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CA Dijon, 2 e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 22/01047

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 22/01047

6 novembre 2025

S.A.R.L. LUX VIDERE SARL

C/

S.A.S. PET INVEST

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2 e chambre civile

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025

N° RG 22/01047 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GANE

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 25 juillet 2022,

rendue par le tribunal de commerce de Chalon sur Saône - RG : 2021 2273

APPELANTE :

S.A.R.L. LUX VIDERE SARL prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Clémence TEILLAUD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

assisté de Me Louis-M. BOURGEOIS, membre du Cabinet Bourgeois Rezac Mignon, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. PET INVEST, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie LITTNER-BIBARD de la SCP LITTNER-BIBARD, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

assistée de Me Pierre-Marie DURADE-REPLAT, membre de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 03 Avril 2025 pour être prorogée au 05 Juin 2025, au 18 Septembre 2025, au 16 Octobre 2025 puis au 06 Novembre 2025,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La SAS Pet Invest a pour objet l'acquisition, la souscription, la détention, la cession et l'apport d'actions et/ou de valeurs mobilières de toutes sociétés.

Elle a pour associé unique le fonds professionnel de capital investissement GIMV France 2016 (GIMV).

Le 20 novembre 2017, la société Pet Invest a fait l'acquisition de l'intégralité des titres des sociétés Agrobiothers Laboratoire et Bellum Videre.

Par décisions du 31 janvier 2018, la société GIMV a :

- nommé la SARL Lux Videre, représentée par M. [T] [B], en qualité de président de la société Pet Invest,

- créé des actions de préférence de catégories A, B et C ,

- procédé à une augmentation de son capital social par la prise de participation de la société Lux Videre à hauteur de 95.000 euros en actions de préférence de catégorie A,

- modifié les statuts de la société Pet Invest,

- créer un comité de surveillance.

Le même jour, le fonds professionnel de capital investissement (FCPI) GIMV France 2016, M. [B] et la société Lux Videre, en qualité d'investisseur fondateur, ont signé un pacte d'associé.

Par une délibération du 7 janvier 2020, le comité de surveillance a décidé la révocation de la société Lux Videre de ses fonctions de président de la société Pet Invest.

Une seconde délibération du comité de surveillance en date du 24 janvier 2020 a arrêté les comptes de l'exercice clos au 30 juin 2019, que l'assemblée générale ordinaire du 31 janvier 2020 a approuvés.

Le 7 février 2020, le comité de surveillance a pris la décision de lever la clause de non-concurrence imposée à la société Lux Videre en application des statuts.

Enfin, par une nouvelle délibération du 29 juin 2020, le comité de surveillance a déclaré régulier l'arrêt des comptes sociaux auquel il a procédé le 24 janvier précédent et une assemblée générale ordinaire réunie le 15 juillet 2020 a de nouveau approuvé ces comptes.

Estimant que sa clause de non-concurrence n'avait pas été valablement levée, la société Lux Videre a réclamé paiement de l'indemnité prévue par les statuts. Elle a également sollicité paiement de sa rémunération en qualité de présidente pour la période du 1er au 7 janvier 2020.

Par acte d'huissier du 22 juin 2021, elle a fait assigner la société Pet Invest en paiement devant la juridiction commerciale.

Par jugement du 25 juillet 2022, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a :

- constaté que la société Lux Videre est créancière d'une somme de 2.377 euros hors taxes au titre de la rémunération fixe de ses fonctions de Président pour la période allant du 1er au 7 janvier 2020,

- constaté que la société Lux Videre est créancière d'une somme de 72.300 euros hors taxes (50% de 144.600 euros) au titre de l'indemnité de non-concurrence,

- constaté que la société Pet Invest est créancière d'une somme de 130.623 euros correspondant au trop-perçu (lié à la facturation des charges patronales) depuis le 31 janvier 2018 par la société Lux Videre au titre de la part fixe de sa rémunération de Président,

- ordonné la compensation entre les créances de 2.377 euros et 72.300 euros de Lux Videre sur Pet Invest et de la créance de 130.623 euros de Pet Invest sur Lux Videre,

- condamné la société Lux Videre à payer à la société Pet Invest la somme de 55.946 euros obtenue après compensation de créances,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires des parties,

- condamné la société Lux Videre en tous dépens de l'instance et les frais de mise à exécution de la décision.

Suivant déclaration au greffe du 17 août 2022, la société Lux Videre a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions telles qu'elle les a reprises dans son acte d'appel.

Prétentions de la société Lux Videre :

Au terme de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, la société Lux Videre demande à la cour, au visa des articles L.123-12, L.227-1, L.232-1, L.235-1 et L.235-3 du code de commerce ; 1103, 1188 et 1189 du code civil, de :

- infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône en toutes ses dispositions ;

- prononcer la nullité des réunions du comité de surveillance des 24 janvier 2020 et 7 février 2020 pour défaut de quorum ;

- prononcer en conséquence la nullité de l'assemblée générale du 31 janvier 2020 et du 15 juillet 2020 relatives à l'approbation des comptes de l'exercice clos au 30 juin 2019 et, par conséquent, le défaut d'approbation des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2019 ;

- condamner Pet Invest à payer à Lux Videre la somme de 305.276 euros à titre d'indemnité de non-concurrence ;

- condamner Pet Invest à payer à Lux Videre la somme de 3.967,81 euros au titre de la part fixe de sa rémunération sur l'exercice 2020 ;

- condamner Pet Invest à payer à Lux Videre les sommes de 107.600 euros, 53.800 euros et 2.063,56 euros au titre de la part variable de sa rémunération de Lux Videre sur les exercices clos les 30 juin 2019, 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020 ;

- condamner Pet Invest à payer à Lux Videre la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Pet Invest aux dépens.

Prétentions et moyens de la société Pet Invest :

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2023, la société Pet Invest entend voir au visa des articles L.235-3 et suivants du code de commerce et 32-1 du code de procédure civile :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

constaté que la société Lux Videre est créancière d'une somme de 2.377 euros hors taxes au titre de la rémunération fixe de ses fonctions de président pour la période allant du 1er au 7 janvier 2020,

constaté que la société Pet Invest est créancière d'une somme de 130.623 euros correspondant au trop-perçu (lié à la facturation des charges patronales) depuis le 31 janvier 2018 par la société Lux Videre au titre de la part fixe de sa rémunération de président,

condamné la société Lux Videre en tous dépens de l'instance dont frais de greffe indiqués en tête des présentes auxquels devront être ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la présente décision,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires des parties, en ce compris le rejet de la demande de nullité des procès-verbaux du comité de surveillance du 24 janvier 2020 et 7 février 2020, et de la demande de nullité des décisions d'assemblée générale du 31 janvier 2020, formulées par la société Lux Videre ;

à titre d'appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

constaté que la société Lux Videre est créancière d'une somme de 72.300 euros hors taxes (50% de 144.600 euros) au titre de l'indemnité de non-concurrence,

ordonné la compensation entre les créances de 2.377 euros et 72.300 euros de Lux Videre sur Pet Invest et de la créance de 130.623 euros de Pet Invest sur Lux Videre,

condamné la société Lux Videre à payer à la société Pet Invest la somme de 55.946 euros obtenue après compensation de créances,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires des parties », en ce compris le rejet de la demande de condamnation de la société Lux Videre à payer à la société Pet Invest la somme de 5.000 euros au titre de l'abus du droit d'agir commis par la société Lux Videre.

statuant de nouveau,

- débouter la société Lux Videre de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner la compensation entre la créance de 2.377 euros de Lux Videre sur Pet Invest et de la créance de 130.623 euros de Pet Invest sur Lux Videre,

- condamner la société Lux Videre à payer à la société Pet Invest la somme de 128.246 euros (mémoire), obtenue après compensation de créances,

- condamner la société Lux Videre S.A.R.L à verser à la société Pet Invest à la somme de 5.000 euros à titre des dommages intérêts pour abus de droit,

en toute hypothèse,

- condamner la société Lux Videre S.A.R.L à verser à la société Pet Invest la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

- - - - - -

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens des parties.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur la nullité des délibérations du comité de surveillance des 24 janvier et 7 février 2020 :

La société Lux Videre soutient que ces délibérations du comité de surveillance sont nulles pour défaut de quorum aux motifs que :

- les délibérations des 24 janvier et 7 février 2020 sont irrégulières au regard du pacte d'associé en l'absence du membre désigné par elle en sa qualité d'investisseur fondateur ;

- la convocation à la réunion du 7 février 2020 ayant été faite sur un ordre du jour différend de celle du 24 janvier, elle ne peut être considérée comme la seconde convocation de celle-ci,

- la réunion du conseil de surveillance du 29 juin suivant n'a pas pu régulariser ces délibérations par application de l'article L.235-3 du code de commerce, dès lors que son ordre du jour n'a pas repris l'intégralité des points figurant à l'ordre du jour des réunions précédentes et que les décisions irrégulières n'ont fait l'objet d'aucun débat.

La société Pet Invest réplique que ces délibérations sont valides aux motifs que :

- les réunions du comité de surveillance des 24 janvier et 7 février 2020 sont intervenues sur deuxième, voire troisième convocation et que la règle de quorum alors applicable n'imposait donc pas la présence du membre désigné par la société Lux Videre ;

- Il n'y a pas eu de modification de l'ordre du jour entre les convocations des 17 janvier 2020 pour la réunion du 24 janvier suivant et celle du 31 janvier 2020 pour le 7 février 2020, tous les points figurant dans le premier se retrouvant dans le second

- en toute hypothèse, les délibérations des 24 janvier et 7 février 2020 ont été régularisées par les nouvelles délibérations du comité de surveillance du 29 juin 2020, ainsi que le permet l'article L. 235-3 du code de commerce.

- - - - - -

Selon l'article 14.4 des statuts de la société Pet Invest, sous réserve des stipulations du pacte d'associé, le comité de surveillance ne peut valablement délibérer, sur première convocation que si la moitié des membres présents ou représentés participe à sa réunion et sur deuxième convocation, que si la moitié de ses membres sont présents ou représentés.

Le pacte d'associé du 31 janvier 2018, en son article 3.1.b (x), ajoute à ces conditions de validité des délibérations du comité de surveillance en imposant d'une part, sur première convocation que les membres qui participent à sa réunion incluent « nécessairement au moins un membre désigné par Gimv et un membre désigné par l'investisseur fondateur » ; d'autre part, sur seconde convocation que « la moitié de ses membres présents ou représentés participe à sa réunion ».

Il résulte des procès-verbaux de délibération du comité de surveillance en date des 24 janvier et 7 février 2020, que M. [Y] [U], membre du comité de surveillance désigné par l'investisseur fondateur selon les termes de l'article 3.1.b (v) du pacte d'associé, n'a été ni présent, ni représenté, ni n'a participé à la réunion.

Si la société Pet Invest soutient que malgré son absence, les délibérations du comité de surveillance sont régulières s'agissant de sa réunion sur deuxième, voire troisième convocation, qui n'exigeaient donc plus la présence de M. [U], il n'en est pas rapporté la preuve, la seule mention à ce sujet dans les procès-verbaux étant insuffisante.

De plus, il ne peut qu'être relevé que l'ordre du jour de la réunion du comité de surveillance du 7 février 2020 diffère de celui de la réunion du 24 janvier précédant, particulièrement en ce qu'il ne reprend pas les points 2 et 8 relatifs à :

- l'arrêté des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2019 ;

- l'autorisation de la levée de la clause de non-concurrence de Lux Videre au titre de l'article 10.5 du pacte.

En vertu du principe d'intangibilité de l'ordre du jour, la convocation à la réunion du 7 février ne peut, par voie de conséquence, constituer une réitération de celle du 24 janvier et devant être considérée comme une première convocation, le comité de surveillance ne pouvait valablement délibérer hors la présence de M. [U].

Les délibérations des 24 janvier et 7 février se trouvaient donc entachées de nullité.

Cependant, il résulte de l'article L.235-3 du code de commerce qui dispose, dans sa rédaction applicable au litige et antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2025, que l'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, que la nullité des délibérations prises par le comité de surveillance, qui ne relèvent pas de l'illicéité de l'objet social, pouvaient être régularisées.

Par une convocation du 19 juin 2020, le comité de surveillance a été appelé à se réunir le 29 juin suivant avec pour point 4 de l'ordre du jour, : « la ratification des décisions prises par le comité de surveillance lors de ses séances des 20 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 7 février 2020 ».

Le procès-verbal des délibérations permet de constater que M. [U] était présent ou a participé par conférence téléphonique et que le comité de surveillance à la majorité des voix a décidé : « à la majorité, M. [U] votant contre, en tant que de besoin, de ratifier toutes les décisions qu'il a prises lors de ses séances des 20 décembre 2019, 24 janvier 2020 et 7 février 2020, et par conséquent les procès-verbaux y afférents ».

Le vice affectant les délibérations prises les 24 janvier et 7 février 2020 portant sur le quorum et la composition du comité de surveillance, il a bien été purgé par cette nouvelle délibération qui en était exempte, sans qu'il soit nécessaire de remettre en discussion les points ayant donné lieu à délibération dès lors que sous les conditions de quorum et de majorité requises, les membres du comité de surveillance ont, à la majorité, confirmé ces décisions.

2°) sur la nullité des délibérations des assemblées générales des 31 janvier et 15 juillet 2020 :

Si la société Lux Videre fait valoir que l'approbation des comptes de l'exercice clos au 30 juin 2019 par l'assemblée générale du 31 janvier 2020 est entachée de nullité, en raison du vice affectant la délibération du comité de surveillance ayant approuvé l'arrêté des comptes de l'exercice clos le 30 juin 2019, il résulte de ce qui précède que ce vice a été purgé par la délibération du même organe en date du 29 juin 2020, de sorte que la délibération de l'assemblée générale des actionnaires de la société Pet Invest du 31 janvier 2020 approuvant ces comptes, comme celle intervenue aux fins de régularisation le 15 juillet 2020, doivent être rétroactivement considérées comme valables.

3°) sur l'indemnité au titre de la clause de non-concurrence :

La société Lux Videre soutient que l'indemnité prévue par la clause de non-concurrence doit lui être versée, la clause n'ayant pas été levée valablement à défaut d'être intervenue dans le délai de 30 jours à compter de sa révocation, le 7 janvier 2020, conformément aux stipulations du pacte d'associé.

Elle considère que ce délai devait être décompté suivant les prescriptions de l'article 641 du code de procédure civile, qu'il est parvenu à son terme le 6 février à 24h et qu'il est applicable aux membres de l'équipe dirigeante.

Elle ajoute que les stipulations des articles 10.5 (a) et (c) du pacte d'associés se contredisent et qu'il convient de les interpréter conformément à l'article 1188 du code civil et de faire application du délai.

La société Pet Invest soutient de son côté que la société Lux Videre étant membre de l'équipe dirigeante, le comité de surveillance avait la faculté, en vertu de l'article 10.5 (c) du pacte d'associés de lever la clause de non-concurrence à tout moment, cette stipulation du pacte étant dépourvue d'ambiguïté et de contradiction avec l'article 10.5 (a), s'agissant d'une stipulation dérogatoire.

- - - - -

Il résulte des termes de la clause de non-concurrence insérée à l'article 10.5 du pacte d'associés, que :

- (a) sauf décision expresse contraire du comité de surveillance dans les 30 jours suivant la date à laquelle ils auront cessé toutes fonctions de salarié ou mandataire social au sein de l'une quelconque des sociétés du groupe, les membres de l'équipe dirigeante seront soumis à une obligation de non-concurrence, pendant une durée maximale de 24 mois courant à compter de la plus tardive des dates de départ et de cessation de leur qualité d'associé ;

-(c) le comité de surveillance pourra valablement relever un membre de l'équipe dirigeante de cette obligation à tout moment, postérieurement à sa date de départ.

Contrairement à ce que soutient la société Pet Invest, le paragraphe (a) de la clause s'applique bien aux membres de l'équipe dirigeante qu'elle vise expressément, qu'ils aient la qualité de salarié ou de mandataire social.

Pour autant, il ne ressort de l'articulation des deux paragraphes aucune ambiguïté, ni contradiction qui nécessiterait leur interprétation.

En effet, leur simple lecture suffit à comprendre qu'elles ont vocation à s'appliquer cumulativement, et non de manière dérogatoire pour la seconde, en distinguant deux moments de sorte que si en l'absence de décision expresse du comité de surveillance dans les 30 jours de la cessation des fonctions, l'obligation de non-concurrence trouve à s'appliquer, ce même comité a la faculté d'y mettre un terme à tout moment après le départ de l'intéressé.

Il en résulte que le délai était applicable à l'égard de la société Lux Videre, membre de l'équipe dirigeante, tout autant que la faculté de la relever de son obligation à tout moment.

Il convient de rappeler que la clause de non-concurrence constitue une atteinte au libre exercice d'une activité professionnelle ou commerciale et que la levée de cette restriction est une mesure favorable à celui qui y est soumis et n'est pas de nature lui causer un préjudice.

Au cas particulier, il ne peut qu'être constaté qu'aucune décision expresse du comité de surveillance n'est intervenu dans le délai de 30 jours à compter de la révocation de la société Lux Videre de ses fonctions de président de la société Pet Invest, par délibération du comité de surveillance du 7 janvier 2020 et que cette révocation ayant été décidée avec effet immédiat, son départ a été concomitant de sorte qu'à compter de ce dernier, le comité de surveillance avait la faculté de lever l'obligation de non-concurrence, ce qu'il a pu faire conformément aux stipulations du pacte d'associés, par délibération du 7 février 2020.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a constaté l'existence d'une créance de la société Lux Videre à l'encontre de la société Pet Invest au titre de l'indemnité de non-concurrence et l'appelante sera déboutée de ses prétentions indemnitaires.

4°) sur la rémunération de la société Lux Videre au titre de ses fonctions de président :

La société Lux Videre fait valoir qu'elle n'a pas été remplie de ses droits à rémunération pour la période du 1er au 7 janvier 2020 et considère que sa rémunération fixe annuelle doit être fixée à 197.676 euros HT, par application combinée des articles 3.1 du pacte d'associé et 2.3 de l'annexe au protocole d'acquisition de la société Agrobiothers Laboratoire, ce montant correspondant au coût total chargé de la rémunération versée à l'ancien président personne physique.

Concernant sa rémunération variable, elle soutient qu'elle ne saurait en être privée alors que la preuve d'objectifs valablement fixés n'est pas rapportée et qu'elle doit être fixée sur la base de celle versée à l'ancien président.

Elle relève enfin qu'au titre de l'exercice 2017/18, il lui a été versé la même rémunération que celle versée à l'ancien président, incluant les charges patronales, sans qu'aucune contestation n'ait été élevée.

La société Pet Invest réplique que la rémunération fixe du dirigeant est déterminée par l'article 3.1 a) du pacte à concurrence de 144.600 euros HT montant identique à la rémunération fixe brute versée à l'ancien président personne physique et à laquelle s'ajoutait les charges patronales ; que la société Lux Videre n'ayant pas atteint les objectifs qu'elle s'était elle-même fixés, elle ne peut prétendre à une rémunération variable sur les exercices clos au 30 juin 2019, 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020.

Elle considère que la société Lux Videre a facturé depuis le 31 janvier 2018 des charges sociales patronales au titre de ses rémunérations fixe et variable, sans l'accord de la société Pet Invest et que ces sommes sont indues.

- - - - - -

Si en application de l'article 13.5 des statuts de la société Pet Invest, la rémunération du président est fixée librement par le comité de surveillance, l'article 3.1 du pacte d'associés du 31 janvier 2018 prévoit que la rémunération annuelle fixe du président sera au moins égale à 144.600 euros HT et que pour les exercices postérieurs au 30 juin 2018, la part variable de cette rémunération sera calculée sur la base d'objectifs définis par le comité de surveillance.

En outre, selon l'article 2.3 du protocole de cession des titres de la société Agrobiothers Laboratoire, la part fixe de la rémunération du président devait être égale à celle en vigueur à la date de réalisation, la part variable étant calculée sur la base d'objectifs définis chaque année par le comité de surveillance.

La société Lux Videre a été désignée présidente de la société Pet Invest par décision de l'associé unique du 31 janvier 2018 en remplacement de M.[D] [F].

Il résulte de la décision du comité de surveillance du 31 janvier 2018 que ce dernier a autorisé la rémunération de la société Lux Videre en sa qualité de présidente de la société Pet Invest pour un montant d'au moins 144.600 euros HT à titre de rémunération annuelle fixe et de 76.716 euros HT au titre de sa rémunération annuelle variable pour l'exercice clos au 30 juin 2018.

Il n'est justifié d'aucune autre décision du comité de surveillance modifiant le montant de la rémunération annuelle fixe du président, ni fixant ou autorisant celui de sa rémunération annuelle variable pour les exercices postérieurs.

Il résulte des termes du protocole de cession des titres de la société Agrobiothers et de décision du comité de surveillance que la rémunération annuelle fixe de Lux Videre est d'au moins 144.600 euros HT par référence à celle versée antérieurement au président personne physique. La société Lux Videre ne peut prétendre percevoir en plus, le montant de charges patronales versées par la société Pet Invest à raison de la seule qualité de salarié de son précédent dirigeant, qualité qu'elle n'a pas.

C'est donc bien sur la base annuelle de 144.600 euros HT que doit être calculée la rémunération due à la société Lux Videre pour la période du 1er au 7 janvier 2020 et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une somme de 2377 euros HT.

Concernant la rémunération annuelle variable qui devait être fixée par le comité de surveillance sur la base d'objectifs annuels définis par lui, si lors de sa réunion du 4 juillet 2018, des objectifs ont été discutés devant le comité de surveillance pour l'exercice clos au 30 juin 2019, il n'est justifié d'aucune délibération de cet organe arrêtant les modalités de la rémunération du président pour cet exercice. Il n'apparaît pas non plus que le comité de surveillance a postérieurement autorisé une rémunération annuelle variable pour cet exercice comme pour le suivant.

Compte tenu des termes des statuts, du pacte d'associés et du protocole de cession des titres de la société Agrobiothers Laboratoire, la rémunération variable ne peut être fixée à hauteur de celle fixée pour l'exercice clos au 30 juin 2018 et dans ces conditions, la société Lux Videre ne peut prétendre au paiement d'une telle rémunération.

Le jugement qui l'a déboutée de cette prétention sera confirmé.

En conséquence, la cour condamnera la société Pet Invest à verser à la société Lux Videre la somme de 2377 euros HT.

5°) sur la répétition de l'indu :

Il résulte de ce qui précède que la société Lux Videre ne peut prétendre ajouter à sa rémunération, qu'elle soit fixe ou variable, des montants correspondants à des cotisations patronales alors qu'elle n'a pas la qualité de salariée de la société Pet Invest.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté l'existence d'un indu à concurrence de 130.623 euros HT, somme non contestée dans son montant, et la cour condamnera la société Lux Videre au paiement de cette somme.

6°) sur les condamnations :

Le tribunal de commerce ayant de lui-même procédé à la compensation, sa décision devra être infirmée quant au montant de la condamnation finale prononcée à l'encontre de la société Lux Videre.

La cour ordonnera la compensation entre les condamnations réciproques.

7°) sur l'abus de droit :

L'expression de désaccords, de revendication ou de perte de confiance entre associés est insuffisante à caractériser une volonté de nuire à la société elle-même.

Par ailleurs, il est de principe que l'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours constitue un droit fondamental qui ne peut dégénérer en abus sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts que par l'effet d'une faute qu'il appartient au demandeur de caractériser.

C'est avec raison que les premiers juges ont considéré que la volonté de nuire alléguée était insuffisamment rapportée pour justifier l'octroi de dommages-intérêts et leur décision mérite confirmation sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Chalon sur Saône en date du 25 juillet 2022 en ce qu'il a :

- constaté que la société Lux Videre est créancière d'une somme de 72.300 euros hors taxes (50% de 144.600 euros) au titre de l'indemnité de non-concurrence,

- ordonné la compensation entre les créances de 2.377 euros et 72.300 euros de Lux Videre sur Pet Invest et de la créance de 130.623 euros de Pet Invest sur Lux Videre,

- condamné la société Lux Videre à payer à la société Pet Invest la somme de 55.946 euros obtenue après compensation de créances,

statuant à nouveau :

Condamne la SAS Pet Invest à payer à la SARL Lux Videre la somme de 2.377 euros HT ;

Condamne la SARL Lux Videre à restituer à la SAS Pet Invest la somme de 130.623 euros HT ;

Déboute la SARL Lux Videre de ses demandes au titre de la clause de non-concurrence ;

Ordonne la compensation entre les créances réciproques ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

y ajoutant,

Condamne la SARL Lux Videre aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne la SARL Lux Videre à verser à la SAS Pet Invest la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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