CA Lyon, 3e ch. A, 6 novembre 2025, n° 22/03948
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
CAFPI (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dumurgier
Conseillers :
Mme Jullien, Mme Le Gall
Avocats :
Me Gonnet, Me Ronchard, Me Bouhenic, Me Djeyaramane
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société CAFPI est une société de courtage en prêts immobiliers qui a pour activité la recherche de financements pour les acquéreurs de biens immobiliers, qu'elle exerce dans le cadre d'agences réparties sur le territoire français, moyennant le paiement de commissions par l'emprunteur et l'établissement bancaire choisi, une fois le financement accordé.
Auparavant agent commercial de la société CAFPI, M. [B] [Y] a signé avec celle-ci un contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque, par acte sous seing privé du 18 juin 2013, pour une durée d'une année, renouvelable tacitement pour la même durée.
Ce contrat prévoyait, en son article 5.3, une clause de non-concurrence pendant l'exercice de son mandat et pendant une durée de deux années après la cessation du contrat, dans un rayon de 80 kilomètres autour de l'agence de [Localité 11].
Par courriel du 11 octobre 2017, M. [Y] a résilié le contrat, la résiliation prenant effet au 12 novembre 2017.
Ayant découvert que M. [Y] avait rejoint la société 3C2I sise à [Localité 10], exploitant une activité de courtier en prêts immobiliers, la société CAFPI l'a mis en demeure, par courriers des 14 juin 2018 et 1er août 2019, de cesser toute activité en violation de ses obligations de non concurrence.
Aucune réponse n'a été apportée par M. [Y], qui a quitté la région Rhône-Alpes au cours de l'année 2019.
Le contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque qu'il avait conclu auprès de la société 3C2I a été résilié le 29 mars 2019, à effet au 31 mai 2019.
Par acte introductif d'instance du 14 novembre 2019, la société CAFPI a fait assigner M. [Y] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 75 750 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence prévue par l'article 5.3 du contrat pendant une période de 505 jours, entre le 12 janvier 2018 et le 31 mai 2019, et, à titre subsidiaire, la somme de 45 450 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence pendant une période de 303 jours, entre le 12 janvier 2018 et le 11 novembre 2018, le tout majoré des intérêts au taux légal.
Par jugement contradictoire du 2 mai 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :
- rejeté la demande de nullité de la clause de non-concurrence de M. [Y],
- condamné M. [Y] à payer à la société CAFPI la somme de 25 250 euros au titre du non-respect de ses obligations contractuelles,
- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par M. [Y],
- rejeté la demande de remboursement de la somme de 40 950 euros de M. [Y],
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
- rejeté la demande d'exécution provisoire,
- condamné M. [Y] à verser à la société CAFPI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] aux entiers dépens.
'
M. [Y] a relevé appel de cette décision, par déclaration reçue au greffe le 31 mai 2022, portant sur l'ensemble des chefs de jugement expressément critiqués, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et en ce qu'il a rejeté la demande d'exécution provisoire.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l'appelant demande à la cour, au visa des articles L. 134-14 du code de commerce, 1152 ancien du code civil et 1240 du code civil, de :
- réformer le jugement rendu le 2 mai 2022 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :
' rejeté la demande de nullité de la clause de non-concurrence de M. [Y],
' condamné M. [Y] à payer à la société CAFPI la somme de 25 250 euros au titre du non-respect de ses obligations contractuelles,
' rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par M. [Y],
' rejeté la demande de remboursement de la somme de 40 950 euros de M. [Y],
' condamné M. [Y] à verser à la société CAFPI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné M. [Y] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
- annuler la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat qu'il a signé le 18 juin 2013,
- dire et juger que CAFPI ne rapporte la preuve d'aucun préjudice qu'elle aurait subi du fait d'agissements de sa part,
En conséquence,
- rejeter la demande formulée par la société CAFPI de condamnation de M. [Y],
En tout état de cause,
- condamner la société CAFPI à lui payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société CAFPI à lui payer une somme de 40 950 euros au titre des fonds injustement et unilatéralement prélevés sur ses commissions sur 273 dossiers,
- débouter la société CAFPI de toutes demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,
- condamner la société CAFPI à lui payer une indemnité d'un montant de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner la société CAFPI aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société CAFPI demande à la cour de :
I] sur les demandes afférentes à la violation de la clause de non-concurrence :
I1. A titre principal :
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a constaté la violation par M. [Y] de son engagement contractuel de non-concurrence,
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a rejeté la demande de reconnaissance de la nullité de la clause de non-concurrence,
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a rejeté la demande de réduction à néant de la clause pénale que constitue la clause de non-concurrence,
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a réduit le montant de la clause pénale à la somme de 25 250 euros,
- condamner M. [Y] à lui régler la somme de 75 750 euros correspondant aux 505 jours écoulés entre le 12 janvier 2018 et le 31 mai 2019 en application de l'article 5.3 du contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque signé le 18 juin 2013, le tout assorti des intérêts au taux légal,
I2. A titre subsidiaire :
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a réduit le montant de la clause pénale à la somme de 25 250 euros,
- ordonner la réfaction de la clause de non-concurrence quant à sa durée d'application et dire la clause valable pour une durée d'un an,
- condamner le cas échéant M. [Y] à lui régler la somme de 45 450 euros correspondant aux 303 jours écoulés entre le 12 janvier 2018 et le 11 novembre 2018, le tout assorti des intérêts au taux légal,
I3. à titre infiniment subsidiaire :
- infirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a réduit le montant de la clause pénale à la somme de 25 250 euros,
- réduire le montant de la clause pénale que constitue la clause de non-concurrence à une somme qui ne saurait être inférieure à 40 000 euros et condamner M. [Y] à lui régler la somme de 40 000 euros, le tout assorti des intérêts au taux légal,
I4. à titre très infiniment subsidiaire :
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a réduit le montant de la clause pénale que constitue la clause de non-concurrence et a condamné M. [Y] au paiement de la somme de 25 250 euros,
II] sur les demandes reconventionnelles formulées par M. [Y] :
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a débouté M. [Y] de sa demande de condamnation au paiement d'une réparation de la procédure abusive,
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a débouté M. [Y] de sa demande de condamnation au remboursement au titre du budget AMIE,
III] en toutes hypothèses,
- condamner M. [Y] à lui régler la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mars 2023, les débats étant fixés au 11 septembre 2025.
SUR CE
Sur l'étendue de la saisine de la cour
L'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Selon les termes de la déclaration d'appel, la cour est saisie des chefs de jugement rejetant la demande de nullité de la clause de non-concurrence de M. [Y], condamnant celui-ci à payer à la société CAFPI la somme de 25 250 euros au titre du non-respect de ses obligations contractuelles, rejetant sa demande de remboursement de la somme de 40 950 euros et tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties, et le condamnant à verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au terme du dispositif de ses dernières écritures, l'appelant sollicite l'infirmation du chef de jugement ayant rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en réclamant l'allocation d'une somme de 30 000 euros à ce titre.
Ce chef de jugement n'étant pas dévolu par la déclaration d'appel, la cour n'est pas saisie de cette prétention.
Sur la validité de la clause de non-concurrence opposée à M. [Y]
Pour rejeter la demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause de non-concurrence opposée à M. [Y], le tribunal, se fondant sur les dispositions de l'article L.134-14 du code de commerce, a considéré que la clause litigieuse concernait le secteur géographique confié à l'agent commercial et le groupe de personnes confiées à celui-ci, constitué de l'ensemble des prospects du secteur géographique, et qu'elle répondait ainsi aux exigences légales.
Au soutien de son appel, M. [Y] prétend, qu'en application de l'article L.134-14 du code de commerce, la clause de non-concurrence, pour être valable, doit concerner uniquement le secteur géographique confié à l'agent et les personnes qui lui ont été confiées, en invoquant des arrêts de la Cour de cassation ou de cour d'appel rendus au sujet de contrats identiques au sien, qui ont considéré que les clauses de non-concurrence étaient nulles, faute de délimiter précisément le secteur géographique de représentation.
Il soutient que la validité d'une clause de non concurrence est conditionnée au fait qu'elle ne porte pas une atteinte trop grave à la liberté d'entreprendre de la personne tenue de la respecter et qu'elle doit être limitée quant à l'activité, qui doit être déterminée avec précision, et limitée dans le temps et l'espace, la durée de deux ans étant jugée disproportionnée et excessivement longue au regard des intérêts à protéger et notamment de la position de CAFPI sur le marché des prêts immobiliers et de la densité de son réseau de courtier, mais également proportionnée à l'objet du contrat et aux intérêts légitimes à protéger.
Il affirme, qu'en l'espèce, la durée de deux ans de la clause est trop longue, en soulignant que la société CAFPI est consciente du caractère excessif de cette durée puisqu'elle a divisé par deux le montant de sa demande de condamnation en première instance, en ramenant l'obligation de non-concurrence à un an.
Il ajoute que la limite géographique de 80 kilomètres autour de l'agence de [Localité 11] est disproportionnée et sans rapport avec le secteur géographique du contrat, cette zone couvrant onze départements, ce qui constitue une zone beaucoup plus étendue que le secteur de l'agence du [Localité 11] dans laquelle il travaillait, couvrant les zones géographiques d'autres agences CAFPI.
Comme le relève à bon droit la société intimée, les dispositions légales dont se prévaut l'appelant, sur lesquelles se sont fondés les premiers juges, sont exclusivement applicables à l'agent commercial, à l'exclusion du mandataire intermédiaire en opérations de banque, dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques régies par des dispositions législatives particulières, à savoir les articles L. 519-1 et L. 519-2 du code monétaire et financier et du décret n°2012-101 du 26 janvier 2012.
L'article L.134-1 alinéa 2 du code de commerce prévoit d'ailleurs expressément que ne relèvent pas du statut des agents commerciaux les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières, et la jurisprudence retient, de manière constante, que la mission d'intermédiaire en opérations de banque est une activité exercée en vertu d'un mandat délivré par un établissement de crédit, exclue en conséquence du champ d'application de l'article L.134-1.
Cependant, il est admis en jurisprudence, qu'en application du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, les clauses de non concurrence qui apportent des restrictions à la liberté du travail et du commerce ne sont licites que si elles sont limitées dans le temps et l'espace et proportionnées à la protection des intérêts légitimes du créancier de l'obligation.
La clause litigieuse est libellée ainsi, aux termes de l'article 5.3 du contrat liant les parties : « Comme indiqué ci-dessus, le Mandataire s'interdit expressément pendant toute la durée du présent contrat à s'intéresser, sans l'accord exprès, préalable et écrit du Mandant à des activités concurrentes de celles développées par ce dernier et notamment d'accepter un mandat de représentation d'une entreprise concurrente du Mandant.
Le mandataire s'interdit également pendant une durée de deux ans après la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, dans un rayon de 80 kilomètres autour de l'agence de [Localité 11] (69) située [Adresse 5] de poursuivre des activités concurrentes de celles exploitées par le Mandant, et notamment d'accepter la représentation des produits ou services d'une entreprise concurrente du Mandant, sur le territoire, pour les produits et services ainsi que la clientèle objet du présent contrat.
Toute infraction à cette clause, exposerait le Mandataire au paiement d'une indemnité fixée forfaitairement et conventionnellement à 150 euros par jour, durant la période de cette infraction.»
La clause interdit ainsi expressément au mandataire de poursuivre des activités concurrentes à celles de la société CAFPI, et notamment d'accepter un mandat de représentation de produits ou services d'une entreprise concurrente, telle que la société 3C2I, qui exerce une activité de courtier en opérations de banque et services de paiement.
Selon la société intimée, la durée d'application de la clause, de deux ans, était parfaitement proportionnée aux intérêts à défendre, compte tenu de ses investissements dans la rémunération des apporteurs d'affaires, de la baisse du chiffre d'affaires du fait du non renouvellement et/ou de la baisse des renouvellements des partenariats avec certains apporteurs d'affaires, et du délai moyen de deux ans nécessaire à un MIOB débutant pour consolider sa relation avec les apporteurs d'affaires locaux et atteindre ses capacités optimales.
Elle fait valoir que les apporteurs d'affaires bénéficient d'une rémunération conséquente, ce qui favorise la création du lien avec le MIOB et participe à leur fidélisation à l'égard de celui-ci et de CAFPI, en précisant prendre en charge une majeure partie de la rémunération des apporteurs d'affaires, le MIOB prenant en charge l'autre partie et remettant sa rémunération à l'apporteur d'affaires, ce qui a pour conséquence de créer un lien fort avec le MIOB considéré comme le payeur.
Elle ajoute que l'investissement de fidélisation d'apporteurs d'affaires est perdu avec le départ des mandataires, éventuellement au profit de leur nouvelle structure, le départ d'un MIOB, suivi d'une activité au sein d'une structure concurrente, au mépris de la clause de non-concurrence, entraînant une chute vertigineuse du nombre de dossiers apportés par les apporteurs d'affaires.
Elle prétend que la durée de deux ans est proportionnée au regard du délai moyen nécessaire à un MIOB pour consolider sa relation avec les apporteurs d'affaires locaux et atteindre ses capacités optimales en soulignant, qu'en l'espèce, les apporteurs d'affaires traditionnellement en lien avec M. [Y] ont quasiment cessé de lui apporter des dossiers après son départ et que, deux années après son départ, elle n'est pas parvenue à recouvrer les liens tissés avec les apporteurs d'affaires.
Le caractère limité dans le temps et proportionné d'une clause de non-concurrence s'apprécie in concreto.
En l'espèce, la durée de deux ans de la clause litigieuse est une limitation très large dans le temps, au regard de la durée initiale du contrat d'un an renouvelable et de la durée effective d'exercice de M. [Y] en qualité de mandataire intermédiaire en opérations de banque au sein de la société CAFPI, de quatre années.
Cette durée constitue une entrave disproportionnée à la liberté de travail et à la liberté de commerce car elle n'est pas justifiée par un intérêt légitime et nécessaire de la société CAFPI, au regard de l'objet du contrat et de la position de leader de la société mandante sur le marché des courtiers en prêts immobiliers, mais également du fait que l'investissement prétendument perdu qu'elle invoque en cas de départ du MIOB, relatif aux apporteurs d'affaires qu'elle rémunère avantageusement et à leur fidélisation auprès du mandataire, existe y compris lorsque le mandataire ne reprend pas une activité dans une entreprise concurrente, les apporteurs d'affaires n'étant pas liés à un seul mandataire. En outre, il n'est pas démontré en l'espèce que les apporteurs d'affaires avec lesquels M. [Y] avait l'habitude de travailler l'ont suivi après qu'il a résilié son contrat auprès de la société CAFPI.
S'agissant des intérêts à protéger au regard du secteur géographique visé dans la clause litigieuse, la société intimée prétend que l'ensemble des arrêts de cours d'appel auxquels se réfère l'appelant ont validé la limitation géographique de 80 kilomètres, ce secteur géographique étant clairement déterminé et n'étant pas disproportionné.
Cependant, si le secteur géographique est déterminé par un rayon de 80 kilomètres autour de l'agence située [Adresse 5], il ne s'agit pas d'une délimitation de territoire défini et ce périmètre d'interdiction apparaît très excessif puisqu'il a pour conséquence d'empêcher le mandataire de travailler dans l'agglomération lyonnaise mais également dans tout le département Rhône-Alpes et dans les principaux chefs lieux de six départements limitrophes, recouvrant les secteurs de plusieurs agences CAFPI, tels que [Localité 7], [Localité 13], [Localité 14], [Localité 12], [Localité 8] et [Localité 6].
La clause prévue par l'alinéa 2 de l'article 5-3 du contrat de mandataire intermédiaire en opérations de banque signé entre les parties n'étant pas suffisamment limitée dans le temps et l'espace et allant au delà de ce qui est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la société CAFPI, elle sera réputée non écrite et la société CAFPI déboutée de sa demande d'indemnisation pour violation de l'obligation de non concurrence par M. [Y], infirmant le jugement de ces chefs.
Sur la demande de remboursement de fonds injustement prélevés formée par M. [Y]
M. [Y] prétend que la société CAFPI a injustement prélevé sur les commisssions auxquelles ouvraient droit les 273 dossiers qu'il a gérés et qui ont donné lieu à un accord de prêt, une somme forfaitaire de 150 euros, ce qui représente un total de 40 950 euros dont il sollicite le remboursement.
Il fait valoir que ces prélèvements sont dépourvus de contrepartie et que d'anciens salariés de la société intimée, notamment une ancienne assistante administrative, lui ont confirmé qu'ils sont injustifiés.
La société CAFPI s'oppose à cette demande qui ne repose selon elle sur aucun élément de preuve, et prétend démontrer que le prélèvement opéré était parfaitement légal, s'agissant de la participation du mandataire au budget « AMIE » ( Actions, marketing, investissements et équipements).
Elle fait valoir que le principe du budget « AMIE » a été institué à l'initiative des agents commerciaux, en accord avec sa direction générale, pour promouvoir localement les actions commerciales et publicitaires, de sorte que le prélèvement servait directement les intérêts de M. [Y], puisque ce sont les agents qui déterminent les actions publicitaires à financer et qui fixent les règles d'abondement.
Elle ajoute que la participation au budget « AMIE » était contractuellement prévue, dans le contrat signé par l'appelant le 18 juin 2013, mais également dans l'article 4 et le tableau de calcul des rémunérations joint au contrat et dans le tableau du budget « AMIE » annexé au contrat, que M. [Y] a signés.
Elle précise que le prélèvement opéré pour alimenter la cagnotte est localement laissé à l'appréciation de l'agent/MIOB, en concertation avec les autres agents/MIOB dépendant du même secteur, et que M. [Y] gardait ainsi la maîtrise du montant de sa participation puisque pour chaque dossier ayant donné lieu à l'octroi d'un financement, suivi du versement d'honoraires par les banques et les clients emprunteurs, il établissait une fiche de pré-encaissement manuscrite sur laquelle il renseignait les éléments essentiels de commissionnement et portait le montant qu'il entendait affecter à la participation au budget « AMIE », qu'il transmettait ensuite aux secrétaires pour l'établissement des fiches de pré encaissement informatiques sur la base desquelles les retenues étaient opérées, sur la base de calcul des commissions, ce qui démontre sa parfaite adhésion au système mis en place.
Elle affirme en outre que le calcul opéré par l'appelant est erroné, la somme prélevée impactant la base de calcul de la commission et non directement la commission.
Le budget « AMIE » est une pratique consistant à faire participer par provision les agents aux actions commerciales, marketing et publicitaires nationales ou locales leur bénéficiant, ce qui est conforme à l'esprit du mandat commun qui anime le contrat de mandataire intermédiaire en opérations de banque.
Le tableau de calcul des rémunérations annexé au contrat MIOB liant les parties prévoit expressément la participation obligatoire du mandataire au budget « AMIE », en précisant que le montant de la participation est fixé en fonction des dossiers finalisés et des besoins, et qu'il ne pourra pas dépasser 300 euros par dossier, ce tableau étant revêtu de la signature de M. [Y].
Le budget Actions marketing investissements et équipements, annexé au contrat et signé par M. [Y], précise que chaque euro mis dans ce budget vient en diminution de la base de calcul de la commission du mandataire.
Il en résulte que l'appelant avait donné son accord à la pratique de la cagnotte « AMIE » suivie au sein du réseau CAFPI et à ses modalités d'abondement et de calcul de la participation, ce que confirment les fiches de calcul des ristournes qui lui ont été versées mais également les fiches de pré encaissement informatiques établies sur la base des informations qu'il a communiquées.
En outre, il n'apparaît pas que, durant les quatre années d'exécution du contrat, M. [Y] ait jamais demandé d'explications ou contesté le principe et le mode de calcul des prélèvements qu'il conteste aujourd'hui.
C'est donc à bon droit que le tribunal a débouté M. [Y] de sa demande de remboursement des retenues opérées sur sa rémunération au titre du budget « AMIE » et le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais de procédure
La société CAFPI qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés par M. [Y] et non compris dans les dépens.
Elle sera ainsi condamnée à lui verser la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et dans les limites de sa saisine,
Dit que la cour n'est pas saisie du chef de jugement ayant rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. [Y],
Infirme le jugement rendu le 2 mai 2022 par le tribunal de commerce de Lyon en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement d'une somme de 40 950 euros formée par M. [Y],
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la clause prévue par l'alinéa 2 de l'article 5-3 du contrat de mandataire intermédiaire en opérations de banque signé entre les parties est réputée non écrite,
Déboute la société CAFPI de sa demande d'indemnisation au titre de la violation de cette clause,
Condamne la société CAFPI aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société CAFPI à payer à M. [B] [Y] la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.