CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 6 novembre 2025, n° 22/10183
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10183 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4E6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2022-Tribunal de Commerce de Paris- RG n° 2020016180
APPELANTES
S.A.S. [F] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 398 661 827
Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153
Assistée de Me Thierry D'ORNANO, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. [O] FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 2]
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 985 520 311
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Thomas FERNANDEZ-BONI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
S.A.S. COMINVEST
[Adresse 3]
[Localité 4]
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 501 122 972
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Thomas FERNANDEZ-BONI de la AARPI KOPPER, Avocats au Barreau de Toulouse
S.A.S. [F] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 398 661 827
Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153
Assistée de Me Thierry D'ORNANO, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre
Madame Solène LORANS, Conseillère
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Xavier BLANC, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre, et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La société [F] [W], présidée par M. [L] [C], exerce l'activité de conseil en matière de fusions et acquisitions, de levée de fonds et d'ingénierie financière.
2. La société [H] Industrie était spécialisée dans la fabrication de capsules de surbouchage pour bouteilles de vins et de spiritueux. Elle était présidée jusqu'en 2019 par l'un de ses actionnaires, la société Cominvest, holding patrimoniale de M. [S] [H], qui la présidait.
3. La société [H] Industrie a fait l'objet d'une fusion-absorption le 30 septembre 2021 par la société [O] France, après que son capital a été racheté par la société de droit espagnol [O].
4. Les 11, 13 et 16 mars 2020, faisant valoir, d'une part, qu'elle avait été chargée par la société [H] Industrie de l'assister dans les négociations ayant conduit, en mars 2017, à l'entrée au capital de cette société de la société Agro Invest et soutenant, d'autre part, qu'elle avait ensuite été chargée par les principaux actionnaires de la société [H] Industrie, soit les sociétés Cominvest, Agro Invest, Multicroissance et BPI France Financement, de les assister dans les négociations ayant conduit au rachat, entre 2019 et 2021, de la société [H] Industrie par la société de droit espagnol [O], la société [F] [W] a saisi le tribunal de commerce de Paris en paiement des commissions qu'elle estimait lui être dues.
5. Après s'être désistée de ses demandes formées contre les sociétés AgroInvest, Multicroissance et BPI France Financement, la société [F] [W] demandait en dernier au tribunal, pour l'essentiel :
- la condamnation de la société [O] France, venant aux droits de la société [H] Industrie, à lui payer la somme de 49 500 euros, au titre du solde de la commission due en rémunération de la mission d'assistance aux négociations ayant conduit à l'entrée de la société Agro Invest au capital de la société [H] Industrie ;
- la condamnation de la société Cominvest à lui payer la somme de 290 400 euros, au titre de la commission due en rémunération de la mission d'assistance aux négociations ayant conduit au rachat de la société [H] Industrie par la société [O], et à lui communiquer les éléments permettant de calculer un éventuel complément de commission.
6. Par un jugement du 10 mai 2022, le tribunal a statué comme suit :
« - Condamne la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 €,
- Dit irrecevables les demandes de la société [F] [W] de condamner la société COMINVEST à lui payer la somme de 290 400 € et de lui enjoindre sous astreinte de l'informer du prix retenu lors de la réalisation de la cession des 30 % du capital restants de la société [H] INDUSTRIES,
- Condamne la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 CPC,
- Condamne la société [F] [W] à payer à la société COMINVEST la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 CPC,
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus larges ou contraires au présent dispositif,
- Condamne la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 160,26 € dont 26,28 € de TVA. »
7. Par une déclaration du 24 mai 2022, la société [F] [W] a fait appel de ce jugement, en intimant la seule société Cominvest et en critiquant les chefs du jugement disant irrecevables ses demandes dirigées contre la société Cominvest et la condamnant à payer à cette société une indemnité de procédure. L'instance ouverte par cette déclaration d'appel a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183.
8. Par une déclaration du 4 juillet 2023, la société [O] France a fait appel du même jugement, en intimant les sociétés [F] [W] et Cominvest et en critiquant les chefs du jugement prononçant des condamnations à son encontre ou la déboutant de ses demandes. L'instance ouverte par cette déclaration d'appel a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/11793.
9. Dans l'instance ouverte sur l'appel de la société [F] [W], enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183, cette société demande à la cour, aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 4 août 2022, de :
« Vu les articles 1103, 1113, 1114, 1118 du Code civil,
Vu la lettre de mission du 8 mars 2019,
Vu l'acceptation par [S] [H] le 13 mars 2019 de la lettre de mission ;
Vu l'offre indicative de la société [O] offrant d'acquérir en deux phases (70% immédiatement puis 30% en 2022) 100% des titres de la société [H] INDUSTRIE sur la base d'une valorisation pour 100% de la Société de 14,6 M€ pour la tranche de 70% et potentiellement jusqu'à 25,1 M€ pour la tranche de 30%,
Vu la cession intervenue au mois d'octobre 2019 de 70% du capital de la société [H] INDUSTRIE à la société [O] sur la base d'un prix de 14,6 M€ pour 100% du capital,
Vu la cession intervenue courant 2021 de 30% restants du capital de la société [H] INDUSTRIE à la société [O],
RECEVOIR la société [F] [W] en son appel,
REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit irrecevables les demandes de la société [F] [W] envers la société COMINVEST,
- Condamné la société [F] [W] à payer à la société COMINVEST la somme de 2 000 EUR au titre de l'article 700 CPC,
Statuant à nouveau,
DECLARER recevables les demandes de la société [F] [W] envers la société COMINVEST
CONDAMNER la société COMINVEST à régler à la société [F] [W] la somme de 84 477,36 EUR TTC ;
ENJOINDRE à la société COMINVEST, de communiquer à la société [F] [W] sous astreinte de 1.000 EUR par jour à compter du prononcé de la décision, l'acte cession, ou à tout le moins toute pièce justificative du prix d'acquisition en 2021 des 30% du capital restant afin de lui permettre le cas échéant d'actualiser le montant de sa rémunération.
RESERVER le droit de la société [F] [W] de demander un complément de rémunération, dans l'hypothèse où le prix de cession des 30% restants serait supérieur au prix plancher de 14.600.000 EUR pour 100% du capital.
CONDAMNER la société COMINVEST à payer à la société [F] [W] une somme de 30.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de ses frais irrépétibles devant le tribunal de commerce de Paris et devant la Cour d'Appel.
CONDAMNER la société COMINVEST aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au profit de Maître Marie-Hélène DUJARDIN. »
10. Dans cette instance ouverte sur l'appel de la société [F] [W], par un arrêt du 23 novembre 2023, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 avril 2023, la cour a déclaré irrecevables les conclusions remises au greffe les 4 novembre 2022 et 22 décembre 2022 par la société Cominvest.
11. Dans cette instance, la clôture a été prononcée par une ordonnance du 5 mai 2025.
12. Dans l'instance ouverte par la déclaration d'appel de la société [O] France, enregistrée sous ne numéro de répertoire général 22/11793, par une ordonnance du 26 février 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel de la société [O] France, qui avait été soulevée par la société [F] [W].
13. Dans cette instance ouverte sur son appel, aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 2 octobre 2023, la société [O] France demande à la cour d'appel de :
« - REFORMER le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- CONDAMNE la société [O] FRANCE, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 €,
- CONDAMNE la société [O] FRANCE, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus larges ou contraires au présent dispositif mais seulement lorsqu'il déboute la société [O] FRANCE ;
- CONDAMNE la société [O] FRANCE, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 160,26 € dont 26,28 € de TVA
Et statuant à nouveau,
- DEBOUTER la société [F] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la société [F] [W] à 7000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens »
14. Dans cette instance ouverte sur l'appel de la société [O] France, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 mars 2024, la société [F] [W] demande à la cour d'appel de :
« CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il condamné la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 EUR.
Y ajoutant,
CONDAMNER la société [O] France à payer à [F] [W] la somme de 3 000 EUR de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la société [O] France à payer à [F] [W] la somme de 5 000 EUR en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la société [O] France aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Marie-Hélène DUJARDIN qui en a fait l'avance. »
15. Dans cette instance, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 2 mai 2025, la société Cominvest demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- Dit irrecevables les demandes de la société [F] [W] de condamner la société COMINVEST à lui payer la somme de 290 400 € et de lui enjoindre sous astreinte de l'informer du prix retenu lors de la réalisation de la cession des 30% du capital restant de la société [H] INDUSTRIES ;
- Condamné la société [F] [W] à payer à la société COMINVEST la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la société [F] [W] de ses demandes autres, plus larges ou contraires en ce qu'elles sont dirigées contre la société COMINVEST ;
DEBOUTER la société [F] [W] de toute autre demande ;
A titre subsidiaire, si les demandes de la société [F] [W] à l'encontre de la société COMINVEST devait être déclarées recevables :
DEBOUTER la société [F] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre la société COMINVEST ;
En tout état de cause :
CONDAMNER la société [F] [W] à 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »
16. Dans cette instance, la clôture a été prononcée par une ordonnance du 16 juin 2025.
17. Dans l'instance enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183, à la suite de l'audience de plaidoirie du 30 juin 2025, la société [F] [W] a été invitée à produire le courriel du 18 mars 2019 figurant sous le numéro 7 dans le bordereau de communication de pièces des conclusions que les sociétés Cominvest et [O] France avaient communiquées pour l'audience du tribunal de commerce du 4 avril 2022, conclusions que la société [F] [W] produit elle-même devant la cour sous le numéro 66, étant précisé que ce courriel aurait préalablement fait l'objet d'un projet produit devant la cour par la société [F] [W] sous le numéro 32. Dans l'hypothèse où il se serait agi du même courriel que celui produit sous le numéro 7 par la société Cominvest dans l'instance enregistrée sous le numéro 23/11793, les parties ont été avisées que la cour pourrait prendre en considération le contenu de ce courriel dans l'instance enregistrée sous le numéro 22/1083, en particulier en ce que M. [H], s'adressant à une représentante de la société Agro Invest, y écrirait : « Je peux peut-être demander à [L] de plafonner sa commission mais aussi pourrais être disposé à ce que Cominvest prenne en charge une partie plus importante de sa commission (sans que cela ne soit déraisonnable) dans la mesure où je vais avoir besoin de lui pour négocier mon package à moyen terme dans le cadre de cette négociation », et ont été invitées à présenter leurs éventuelles observations sur ce point.
18. Dans cette instance, en réponse à cette invitation, les sociétés [F] [W] et Cominvest ont remis au greffe, chacune, deux notes en délibérés, respectivement les 3 et 14 octobre 2025, et les 10 et 14 octobre 2025.
19. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions et notes en délibéré remises au greffe par les parties, visées ci-dessus, quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la jonction des deux instances suivies sous les numéros de répertoire général 22/10183 et 23/11793
20. Dès lors, d'une part, que les appels formés par la société [F] [W] et par la société [O] France attaquent le même jugement et, d'autre part, que la société [F] [W] demande la condamnation de la société [O] France, venant aux droits de la société [H] Industrie, d'une part, et de la société Cominvest, d'autre part, au paiement de commissions dues au titre de prestations de conseil et d'assistance que lui auraient successivement confié ces deux sociétés, cependant que certaines de ces prestations pourraient être rattachées à l'une ou l'autre de ces missions, il apparaît d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux instances ouvertes sur les appels respectifs de la société [F] [W] et de la société [O] France.
21. Cependant, cette jonction ne créant pas une procédure unique, la cour ne statuera, sur l'appel de la société [F] [W], qui critique le jugement du 10 mai 2022 en ce qu'il juge irrecevables les demandes dirigées par cette société contre la société Cominvest, qu'au regard des seules conclusions de la société [F] [W], celles de la société Cominvest ayant été déclarées irrecevables, étant observé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la société Cominvest est réputée s'approprier les motifs du jugement, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte des conclusions remises au greffe par la société Cominvest dans le cadre de l'instance ouverte sur l'appel de la société [O] France.
Sur les textes applicables aux relations contractuelles en cause
22. Les articles 1103, 1113 et 1710 du code civil disposent :
- article 1103 :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
- article 1113 :
« Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.
Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur. »
- article 1710 :
« Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. »
23. Il résulte de ces textes qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas une condition de la formation du contrat de louage d'ouvrage, tel le contrat de conseil, présumé conclu à titre onéreux, de sorte qu'en l'absence d'un tel accord, il appartient aux juges du fond de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause.
Sur les relations entre la société [F] [W], la société [H] Industrie, devenue [O] France, et la société Cominvest
24. Par une lettre de mission du 9 mars 2015, la société [H] Industries, représentée par M. [H], président de la société Cominvest, elle-même présidente de la société [H] Industries, a confié à la société [F] [W], représentée par son président, M. [C], une mission d'assistance et de conseil pour rechercher des partenaires financiers et négocier les conditions de leur entrée à son capital.
25. Cette lettre de mission stipulait, outre une commission forfaitaire d'un montant total de 15 000 euros HT, une commission de succès calculée en fonction du montant des fonds levés : 5 % HT pour la tranche inférieure à 2,5 millions d'euros, 4 % HT pour la tranche comprise entre 2,5 et 5 millions d'euros et 3 % HT pour la tranche supérieure à 5 millions d'euros.
26. Par une lettre du 15 mars 2016, prenant acte de ce que la société [H] Industries avait été mise en relation avec certains investisseurs, notamment la société AgroInvest, par un autre intermédiaire, et de ce que la société [H] Industries souhaitait néanmoins qu'elle l'assiste dans les négociations avec ces investisseurs, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée le 9 mars 2015, la société [F] [W] lui a confirmé son accord pour poursuivre cette mission.
27. Par un courriel du 11 mars 2017, M. [C] a indiqué à M. [H] qu'il avait conscience que la société [F] [W] n'avait pas initié les négociations avec la société AgroInvest et que, compte tenu de la situation de la société [H] Industries, il pourrait limiter sa commission immédiate à 60 000 euros HT, en contrepartie de la signature d'un contrat d'accompagnement sur 5 ans prévoyant une rémunération annuelle de 15 000 euros HT, payable trimestriellement.
28. A la suite de ce courriel, le 23 mars 2017, la société [H] Industries et la société [F] [W] ont conclu un avenant à la lettre de mission du 9 mars 2015, dans les termes suivants :
« Les négociations avec le fonds d'investissement AgroInvest sont sur le point d'aboutir sur un investissement de leur part à hauteur de 2.800.000 euros. Notre commission calculée sur la base de la grille de rémunération définie dans notre lettre de mission du 9 mars 2015 serait en théorie égale à [...] 132.000 euros HT.
Nous avons compris de nos récents entretiens que le paiement en une seule fois de cette commission pourrait vous poser problème. Aussi avons-nous consenti à vous proposer les règlements suivants :
- Règlement immédiat d'une somme forfaitaire égale à 60.000 euros HT au titre de la transaction,
- Règlement d'une somme annuelle de 15.000 euros HT pendant 5 ans à compter du 1er avril 2017, payable de façon trimestrielle à hauteur de 3.750 euros HT en 20 trimestrialités payables du 30 juin 2017 au 31 mars 2022.
En complément de cet accord financier, nous vous confirmons notre accord pour accompagner le Groupe [H] Industrie sur cette période sur l'ensemble des réflexions de nature patrimoniale, économique et financière que les différentes composantes de votre groupe pourront avoir à traiter et sur lesquelles vous souhaiteriez réfléchir avec nous.
Cet accompagnement pourra notamment couvrir les thèmes suivants :
- Problématiques capitalistiques,
- Montage financier d'investissement et choix de financement,
- Réflexion sur les options stratégiques de votre groupe,
- Optimisation économique et juridique des opérations envisagées'
L'objectif poursuivi sera dans toute la mesure du possible de veiller à maximiser la valeur d'entreprise et à faciliter la transmissibilité de votre société, la cession restant à terme l'objectif poursuivi par l'ensemble des actionnaires. Il est clair que le rôle d'[F] [W] sera de formuler des commentaires et des propositions aussi bien sur les sujets sur lesquels il sera interrogé que sur les sujets qu'il lui semblerait nécessaire d'approfondir.
Il va de soi que vous serez parfaitement libre d'en tenir compte ou non, et que ceci ne devra en aucun cas interférer sur la faculté de décision qui reste de la responsabilité unique des organes de gestion et de surveillance de votre groupe.
La rémunération de cette mission d'accompagnement sera réputée être celle reportée sur la période allant jusqu'au 31 mars 2022.[...]
Notre société ne pourra enfin en aucun cas être tenue pour responsable, même partiellement, des décisions qui seront finalement prises par votre société et/ou ses actionnaires qui en assumeront la pleine et entière responsabilité ainsi que celle de leurs conséquences notamment financières.
La mission d'accompagnement écrite dans le présent courrier ne couvrira pas en revanche toute éventuelle mission d'assistance ponctuelle (à l'occasion d'une acquisition par exemple) qui devra alors faire l'objet d'une lettre de mission ad hoc, pour autant que le Groupe [H] Industrie et/ou ses actionnaires souhaitent, le cas échéant, confier une telle mission à notre société ».
29. Le 29 mars 2017, la société AgroInvest est entrée au capital de la société [H] Industrie. Il résulte du pacte d'associés conclu le même jour qu'à cette date, la société Cominvest détenait 34 % de ce capital, M. [H] à titre personnel 0,1 %, et les sociétés AgroInvest, BPI France, et Multicroissance, respectivement 31 %, 23 % et 8 %, quatre salariés détenant les quelque 2 % restants.
30. En exécution de l'avenant du 23 mars 2017, à la suite de l'entrée de la société AgroInvest au capital de la société [H] Industrie, cette dernière a payé à la société [F] [W] la somme de 60 000 euros HT puis, trimestriellement, la somme de 3 750 euros HT, jusqu'au deuxième trimestre 2019.
31. Par ailleurs, courant 2018, les principaux actionnaires de la société [H] Industrie ont engagé des négociations en vue de la cession du groupe.
32. A compter du mois de septembre 2018, aux termes de nombreux échanges de courriels, M. [H] a tenu M. [C] informé des premières discussions intervenues avec la société de droit espagnol [O], lui demandant par ailleurs d'actualiser les documents de présentation du groupe utilisés lors des négociations avec la société AgroInvest, et l'invitant à l'assister lors réunions avec les représentants de la société [O].
33. Courant janvier et février 2019, M. [H] a demandé à M. [C] de préparer avec lui la présentation des données prévisionnelles pour les années 2019 à 2021, « afin de structurer [leur] position et [leurs] arguments de valorisation », dans la perspective des négociations avec la société [O], puis lui a demandé de participer à une rencontre avec les représentants de celles-ci, qui s'est tenue les 11 et 12 mars 2019, précédée de nombreux échanges concernant la stratégie à adopter.
34. Aux termes d'un courriel adressé à M. [H] le 13 mars 2019, l'un des représentants de la société [O] confirme la présence de M. [C] lors de cette réunion, jugée « très opportune » car ayant permis « de revoir l'opération d'un point de vue plus financier ».
35. Quelques jours avant cette réunion, le 8 mars 2019, en prévision de cette réunion avec la société [O], M. [C] avait adressé, au nom de la société [F] [W], à M. [H], « [a]gissant tant pour lui-même que pour les actionnaires salariés » et aux sociétés AgroInvest, BPI France et MultiCroissance, « l'ensemble des actionnaires étant domicilié pour les présentes au siège de [H] Industries », un projet de lettre de mission portant sur une prestation de conseil pour les différentes phases de la négociation avec les acquéreurs potentiels du groupe [H], et prévoyant une commission de succès calculée en fonction des fonds perçus de l'acquéreur : 1,5 % HT pour la tranche inférieure à 10 millions d'euros, 2 % HT pour la tranche comprise entre 10 et 15 millions d'euros et 2,5 % HT pour la tranche supérieure à 15 millions d'euros.
36. Par un courriel du 13 mars 2019, M. [H] a répondu à cette offre de mission en ces termes :
« Bonjour [L],
Je vous remercie à nouveau pour l'accueil et pour votre assistance lors de nos réunions avec RMD.
Je pense que nous avons fait ce que nous devions faire et que désormais la balle est dans leur camp mais que la probabilité de parvenir à un accord avec eux est élevée. Je crois que ce serait une bonne opération tant pour mes partenaires que pour moi.
J'ai débriefé hier avec [V] et lui ai indiqué que je désirais désormais que vous soyez associé à nos démarches. Cela lui a semblé être également une bonne idée.
Je lui ai transmis la proposition de mandat, qui je vous le confirme, me convient très bien.
Je lui ai également proposé que nous fassions un point tous les trois afin de préparer les prochaines étapes. [...]»
37. A la suite de ce courriel, M. [H] a échangé avec les autres actionnaires de la société [H] Industrie, et notamment avec la société AgroInvest, à la représentante de laquelle il a notamment écrit, dans un courriel du 18 mars 2019 :
« Je reviens vers vous suite à notre discussion de la semaine dernière à propos de la proposition de mandat présentée par [L]. Je lui ai adressé un mail ce matin pour lui faire part de nos réserves. [...]
Comme vous le savez, même si nos caractères sont assez différents, je fais très confiance à [L] [[C]] et j'apprécie de l'avoir avec moi dans mes négociations car nous sommes très complémentaires. Je connais par ailleurs son intégrité et je sais qu'il a toujours le souci de bien prendre en compte l'alignement des parties ; ce qui est essentiel pour moi.
Je pense également que, même si le contact est très bon, les négociations avec RMD seront plus compliquées que ce que l'on peut croire et que l'apport de [L] dans les moments critiques sera très positif pour nous tous. J'ai pu le constater encore la semaine dernière. Il est parvenu à remettre au centre des discussions et comme condition préalable la question de la valorisation que nous attendons face au conseil de RMD dont l'agenda était tout autre, sans rompre la qualité du contact.
Ceci étant, je ne souhaite pas que nous ayons une position différente sur ce sujet.
Je peux peut-être demander à [L] de plafonner sa commission mais aussi pourrais être disposé à ce que Cominvest prenne en charge une partie plus importante de sa commission (sans que cela ne soit déraisonnable) dans la mesure où je vais avoir besoin de lui pour négocier mon package à moyen terme dans le cadre de cette négociation. »
38. Les négociations alors en cours entre les actionnaires de la société [H] Industrie et la société [O] se sont poursuivies, courant mars et avril 2019, M. [H] continuant d'y associer M. [C], en lui demandant notamment, le 14 mars 2019, d'adresser au représentant de la société [O] le dossier de présentation de l'opération, ce dernier le remerciant en sa double qualité de conseil de M. [H] et de propriétaire du château dans lequel s'était tenue la rencontre.
39. M. [H] a encore informé M. [C] de l'avancée des négociations, par un courriel du 29 avril 2019, lui indiquant que les actionnaires de la société [H] Industrie devaient recevoir dans les jours suivants l'offre indicative de la société [O], et qu'il ne manquerait pas de la lui transmettre dès réception.
40. Dans ce courriel, M. [H] confirmait à M. [C] que, comme cela résultait déjà d'échanges intervenus courant mars, les associés financiers de la société [H] pensaient pouvoir mener les négociations sans recourir à ses services, ce qu'il regrettait en ces termes : « Je leur ai également manifesté le fait que j'étais désormais en limite d'exercice dans mes négociations avec [la société [O]] ce qu'ils ont admis. Cependant, ils pensent pouvoir mener la négociation sans intermédiaire, ce qui m'ennuie car je pense que ce n'est pas une bonne solution car il va y avoir encore, en cas d'offre intéressante beaucoup de points à parcourir et je suis certain qu'ils ne le feront pas avec attention. J'ai de toutes façons besoin de protéger mes intérêts dans cette négociation. J'attendais donc le retour de [la société [O]] avant de revenir vers vous. Ce devrait être le cas cette semaine. »
41. Le 7 mai 2019, la société [O] a transmis aux actionnaires de la société [H] Industrie une lettre d'intention, prévoyant une acquisition en deux temps : 70 % du capital dès 2019, moyennant une valorisation de la totalité du capital égale à 7 fois le montant de l'EBITDA évalué pour cet exercice, soit 2,5 millions d'euros, et les 30 % restants courant 2022, moyennant une valorisation calculée selon le même principe, la référence étant le montant de l'EBITDA de l'exercice 2021. Cette lettre d'intention fait notamment référence à la présentation du 11 mars 2019, évoquée aux points 33 et 38. Il est acquis que la cession est intervenue, pour le prix convenu dans cette lettre d'intention, en octobre 2019 pour la première tranche, la cession de la deuxième tranche ayant été avancée au mois de septembre 2021.
42. Dès le 7 mai 2019, comme annoncé, M. [H] a transmis à M. [C] la lettre d'intention de la société [O], sur laquelle M. [C] a émis son opinion par un courriel du lendemain.
43. Par un courriel du 14 mai 2019, M. [H] a informé M. [C] que les représentants des sociétés AgroInvest, MultiCroissance et BPI avaient décidé de ne pas avoir recours aux services de la société [F] [W].
44. Néanmoins, par plusieurs courriels du 15 mai 2019, M. [H] a adressé à M. [C] la liste des points de discussion concernant l'offre reçue de la société [O], qui avaient vocation à être débattus, soit avec cette dernière, soit entre associés de la société [H] Industrie. Par un courriel du même jour, en retour, M. [C] a émis son opinion sur ces différents points.
45. Le lendemain, M. [H] a indiqué à M. [C] que la société AgroInvest maintenait sa position de ne pas faire appel à un intermédiaire dans le cadre de la négociation avec la société [O], précisant qu'il avait espéré les convaincre, encore la semaine précédente. M. [H] ajoutait qu'il était très embarrassé car il ne voulait pas donner l'impression de revenir vers M. [C] pour « renégocier le tarif de [ses] prestations ».
46. Par un courriel du 7 juin 2019, M. [C] prenait acte du silence de M. [H] depuis ce dernier message et demandait, dans le cadre d'un « accord amiable », le paiement immédiat du solde de la commission relative à l'entrée au capital de la société [H] Industrie de la société AgroInvest et, après avoir détaillé ses interventions dans le cadre des négociations avec la société [O], estimait avoir réalisé 50 % du travail correspondant à la mission d'accompagnement qu'il avait proposée et demandait en conséquence, au regard de la rémunération pour cette mission stipulée dans le projet de mandat du 8 mars 2019, le paiement de la somme de 125 000 euros HT.
47. Par un courriel du 14 juin 2019, M. [H] a répondu, sur le premier point, que M. [C] serait intégralement payé de la commission relative à l'entrée au capital de la société [H] Industrie de la société AgroInvest, « conformément à l'accord [qu'ils avaient] sur l'étalement et la ventilation du prix sur la dernière opération réalisée il y a deux ans » mais qu'en revanche, s'agissant du second point, M. [C] ne pouvait soutenir avoir réalisé 50 % des prestations visées dans le projet de lettre de mission, laquelle n'avait pas été signée par les associés de la société [H] Industrie et ne les liait donc pas, et que ceux-ci n'accèderaient donc pas à sa demande de rémunération.
48. Par un courriel du 15 juin 2019, M. [C] a indiqué qu'il lui semblait, s'agissant de la commission relative à l'entrée au capital de la société AgroInvest, que M. [H] entendait « se conformer à l'accord [qu'il lui] avai[t] consenti concernant l'étalement de son règlement », ce qui ne lui paraissait pas acceptable au regard du contexte, dès lors qu'il craignait qu'un nouvel actionnaire lui impose de ne pas respecter cet engagement. Il maintenait par ailleurs sa demande de rémunération au titre de la mission d'assistance dans les négociations avec la société [O].
49. Les échanges ultérieurs n'ont pas permis à M. [H] et à M. [C] de trouver un accord, ce qui a conduit M. [C], agissant en qualité de représentant de la société [F] [W], de saisir le tribunal de commerce, d'une part, d'une demande dirigée contre la société [H] Industrie, devenue entretemps [O] France, au titre de l'avenant du 23 mars 2017 et, d'autre part, de demandes dirigées contre la société Cominvest, au titre de la lettre de mission du 8 mars 2019, que cette dernière aurait acceptée.
Sur les demandes formées par la société [F] [W] contre la société [H] Industrie, devenue [O] France
50. La société [F] [W] soutient que, par l'avenant du 23 mars 2017 cité au point 28, elle a consenti à la société [H] Industrie un simple report de paiement d'une partie de la commission qui lui était due en exécution de la lettre de mission du 9 mars 2015, sans souscrire l'obligation de fournir une prestation en contrepartie des paiements prévus trimestriellement jusqu'au mois de mars 2022.
51. Cependant, contrairement à ce que soutient la société [F] [W], il résulte des stipulations de cet avenant du 23 mars 2017 qu'en contrepartie de ces paiements trimestriels, la société [F] [W] s'est engagée à fournir au groupe [H] Industrie, sur la période courant de mars 2017 à mars 2022, des prestations d'accompagnement du groupe dans ses réflexions de nature patrimoniale, économique et financière.
52. Ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu que cet avenant ne stipulait pas que la mission d'accompagnement confiée à la société [F] [W] s'étendrait sur la période allant jusqu'au 31 mars 2022, pour en déduire que le solde de la commission liée à l'entrée de la société AgroInvest au capital de la société [H] Industrie demeurait dû.
53. Si, dans le courriel du 14 juin 2019 cité au point 47, M. [H] a indiqué à M. [C] que la société [F] [W] serait intégralement payée de la commission relative aux négociations menées avec la société AgroInvest, M. [H] précisait ensuite que ce serait conformément à l'avenant du 23 mars 2017, lequel impliquait, en contrepartie des paiements trimestriels prévus par cet accord, la réalisation par la société [F] [W] des prestations de conseil définies par cet avenant. En tout état de cause, il ne se déduit pas des termes de ce courriel que le représentant de la société [H] Industrie ait entendu renoncer, de manière non équivoque, à la réalisation de ces prestations par la société [F] [W] et qu'il ait accepté de payer les échéances trimestrielles à venir, sans contrepartie.
54. La société [F] [W] a cessé, à compter du mois de juin 2019, de fournir les prestations d'accompagnement de la société [H] Industrie, devenue [O] France, prévues par l'avenant du 23 mars 2017, sans établir, ni même alléguer, que la société [H] Industrie serait à l'origine de la rupture de cette relation contractuelle, étant observé que, si elle soutient que les actionnaires de la société [H] Industrie ont mis fin, au mois de mai 2019, à la mission qu'ils lui auraient confiée dans le cadre des négociations avec la société [O], elle soutient dans le même temps que cette mission était totalement distincte de celle qui lui avait été confiée dans le cadre des négociations avec la société AgroInvest.
55. En conséquence, la société [F] [W] n'est pas fondée à demander le paiement des échéances trimestrielles postérieures au mois de juin 2019, qui n'étaient dues qu'en contrepartie de prestations qu'elle a cessé de fournir.
56. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamne la société [O] France à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 euros, la société [F] [W] sera déboutée de sa demande de paiement de cette somme et, compte tenu de cette décision, cette société sera également déboutée de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive.
Sur les demandes de la société [F] [W] dirigées contre la société Cominvest en paiement de prestations d'assistance aux négociations ayant conduit à l'acquisition en 2019 et 2021 du capital de la société [H] Industrie par la société [O]
Sur la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir
57. Les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile disposent :
- article 31 :
« L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
- article 32 :
« Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. »
- article 122 :
« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
58. Il résulte du premier de ces textes que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
59. En l'espèce, la société [F] [W] soutient que la société Cominvest lui a confié une mission de prestation de conseil aux fins de l'assister dans les négociations ayant conduit au rachat du capital de la société [H] Industrie par la société [O] et poursuit en conséquence, à l'encontre de la société Cominvest, le paiement de la rémunération qu'elle estime lui être due en contrepartie des prestations réalisées en exécution de cette mission.
60. Si la société Cominvest oppose que la mission qu'invoque la société [F] [W] lui a été confiée, comme l'a retenu le tribunal, par M. [H] agissant à titre personnel, et non en tant que représentant de la société Cominvest, ce moyen ne tend qu'à contester l'existence de l'obligation dont la société [F] [W] demande l'exécution, et donc le bien-fondé de l'action de cette société, mais n'est pas de nature à priver cette société de son intérêt à agir.
61. Au surplus, il résulte des échanges intervenus entre M. [C] et M. [H], relatés aux points 32 à 47, que c'est bien en qualité de représentant de la société Cominvest que M. [H] a négocié les modalités de l'intervention de la société [F] [W] pour assister les actionnaires de la société [H] Industrie dans la recherche d'un acquéreur pour le groupe [H], puis dans les négociations avec la société [O].
62. En effet, en premier lieu, comme le fait valoir la société [F] [W], M. [H] est très fréquemment identifié à la société Cominvest, sa holding patrimoniale, dans les documents établis par la société [H] Industrie. C'est notamment le cas dans la présentation du groupe établie en juin 2014, dans laquelle la société [H] Industrie est alors présentée (p. 4) comme détenue à hauteur de 51,9 % par « [S] [H] (via Cominvest) ». C'est encore le cas dans le pacte d'associé du 29 mars 2017, dans lequel M. [H] et la société Cominvest, bien que détenant alors distinctement et respectivement 34 % et 0,1 % du capital de la société [H] Industrie, sont désignés ensemble comme « le Dirigeant », au regard des fonctions exercées par la société Cominvest, présidente de la société [H] Industrie et elle-même présidée par M. [H], étant précisé que M. [H] et la société Cominvest sont désignés sous ce vocable commun même pour ce qui concerne les stipulations relatives à leur qualité d'associé. C'est enfin le cas dans le tableau adressé à M. [H], notamment, le 15 mai 2019 par la société AgroInvest, lequel regroupe les participations de M. [H] et de la société Cominvest sous l'intitulé « [S] [H] ».
63. De la même manière, il importe peu que M. [H] n'ait pas précisé, dans les courriels qu'il a échangés avec M. [C], qu'il s'exprimait alors au nom de la société Cominvest, dès lors que, s'agissant d'échanges concernant les intérêts des actionnaires de la société [H] Industrie, actionnaires dont les participations au capital de cette société avaient vocation à être rachetées au terme des négociations pour la conduite desquelles la société [F] [W] offrait son assistance, et au regard des participations qu'il détenait directement, à hauteur de 0,1 % du capital, et indirectement par l'intermédiaire de la société Cominvest, à hauteur de 34 % du capital, M. [H] agissait nécessairement, certes à titre personnel, mais aussi et surtout au nom de la société Cominvest.
64. En deuxième lieu, M. [H] a régulièrement évoqué, dans ses courriels, ses partenaires ou ses associés financiers, qu'il aurait notamment tenté de convaincre d'accepter la lettre de mission soumise le 8 mars 2019 par la société [F] [W]. Or, dans la mesure où les associés financiers ainsi désignés étaient les sociétés AgroInvest, BPIFrance et Multicroissance, il s'en déduit que M. [H] s'exprimait alors au nom de la société Cominvest, sauf à envisager que cette dernière, principale actionnaire de la société [H] Industrie avec 34 % du capital, ait été exclue des négociations avec la société [O].
65. Il s'en déduit, pour la même raison, que dans la liste des destinataires du projet de lettre de mission du 8 mars 2019, M. [H] était nécessairement désigné, non seulement à titre personnel et en tant que représentant des actionnaires salariés, mais également en tant que représentant de la société Cominvest, dès lors que la société Cominvest, principale actionnaire de la société [H] Industrie, avait nécessairement vocation à participer aux négociations pour lesquelles la société [F] [W] proposait ses services.
66. Enfin, le fait que ce soit au nom de la société Cominvest que M. [H] ait mené les discussions avec la société [F] [W], s'agissant de la mission susceptible d'être confiée à cette dernière dans le cadre des négociations avec la société [O], résulte également du contenu du courriel adressé le 18 mars 2019 par M. [H] à la représentante de la société AgroInvest, aux termes duquel, pour convaincre cette dernière d'accepter la lettre de mission soumise par M. [C], M. [H] indique qu'il pourrait « être disposé à ce que Cominvest prenne en charge une partie plus importante de sa commission ».
67. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il dit irrecevables les demandes formées par la société [F] [W] tendant au paiement de la rémunération due pour ses prestations de conseil dans le cadre des négociations ayant conduit au rachat du capital de la société [H] Industrie par la société [O] et la fin de non-recevoir opposée à ces demandes par la société Cominvest sera rejetée.
Sur le bien-fondé des demandes
68. Il résulte des motifs énoncés aux points 61 à 71 que la société [F] [W], qui justifie avoir exécuté une prestation de conseil à la demande de la société Cominvest, dans le cadre des négociations menées avec la société [O] en vue du rachat par celle-ci du capital de la société [H] Industrie, est non seulement recevable mais fondée à demander à la société Cominvest le paiement de la rémunération due en contrepartie de cette prestation.
69. En effet, il résulte des échanges intervenus entre M. [C] et M. [H] dès le mois de septembre 2018, que M. [H], agissant en tant que représentant de la société Cominvest comme cela résulte des motifs énoncés aux points 61 à 66, a entendu confier à la société [F] [W] une mission de conseil et d'assistance dans le cadre des négociations avec le groupe [O], avant même que la société [F] [W] formalise, le 8 mars 2019, un projet de lettre de mission destiné à l'ensemble des actionnaires de la société [H] Industrie.
70. Dès avant cette date, la société [F] [W] avait commencé à exécuter cette mission, distincte, comme le fait valoir cette société elle-même, de la mission générale d'assistance et de conseil qui lui avait été confiée par la société [H] Industrie, et non par un ou plusieurs de ses actionnaires, aux termes de l'avenant du 23 mars 2017. La réponse de M. [H] à l'envoi du projet de lettre de mission du 8 mars 2019, indiquant que ce projet lui « conv[enait] très bien », confirme que la société Cominvest avait entendu confier cette mission à la société [F] [W], peu important que les autres actionnaires n'aient pas donné suite à cette proposition ou que le représentant de la société Cominvest, n'ait pas formalisé son acceptation en apposant sa signature sur la lettre de mission.
71. Il résulte par ailleurs de ces mêmes échanges, comme l'a retenu le tribunal, que la société [F] [W] a mené, pour l'exécution de cette mission, un important travail de conseil, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, à tout le moins à compter du mois de janvier 2019 et jusqu'au 16 mai 2019, notamment par une participation active à l'élaboration de la présentation de la situation financière prévisionnelle du groupe [H], par la participation à des réunions avec les actionnaires de la société [H] Industrie puis avec les représentants de la société [O], par l'analyse des documents communiqués par les différents intervenants et l'élaboration d'une stratégie de négociation. A l'époque, M. [H] se félicitait au demeurant des interventions de M. [C], lui témoignant directement sa reconnaissance et faisant état auprès de ses partenaires de la confiance qu'il avait en lui.
72. Cela étant, si la société [F] [W] est fondée à demander la condamnation de la société Cominvest à lui payer la rémunération due au titre de ces prestations, compte tenu de ce qu'aucun accord sur le montant de cette rémunération n'a été formalisé entre les parties, de ce que la mission initialement prévue n'a pas été menée à son terme, du fait du désaccord apparu entre les parties au mois de mai 2019, il convient, avant dire droit sur les demandes de la société [F] [W] tendant à la condamnation de la société Cominvest à lui payer cette rémunération et afin de favoriser la recherche d'une solution négociée, de rouvrir les débats, sans révoquer l'ordonnance de clôture, pour recueillir les observations des parties sur la recherche d'une telle solution, le cas échéant par la mise en 'uvre d'une mesure de médiation, lors d'une audience qui sera tenue par le magistrat chargé du rapport en présence d'un représentant, dûment habilité, de la société [F] [W] et de la société Cominvest et des avocats de ces sociétés.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
73. Les articles 696 et 700 du code de procédure civile disposent :
- article 696 :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. [...] »
- article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...] »
74. En application du premier de ces textes, compte tenu du sens de la présente décision s'agissant des demandes de la société [F] [W] dirigées contre la société [O] France, le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne cette société aux dépens de la procédure de première instance et la société [F] [W] sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance, dans ses rapports avec la société [O] France, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/11793.
75. En application du second, le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne la société [O] France à payer à la société [F] [W] la somme de 5 000 euros en remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure de première instance, la société [F] [W] sera déboutée de sa demande de remboursement de tels frais exposés dans le cadre des procédures d'instance et d'appel et elle sera condamnée, à ce titre, à payer à la société [O] France la somme de 5 000 euros.
76. Pour le surplus, les dépens et les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Joint sous le numéro de répertoire général 22/10183 la procédure enregistrée sous ce numéro et la procédure enregistrée sous le numéro 23/11793 ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il statue sur les dépens dans les rapports entre la société [F] [W] et la société Cominvest et sur les demandes réciproques formées par ces deux sociétés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société [F] [W] de l'ensemble de ses demandes formées contre la société [O] France ;
Condamne la société [F] [W] aux dépens de la procédure de première instance, dans ses rapports à la société [O] France, et aux dépens de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/11973 ;
Déboute la société [F] [W] de sa demande dirigée contre la société [O] France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne, sur ce fondement, à payer à la société [O] France la somme de 5 000 euros ;
Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Cominvest aux demandes formées à son encontre par la société [F] [W] ;
Avant dire droit, au fond, sur ces demandes,
Ordonne la réouverture des débats, sans révocation de l'ordonnance de clôture, à l'audience de plaidoirie du mardi 9 décembre 2025 à 16 heures, qui sera tenue par le magistrat chargé du rapport, en présence d'un représentant, dûment habilité, de la société [F] [W] et de la société Cominvest et des avocats de ces sociétés, pour recueillir leurs observations sur la recherche d'une solution négociée sur les points restant en litige ;
Réserve les dépens de la procédure de première instance, dans les rapports des sociétés [F] [W] et Cominvest, et les dépens de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183, ainsi que les demandes réciproques formées par ces parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10183 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4E6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2022-Tribunal de Commerce de Paris- RG n° 2020016180
APPELANTES
S.A.S. [F] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 398 661 827
Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153
Assistée de Me Thierry D'ORNANO, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. [O] FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 2]
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 985 520 311
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Thomas FERNANDEZ-BONI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
S.A.S. COMINVEST
[Adresse 3]
[Localité 4]
immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 501 122 972
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Thomas FERNANDEZ-BONI de la AARPI KOPPER, Avocats au Barreau de Toulouse
S.A.S. [F] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 398 661 827
Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153
Assistée de Me Thierry D'ORNANO, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre
Madame Solène LORANS, Conseillère
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Xavier BLANC, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre, et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La société [F] [W], présidée par M. [L] [C], exerce l'activité de conseil en matière de fusions et acquisitions, de levée de fonds et d'ingénierie financière.
2. La société [H] Industrie était spécialisée dans la fabrication de capsules de surbouchage pour bouteilles de vins et de spiritueux. Elle était présidée jusqu'en 2019 par l'un de ses actionnaires, la société Cominvest, holding patrimoniale de M. [S] [H], qui la présidait.
3. La société [H] Industrie a fait l'objet d'une fusion-absorption le 30 septembre 2021 par la société [O] France, après que son capital a été racheté par la société de droit espagnol [O].
4. Les 11, 13 et 16 mars 2020, faisant valoir, d'une part, qu'elle avait été chargée par la société [H] Industrie de l'assister dans les négociations ayant conduit, en mars 2017, à l'entrée au capital de cette société de la société Agro Invest et soutenant, d'autre part, qu'elle avait ensuite été chargée par les principaux actionnaires de la société [H] Industrie, soit les sociétés Cominvest, Agro Invest, Multicroissance et BPI France Financement, de les assister dans les négociations ayant conduit au rachat, entre 2019 et 2021, de la société [H] Industrie par la société de droit espagnol [O], la société [F] [W] a saisi le tribunal de commerce de Paris en paiement des commissions qu'elle estimait lui être dues.
5. Après s'être désistée de ses demandes formées contre les sociétés AgroInvest, Multicroissance et BPI France Financement, la société [F] [W] demandait en dernier au tribunal, pour l'essentiel :
- la condamnation de la société [O] France, venant aux droits de la société [H] Industrie, à lui payer la somme de 49 500 euros, au titre du solde de la commission due en rémunération de la mission d'assistance aux négociations ayant conduit à l'entrée de la société Agro Invest au capital de la société [H] Industrie ;
- la condamnation de la société Cominvest à lui payer la somme de 290 400 euros, au titre de la commission due en rémunération de la mission d'assistance aux négociations ayant conduit au rachat de la société [H] Industrie par la société [O], et à lui communiquer les éléments permettant de calculer un éventuel complément de commission.
6. Par un jugement du 10 mai 2022, le tribunal a statué comme suit :
« - Condamne la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 €,
- Dit irrecevables les demandes de la société [F] [W] de condamner la société COMINVEST à lui payer la somme de 290 400 € et de lui enjoindre sous astreinte de l'informer du prix retenu lors de la réalisation de la cession des 30 % du capital restants de la société [H] INDUSTRIES,
- Condamne la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 CPC,
- Condamne la société [F] [W] à payer à la société COMINVEST la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 CPC,
- Déboute les parties de leurs demandes autres, plus larges ou contraires au présent dispositif,
- Condamne la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 160,26 € dont 26,28 € de TVA. »
7. Par une déclaration du 24 mai 2022, la société [F] [W] a fait appel de ce jugement, en intimant la seule société Cominvest et en critiquant les chefs du jugement disant irrecevables ses demandes dirigées contre la société Cominvest et la condamnant à payer à cette société une indemnité de procédure. L'instance ouverte par cette déclaration d'appel a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183.
8. Par une déclaration du 4 juillet 2023, la société [O] France a fait appel du même jugement, en intimant les sociétés [F] [W] et Cominvest et en critiquant les chefs du jugement prononçant des condamnations à son encontre ou la déboutant de ses demandes. L'instance ouverte par cette déclaration d'appel a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/11793.
9. Dans l'instance ouverte sur l'appel de la société [F] [W], enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183, cette société demande à la cour, aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 4 août 2022, de :
« Vu les articles 1103, 1113, 1114, 1118 du Code civil,
Vu la lettre de mission du 8 mars 2019,
Vu l'acceptation par [S] [H] le 13 mars 2019 de la lettre de mission ;
Vu l'offre indicative de la société [O] offrant d'acquérir en deux phases (70% immédiatement puis 30% en 2022) 100% des titres de la société [H] INDUSTRIE sur la base d'une valorisation pour 100% de la Société de 14,6 M€ pour la tranche de 70% et potentiellement jusqu'à 25,1 M€ pour la tranche de 30%,
Vu la cession intervenue au mois d'octobre 2019 de 70% du capital de la société [H] INDUSTRIE à la société [O] sur la base d'un prix de 14,6 M€ pour 100% du capital,
Vu la cession intervenue courant 2021 de 30% restants du capital de la société [H] INDUSTRIE à la société [O],
RECEVOIR la société [F] [W] en son appel,
REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Dit irrecevables les demandes de la société [F] [W] envers la société COMINVEST,
- Condamné la société [F] [W] à payer à la société COMINVEST la somme de 2 000 EUR au titre de l'article 700 CPC,
Statuant à nouveau,
DECLARER recevables les demandes de la société [F] [W] envers la société COMINVEST
CONDAMNER la société COMINVEST à régler à la société [F] [W] la somme de 84 477,36 EUR TTC ;
ENJOINDRE à la société COMINVEST, de communiquer à la société [F] [W] sous astreinte de 1.000 EUR par jour à compter du prononcé de la décision, l'acte cession, ou à tout le moins toute pièce justificative du prix d'acquisition en 2021 des 30% du capital restant afin de lui permettre le cas échéant d'actualiser le montant de sa rémunération.
RESERVER le droit de la société [F] [W] de demander un complément de rémunération, dans l'hypothèse où le prix de cession des 30% restants serait supérieur au prix plancher de 14.600.000 EUR pour 100% du capital.
CONDAMNER la société COMINVEST à payer à la société [F] [W] une somme de 30.000 EUR sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de ses frais irrépétibles devant le tribunal de commerce de Paris et devant la Cour d'Appel.
CONDAMNER la société COMINVEST aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au profit de Maître Marie-Hélène DUJARDIN. »
10. Dans cette instance ouverte sur l'appel de la société [F] [W], par un arrêt du 23 novembre 2023, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 avril 2023, la cour a déclaré irrecevables les conclusions remises au greffe les 4 novembre 2022 et 22 décembre 2022 par la société Cominvest.
11. Dans cette instance, la clôture a été prononcée par une ordonnance du 5 mai 2025.
12. Dans l'instance ouverte par la déclaration d'appel de la société [O] France, enregistrée sous ne numéro de répertoire général 22/11793, par une ordonnance du 26 février 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel de la société [O] France, qui avait été soulevée par la société [F] [W].
13. Dans cette instance ouverte sur son appel, aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe le 2 octobre 2023, la société [O] France demande à la cour d'appel de :
« - REFORMER le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- CONDAMNE la société [O] FRANCE, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 €,
- CONDAMNE la société [O] FRANCE, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus larges ou contraires au présent dispositif mais seulement lorsqu'il déboute la société [O] FRANCE ;
- CONDAMNE la société [O] FRANCE, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 160,26 € dont 26,28 € de TVA
Et statuant à nouveau,
- DEBOUTER la société [F] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la société [F] [W] à 7000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens »
14. Dans cette instance ouverte sur l'appel de la société [O] France, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 mars 2024, la société [F] [W] demande à la cour d'appel de :
« CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il condamné la société [O] France, venant aux droits de la société [H] INDUSTRIES, à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 EUR.
Y ajoutant,
CONDAMNER la société [O] France à payer à [F] [W] la somme de 3 000 EUR de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la société [O] France à payer à [F] [W] la somme de 5 000 EUR en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la société [O] France aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Marie-Hélène DUJARDIN qui en a fait l'avance. »
15. Dans cette instance, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 2 mai 2025, la société Cominvest demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- Dit irrecevables les demandes de la société [F] [W] de condamner la société COMINVEST à lui payer la somme de 290 400 € et de lui enjoindre sous astreinte de l'informer du prix retenu lors de la réalisation de la cession des 30% du capital restant de la société [H] INDUSTRIES ;
- Condamné la société [F] [W] à payer à la société COMINVEST la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la société [F] [W] de ses demandes autres, plus larges ou contraires en ce qu'elles sont dirigées contre la société COMINVEST ;
DEBOUTER la société [F] [W] de toute autre demande ;
A titre subsidiaire, si les demandes de la société [F] [W] à l'encontre de la société COMINVEST devait être déclarées recevables :
DEBOUTER la société [F] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre la société COMINVEST ;
En tout état de cause :
CONDAMNER la société [F] [W] à 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »
16. Dans cette instance, la clôture a été prononcée par une ordonnance du 16 juin 2025.
17. Dans l'instance enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183, à la suite de l'audience de plaidoirie du 30 juin 2025, la société [F] [W] a été invitée à produire le courriel du 18 mars 2019 figurant sous le numéro 7 dans le bordereau de communication de pièces des conclusions que les sociétés Cominvest et [O] France avaient communiquées pour l'audience du tribunal de commerce du 4 avril 2022, conclusions que la société [F] [W] produit elle-même devant la cour sous le numéro 66, étant précisé que ce courriel aurait préalablement fait l'objet d'un projet produit devant la cour par la société [F] [W] sous le numéro 32. Dans l'hypothèse où il se serait agi du même courriel que celui produit sous le numéro 7 par la société Cominvest dans l'instance enregistrée sous le numéro 23/11793, les parties ont été avisées que la cour pourrait prendre en considération le contenu de ce courriel dans l'instance enregistrée sous le numéro 22/1083, en particulier en ce que M. [H], s'adressant à une représentante de la société Agro Invest, y écrirait : « Je peux peut-être demander à [L] de plafonner sa commission mais aussi pourrais être disposé à ce que Cominvest prenne en charge une partie plus importante de sa commission (sans que cela ne soit déraisonnable) dans la mesure où je vais avoir besoin de lui pour négocier mon package à moyen terme dans le cadre de cette négociation », et ont été invitées à présenter leurs éventuelles observations sur ce point.
18. Dans cette instance, en réponse à cette invitation, les sociétés [F] [W] et Cominvest ont remis au greffe, chacune, deux notes en délibérés, respectivement les 3 et 14 octobre 2025, et les 10 et 14 octobre 2025.
19. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions et notes en délibéré remises au greffe par les parties, visées ci-dessus, quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la jonction des deux instances suivies sous les numéros de répertoire général 22/10183 et 23/11793
20. Dès lors, d'une part, que les appels formés par la société [F] [W] et par la société [O] France attaquent le même jugement et, d'autre part, que la société [F] [W] demande la condamnation de la société [O] France, venant aux droits de la société [H] Industrie, d'une part, et de la société Cominvest, d'autre part, au paiement de commissions dues au titre de prestations de conseil et d'assistance que lui auraient successivement confié ces deux sociétés, cependant que certaines de ces prestations pourraient être rattachées à l'une ou l'autre de ces missions, il apparaît d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux instances ouvertes sur les appels respectifs de la société [F] [W] et de la société [O] France.
21. Cependant, cette jonction ne créant pas une procédure unique, la cour ne statuera, sur l'appel de la société [F] [W], qui critique le jugement du 10 mai 2022 en ce qu'il juge irrecevables les demandes dirigées par cette société contre la société Cominvest, qu'au regard des seules conclusions de la société [F] [W], celles de la société Cominvest ayant été déclarées irrecevables, étant observé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la société Cominvest est réputée s'approprier les motifs du jugement, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte des conclusions remises au greffe par la société Cominvest dans le cadre de l'instance ouverte sur l'appel de la société [O] France.
Sur les textes applicables aux relations contractuelles en cause
22. Les articles 1103, 1113 et 1710 du code civil disposent :
- article 1103 :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
- article 1113 :
« Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.
Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur. »
- article 1710 :
« Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. »
23. Il résulte de ces textes qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas une condition de la formation du contrat de louage d'ouvrage, tel le contrat de conseil, présumé conclu à titre onéreux, de sorte qu'en l'absence d'un tel accord, il appartient aux juges du fond de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause.
Sur les relations entre la société [F] [W], la société [H] Industrie, devenue [O] France, et la société Cominvest
24. Par une lettre de mission du 9 mars 2015, la société [H] Industries, représentée par M. [H], président de la société Cominvest, elle-même présidente de la société [H] Industries, a confié à la société [F] [W], représentée par son président, M. [C], une mission d'assistance et de conseil pour rechercher des partenaires financiers et négocier les conditions de leur entrée à son capital.
25. Cette lettre de mission stipulait, outre une commission forfaitaire d'un montant total de 15 000 euros HT, une commission de succès calculée en fonction du montant des fonds levés : 5 % HT pour la tranche inférieure à 2,5 millions d'euros, 4 % HT pour la tranche comprise entre 2,5 et 5 millions d'euros et 3 % HT pour la tranche supérieure à 5 millions d'euros.
26. Par une lettre du 15 mars 2016, prenant acte de ce que la société [H] Industries avait été mise en relation avec certains investisseurs, notamment la société AgroInvest, par un autre intermédiaire, et de ce que la société [H] Industries souhaitait néanmoins qu'elle l'assiste dans les négociations avec ces investisseurs, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée le 9 mars 2015, la société [F] [W] lui a confirmé son accord pour poursuivre cette mission.
27. Par un courriel du 11 mars 2017, M. [C] a indiqué à M. [H] qu'il avait conscience que la société [F] [W] n'avait pas initié les négociations avec la société AgroInvest et que, compte tenu de la situation de la société [H] Industries, il pourrait limiter sa commission immédiate à 60 000 euros HT, en contrepartie de la signature d'un contrat d'accompagnement sur 5 ans prévoyant une rémunération annuelle de 15 000 euros HT, payable trimestriellement.
28. A la suite de ce courriel, le 23 mars 2017, la société [H] Industries et la société [F] [W] ont conclu un avenant à la lettre de mission du 9 mars 2015, dans les termes suivants :
« Les négociations avec le fonds d'investissement AgroInvest sont sur le point d'aboutir sur un investissement de leur part à hauteur de 2.800.000 euros. Notre commission calculée sur la base de la grille de rémunération définie dans notre lettre de mission du 9 mars 2015 serait en théorie égale à [...] 132.000 euros HT.
Nous avons compris de nos récents entretiens que le paiement en une seule fois de cette commission pourrait vous poser problème. Aussi avons-nous consenti à vous proposer les règlements suivants :
- Règlement immédiat d'une somme forfaitaire égale à 60.000 euros HT au titre de la transaction,
- Règlement d'une somme annuelle de 15.000 euros HT pendant 5 ans à compter du 1er avril 2017, payable de façon trimestrielle à hauteur de 3.750 euros HT en 20 trimestrialités payables du 30 juin 2017 au 31 mars 2022.
En complément de cet accord financier, nous vous confirmons notre accord pour accompagner le Groupe [H] Industrie sur cette période sur l'ensemble des réflexions de nature patrimoniale, économique et financière que les différentes composantes de votre groupe pourront avoir à traiter et sur lesquelles vous souhaiteriez réfléchir avec nous.
Cet accompagnement pourra notamment couvrir les thèmes suivants :
- Problématiques capitalistiques,
- Montage financier d'investissement et choix de financement,
- Réflexion sur les options stratégiques de votre groupe,
- Optimisation économique et juridique des opérations envisagées'
L'objectif poursuivi sera dans toute la mesure du possible de veiller à maximiser la valeur d'entreprise et à faciliter la transmissibilité de votre société, la cession restant à terme l'objectif poursuivi par l'ensemble des actionnaires. Il est clair que le rôle d'[F] [W] sera de formuler des commentaires et des propositions aussi bien sur les sujets sur lesquels il sera interrogé que sur les sujets qu'il lui semblerait nécessaire d'approfondir.
Il va de soi que vous serez parfaitement libre d'en tenir compte ou non, et que ceci ne devra en aucun cas interférer sur la faculté de décision qui reste de la responsabilité unique des organes de gestion et de surveillance de votre groupe.
La rémunération de cette mission d'accompagnement sera réputée être celle reportée sur la période allant jusqu'au 31 mars 2022.[...]
Notre société ne pourra enfin en aucun cas être tenue pour responsable, même partiellement, des décisions qui seront finalement prises par votre société et/ou ses actionnaires qui en assumeront la pleine et entière responsabilité ainsi que celle de leurs conséquences notamment financières.
La mission d'accompagnement écrite dans le présent courrier ne couvrira pas en revanche toute éventuelle mission d'assistance ponctuelle (à l'occasion d'une acquisition par exemple) qui devra alors faire l'objet d'une lettre de mission ad hoc, pour autant que le Groupe [H] Industrie et/ou ses actionnaires souhaitent, le cas échéant, confier une telle mission à notre société ».
29. Le 29 mars 2017, la société AgroInvest est entrée au capital de la société [H] Industrie. Il résulte du pacte d'associés conclu le même jour qu'à cette date, la société Cominvest détenait 34 % de ce capital, M. [H] à titre personnel 0,1 %, et les sociétés AgroInvest, BPI France, et Multicroissance, respectivement 31 %, 23 % et 8 %, quatre salariés détenant les quelque 2 % restants.
30. En exécution de l'avenant du 23 mars 2017, à la suite de l'entrée de la société AgroInvest au capital de la société [H] Industrie, cette dernière a payé à la société [F] [W] la somme de 60 000 euros HT puis, trimestriellement, la somme de 3 750 euros HT, jusqu'au deuxième trimestre 2019.
31. Par ailleurs, courant 2018, les principaux actionnaires de la société [H] Industrie ont engagé des négociations en vue de la cession du groupe.
32. A compter du mois de septembre 2018, aux termes de nombreux échanges de courriels, M. [H] a tenu M. [C] informé des premières discussions intervenues avec la société de droit espagnol [O], lui demandant par ailleurs d'actualiser les documents de présentation du groupe utilisés lors des négociations avec la société AgroInvest, et l'invitant à l'assister lors réunions avec les représentants de la société [O].
33. Courant janvier et février 2019, M. [H] a demandé à M. [C] de préparer avec lui la présentation des données prévisionnelles pour les années 2019 à 2021, « afin de structurer [leur] position et [leurs] arguments de valorisation », dans la perspective des négociations avec la société [O], puis lui a demandé de participer à une rencontre avec les représentants de celles-ci, qui s'est tenue les 11 et 12 mars 2019, précédée de nombreux échanges concernant la stratégie à adopter.
34. Aux termes d'un courriel adressé à M. [H] le 13 mars 2019, l'un des représentants de la société [O] confirme la présence de M. [C] lors de cette réunion, jugée « très opportune » car ayant permis « de revoir l'opération d'un point de vue plus financier ».
35. Quelques jours avant cette réunion, le 8 mars 2019, en prévision de cette réunion avec la société [O], M. [C] avait adressé, au nom de la société [F] [W], à M. [H], « [a]gissant tant pour lui-même que pour les actionnaires salariés » et aux sociétés AgroInvest, BPI France et MultiCroissance, « l'ensemble des actionnaires étant domicilié pour les présentes au siège de [H] Industries », un projet de lettre de mission portant sur une prestation de conseil pour les différentes phases de la négociation avec les acquéreurs potentiels du groupe [H], et prévoyant une commission de succès calculée en fonction des fonds perçus de l'acquéreur : 1,5 % HT pour la tranche inférieure à 10 millions d'euros, 2 % HT pour la tranche comprise entre 10 et 15 millions d'euros et 2,5 % HT pour la tranche supérieure à 15 millions d'euros.
36. Par un courriel du 13 mars 2019, M. [H] a répondu à cette offre de mission en ces termes :
« Bonjour [L],
Je vous remercie à nouveau pour l'accueil et pour votre assistance lors de nos réunions avec RMD.
Je pense que nous avons fait ce que nous devions faire et que désormais la balle est dans leur camp mais que la probabilité de parvenir à un accord avec eux est élevée. Je crois que ce serait une bonne opération tant pour mes partenaires que pour moi.
J'ai débriefé hier avec [V] et lui ai indiqué que je désirais désormais que vous soyez associé à nos démarches. Cela lui a semblé être également une bonne idée.
Je lui ai transmis la proposition de mandat, qui je vous le confirme, me convient très bien.
Je lui ai également proposé que nous fassions un point tous les trois afin de préparer les prochaines étapes. [...]»
37. A la suite de ce courriel, M. [H] a échangé avec les autres actionnaires de la société [H] Industrie, et notamment avec la société AgroInvest, à la représentante de laquelle il a notamment écrit, dans un courriel du 18 mars 2019 :
« Je reviens vers vous suite à notre discussion de la semaine dernière à propos de la proposition de mandat présentée par [L]. Je lui ai adressé un mail ce matin pour lui faire part de nos réserves. [...]
Comme vous le savez, même si nos caractères sont assez différents, je fais très confiance à [L] [[C]] et j'apprécie de l'avoir avec moi dans mes négociations car nous sommes très complémentaires. Je connais par ailleurs son intégrité et je sais qu'il a toujours le souci de bien prendre en compte l'alignement des parties ; ce qui est essentiel pour moi.
Je pense également que, même si le contact est très bon, les négociations avec RMD seront plus compliquées que ce que l'on peut croire et que l'apport de [L] dans les moments critiques sera très positif pour nous tous. J'ai pu le constater encore la semaine dernière. Il est parvenu à remettre au centre des discussions et comme condition préalable la question de la valorisation que nous attendons face au conseil de RMD dont l'agenda était tout autre, sans rompre la qualité du contact.
Ceci étant, je ne souhaite pas que nous ayons une position différente sur ce sujet.
Je peux peut-être demander à [L] de plafonner sa commission mais aussi pourrais être disposé à ce que Cominvest prenne en charge une partie plus importante de sa commission (sans que cela ne soit déraisonnable) dans la mesure où je vais avoir besoin de lui pour négocier mon package à moyen terme dans le cadre de cette négociation. »
38. Les négociations alors en cours entre les actionnaires de la société [H] Industrie et la société [O] se sont poursuivies, courant mars et avril 2019, M. [H] continuant d'y associer M. [C], en lui demandant notamment, le 14 mars 2019, d'adresser au représentant de la société [O] le dossier de présentation de l'opération, ce dernier le remerciant en sa double qualité de conseil de M. [H] et de propriétaire du château dans lequel s'était tenue la rencontre.
39. M. [H] a encore informé M. [C] de l'avancée des négociations, par un courriel du 29 avril 2019, lui indiquant que les actionnaires de la société [H] Industrie devaient recevoir dans les jours suivants l'offre indicative de la société [O], et qu'il ne manquerait pas de la lui transmettre dès réception.
40. Dans ce courriel, M. [H] confirmait à M. [C] que, comme cela résultait déjà d'échanges intervenus courant mars, les associés financiers de la société [H] pensaient pouvoir mener les négociations sans recourir à ses services, ce qu'il regrettait en ces termes : « Je leur ai également manifesté le fait que j'étais désormais en limite d'exercice dans mes négociations avec [la société [O]] ce qu'ils ont admis. Cependant, ils pensent pouvoir mener la négociation sans intermédiaire, ce qui m'ennuie car je pense que ce n'est pas une bonne solution car il va y avoir encore, en cas d'offre intéressante beaucoup de points à parcourir et je suis certain qu'ils ne le feront pas avec attention. J'ai de toutes façons besoin de protéger mes intérêts dans cette négociation. J'attendais donc le retour de [la société [O]] avant de revenir vers vous. Ce devrait être le cas cette semaine. »
41. Le 7 mai 2019, la société [O] a transmis aux actionnaires de la société [H] Industrie une lettre d'intention, prévoyant une acquisition en deux temps : 70 % du capital dès 2019, moyennant une valorisation de la totalité du capital égale à 7 fois le montant de l'EBITDA évalué pour cet exercice, soit 2,5 millions d'euros, et les 30 % restants courant 2022, moyennant une valorisation calculée selon le même principe, la référence étant le montant de l'EBITDA de l'exercice 2021. Cette lettre d'intention fait notamment référence à la présentation du 11 mars 2019, évoquée aux points 33 et 38. Il est acquis que la cession est intervenue, pour le prix convenu dans cette lettre d'intention, en octobre 2019 pour la première tranche, la cession de la deuxième tranche ayant été avancée au mois de septembre 2021.
42. Dès le 7 mai 2019, comme annoncé, M. [H] a transmis à M. [C] la lettre d'intention de la société [O], sur laquelle M. [C] a émis son opinion par un courriel du lendemain.
43. Par un courriel du 14 mai 2019, M. [H] a informé M. [C] que les représentants des sociétés AgroInvest, MultiCroissance et BPI avaient décidé de ne pas avoir recours aux services de la société [F] [W].
44. Néanmoins, par plusieurs courriels du 15 mai 2019, M. [H] a adressé à M. [C] la liste des points de discussion concernant l'offre reçue de la société [O], qui avaient vocation à être débattus, soit avec cette dernière, soit entre associés de la société [H] Industrie. Par un courriel du même jour, en retour, M. [C] a émis son opinion sur ces différents points.
45. Le lendemain, M. [H] a indiqué à M. [C] que la société AgroInvest maintenait sa position de ne pas faire appel à un intermédiaire dans le cadre de la négociation avec la société [O], précisant qu'il avait espéré les convaincre, encore la semaine précédente. M. [H] ajoutait qu'il était très embarrassé car il ne voulait pas donner l'impression de revenir vers M. [C] pour « renégocier le tarif de [ses] prestations ».
46. Par un courriel du 7 juin 2019, M. [C] prenait acte du silence de M. [H] depuis ce dernier message et demandait, dans le cadre d'un « accord amiable », le paiement immédiat du solde de la commission relative à l'entrée au capital de la société [H] Industrie de la société AgroInvest et, après avoir détaillé ses interventions dans le cadre des négociations avec la société [O], estimait avoir réalisé 50 % du travail correspondant à la mission d'accompagnement qu'il avait proposée et demandait en conséquence, au regard de la rémunération pour cette mission stipulée dans le projet de mandat du 8 mars 2019, le paiement de la somme de 125 000 euros HT.
47. Par un courriel du 14 juin 2019, M. [H] a répondu, sur le premier point, que M. [C] serait intégralement payé de la commission relative à l'entrée au capital de la société [H] Industrie de la société AgroInvest, « conformément à l'accord [qu'ils avaient] sur l'étalement et la ventilation du prix sur la dernière opération réalisée il y a deux ans » mais qu'en revanche, s'agissant du second point, M. [C] ne pouvait soutenir avoir réalisé 50 % des prestations visées dans le projet de lettre de mission, laquelle n'avait pas été signée par les associés de la société [H] Industrie et ne les liait donc pas, et que ceux-ci n'accèderaient donc pas à sa demande de rémunération.
48. Par un courriel du 15 juin 2019, M. [C] a indiqué qu'il lui semblait, s'agissant de la commission relative à l'entrée au capital de la société AgroInvest, que M. [H] entendait « se conformer à l'accord [qu'il lui] avai[t] consenti concernant l'étalement de son règlement », ce qui ne lui paraissait pas acceptable au regard du contexte, dès lors qu'il craignait qu'un nouvel actionnaire lui impose de ne pas respecter cet engagement. Il maintenait par ailleurs sa demande de rémunération au titre de la mission d'assistance dans les négociations avec la société [O].
49. Les échanges ultérieurs n'ont pas permis à M. [H] et à M. [C] de trouver un accord, ce qui a conduit M. [C], agissant en qualité de représentant de la société [F] [W], de saisir le tribunal de commerce, d'une part, d'une demande dirigée contre la société [H] Industrie, devenue entretemps [O] France, au titre de l'avenant du 23 mars 2017 et, d'autre part, de demandes dirigées contre la société Cominvest, au titre de la lettre de mission du 8 mars 2019, que cette dernière aurait acceptée.
Sur les demandes formées par la société [F] [W] contre la société [H] Industrie, devenue [O] France
50. La société [F] [W] soutient que, par l'avenant du 23 mars 2017 cité au point 28, elle a consenti à la société [H] Industrie un simple report de paiement d'une partie de la commission qui lui était due en exécution de la lettre de mission du 9 mars 2015, sans souscrire l'obligation de fournir une prestation en contrepartie des paiements prévus trimestriellement jusqu'au mois de mars 2022.
51. Cependant, contrairement à ce que soutient la société [F] [W], il résulte des stipulations de cet avenant du 23 mars 2017 qu'en contrepartie de ces paiements trimestriels, la société [F] [W] s'est engagée à fournir au groupe [H] Industrie, sur la période courant de mars 2017 à mars 2022, des prestations d'accompagnement du groupe dans ses réflexions de nature patrimoniale, économique et financière.
52. Ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu que cet avenant ne stipulait pas que la mission d'accompagnement confiée à la société [F] [W] s'étendrait sur la période allant jusqu'au 31 mars 2022, pour en déduire que le solde de la commission liée à l'entrée de la société AgroInvest au capital de la société [H] Industrie demeurait dû.
53. Si, dans le courriel du 14 juin 2019 cité au point 47, M. [H] a indiqué à M. [C] que la société [F] [W] serait intégralement payée de la commission relative aux négociations menées avec la société AgroInvest, M. [H] précisait ensuite que ce serait conformément à l'avenant du 23 mars 2017, lequel impliquait, en contrepartie des paiements trimestriels prévus par cet accord, la réalisation par la société [F] [W] des prestations de conseil définies par cet avenant. En tout état de cause, il ne se déduit pas des termes de ce courriel que le représentant de la société [H] Industrie ait entendu renoncer, de manière non équivoque, à la réalisation de ces prestations par la société [F] [W] et qu'il ait accepté de payer les échéances trimestrielles à venir, sans contrepartie.
54. La société [F] [W] a cessé, à compter du mois de juin 2019, de fournir les prestations d'accompagnement de la société [H] Industrie, devenue [O] France, prévues par l'avenant du 23 mars 2017, sans établir, ni même alléguer, que la société [H] Industrie serait à l'origine de la rupture de cette relation contractuelle, étant observé que, si elle soutient que les actionnaires de la société [H] Industrie ont mis fin, au mois de mai 2019, à la mission qu'ils lui auraient confiée dans le cadre des négociations avec la société [O], elle soutient dans le même temps que cette mission était totalement distincte de celle qui lui avait été confiée dans le cadre des négociations avec la société AgroInvest.
55. En conséquence, la société [F] [W] n'est pas fondée à demander le paiement des échéances trimestrielles postérieures au mois de juin 2019, qui n'étaient dues qu'en contrepartie de prestations qu'elle a cessé de fournir.
56. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamne la société [O] France à payer à la société [F] [W] la somme de 49 500 euros, la société [F] [W] sera déboutée de sa demande de paiement de cette somme et, compte tenu de cette décision, cette société sera également déboutée de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive.
Sur les demandes de la société [F] [W] dirigées contre la société Cominvest en paiement de prestations d'assistance aux négociations ayant conduit à l'acquisition en 2019 et 2021 du capital de la société [H] Industrie par la société [O]
Sur la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir
57. Les articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile disposent :
- article 31 :
« L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
- article 32 :
« Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. »
- article 122 :
« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
58. Il résulte du premier de ces textes que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
59. En l'espèce, la société [F] [W] soutient que la société Cominvest lui a confié une mission de prestation de conseil aux fins de l'assister dans les négociations ayant conduit au rachat du capital de la société [H] Industrie par la société [O] et poursuit en conséquence, à l'encontre de la société Cominvest, le paiement de la rémunération qu'elle estime lui être due en contrepartie des prestations réalisées en exécution de cette mission.
60. Si la société Cominvest oppose que la mission qu'invoque la société [F] [W] lui a été confiée, comme l'a retenu le tribunal, par M. [H] agissant à titre personnel, et non en tant que représentant de la société Cominvest, ce moyen ne tend qu'à contester l'existence de l'obligation dont la société [F] [W] demande l'exécution, et donc le bien-fondé de l'action de cette société, mais n'est pas de nature à priver cette société de son intérêt à agir.
61. Au surplus, il résulte des échanges intervenus entre M. [C] et M. [H], relatés aux points 32 à 47, que c'est bien en qualité de représentant de la société Cominvest que M. [H] a négocié les modalités de l'intervention de la société [F] [W] pour assister les actionnaires de la société [H] Industrie dans la recherche d'un acquéreur pour le groupe [H], puis dans les négociations avec la société [O].
62. En effet, en premier lieu, comme le fait valoir la société [F] [W], M. [H] est très fréquemment identifié à la société Cominvest, sa holding patrimoniale, dans les documents établis par la société [H] Industrie. C'est notamment le cas dans la présentation du groupe établie en juin 2014, dans laquelle la société [H] Industrie est alors présentée (p. 4) comme détenue à hauteur de 51,9 % par « [S] [H] (via Cominvest) ». C'est encore le cas dans le pacte d'associé du 29 mars 2017, dans lequel M. [H] et la société Cominvest, bien que détenant alors distinctement et respectivement 34 % et 0,1 % du capital de la société [H] Industrie, sont désignés ensemble comme « le Dirigeant », au regard des fonctions exercées par la société Cominvest, présidente de la société [H] Industrie et elle-même présidée par M. [H], étant précisé que M. [H] et la société Cominvest sont désignés sous ce vocable commun même pour ce qui concerne les stipulations relatives à leur qualité d'associé. C'est enfin le cas dans le tableau adressé à M. [H], notamment, le 15 mai 2019 par la société AgroInvest, lequel regroupe les participations de M. [H] et de la société Cominvest sous l'intitulé « [S] [H] ».
63. De la même manière, il importe peu que M. [H] n'ait pas précisé, dans les courriels qu'il a échangés avec M. [C], qu'il s'exprimait alors au nom de la société Cominvest, dès lors que, s'agissant d'échanges concernant les intérêts des actionnaires de la société [H] Industrie, actionnaires dont les participations au capital de cette société avaient vocation à être rachetées au terme des négociations pour la conduite desquelles la société [F] [W] offrait son assistance, et au regard des participations qu'il détenait directement, à hauteur de 0,1 % du capital, et indirectement par l'intermédiaire de la société Cominvest, à hauteur de 34 % du capital, M. [H] agissait nécessairement, certes à titre personnel, mais aussi et surtout au nom de la société Cominvest.
64. En deuxième lieu, M. [H] a régulièrement évoqué, dans ses courriels, ses partenaires ou ses associés financiers, qu'il aurait notamment tenté de convaincre d'accepter la lettre de mission soumise le 8 mars 2019 par la société [F] [W]. Or, dans la mesure où les associés financiers ainsi désignés étaient les sociétés AgroInvest, BPIFrance et Multicroissance, il s'en déduit que M. [H] s'exprimait alors au nom de la société Cominvest, sauf à envisager que cette dernière, principale actionnaire de la société [H] Industrie avec 34 % du capital, ait été exclue des négociations avec la société [O].
65. Il s'en déduit, pour la même raison, que dans la liste des destinataires du projet de lettre de mission du 8 mars 2019, M. [H] était nécessairement désigné, non seulement à titre personnel et en tant que représentant des actionnaires salariés, mais également en tant que représentant de la société Cominvest, dès lors que la société Cominvest, principale actionnaire de la société [H] Industrie, avait nécessairement vocation à participer aux négociations pour lesquelles la société [F] [W] proposait ses services.
66. Enfin, le fait que ce soit au nom de la société Cominvest que M. [H] ait mené les discussions avec la société [F] [W], s'agissant de la mission susceptible d'être confiée à cette dernière dans le cadre des négociations avec la société [O], résulte également du contenu du courriel adressé le 18 mars 2019 par M. [H] à la représentante de la société AgroInvest, aux termes duquel, pour convaincre cette dernière d'accepter la lettre de mission soumise par M. [C], M. [H] indique qu'il pourrait « être disposé à ce que Cominvest prenne en charge une partie plus importante de sa commission ».
67. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il dit irrecevables les demandes formées par la société [F] [W] tendant au paiement de la rémunération due pour ses prestations de conseil dans le cadre des négociations ayant conduit au rachat du capital de la société [H] Industrie par la société [O] et la fin de non-recevoir opposée à ces demandes par la société Cominvest sera rejetée.
Sur le bien-fondé des demandes
68. Il résulte des motifs énoncés aux points 61 à 71 que la société [F] [W], qui justifie avoir exécuté une prestation de conseil à la demande de la société Cominvest, dans le cadre des négociations menées avec la société [O] en vue du rachat par celle-ci du capital de la société [H] Industrie, est non seulement recevable mais fondée à demander à la société Cominvest le paiement de la rémunération due en contrepartie de cette prestation.
69. En effet, il résulte des échanges intervenus entre M. [C] et M. [H] dès le mois de septembre 2018, que M. [H], agissant en tant que représentant de la société Cominvest comme cela résulte des motifs énoncés aux points 61 à 66, a entendu confier à la société [F] [W] une mission de conseil et d'assistance dans le cadre des négociations avec le groupe [O], avant même que la société [F] [W] formalise, le 8 mars 2019, un projet de lettre de mission destiné à l'ensemble des actionnaires de la société [H] Industrie.
70. Dès avant cette date, la société [F] [W] avait commencé à exécuter cette mission, distincte, comme le fait valoir cette société elle-même, de la mission générale d'assistance et de conseil qui lui avait été confiée par la société [H] Industrie, et non par un ou plusieurs de ses actionnaires, aux termes de l'avenant du 23 mars 2017. La réponse de M. [H] à l'envoi du projet de lettre de mission du 8 mars 2019, indiquant que ce projet lui « conv[enait] très bien », confirme que la société Cominvest avait entendu confier cette mission à la société [F] [W], peu important que les autres actionnaires n'aient pas donné suite à cette proposition ou que le représentant de la société Cominvest, n'ait pas formalisé son acceptation en apposant sa signature sur la lettre de mission.
71. Il résulte par ailleurs de ces mêmes échanges, comme l'a retenu le tribunal, que la société [F] [W] a mené, pour l'exécution de cette mission, un important travail de conseil, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, à tout le moins à compter du mois de janvier 2019 et jusqu'au 16 mai 2019, notamment par une participation active à l'élaboration de la présentation de la situation financière prévisionnelle du groupe [H], par la participation à des réunions avec les actionnaires de la société [H] Industrie puis avec les représentants de la société [O], par l'analyse des documents communiqués par les différents intervenants et l'élaboration d'une stratégie de négociation. A l'époque, M. [H] se félicitait au demeurant des interventions de M. [C], lui témoignant directement sa reconnaissance et faisant état auprès de ses partenaires de la confiance qu'il avait en lui.
72. Cela étant, si la société [F] [W] est fondée à demander la condamnation de la société Cominvest à lui payer la rémunération due au titre de ces prestations, compte tenu de ce qu'aucun accord sur le montant de cette rémunération n'a été formalisé entre les parties, de ce que la mission initialement prévue n'a pas été menée à son terme, du fait du désaccord apparu entre les parties au mois de mai 2019, il convient, avant dire droit sur les demandes de la société [F] [W] tendant à la condamnation de la société Cominvest à lui payer cette rémunération et afin de favoriser la recherche d'une solution négociée, de rouvrir les débats, sans révoquer l'ordonnance de clôture, pour recueillir les observations des parties sur la recherche d'une telle solution, le cas échéant par la mise en 'uvre d'une mesure de médiation, lors d'une audience qui sera tenue par le magistrat chargé du rapport en présence d'un représentant, dûment habilité, de la société [F] [W] et de la société Cominvest et des avocats de ces sociétés.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
73. Les articles 696 et 700 du code de procédure civile disposent :
- article 696 :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. [...] »
- article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...] »
74. En application du premier de ces textes, compte tenu du sens de la présente décision s'agissant des demandes de la société [F] [W] dirigées contre la société [O] France, le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne cette société aux dépens de la procédure de première instance et la société [F] [W] sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance, dans ses rapports avec la société [O] France, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/11793.
75. En application du second, le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne la société [O] France à payer à la société [F] [W] la somme de 5 000 euros en remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure de première instance, la société [F] [W] sera déboutée de sa demande de remboursement de tels frais exposés dans le cadre des procédures d'instance et d'appel et elle sera condamnée, à ce titre, à payer à la société [O] France la somme de 5 000 euros.
76. Pour le surplus, les dépens et les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Joint sous le numéro de répertoire général 22/10183 la procédure enregistrée sous ce numéro et la procédure enregistrée sous le numéro 23/11793 ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il statue sur les dépens dans les rapports entre la société [F] [W] et la société Cominvest et sur les demandes réciproques formées par ces deux sociétés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société [F] [W] de l'ensemble de ses demandes formées contre la société [O] France ;
Condamne la société [F] [W] aux dépens de la procédure de première instance, dans ses rapports à la société [O] France, et aux dépens de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro de répertoire général 23/11973 ;
Déboute la société [F] [W] de sa demande dirigée contre la société [O] France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne, sur ce fondement, à payer à la société [O] France la somme de 5 000 euros ;
Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Cominvest aux demandes formées à son encontre par la société [F] [W] ;
Avant dire droit, au fond, sur ces demandes,
Ordonne la réouverture des débats, sans révocation de l'ordonnance de clôture, à l'audience de plaidoirie du mardi 9 décembre 2025 à 16 heures, qui sera tenue par le magistrat chargé du rapport, en présence d'un représentant, dûment habilité, de la société [F] [W] et de la société Cominvest et des avocats de ces sociétés, pour recueillir leurs observations sur la recherche d'une solution négociée sur les points restant en litige ;
Réserve les dépens de la procédure de première instance, dans les rapports des sociétés [F] [W] et Cominvest, et les dépens de la procédure d'appel enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/10183, ainsi que les demandes réciproques formées par ces parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,