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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 6 novembre 2025, n° 24/14131

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/14131

6 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 06 NOVEMBRE 2025

N° 2025/609

Rôle N° RG 24/14131 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BOAAK

S.A.S. DBSF

C/

[E] [T] veuve [Y]

S.E.L.A.R.L. [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roy SPITZ

Me Jean-françois JOURDAN

Me Rachel COURT-MENIGOZ

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de [Localité 4] en date du 08 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01422.

APPELANTE

S.A.S. DBSF,

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Roy SPITZ, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [E] [T] veuve [Y]

née le 03 Janvier 1956 à [Localité 3] (ALLEMAGNE)

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée par Me Josiane MASSAD, avocat au barreau de NICE

INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.E.L.A.R.L. [F]

Mandataire Judiciaire dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Maître [G] [F]

et agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SAS DBSF

représentée par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte sous seing privé en date du 5 janvier 2011, monsieur [V] [Y] a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée (SARL) La casa Pasta des locaux commerciaux situés à [Adresse 5].

M. [Y] est décédé le 16 novembre 2014 laissant comme héritier son conjoint survivant madame [E] [T].

Le 20 mars 2017, la société La casa Pasta a cédé son bail à la société par actions simplifiée (SAS) Mare e Monti qui l'a elle-même cédé à la société à responsabilité limitée Lykita le 14 septembre 2018.

Le 22 février 2023, la société Lykita a cédé son bail à la société par actions simplifiée (SAS) DBSF

Par ordonnance en date du 13 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a homologué un protocole transactionnel signé le 22 février 2023 entre Mme [Y], la société Lykita, la société DBSF et M. [M] [H] et lui a conféré force exécutoire.

Par acte de commissaire de justice en date du 11 mai 2023, Mme [Y] a fait délivrer à la société DBSF et la société Lykita un commandement de payer des loyers pour la somme principale de 9 718,34 euros visant la cause résolutoire insérée au bail.

Par acte de commissaire de justice en date du 1 er août 2023, Mme [Y] a fait assigner la société DBSF devant le président du tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins de voir constater la résiliation du contrat de bail, ordonner son expulsion et obtenir sa condamnation au paiement d'une provision au titre de la dette locative, d'une indemnité d'occupation mensuelle et une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire en date du 8 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

- constaté la résiliation à la date du 12 juin 2023 du bail commercial liant les parties ainsi que l'occupation illicite du local à usage commercial ;

- ordonné à la société DBSF de libérer de corps et de biens ainsi que de tous occupants de son chef, les locaux litigieux dans le mois de la signification de l'ordonnance ;

- ordonné, à défaut de ce faire, dans le délai imparti, l'expulsion de la société DBSF et de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

- condamné la société DBSF à payer à Mme [Y], à titre provisionnel, la somme de 16 431,19 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation échus au 20 juin 2024 ;

- dit que Mme [Y] était autorisée à conserver le dépôt de garantie soit la somme de 2 397,22 euros ;

- condamné la société DBSF à payer à Mme [Y] :

- une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation de 2 398,34 euros par mois à compter du 12 juin 2023 jusqu'à la libération effective des lieux ;

- la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure comprenant le coût du commandement de payer ;

- rejeté le surplus des demandes.

Ce magistrat a, notamment, considéré que :

- la société locataire n'ayant pas réglé la somme due à la bailleresse au titre du protocole d'accord, ni les causes du commandement et n'ayant pas justifié de la souscription d'une assurance, le contrat de bail était résilié de plein droit ;

- la société ayant déjà de fait bénéficié de délais de plus de seize mois et la dette locative ayant augmenté depuis la délivrance de l'assignation, il n'y avait pas lieu d'accorder à la société DBSF des délais de nature à suspendre les effets de la clause résolutoire.

Par déclaration transmise le 22 novembre 2024, la société DBSF a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dument reprises.

Par jugement en date du 9 janvier 2025, le tribunal de commerce de Nice a placé la société SBDF en redressement judiciaire et désigné la Selarl [F] représentée par Maître [G] [F], en qualité de mandataire judiciaire de la société.

Par conclusions transmises le 8 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société DBSF conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- juger que la clause résolutoire n'a pas joué ;

- débouter Mme [Y] de ses demandes et de son appel incident ;

Subsidiairement,

- suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder un délai de grâce d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir à la société pour produire l'attestation d'assurance et dire que si le délai est respecté, la clause résolutoire n'aura pas joué ;

- juger que l'attestation d'assurance a maintenant été produite et débouter Mme [Y] de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire ou constater la résolution du bail commercial et ordonner l'expulsion de la société ;

- juger qu'en l'état de l'ouverture d'une procédure collective avant décision définitive statuant sur la clause résolutoire, il ne peut être prononcé ni condamnation ni constatation de l'acquisition d'une clause résolutoire ni prononcé de résiliation du bail commercial ;

En tout état de cause,

- débouter Mme [Y] de toutes ses demandes et de son appel incident ;

- condamner Mme [Y] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société DBSF expose, notamment, que :

- lors de la délivrance du commandement d'avoir à justifier de l'assurance, le local était en travaux de sorte qu'il était assuré par la société chargée des travaux ;

- elle a produit le justificatif de la souscription d'une assurance responsabilité civile par la société en charge des travaux ;

- le juge peut accorder des délais y compris pour l'assurance du bien dans le cadre d'un bail commercial ;

- des délais sont justifiés dans la mesure où la situation a été régularisée, où le bail vise une situation correspondant à un local exploité et non en travaux et où le local a été assuré pour les risques d'exploitation et tous les risques prévus au contrat de bail avant même le début de l'exploitation ;

- les loyers impayés ont été réglés dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer, hormis une somme de 1 000 euros qui est contestée car non justifiée ;

- elle peut bénéficier de délais d'autant qu'elle a réglé les causes du commandement qui a été délivré avant l'ouverture de l'établissement et qu'elle a effectué des travaux importants ;

- l'ouverture de la procédure collective étant postérieure au commandement de payer et à l'ordonnance déférée qui n'a pas acquis autorité de la chose jugée, la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire ne peut être constatée ;

- toute condamnation pour des dettes antérieures à l'ouverture de la procédure collective est interdite ;

- la demande de fixation de créance est irrecevable.

Par conclusions transmises le 2 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Selarl [F] représentée par Maître [G] [F], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société DBSF, demande à la cour de :

- la recevoir en son intervention volontaire ;

- réformer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

- juger irrecevable la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ;

- juger irrecevable la demande en fixation au passif de toute créance de Mme [Y] ;

- accorder rétroactivement à la société DBSF un délai de grâce pour justifier de la souscription de l'assurance locataire ;

- ordonner la suspension de la clause résolutoire du chef du défaut d'assurance ;

- juger qu'il a été justifié de la souscription de l'assurance locataire ;

- juger, en conséquence, que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir produit ses effets ;

- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant le timbre fiscal de représentation obligatoire devant la cour d'appel.

A l'appui de ses prétentions, le mandataire judicaire de la société DBSF invoque, notamment, que :

- au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société DBSF, l'ordonnance déférée n'était pas passée en force de chose jugée ;

- l'acquisition de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers ne peut désormais être constatée ;

- la demande en paiement des loyers est irrecevable ;

- l'arriéré de loyers dû depuis l'ouverture de la procédure collective a été apuré ;

- le local commercial est assuré depuis le 9 août 2023 ;

- antérieurement, le local n'était pas exploité mais en travaux ;

- la bailleresse n'a subi aucun préjudice suite au défaut d'assurance.

Par conclusions transmises le 11 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [Y] demande à la cour de :

- débouter la société DBSF et la société [F] représentée par Maître [G] [F], agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société DBSF, de toutes leurs demandes ;

- confirmer en toutes ses dispositions, l'ordonnance dont appel ;

* subsidiairement,

Statuer à nouveau,

- débouter la société DBSF et la société [F] représentée par Maître [G] [F], agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société DBSF, de toutes leurs demandes ;

- la juger recevable et bien fondée en sa demande de résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut d'assurance dans les délais requis ;

- constater l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire avec tous effets et conséquences de droit, pour défaut d'assurance dans les délais requis ;

- constater la résiliation du bail commercial liant les parties ;

- ordonner l'expulsion de la société DBSF ainsi que des biens et de tous occupants de son chef des locaux, et si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du jour de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et remise des clés ;

- déclarer la société DBSF et toute personne de son chef occupant sans droit ni titre ;

- ordonner que le dépôt de garantie versé par la société DBSF sera acquis au profit de la bailleresse au titre de la clause pénale prévue au contrat de bail, soit la somme de 2 937,22 euros ;

- ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls de la société DBSF qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par commissaire de justice chargé de l'exécution,

- fixer au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société DBSF, la créance de la bailleresse, pour un montant de 28 446,03 euros dont 26 770,46 euros à titre privilégié, privilège du bailleur ;

* en tout état de cause,

- condamner la société DBSF au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [Y] ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris notamment le coût du commandement de payer et sommation en date du 11 mai 2023.

A l'appui de ses demandes, Mme [Y] fait, notamment, valoir que :

- la société ne s'est pas acquittée des sommes dues au titre du protocole d'accord dans le délai de 15 jours de sorte que le contrat de bail est résilié de plein droit ;

- celle-ci n'a pas souscrit une assurance multirisque pour les locaux loués avant le 9 août 2023 ;

- la société DBSF a fourni une attestation de responsabilité décennale de l'entreprise qui a exécuté les travaux dans les locaux alors qu'elle devait aussi assurer les locaux ;

- aucun délai ne peut être accordé sur le fondement de l'assurance, le défaut de souscription d'une assurance n'étant pas régularisable ;

- la société DBSF ne s'est pas acquittée des sommes dues en vertu du protocole d'accord ni des loyers de mars à mai 2023 ;

- elle n'a pas régularisé la dette locative dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer ;

- la dette locative ne cesse d'augmenter et n'a été réglée qu'en raison de la saisine du juge commissaire pour obtenir la résiliation du contrat de bail ;

- la société DBSF n'est pas en mesure de s'acquitter de la dette locative par rééchelonnement ;

- en application de la clause pénale figurant au contrat de bail, le dépôt de garantie demeure acquis à la bailleresse ;

- malgré la procédure collective ouverte à l'égard de la société DBSF, le contrat de bail peut être résilié pour non souscription d'une assurance locative.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 16 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la Selarl [F], ès qualité de mandataire judiciaire de la société DBSF :

Aux termes de l'article 66 du code de procédure civile, constitue une intervention volontaire la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires.

En vertu de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont pas été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figure en une autre qualité.

En application des dispositions de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

En l'espèce, par jugement en date du 9 janvier 2025, le tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société DBSF et désigné la Selarl [F], en qualité de mandataire judiciaire

L'intervention volontaire de ce dernier est, dès lors, nécessaire pour régulariser la procédure.

Elle ne peut donc qu'être déclarée recevable.

- Sur la résiliation du contrat de bail pour défaut de paiement et la fixation de créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société DBSF :

Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 621-7 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (ou) à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-22 du même code dispose que, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance : elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Enfin, l'article L. 631-14 précise que les articles L. 622-3 à L. 622-9, à l'exception des articles L. 622-6-1, et L. 622-13 à L 622-33, sont applicables à la procédure de redressement judiciaire.

L'instance en cours visée par l'article L 622-22, précité, est celle qui tend à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance, de sorte que la créance faisant l'objet d'une instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, présentant un caractère provisoire et qui ne peut donc être fixée au passif, doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire. L'ouverture de la procédure collective pendant cette instance rend donc irrecevable, dans ce cadre procédural, la demande tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier que la société DBSF a été placée en redressement judiciaire le 9 janvier 2025, donc postérieurement à la déclaration d'appel de l'ordonnance de référé entreprise.

Mme [Y] doit donc être déclarée irrecevable en sa demande présentée en première instance dont il est demandé l'infirmation par le mandataire judiciaire de la société, visant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ces chefs.

En outre, le juge des référés ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir de fixer une créance au passif d'une procédure collective en lieu et place du juge commissaire.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande formulée de ce chef par Mme [Y].

- Sur la résiliation du contrat de bail pour défaut de souscription d'une assurance :

L'article L. 145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En application des dispositions de l'article 1356 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, le bail liant la société DBSF et Mme [Y] comporte une clause résolutoire aux termes de laquelle à défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ou de remboursement de frais, charges ou prestations qui constituent l'accessoire ou d'exécution de l'une ou l'autre des conditions du bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter restée sans effet et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice.

Le contrat de bail stipule aussi que le locataire devra faire assurer auprès de compagnies d'assurances solvables contre l'incendie, les risques professionnels de son commerce, ses objets mobiliers, matériel et marchandises, les risques locatifs, recours des voisins, dégâts de eaux, explosion du gaz, bris de glaces et généralement tous risques quelconques et il devra maintenir et renouveler ces assurances pendant toute la durée du bail, acquitter régulièrement les primes et cotisations et justifier du tout à toute réquisition du bailleur.

Par acte de commissaire de justice en date du 11 mai 2023, Mme [Y] a fait délivrer à la société DBSF un commandement d'avoir à payer la somme de 9 718,34 euros au titre des loyers et charges et d'avoir à justifier de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs, commandement visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.

La société DBSF et son mandataire judiciaire reconnaissent qu'à la date de la délivrance du commandement, aucune assurance n'avait été souscrite. Ils considèrent que les locaux étant en travaux, non exploités, l'assurance de la société en charge des travaux était suffisante.

Cependant, la clause contenue au contrat de bail comporte obligation pour la société preneuse de souscrire une assurance dès la prise à bail, peu importe que les locaux soient exploités ou pas, et cette assurance concerne les risques locatifs, ce qui ne peut être garanti par une société en charge de réaliser des travaux et ne relève nullement de la garantie décennale d'une telle société.

Il doit donc être retenu qu'à l'issue du délai d'un mois à compter de la signification du commandement, la société DBSF n'a pas justifié de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs.

Ainsi, la clause résolutoire est acquise et le contrat de bail commercial liant Mme [Y] et la société DBSF est résilié à compter du 12 juin 2023.

L'ordonnance déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du contrat de bail.

- Sur la demande de délais et la suspension des effets de la clause résolutoire:

En vertu des dispositions de l'article L 145-41 alinéa 2 du code du commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée : la clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, la société DBSF a souscrit une assurance contre les risques locatifs à compter du 9 août 2023. Suivant l'attestation produite, cette assurance a été valable jusqu'au 1er août 2024.

D'une part, postérieurement à cette date, la société ne justifie pas être toujours titulaire d'un contrat d'assurance portant sur les locaux loués.

D'autre part, pour la période antérieure au 9 août 2023, aucune régularisation n'est envisageable s'agissant de la souscription d'un contrat d'assurance contre les risques locatifs portant sur une période déjà échue, étant rappelé que l'assurance de la société en charge des travaux est insuffisante.

En l'état, il ne peut être accordé un quelconque délai à la société preneuse pour souscrire une assurance contre les risques locatifs afférente à une période passée.

Dès lors, la Selarl [F] représentée par Maître [G] [F], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société DBSF, doit être déboutée de sa demande de délais.

Subséquemment, la société DBSF est occupante sans droit ni titre des lieux loués et son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier, doit être ordonnée, à défaut de départ spontané des lieux, sans qu'une astreinte soit nécessaire.

Le sort des biens mobiliers contenus dans les locaux loués sera réglé conformément aux dispositions des articles R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

L'ordonnance déférée est donc confirmée sur ces chefs de demandes.

- Sur la demande de conservation du dépôt de garantie à titre de clause pénale :

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'absence de contestation sérieuse implique l'évidence de la solution qu'appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande tant en son principe qu'en son montant, s'agissant d'une provision, ou ses modalités d'exécution s'agissant d'une obligation de faire.

En l'espèce, le contrat de bail liant les parties stipule qu'en cas de résiliation du fait du locataire en application de l'une des clauses résolutoires ou encore en cas de non-respect des délais de préavis légaux, le dépôt de garantie demeurera acquis au bailleur de plein droit, à titre de clause pénale, en réparation du préjudice subi.

Cette clause affecte ainsi le dépôt de garantie à la réparation du préjudice subi par la société bailleresse en raison de la faute commise par la société preneuse. Elle modifie l'objet de ce dépôt de garantie puisque il n'est plus destiné à garantir le paiement des sommes dues par le preneur au bailleur à l'issue du contrat mais répare le préjudice subi en raison de la résiliation du contrat.

En outre, une telle clause pénale qui est d'ailleurs qualifiée comme tel dans le contrat est susceptible d'être modérée en fonction du préjudice réellement subi par la société bailleresse, ce qui implique une analyse de la faute et du préjudice subi.

De tels éléments conduisent à retenir l'existence de contestations sérieuses en lien avec la modification de l'objet des fonds versés au titre du dépôt de garantie et l'analyse de la responsabilité de la société preneuse.

A titre surabondant, la cour souligne que la demande de conservation du montant du dépôt de garantie qui correspond à une demande en paiement d'une clause pénale est présentée à titre définitif alors que le juge des référés ne peut accorder que des mesures provisoires.

Par conséquent, l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a autorisé Mme [Y] à conserver le dépôt de garantie.

Il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur ce chef de demande.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a condamné la société DBSF à payer à Mme [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Il convient de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevables les demandes présentées par Mme [Y] tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de bail pour défaut de paiement et fixer des créances au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société DBSF ;

Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- constaté la résiliation à la date du 12 juin 2023 du bail commercial liant les parties pour absence de justification de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs, ainsi que l'occupation illicite du local à usage commercial ;

- ordonné à la société DBSF de libérer de corps et de biens ainsi que de tous occupants de son chef, les locaux litigieux dans le mois de la signification de l'ordonnance ;

- ordonné, à défaut de ce faire, dans le délai imparti, l'expulsion de la société DBSF et de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

- rejeté le surplus des demandes et ainsi la demande de délai et de suspension de la clause résolutoire ;

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera ses propres dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président

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