jusqu'à la fin de la procédure de vérification des créances et le compte-rendu de fin de mission.
La SELARL BCM est intervenue volontairement en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Mme [W] épouse [H] est décédée le [Date décès 7] 2022, laissant pour lui succéder son fils.
Par arrêt du 16 mai 2023, la cour d'appel de Paris a notamment dit que la contestation soulevée par la société Promoloire [Localité 12] 2 à l'égard de la créance déclarée à son passif par M. [I] ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge de la vérification des créances, et invité M. [I] à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, à peine de forclusion.
La société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM ès-qualités et la SELAFA MJA ès-qualités ont formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 mai 2023 pour violation du principe de la contradiction pour n'avoir pas invité les parties à présenter leurs observations sur le caractère sérieux relevant de la prescription et de l'existence même de la créance de M. [I], et a renvoyé les parties devant la même cour autrement composée.
Par déclaration du 10 décembre 2024, M. [I] a saisi la cour d'appel de Paris.
Par jugement du 25 février 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a notamment sursis à statuer, dans l'attente de la décision de la cour d'appel à intervenir.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2025, M. [I] demande à la cour de :
Infirmer l'ordonnance du tribunal de commerce (sic) de Paris du 31 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Et jugeant à nouveau :
Constater que l'existence et l'étendue des prestations réalisées par M. [I] au profit de la société Promoloire [Localité 12] 2 sont parfaitement avérées ;
Constater que M. [H] était parfaitement au fait de l'état de la créance de M. [I] qu'il n'a jamais contesté ;
En conséquence,
Constater l'absence de contestation sérieuse de la créance de 15 720 euros au redressement judiciaire de la société Promoloire [Localité 12] 2;
Ordonner l'inscription de la créance susvisée au passif de la société Promoloire [Localité 12] et son règlement ;
Condamner solidairement la société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL BCM en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement et la SELAFA Mandataire Judiciaires MJA en qualité de mandataire judiciaire, à verser à M. [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner solidairement la société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL BCM en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement et la SELAFA Mandataire Judiciaires MJA en qualité de mandataire judiciaire, aux entiers dépens.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 avril 2025, la société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM, ès-qualités, et la SELAFA MJA, ès-qualités, demandent à la cour de :
Débouter Monsieur [I] de son appel ;
Le déclarer mal fondé ;
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Vu le décès de Madame [A] [W], veuve [H], et l'acte de notoriété,
Déclarer sans objet la créance n° 40 d'un montant de 4 180 870€ au redressement judiciaire de Madame [A] [W], veuve [H] ;
Vu la prescription et l'absence de caractère sérieux et justifié des créances suivantes déclarées par M. [I],
Rejeter la demande de Monsieur [I] d'admission des créances au redressement judiciaire des entités suivantes :
4 180 870 € au redressement judiciaire de Mme [A] [W] (créance n°40)
4 180 870 € au redressement judiciaire de M. [O] [H] (créance n°46)
74 400 € au redressement judiciaire de la SARL La Hutterie (créance n°9)
43 200 € au redressement judiciaire de la SCI La Sulpicienne (créance n°16)
44 400 € au redressement judiciaire de la SCI Les Jardins de Montargis (créance n°9)
121 200 € au redressement judiciaire de la SCI Méliès Montreuil (créance n°13)
57 600 € au redressement judiciaire de la SCI Du Moulin (créance n°16)
15 720 € au redressement judiciaire de la SCI Promoloire [Localité 12] 2 (créance n°9)
92 400 € au redressement judiciaire de la SCI Montrep (créance n°20)
55 548 € au redressement judiciaire de la SCI La Nemourienne (créance n°9)
15 600 € au redressement judiciaire de la SCI Colombes (créance n°9)
126 033,55 € au redressement judiciaire de la SCI Bois Colombes Pelletier (créance n°2)
155 177,16 € au redressement judiciaire de la SCI [Localité 12] Transit (créance n°13)
22 400 € au redressement judiciaire de la SCI Pyrénées (créance n°10)
238 560 € au redressement judiciaire de la SARL Le Renouveau (créance n°22)
175 200 € au redressement judiciaire de la SNC Patripro (créance n°13)
163 040,20 € au redressement judiciaire de la SCI de la Gare (créance n°17)
Débouter Monsieur [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;
Condamner Monsieur [I] à payer aux intimés la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Subsidiairement,
Vu la saisine du Tribunal des Affaires Economiques de Paris,
Surseoir à statuer jusqu'au prononcé du jugement à intervenir.
*****
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juillet 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
M. [I] soutient qu'il intervenait depuis 1979 auprès de M. [H] avec lequel il entretenait une relation de confiance mutuelle, et que ce dernier n'a jamais remis en question l'existence comme l'étendue des prestations réalisées au profit des sociétés du groupe [M] en redressement. Il ajoute que M. [H] lui donnait des instructions essentiellement orales, que l'établissement d'une lettre de mission n'était à l'époque pas obligatoire, et qu'un contrat s'est tacitement formé dès lors qu'il a été rémunéré pour ses prestations. En outre, M. [I] explique avoir accepté de reporter sa facturation tout en provisionnant les sommes sur les comptes des sociétés concernées, afin de ne pas alourdir une trésorerie déjà fragile. Il considère que la preuve des prestations réalisées ressort de ses échanges électroniques avec M. [H] ainsi que des télédéclarations de TVA déposées par son cabinet, et soutient que les tableaux, qu'il verse aux débats, résument les honoraires pour l'ensemble des prestations effectuées pour les sociétés du groupe.
Pour justifier du montant réclamé, il précise que la lisibilité des comptes du groupe était parfois complexe car les sociétés de M. [H] avaient des régimes d'imposition différents, et que leurs résultats étaient consolidés au niveau de l'entreprise individuelle de M. [H] dont les taux de participation ont évolué au cours des années. M. [I] fait valoir qu'il ne se contentait pas d'effectuer un travail d'expertise-comptable, mais qu'il réalisait aussi des prestations juridiques qui justifient le montant de ses honoraires. Il s'appuie également sur un projet de protocole d'accord élaboré le 4 mars 2016, portant sur le règlement des prestations déjà réalisées et une convention d'assistance signée avec M. [H], qui témoigne de la volonté de ce dernier d'étendre sa mission comme de ses honoraires. Une facture de 3 000 000 euros a été émise le 15 avril 2016 afin de régulariser la situation des créances de M. [I], et a repris les provisions inscrites pour un montant de 420 000 euros TTC au titre des années 2005 à 2015.
La société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM, ès-qualités, et la SELAFA MJA, ès-qualités, soutiennent à titre principal que le juge-commissaire avait toute compétence pour statuer car il a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances contestées, sauf instance en cours. Elles ajoutent que même lorsqu'il constate l'existence d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, il demeure compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance. Or, elles exposent qu'il n'a jamais été contesté que M. [I] effectuait des prestations d'expertise-comptable pour le compte de M. [H], que le juge-commissaire a simplement tranché la question de savoir si la créance de M. [I] était justifiée, et qu'il l'a rejetée en dehors de toute contestation sérieuse aux motifs notamment de l'absence de lettre de mission et de l'opacité du libellé des factures.
A titre subsidiaire, les intimées répliquent qu'il ressort de l'audit fait par le cabinet d'expertise comptable Cogeed qu'au 31 décembre 2017, les dettes comptabilisées à l'égard du cabinet de M. [I] s'élevaient à la somme de 6 267 685 euros. Ce montant se composerait de la somme de 2 086 815 euros correspondant à des provisions pour « factures non parvenues », et de la somme de 4 180 870 euros comptabilisée dans un compte fournisseur, dont la somme de 3 420 000 euros dans l'indivision [M] enregistrée en « opérations diverses ». Elles soutiennent que les sommes de 1 498 457 euros et de 293 000 euros ont été respectivement réglées à M. [I] entre 1980 et 2016, et 2016 et 2019.
Par ailleurs, elles font valoir que les créances antérieures à l'exercice de 2017 sont prescrites sur le fondement de l'article L.218-3 du code de la consommation, qui pose un délai de prescription de 2 ans courant à compter de la déclaration de créance, effectuée en l'espèce le 2 août 2019 et ajoutent subsidiairement que les créances antérieures à 5 ans sont prescrites sur le fondement du droit commun. La provision des honoraires de M. [I] à chaque exercice n'est pas un acte interruptif de prescription, et qu'en l'absence de lettre de mission ou de mandat de représentation, l'inscription en comptabilité ne constitue pas une reconnaissance de dette qui serait de nature à interrompre la prescription. Elles en concluent que ces créances sont prescrites et doivent être rejetées.
Concernant les créances non prescrites, ces dernières ne sont pas prouvées car les prestations qui auraient été effectuées ne font pas toutes l'objet d'une facturation. Les factures non parvenues pour un montant total de 2 086 815 euros n'ont été ni établies ni émises, et aucun élément ne permet d'établir la réalité des créances puisque la date des prestations, leur dénomination ou leur prix unitaire hors TVA sont inconnus. En outre, le contrat d'assistance signé en mars 2016 ne permet pas d'asseoir la facturation de prestations qui auraient été effectuées antérieurement, que les factures postérieures à sa conclusion ont été entièrement réglées, et que le protocole d'accord invoqué par l'appelant a été refusé par M. [H]. Elles font également valoir que des prestations auraient été comptabilisées au titre des années 2016 et 2017 pour les sommes respectives de 102 000 euros et 85 920 euros, alors que la convention d'assistance pour l'ensemble du groupe, mise en place dès mars 2016, s'établirait sur la base de facturations annuelles de 72 000 euros. Plusieurs règlements d'un montant total de 814 838 euros ont été perçus par M. [I] mais n'ont pas été comptabilisés, et qu'en l'absence de lettre de mission et de facturation détaillée, il est impossible de savoir à quoi correspondent certains montants déclarés qu'ils jugent excessifs. Ils concluent que ces créances doivent être rejetées.
Enfin, les intimées font valoir que la réalité de la créance déclarée au redressement judiciaire de la société Promoloire [Localité 12] 2 n'est pas établie. Elles soutiennent que les synthèses établies par M. [I] font apparaître des prestations réalisées pour une somme totale de 7 092 euros, alors que la comptabilité dressée par M. [I] fait apparaître au 31 décembre 2017 des factures non parvenues pour un montant de 15 183 euros, sur une période allant de 2000 à 2017. Elles soulignent que M. [I] a établi une facture le 5 mars 2019 de 15 720 euros et qu'il n'a pas comptabilisé les règlements réalisés par d'autres sociétés du groupe pour le paiement des charges de la société Promoloire [Localité 12] 2. Elles en concluent que la réalité de la créance déclarée n'est pas établie, faute pour M. [I] de pouvoir justifier de l'imputation des règlements reçus à laquelle il a procédé pour se rémunérer sur les sociétés générant des revenus.
Sur ce,
Il convient au préalable de mettre hors de cause la SARL BCM prise en la personne de Me [P] [F] en qualité d'administrateur judiciaire, sa mission ayant pris fin, et de la recevoir en son intervention volontaire en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Également dans le dispositifs de leurs conclusions, les intimées demandent que « Vu le décès de Madame [A] [W], veuve [H], et l'acte de notoriété,
Déclarer sans objet la créance n° 40 d'un montant de 4 180 870€ au redressement judiciaire de Madame [A] [W], veuve [H] ».
A défaut de motivation dans le corps de leurs écritures, cette demande est étrangère à la présente procédure qui statue sur la créance de la SCI Promoloire [Localité 12] 2, elle sera par conséquent rejetée.
L'article L.624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance au jour du jugement d'ouverture et il n'y a discussion de la créance, au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d'ouverture.
En l'espèce, M. [I] a déclaré la somme de 15 720 euros à titre définitif au passif de la SCI Promoloire [Localité 12] 2.
Cette somme a fait l'objet d'une contestation de la part du débiteur dans le cadre des opérations de vérification de créance pour les motifs suivants « d'une part, la société ne reconnaît pas l'existence de cette créance dans la mesure où elle n'apparaît pas en tant que dette en ses livres comptables. D'autre part, l'absence de justification des prestations réalisées ne permet pas l'admission de la créance en l'état ».
Il appartient au créancier de rapporter la preuve de l'existence de sa créance lorsque celle-ci est contestée en vue de son admission au passif du débiteur.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'article 1353 du code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il n'est pas contesté que M. [I] a été l'expert-comptable de M. [H] et des sociétés de son groupe. Cependant, il lui appartient de rapporter la preuve de sa créance au sein de la présente procédure qu'il a déclaré pour un montant de 15 720 euros TTC.
M. [I] affirme qu'il ne dispose d'aucun contrat écrit pour en justifier puisqu'il était avec M. [H] dans une relation de confiance mutuelle. Seule une convention d'assistance a été signée le 4 mars 2016 mais il y est stipulé à l'article 4 que « Monsieur [T] [I] aura droit à la rémunération de ses services, selon des modalités de calcul et de dates de règlement qui seront fixées d'un commun accord », de sorte qu'elle ne peut justifier à elle seule le paiement des honoraires demandés dans le cadre de la procédure de vérification du passif de la société Promoloire [Localité 12] 2. En outre, la cour relève que la créance déclarée vise des prestations effectuées pour l'essentiel avant 2016.
Il fait également état d'un projet de protocole du 4 mars 2016 où M. [H] reconnaîtrait une dette de 4 250 000 euros à la date du 31 décembre 2014 mais ce projet n'est pas signé par M. [H]. Ce projet est le fondement de sa facture N°16GCS062&063 d'un montant de 3 420 000 euros (pièce 18 de M. [I]) aux termes duquel il mentionne : « la présente note régularise la situation de mes honoraires pour la période courant jusqu'au 31 décembre 2014, selon le décompte qui vous a été présenté dans les dossiers d'analyse de mes prestations en Janvier et Avril 2015, repris dans le Protocole d'accord en date du 4 Mars 2016 qui vous a été remis le même jour en même temps que la convention d'assistance.
Cette facture régularise également les provisions inscrites dans votre comptabilité pour un montant de 420.000,00 euros TTC et relatives aux années 2005 à 2015 incluses ». Aucun document n'y est annexé.
Il s'ensuit que la facture N°16GCS062&063 émise par M. [I] est mal fondée et n'a pu être acceptée par la société débitrice SCI Promoloire [Localité 12] 2 qui d'ailleurs n'est aucunement visée par cette facture adressée à « PROMORE, Monsieur [K] [H] ».
Le 5 mars 2019, M. [I] émet une autre facture n°19GCS099 d'un montant de 15 720 euros TTC où il est mentionné « pour faire suite à la proposition de protocole transmise par mon avocat, Maître RONDOUX, à votre avocat Maître Dominique BOUTIERE, le 28 janvier, restée sans réponse, je vous adresse la présente facture récapitulative des Honoraires dus à mon Cabinet au 31/12/2017 par la SCI Promoloire [Localité 12] 2».
Cette facture est le fondement de la créance déclarée dans la présente procédure.
Pour justifier de son montant y est annexé un document du 31 décembre 2016, intitulé [Localité 12] 2, Factures non parvenues où est listé sur un compte 6226000, plusieurs libellés « HONO FCB » de 2000 à 2016 pour un montant de 14 462,94 euros et sur un autre compte 6228000 plusieurs « frais de gestion promore » de 2000 à 2016 pour un montant de 5 397,67 euros.
Il en résulte, d'une part que M. [I] demande le paiement de factures qualifiées selon ses propres termes de « non parvenues » à savoir le paiement de prestations n'ayant pas fait jusqu'alors l'objet de factures. Il s'en déduit qu'elles n'ont donc pas été portées à la connaissance de la société débitrice. D'autre part, la cour relève que certaines prestations sont très anciennes puisqu'elles remontent à 2000 et qu'elles sont prescrites. Il est en effet largement admis que l'émission d'une facture n'est pas interruptive de délai et ne saurait être considérée comme un élément constitutif de la prestation dont le paiement est réclamé. Et enfin, les imputations des règlements reçus, auxquelles M. [I] a lui-même procédé pour se régler et justifier de compensations, ne sont pas justifiées et ce, alors qu'il est établi qu'au sein du groupe [M], les sociétés générant des revenus supportaient la charge des sociétés n'en générant pas.
De telles contestations, qui ont trait à la prescription et à l'existence même de tout ou partie de la créance revêtent un caractère sérieux et leur appréciation excède le pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances de sorte qu'il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise.
M. [I], ayant déjà saisi le juge compétent pour faire établir l'existence et le montant de sa créance, la cour n'a pas à l'inviter à saisir le tribunal des activités économiques.
Dans l'attente de la décision du tribunal, la cour sursoit à statuer.
Chacune des parties gardera à sa charge les frais qu'elle a elle-même engagées, la cour déboute en conséquent leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont à la charge de M. [I].
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant contradictoirement,
Met hors de cause la SARL BCM prise en la personne de Me [P] [F] en qualité d'administrateur judiciaire ;
Reçoit en son intervention volontaire la SARL BCM, prise en la personne de Me [P] [F], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Rejette la demande des intimées de déclarer sans objet la créance n° 40 d'un montant de 4 180 870€ au redressement judiciaire de Madame [A] [W], veuve [H] ;
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que la contestation soulevée par la SCI Promoloire [Localité 12] 2 à l'égard de la créance déclarée à son passif par M. [T] [I] ne relève pas des pouvoirs juridictionnels du juge de la vérification des créances ;
Sursoit à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des activités économiques de Paris déjà saisi par M. [T] [I];
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;
Dit que les dépens seront à la charge de M. [I].
Ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour, dit que l'affaire sera rétablie à l'initiative de la partie la plus diligente et dit qu'en cas de rétablissement de l'affaire, elle sera instruite sous le contrôle du conseiller de la mise en état.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 6 NOVEMBRE 2025
(n° / 2025, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00747 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTP4
Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation du 23 octobre 2024 (Arrêt - n° 598 F-D) de l'arrêt du 16 mai 2023 de la chambre 8 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris ( RG 21/1163) sur appel de l'ordonnance du 31 décembre 2020 du juge commissaire du Tribunal de commerce de Paris ( RG P201901644)
APPELANT
Monsieur [T] [I]
Né le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 13] (ALGERIE)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 11]
Représenté par Me Audrey LAZIMI de la SELEURL AUDREY LAZIMI AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, toque : L0245,
Assisté de Me Richard RONDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque E 878,
INTIMÉES
S.C.I. PROMOLOIRE [Localité 12] 2, prise en la personne de son gérant, Monsieur [O] [L], domicilié en cette qualité audit siège.
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'ORLEANS sous le numéro 424 844 801,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. BCM, prise en la personne de Maître [P] [F] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la S.C.I PROMOLOIRE [Localité 12] 2.
Dont l'étude est située [Adresse 8]
[Localité 9]
Immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° 832 377 691
S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [J] [G] en qualité de mandataire judiciaire de la S.C.I PROMOLOIRE [Localité 12] 2.
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 10]
Représentées par Me Nathalie BOUDÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,
Assistées de Me Dominique BOUTIERE, avocat au barreau de PARIS, toque L 168,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le [Date décès 2] 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre,
Madame Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère,
Madame Caroline TABOUROT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Valentin HALLOT
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, et par Madame Yvonne TRINCA, présente lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
M. [K] [H] exerçait en nom personnel une activité de promotion immobilière sous l'enseigne [M]. Il était également associé gérant de plusieurs sociétés, qui intervenaient directement ou indirectement dans le cadre des opérations de promotion- construction de [M].
M. [K] [H] est décédé le [Date décès 2] 2016 et ses héritiers étaient son épouse Mme [A] [W] et son fils, M. [O] [H].
M. [I] intervenait depuis 1979 auprès de M. [H] en tant que comptable et conseiller financier. En 2018, la comptabilité du groupe a été confiée au cabinet Cogeed.
Par jugements du 25 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la succession de M. [H] et des sociétés du groupe [M], à savoir la SARL La Hutterie, la SARL Le Renouveau, les SCI La Sulpicienne, Les Jardins de Montargis, Méliès Montreuil, Du Moulin, Promoloire [Localité 12] 2, Montrep, La Nemourienne, Colombes, Bois Colombes Pelletier, [Localité 12] Transit, De La Gare et Pyrénées, et la SNC Patripro.
La SELARL BCM, prise en la personne de Me [F], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [S], en qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de ces différentes procédures.
Le 2 août 2019, M. [I] a déclaré des créances d'honoraires au passif des sociétés du groupe, et de la succession [H], pour un montant total de 9 762 218,91 euros.
Par ordonnances du 31 décembre 2020, le juge-commissaire a rejeté l'ensemble des créances déclarées par M. [I], faute de justificatifs et a rendu autant d'ordonnance que de sociétés débitrices concernées ainsi que dans la succession [H].
Par déclarations du 15 janvier 2021, M. [I] a fait appel de chacune de ces ordonnances.
La présente procédure a trait à l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté la créance déclarée au passif de la SCI Promoloire [Localité 12] 2 pour un montant de 15 720 euros.
Par jugements du 5 mai 2021, le tribunal a arrêté un plan de redressement par voie de continuation d'une durée de dix ans de chacune des personnes sous procédure, désigné la SELARL BCM, prise en la personne de Me [F], en qualité de commissaire à l'exécution du plan et maintenu la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [S], en qualité de mandataire judiciaire jusqu'à la fin de la procédure de vérification des créances et le compte-rendu de fin de mission.
La SELARL BCM est intervenue volontairement en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Mme [W] épouse [H] est décédée le [Date décès 7] 2022, laissant pour lui succéder son fils.
Par arrêt du 16 mai 2023, la cour d'appel de Paris a notamment dit que la contestation soulevée par la société Promoloire [Localité 12] 2 à l'égard de la créance déclarée à son passif par M. [I] ne relevait pas des pouvoirs juridictionnels du juge de la vérification des créances, et invité M. [I] à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, à peine de forclusion.
La société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM ès-qualités et la SELAFA MJA ès-qualités ont formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 16 mai 2023 pour violation du principe de la contradiction pour n'avoir pas invité les parties à présenter leurs observations sur le caractère sérieux relevant de la prescription et de l'existence même de la créance de M. [I], et a renvoyé les parties devant la même cour autrement composée.
Par déclaration du 10 décembre 2024, M. [I] a saisi la cour d'appel de Paris.
Par jugement du 25 février 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a notamment sursis à statuer, dans l'attente de la décision de la cour d'appel à intervenir.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2025, M. [I] demande à la cour de :
Infirmer l'ordonnance du tribunal de commerce (sic) de Paris du 31 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Et jugeant à nouveau :
Constater que l'existence et l'étendue des prestations réalisées par M. [I] au profit de la société Promoloire [Localité 12] 2 sont parfaitement avérées ;
Constater que M. [H] était parfaitement au fait de l'état de la créance de M. [I] qu'il n'a jamais contesté ;
En conséquence,
Constater l'absence de contestation sérieuse de la créance de 15 720 euros au redressement judiciaire de la société Promoloire [Localité 12] 2;
Ordonner l'inscription de la créance susvisée au passif de la société Promoloire [Localité 12] et son règlement ;
Condamner solidairement la société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL BCM en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement et la SELAFA Mandataire Judiciaires MJA en qualité de mandataire judiciaire, à verser à M. [I] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner solidairement la société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL BCM en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement et la SELAFA Mandataire Judiciaires MJA en qualité de mandataire judiciaire, aux entiers dépens.
*****
Par conclusions signifiées par voie électronique le 4 avril 2025, la société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM, ès-qualités, et la SELAFA MJA, ès-qualités, demandent à la cour de :
Débouter Monsieur [I] de son appel ;
Le déclarer mal fondé ;
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Vu le décès de Madame [A] [W], veuve [H], et l'acte de notoriété,
Déclarer sans objet la créance n° 40 d'un montant de 4 180 870€ au redressement judiciaire de Madame [A] [W], veuve [H] ;
Vu la prescription et l'absence de caractère sérieux et justifié des créances suivantes déclarées par M. [I],
Rejeter la demande de Monsieur [I] d'admission des créances au redressement judiciaire des entités suivantes :
4 180 870 € au redressement judiciaire de Mme [A] [W] (créance n°40)
4 180 870 € au redressement judiciaire de M. [O] [H] (créance n°46)
74 400 € au redressement judiciaire de la SARL La Hutterie (créance n°9)
43 200 € au redressement judiciaire de la SCI La Sulpicienne (créance n°16)
44 400 € au redressement judiciaire de la SCI Les Jardins de Montargis (créance n°9)
121 200 € au redressement judiciaire de la SCI Méliès Montreuil (créance n°13)
57 600 € au redressement judiciaire de la SCI Du Moulin (créance n°16)
15 720 € au redressement judiciaire de la SCI Promoloire [Localité 12] 2 (créance n°9)
92 400 € au redressement judiciaire de la SCI Montrep (créance n°20)
55 548 € au redressement judiciaire de la SCI La Nemourienne (créance n°9)
15 600 € au redressement judiciaire de la SCI Colombes (créance n°9)
126 033,55 € au redressement judiciaire de la SCI Bois Colombes Pelletier (créance n°2)
155 177,16 € au redressement judiciaire de la SCI [Localité 12] Transit (créance n°13)
22 400 € au redressement judiciaire de la SCI Pyrénées (créance n°10)
238 560 € au redressement judiciaire de la SARL Le Renouveau (créance n°22)
175 200 € au redressement judiciaire de la SNC Patripro (créance n°13)
163 040,20 € au redressement judiciaire de la SCI de la Gare (créance n°17)
Débouter Monsieur [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;
Condamner Monsieur [I] à payer aux intimés la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Subsidiairement,
Vu la saisine du Tribunal des Affaires Economiques de Paris,
Surseoir à statuer jusqu'au prononcé du jugement à intervenir.
*****
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juillet 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
M. [I] soutient qu'il intervenait depuis 1979 auprès de M. [H] avec lequel il entretenait une relation de confiance mutuelle, et que ce dernier n'a jamais remis en question l'existence comme l'étendue des prestations réalisées au profit des sociétés du groupe [M] en redressement. Il ajoute que M. [H] lui donnait des instructions essentiellement orales, que l'établissement d'une lettre de mission n'était à l'époque pas obligatoire, et qu'un contrat s'est tacitement formé dès lors qu'il a été rémunéré pour ses prestations. En outre, M. [I] explique avoir accepté de reporter sa facturation tout en provisionnant les sommes sur les comptes des sociétés concernées, afin de ne pas alourdir une trésorerie déjà fragile. Il considère que la preuve des prestations réalisées ressort de ses échanges électroniques avec M. [H] ainsi que des télédéclarations de TVA déposées par son cabinet, et soutient que les tableaux, qu'il verse aux débats, résument les honoraires pour l'ensemble des prestations effectuées pour les sociétés du groupe.
Pour justifier du montant réclamé, il précise que la lisibilité des comptes du groupe était parfois complexe car les sociétés de M. [H] avaient des régimes d'imposition différents, et que leurs résultats étaient consolidés au niveau de l'entreprise individuelle de M. [H] dont les taux de participation ont évolué au cours des années. M. [I] fait valoir qu'il ne se contentait pas d'effectuer un travail d'expertise-comptable, mais qu'il réalisait aussi des prestations juridiques qui justifient le montant de ses honoraires. Il s'appuie également sur un projet de protocole d'accord élaboré le 4 mars 2016, portant sur le règlement des prestations déjà réalisées et une convention d'assistance signée avec M. [H], qui témoigne de la volonté de ce dernier d'étendre sa mission comme de ses honoraires. Une facture de 3 000 000 euros a été émise le 15 avril 2016 afin de régulariser la situation des créances de M. [I], et a repris les provisions inscrites pour un montant de 420 000 euros TTC au titre des années 2005 à 2015.
La société Promoloire [Localité 12] 2, la SELARL BCM, ès-qualités, et la SELAFA MJA, ès-qualités, soutiennent à titre principal que le juge-commissaire avait toute compétence pour statuer car il a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances contestées, sauf instance en cours. Elles ajoutent que même lorsqu'il constate l'existence d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, il demeure compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de créance. Or, elles exposent qu'il n'a jamais été contesté que M. [I] effectuait des prestations d'expertise-comptable pour le compte de M. [H], que le juge-commissaire a simplement tranché la question de savoir si la créance de M. [I] était justifiée, et qu'il l'a rejetée en dehors de toute contestation sérieuse aux motifs notamment de l'absence de lettre de mission et de l'opacité du libellé des factures.
A titre subsidiaire, les intimées répliquent qu'il ressort de l'audit fait par le cabinet d'expertise comptable Cogeed qu'au 31 décembre 2017, les dettes comptabilisées à l'égard du cabinet de M. [I] s'élevaient à la somme de 6 267 685 euros. Ce montant se composerait de la somme de 2 086 815 euros correspondant à des provisions pour « factures non parvenues », et de la somme de 4 180 870 euros comptabilisée dans un compte fournisseur, dont la somme de 3 420 000 euros dans l'indivision [M] enregistrée en « opérations diverses ». Elles soutiennent que les sommes de 1 498 457 euros et de 293 000 euros ont été respectivement réglées à M. [I] entre 1980 et 2016, et 2016 et 2019.
Par ailleurs, elles font valoir que les créances antérieures à l'exercice de 2017 sont prescrites sur le fondement de l'article L.218-3 du code de la consommation, qui pose un délai de prescription de 2 ans courant à compter de la déclaration de créance, effectuée en l'espèce le 2 août 2019 et ajoutent subsidiairement que les créances antérieures à 5 ans sont prescrites sur le fondement du droit commun. La provision des honoraires de M. [I] à chaque exercice n'est pas un acte interruptif de prescription, et qu'en l'absence de lettre de mission ou de mandat de représentation, l'inscription en comptabilité ne constitue pas une reconnaissance de dette qui serait de nature à interrompre la prescription. Elles en concluent que ces créances sont prescrites et doivent être rejetées.
Concernant les créances non prescrites, ces dernières ne sont pas prouvées car les prestations qui auraient été effectuées ne font pas toutes l'objet d'une facturation. Les factures non parvenues pour un montant total de 2 086 815 euros n'ont été ni établies ni émises, et aucun élément ne permet d'établir la réalité des créances puisque la date des prestations, leur dénomination ou leur prix unitaire hors TVA sont inconnus. En outre, le contrat d'assistance signé en mars 2016 ne permet pas d'asseoir la facturation de prestations qui auraient été effectuées antérieurement, que les factures postérieures à sa conclusion ont été entièrement réglées, et que le protocole d'accord invoqué par l'appelant a été refusé par M. [H]. Elles font également valoir que des prestations auraient été comptabilisées au titre des années 2016 et 2017 pour les sommes respectives de 102 000 euros et 85 920 euros, alors que la convention d'assistance pour l'ensemble du groupe, mise en place dès mars 2016, s'établirait sur la base de facturations annuelles de 72 000 euros. Plusieurs règlements d'un montant total de 814 838 euros ont été perçus par M. [I] mais n'ont pas été comptabilisés, et qu'en l'absence de lettre de mission et de facturation détaillée, il est impossible de savoir à quoi correspondent certains montants déclarés qu'ils jugent excessifs. Ils concluent que ces créances doivent être rejetées.
Enfin, les intimées font valoir que la réalité de la créance déclarée au redressement judiciaire de la société Promoloire [Localité 12] 2 n'est pas établie. Elles soutiennent que les synthèses établies par M. [I] font apparaître des prestations réalisées pour une somme totale de 7 092 euros, alors que la comptabilité dressée par M. [I] fait apparaître au 31 décembre 2017 des factures non parvenues pour un montant de 15 183 euros, sur une période allant de 2000 à 2017. Elles soulignent que M. [I] a établi une facture le 5 mars 2019 de 15 720 euros et qu'il n'a pas comptabilisé les règlements réalisés par d'autres sociétés du groupe pour le paiement des charges de la société Promoloire [Localité 12] 2. Elles en concluent que la réalité de la créance déclarée n'est pas établie, faute pour M. [I] de pouvoir justifier de l'imputation des règlements reçus à laquelle il a procédé pour se rémunérer sur les sociétés générant des revenus.
Sur ce,
Il convient au préalable de mettre hors de cause la SARL BCM prise en la personne de Me [P] [F] en qualité d'administrateur judiciaire, sa mission ayant pris fin, et de la recevoir en son intervention volontaire en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Également dans le dispositifs de leurs conclusions, les intimées demandent que « Vu le décès de Madame [A] [W], veuve [H], et l'acte de notoriété,
Déclarer sans objet la créance n° 40 d'un montant de 4 180 870€ au redressement judiciaire de Madame [A] [W], veuve [H] ».
A défaut de motivation dans le corps de leurs écritures, cette demande est étrangère à la présente procédure qui statue sur la créance de la SCI Promoloire [Localité 12] 2, elle sera par conséquent rejetée.
L'article L.624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance au jour du jugement d'ouverture et il n'y a discussion de la créance, au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d'ouverture.
En l'espèce, M. [I] a déclaré la somme de 15 720 euros à titre définitif au passif de la SCI Promoloire [Localité 12] 2.
Cette somme a fait l'objet d'une contestation de la part du débiteur dans le cadre des opérations de vérification de créance pour les motifs suivants « d'une part, la société ne reconnaît pas l'existence de cette créance dans la mesure où elle n'apparaît pas en tant que dette en ses livres comptables. D'autre part, l'absence de justification des prestations réalisées ne permet pas l'admission de la créance en l'état ».
Il appartient au créancier de rapporter la preuve de l'existence de sa créance lorsque celle-ci est contestée en vue de son admission au passif du débiteur.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'article 1353 du code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il n'est pas contesté que M. [I] a été l'expert-comptable de M. [H] et des sociétés de son groupe. Cependant, il lui appartient de rapporter la preuve de sa créance au sein de la présente procédure qu'il a déclaré pour un montant de 15 720 euros TTC.
M. [I] affirme qu'il ne dispose d'aucun contrat écrit pour en justifier puisqu'il était avec M. [H] dans une relation de confiance mutuelle. Seule une convention d'assistance a été signée le 4 mars 2016 mais il y est stipulé à l'article 4 que « Monsieur [T] [I] aura droit à la rémunération de ses services, selon des modalités de calcul et de dates de règlement qui seront fixées d'un commun accord », de sorte qu'elle ne peut justifier à elle seule le paiement des honoraires demandés dans le cadre de la procédure de vérification du passif de la société Promoloire [Localité 12] 2. En outre, la cour relève que la créance déclarée vise des prestations effectuées pour l'essentiel avant 2016.
Il fait également état d'un projet de protocole du 4 mars 2016 où M. [H] reconnaîtrait une dette de 4 250 000 euros à la date du 31 décembre 2014 mais ce projet n'est pas signé par M. [H]. Ce projet est le fondement de sa facture N°16GCS062&063 d'un montant de 3 420 000 euros (pièce 18 de M. [I]) aux termes duquel il mentionne : « la présente note régularise la situation de mes honoraires pour la période courant jusqu'au 31 décembre 2014, selon le décompte qui vous a été présenté dans les dossiers d'analyse de mes prestations en Janvier et Avril 2015, repris dans le Protocole d'accord en date du 4 Mars 2016 qui vous a été remis le même jour en même temps que la convention d'assistance.
Cette facture régularise également les provisions inscrites dans votre comptabilité pour un montant de 420.000,00 euros TTC et relatives aux années 2005 à 2015 incluses ». Aucun document n'y est annexé.
Il s'ensuit que la facture N°16GCS062&063 émise par M. [I] est mal fondée et n'a pu être acceptée par la société débitrice SCI Promoloire [Localité 12] 2 qui d'ailleurs n'est aucunement visée par cette facture adressée à « PROMORE, Monsieur [K] [H] ».
Le 5 mars 2019, M. [I] émet une autre facture n°19GCS099 d'un montant de 15 720 euros TTC où il est mentionné « pour faire suite à la proposition de protocole transmise par mon avocat, Maître RONDOUX, à votre avocat Maître Dominique BOUTIERE, le 28 janvier, restée sans réponse, je vous adresse la présente facture récapitulative des Honoraires dus à mon Cabinet au 31/12/2017 par la SCI Promoloire [Localité 12] 2».
Cette facture est le fondement de la créance déclarée dans la présente procédure.
Pour justifier de son montant y est annexé un document du 31 décembre 2016, intitulé [Localité 12] 2, Factures non parvenues où est listé sur un compte 6226000, plusieurs libellés « HONO FCB » de 2000 à 2016 pour un montant de 14 462,94 euros et sur un autre compte 6228000 plusieurs « frais de gestion promore » de 2000 à 2016 pour un montant de 5 397,67 euros.
Il en résulte, d'une part que M. [I] demande le paiement de factures qualifiées selon ses propres termes de « non parvenues » à savoir le paiement de prestations n'ayant pas fait jusqu'alors l'objet de factures. Il s'en déduit qu'elles n'ont donc pas été portées à la connaissance de la société débitrice. D'autre part, la cour relève que certaines prestations sont très anciennes puisqu'elles remontent à 2000 et qu'elles sont prescrites. Il est en effet largement admis que l'émission d'une facture n'est pas interruptive de délai et ne saurait être considérée comme un élément constitutif de la prestation dont le paiement est réclamé. Et enfin, les imputations des règlements reçus, auxquelles M. [I] a lui-même procédé pour se régler et justifier de compensations, ne sont pas justifiées et ce, alors qu'il est établi qu'au sein du groupe [M], les sociétés générant des revenus supportaient la charge des sociétés n'en générant pas.
De telles contestations, qui ont trait à la prescription et à l'existence même de tout ou partie de la créance revêtent un caractère sérieux et leur appréciation excède le pouvoir juridictionnel du juge de la vérification des créances de sorte qu'il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise.
M. [I], ayant déjà saisi le juge compétent pour faire établir l'existence et le montant de sa créance, la cour n'a pas à l'inviter à saisir le tribunal des activités économiques.
Dans l'attente de la décision du tribunal, la cour sursoit à statuer.
Chacune des parties gardera à sa charge les frais qu'elle a elle-même engagées, la cour déboute en conséquent leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont à la charge de M. [I].
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant contradictoirement,
Met hors de cause la SARL BCM prise en la personne de Me [P] [F] en qualité d'administrateur judiciaire ;
Reçoit en son intervention volontaire la SARL BCM, prise en la personne de Me [P] [F], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Rejette la demande des intimées de déclarer sans objet la créance n° 40 d'un montant de 4 180 870€ au redressement judiciaire de Madame [A] [W], veuve [H] ;
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit que la contestation soulevée par la SCI Promoloire [Localité 12] 2 à l'égard de la créance déclarée à son passif par M. [T] [I] ne relève pas des pouvoirs juridictionnels du juge de la vérification des créances ;
Sursoit à statuer dans l'attente de la décision du tribunal des activités économiques de Paris déjà saisi par M. [T] [I];
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;
Dit que les dépens seront à la charge de M. [I].
Ordonne la radiation de l'affaire du rôle de la cour, dit que l'affaire sera rétablie à l'initiative de la partie la plus diligente et dit qu'en cas de rétablissement de l'affaire, elle sera instruite sous le contrôle du conseiller de la mise en état.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT