CA Lyon, 1re ch. civ. a, 6 novembre 2025, n° 22/07484
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 22/07484 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OTIO
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 20 octobre 2022
( chambre 10 cab 10 H)
RG : 20/08155
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. PF-LYON-EST
venant aux droits de la SARL COTE-BOEUF
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant,toque :475
Et ayant pour avocat plaidant SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 757
INTIMEE :
S.A.R.L. PIERRE-MORSILLI
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 659
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 02 septembre 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 septembre 2025
Date de mise à disposition : 06 novembre 2025
Audience présidée par Emmanuelle SCHOLL, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la cour lors du délibéré :
- Christophe VIVET, président
- Julien SEITZ, conseiller
- Emmanuelle SCHOLL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christophe VIVET, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 janvier 2009, la SCI Dojo (le propriétaire) a consenti un bail commercial à la SARL Pierre-Morsilli (le locataire) portant sur des locaux situés [Adresse 2] à Saint-Bonnet-de-Mure, à usage de commerce alimentaire à dominante boucherie, traiteur, crèmerie, boulangerie.
Par acte du premier mars 2011, la SARL Pierre-Morsilli a donné en sous-location à la société Côté-Boeuf (le sous-locataire) une partie des locaux, à usage de commerce de détail de fruits et légumes, crèmerie, épicerie et dépôt de pain. Cette sous-location a été ratifiée par le propriétaire le 5 août 2011.
Ainsi, la société Côté-Boeuf faisait commerce de fruits et légumes, et produits frais, dans une partie des locaux, et la société Pierre-Morsilli de viande et charcuterie dans l'autre partie, les deux sociétés exerçant sous l'enseigne unique Frais et Compagnie. En janvier 2019, la société PF-Lyon-Est est venue aux droits de la société Côté-Boeuf.
Le 28 novembre 2016, la SCI Dojo a cédé les locaux à la SNC Lidl.
Par exploit d'huissier du 6 mars 2019, la SNC Lidl a fait signifier à la société Pierre-Morsilli un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 30 septembre 2019. Ce congé a été dénoncé à la société PF-Lyon-Est par exploit d'huissier du 11 mars 2019.
Par acte notarié du 28 août 2019, la société Lidl et la société Pierre-Morsilli ont arrêté le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de un million d'euros HT.
Par exploit d'huissier de justice du 13 novembre 2020, la SARL PF-Lyon-Est venant aux droits de la SARL Côté-Boeuf a fait assigner la SARL Pierre-Morsilli et la SNC Lidl devant le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de paiement de la somme de 600.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction.
Par jugement contradictoire du 20 octobre 2022, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé intégral du litige, le tribunal judiciaire de Lyon a statué comme suit :
- déboute la société PF-Lyon-Est de sa demande aux titres de l'indemnité d'éviction, de l'enrichissement sans cause et de l'engagement écrit de payer ;
- condamne la société PF-Lyon-Est à payer à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société PF-Lyon-Est aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Guillaume Belluc ;
- rejette le surplus des demandes de la société PF-Lyon-Est.
Le tribunal a rejeté l'action sur le fondement de l'indemnité d'éviction en retenant que la configuration des locaux démontrait une indivisibilité matérielle des lieux, excluant tout droit direct au renouvellement du bail au profit de la société PF-Lyon-Est.
Concernant le fondement invoqué de l'enrichissement sans cause, le tribunal a estimé que n'étaient justifiés ni l'enrichissement de la société Pierre-Morsilli, ni l'appauvrissement de la société PF-Lyon-Est, notamment au regard des stipulations contractuelles.
Sur l'engagement écrit de payer, le tribunal, après analyse des échanges de courriels, a estimé que ces écrits ne traduisaient pas un engagement de conduire les négociations et de partager l'indemnité d'éviction par moitié, mais évoquaient un engagement à une résiliation amiable moyennant le paiement d'une indemnité de résiliation de 100.000 euros, projet qui n'a pas abouti, de sorte que la somme n'était pas due.
Concernant la demande reconventionnelle de la société Pierre-Morsilli en répartition des frais généraux de l'année 2019, le tribunal l'a estimée fondée en application du contrat, du détail de la facture, et de l'absence de contestation du quantum.
La SARL PF-Lyon-Est a relevé appel du jugement selon déclaration enregistrée le 9 novembre 2022, en intimant la société Pierre-Morsilli.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par conclusions déposées le 31 janvier 2023, la SARL PF-Lyon-Est demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'enrichissement sans cause et au titre de l'engagement écrit de payer, et l'a condamnée à payer à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et de statuer comme suit :
- à titre principal, condamner la Société Pierre-Morsilli à lui verser la somme de 600.000 euros TTC sur le fondement de l'enrichissement sans cause, outre intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance,
- à titre subsidiaire, la condamner à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de son engagement écrit de payer, outre intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,
- en toutes hypothèses, débouter la société Pierre-Morsilli de sa demande au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la condamner à lui payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions déposées le 25 avril 2023, la SARL Pierre-Morsilli demande à la cour de confirmer le jugement ce qu'il a débouté la société PF-Lyon-Est de ses demandes au titre de l'enrichissement sans cause et de l'engagement écrit de payer, et du surplus de ses demandes, et l'a condamnée à lui payer la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et y ajoutant de statuer comme suit :
- rejeter l'ensemble des demandes formées à son encontre,
- ordonner, le cas échéant, la compensation entre les éventuelles créances réciproques,
- condamner la société PF-Lyon-Est à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, recouvrés par Maître Guillaume Belluc, Avocat, sur son affirmation de droit.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé intégral de leurs prétentions et moyens.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 2 septembre 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 septembre 2025, à laquelle la décision a été mise en délibéré au 6 novembre 2025.
MOTIFS:
Sur l'enrichissement sans cause :
La SARL PF-Lyon-Est fait valoir que les sociétés Pierre-Morsilli et Lidl ont refusé de lui communiquer les modalités et le détail du calcul de l'indemnité d'éviction, et en déduit que ce calcul est basé sur le chiffre d'affaires, non du seul fonds de la société Pierre-Morsilli, mais des deux fonds exploités dans les locaux loués, dont son propre fonds. Elle soutient ensuite que l'indemnité d'éviction ne peut entrainer un enrichissement du bénéficiaire, la SARL Pierre-Morsilli, ce qui est selon elle le cas puisque l'évaluation de l'indemnité versée à cette dernière a pris en compte son chiffre d'affaires, mais également celui de la SARL PF-Lyon-Est elle-même. Elle soutient que la SARL Pierre-Morsilli s'est de ce fait enrichie sans cause, alors qu'elle s'est elle-même appauvrie en perdant son fonds de commerce. Elle se prévaut des accords prévoyant un partage équitable de l'indemnité d'éviction, en échange d'une restitution des locaux avant le terme, en ce que son bail s'achevait le 28 février 2020.
La SARL Pierre-Morsilli rappelle que, selon la Cour de cassation, aucune indemnité d'éviction n'est due au sous-locataire, et en déduit que l'indemnité d'éviction qu'elle a perçue est sans corrélation avec la perte du fonds de la SARL PF-Lyon-Est, puisque la société Lidl n'avait aucune raison de prévoir une indemnité destinée au sous-locataire alors qu'elle le savait sans droit à ce titre. La société conteste s'être enrichie sans cause, soutenant que l'indemnité d'éviction indemnise son seul préjudice, prenant notamment en compte les investissements qu'elle a réalisés en 2009 et ses autres frais. Elle conteste les évaluations avancées par la SARL PF-Lyon-Est. Elle soutient que le courriel du 2 décembre 2019 correspondait à une proposition de partage du boni de liquidation, le montant de l'indemnité d'éviction lui ayant été communiqué trois mois auparavant.
SUR CE
Aux termes de l'article 1303 du code civil, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.
En l'espèce, il est constant que le statut de sous-locataire dans un local indivisible interdit à la société PF-Lyon-Est de prétendre à une indemnité d'éviction indemnisant son préjudice lié à la perte de son fonds de commerce. Le contrat de sous-location stipulait par ailleurs qu'il prenait fin « de plein droit [..] en cas de fin de bail conclu entre le locataire principal et la SCI Dojo ». Il en résulte que la société PF-Lyon-Est, contrairement à ce qu'elle soutient, n'était pas en droit de rester dans les lieux jusqu'au 28 février 2020, en ce qu'elle était tenue de quitter les lieux dès le terme du bail du locataire principal.
Il se déduit de ces circonstances que l'appauvrissement de la société PF-Lyon-Est, découlant de la perte de son fonds de commerce, est la conséquence des dispositions légales et contractuelles applicables en l'espèce, et n'est donc pas dénué de cause.
Il n'est par ailleurs aucunement démontré que le fait, à le supposer caractérisé, que la SARL Pierre-Morsilli se soit enrichie en percevant une indemnité d'éviction versée par le bailleur calculée sur la base du chiffre d'affaires cumulé des deux occupantes du local, est intervenu au détriment du sous-locataire PF-Lyon-Est, qui, en toute hypothèse, n'était pas en droit de percevoir la supposée plus-value de l'indemnité d'éviction représentée par la prise en compte de son chiffre d'affaires.
La cour en déduit que l'enrichissement allégué de la SARL Pierre-Morsilli, à le supposer démontré, est en toute hypothèse sans lien avec l'appauvrissement de la société PF-Lyon-Est.
En conséquence, la demande présentée par cette dernière sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la SARL Pierre-Morsilli sera rejetée. La décision sera en conséquence confirmée.
Sur la reconnaissance de dette :
La SARL PF-Lyon-Est fait valoir que la preuve de l'existence et du montant des obligations entre commerçants se fait par tous moyens, que les échanges de courriels démontrent l'engagement de la société Pierre-Morsilli à lui verser a minima la somme de 122.000 euros, et que le paiement partiel de cette somme vaut reconnaissance de la totalité de la dette.
La SARL Pierre-Morsilli ne conteste pas l'existence de l'accord en question, mais soutient que la société PF-Lyon-Est y a renoncé en n'acceptant pas le projet d'acte de résiliation de bail.
SUR CE
Aux termes de l'article L.110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
En l'espèce, la cour constate que, à titre de preuve de l'accord en question, est produit un échange de courriels du 2 décembre 2019, ainsi rédigés :
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 10h53:
« bonjour [B]. Mon expert-comptable m'indique qu'il est encore trop tôt pour liquider la SARL Pierre-Morsilli suite à la résiliation du bail par Lidl. Je te propose de t'envoyer un chèque de 50.000 euros en acompte + le remboursement de ta caution. Ce qui nous laisse un peu plus de temps pour clôturer, tout en sachant que nous solderons au plus vite. [']»
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 11h :
« bonjour [E], Je te dis très vite. 50.000, on est loin de tes prévision, non ' rassure moi['] »
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 11h22 :
« A part égale avec moi environs 100.000 euros chacun plus ta caution environ 22.000 euros. Soit environ 122.000 euros pour toi. On peut se réserver une bonne surprise mais je préfère rester prudent, les 122.000 euros j'en suis sûr. ['] »
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 11h16 :
« OK alors je te dis vite s'il me faut ça sur 2019 ou si on attend » puis à 11h32 : « OK pour le versement des 50.000 premiers euros dès maintenant. Et Ok pour le remboursement du dépôt de garantie, qui s'élèvent dans nos livres à 22.799,40 euros. »
Puis le 27 mars 2020, les parties ont à nouveau échangé par mail comme suit :
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 15h45, envoie le projet d'acte de résiliation du bail de sous-location,
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 15h50 :
« Je transfère tout ça au CAC, fonds d'investissement, et avocat, car, comme je te l'ai dit au téléphone, le CAC et les fonds veulent connaitre la répartition de l'indemnité. Tu t'es mis en colère, je ne comprends pas pourquoi. Je ne suis que l'intermédiaire de cette demande, somme toute parfaitement légitime me semble-t-il. Tu m'as parlé de procès, je ne comprends pas trop cet emballement, et j'espère que nous n'en arriverons jamais là ! »
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 18h24 :
« Ce n'est pas dans nos habitudes, nous avons toujours communiqué de la manière la plus franche depuis le jour où Lidl nous a signifié la résiliation du bail ».
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 18h42 :
« C'est vrai. Et nous avions parlé de 500.000 euros pour mon magasin, puis 300.000.. puis puis.. et un jour, dans nos échanges je te dis « mais comment se fait-il qu'avec 1 million d'indemnité HT, j'arrive à peine à 100.000 euros ' » Là tu me réponds : « je veux d'abord me rembourser mes comptes courants ». Je te demande alors si tes CC sont à cette hauteur, tu me réponds que non, puis très sèchement, que tu as « d'autres choses à rembourser mais que ce n'est pas ton problème »' J'avoue que j'en suis resté sans voix. Ce qui a alerté mon CAC, c'est justement le montant de nos comptes courants... nous avons abandonné plusieurs centaines de milliers d'euros sur cette société depuis le début de son activité. »
La cour considère que le courriel par lequel la société Pierre-Morsilli évoque le montant de 122.000 euros faisait suite à un projet d'accord entre les deux sociétés dans les suites de la résiliation. Si, au regard du revirement opéré en mars 2020 et à certaines questions en décembre 2019, il est loisible de s'interroger sur la compréhension qu'avaient chacune des parties sur le contenu de l'accord, il n'en demeure pas moins que ce projet d'accord sur la base de 122.000 euros, repris dans le projet de résiliation amiable, a été expressément rejeté en mars 2020 par la société PF-Lyon-Est, qui ne l'a donc jamais confirmé.
Le projet d'accord ne s'étant donc pas concrétisé, la société PF-Lyon-Est ne peut en conséquence s'en prévaloir. En conséquence, sa demande de ce chef sera rejetée et la décision sera confirmée.
Sur le paiement des frais et charges :
La société PF-Lyon-Est, à l'appui de sa contestation de la somme dont la SARL Pierre-Morsilli demande le paiement pour les neuf mois d'exploitation de l'année 2019 au titre des frais généraux, soutient que la comparaison de cette somme avec celle réclamée au titre de l'année 2018 entière démontre l'existence d'anomalies, et réclame donc les factures correspondantes. Elle rappelle l'absence de reddition des comptes au 15 février 2020.
La société Pierre-Morsilli rappelle les stipulations du règlement intérieur et fournit l'ensemble des factures des fournisseurs fondant selon elle sa demande en paiement.
SUR CE
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil applicable, les conventions légalement formées font office de loi entre les parties.
En l'espèce, le règlement intérieur du 1er mars 2011, modifié le 3 novembre 2011 et le 25 avril 2013, applicable de manière non contestée, stipule que les charges communes seront supportées par moitié et qu'elles comprennent les postes suivants :
* aménagement et investissements : travaux d'aménagement intérieur, acquisition de matériel et mobilier spécifique, y compris les caisses et le système d'encaissement, investissement nécessaire au maintien en bon état et au renouvellement desdits aménagements matériels et mobiliers
* fonctionnement des caisses : comprend les frais de salaires des caissières et des charges afférentes, frais accessoires du personnelle, couts relatifs à la maintenance de l'environnement informatiques et aux fournitures des caisses
* frais de gestion administrative : comprenant les frais de recrutement des caissières, du système de facturation, de comptabilité, trésorerie, titres restaurant et forfaitisé pour l'année 2012 à 4.942 euros, une révision annuelle étant prévue.
* frais de fonctionnement : électricité, outillage, entretien, nettoyage de zones en jouissance commune affectées à la vente, maintenance, mouvements de fonds.
* assurances : couvrant les mouvements de fonds.
* frais de publicité : plancher minimal de 35.000 euros.
* utilisation de la centrale à froid : frais liés à la maintenance des installations de production de froid.
Il y a donc lieu d'examiner les factures versées au débat, dont la cour déduit que la SARL PF-Lyon-Est est débitrice des sommes suivantes :
- la facture de l'APAVE de 359,54 euros a été refacturée dans sa totalité, alors qu'elle doit être partagée par moitié, soit 179,56 euros,
- les frais de maintenance sont exacts, soit 2.045,08 euros,
- les frais de location du terminal de paiement - Carte commerçant s'élevant à 777,60 euros doivent être partagés par moitié, soit 388,80 euros et non 455,40 euros,
- les frais de maintenance des extincteurs sont exacts, soit 186,22 euros,
- les factures EDF ne justifient pas la demande présentée par la société Pierre-Morsilli, qui intègre manifestement les pénalités de rupture de contrat, soit 16.248 euros, alors que cette dette est née le 8 octobre 2019, soit après la date d'effet de la résiliation de la sous-location, et qu'elle ne peut donc être imputée à la société PF-Lyon-Est. Il s'en déduit que les frais d'électricité s'élèvent à 4.240,39 + 4.271,10 + 3.834,49 + 3.479,64 + 2.758,57 + 1434.66 + 3.497,46 + 424,69 + (16.478,33 - 16.248) = 24.171,33 euros, soit partagé par moitié 12.085,67 euros,
- les frais relatifs au tapis d'entrée ne sont pas justifiés, la somme de 127,82 euros sera donc écartée,
- les frais relatifs à la télésurveillance s'élèvent à 984,59 euros selon factures de Preventis et Engie Ineo Télésécurité, doivent être partagés par moitié, soit 492,30 euros,
- les frais de téléphone monétique sont exacts, soit 27 euros,
- les frais de travaux et petit matériel ne sont pas détaillés, certaines factures d'un montant d'environ 149,63 euros par mois, dépourvues d'intitulé ne peuvent être imputées et seront écartées, à l'exception d'une facture BricoMarché de 20,22 euros soit par moitié 10,11 euros.
- les frais de fourniture caisse sont exacts, soit 47,22 euros,
- les frais d'entretien et nettoyage de 180 euros doivent être partagés par moitié, soit 90 euros,
- les frais de maintenance de la porte automatique sont exacts, soit 182,26 euros,
- les factures d'eau de 711,19 euros au total doivent être partagés par moitié, soit 355,60 euros,
- le forfait administratif est justifiée par le montant facturé l'année précédente, soit 2.965,20 euros.
La somme totale due par la société PF-Lyon-Est s'élève donc à 19.055,02 euros, soit après déduction d'un acompte de 18.900 euros, un solde débiteur de 155,02 euros, en conséquence de quoi la décision sera donc infirmée sur ce point et la société PF-Lyon-Est condamnée à verser à la société Pierre-Morsilli cette somme de 155,02 euros.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Ces chefs de jugement ne sont plus contestés dans les dernières écritures des parties. Les parties succombant chacune partiellement, elles conserveront la charge de leurs dépens et leurs prétentions au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé en dernier ressort, après en avoir délibéré,
- Confirme le jugement prononcé le 20 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon sauf en ce qu'il a condamné la SARL PF-Lyon-Est à verser à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
- Condamne la SARL PF-Lyon-Est à payer à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 155,02 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019 s'élevant à 19.055,02 euros, après déduction d'un acompte de 18.900 euros,
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel,
- Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
S .Polano C.Vivet
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 20 octobre 2022
( chambre 10 cab 10 H)
RG : 20/08155
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. PF-LYON-EST
venant aux droits de la SARL COTE-BOEUF
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant,toque :475
Et ayant pour avocat plaidant SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 757
INTIMEE :
S.A.R.L. PIERRE-MORSILLI
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 659
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Date de clôture de l'instruction : 02 septembre 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 septembre 2025
Date de mise à disposition : 06 novembre 2025
Audience présidée par Emmanuelle SCHOLL, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.
Composition de la cour lors du délibéré :
- Christophe VIVET, président
- Julien SEITZ, conseiller
- Emmanuelle SCHOLL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christophe VIVET, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 janvier 2009, la SCI Dojo (le propriétaire) a consenti un bail commercial à la SARL Pierre-Morsilli (le locataire) portant sur des locaux situés [Adresse 2] à Saint-Bonnet-de-Mure, à usage de commerce alimentaire à dominante boucherie, traiteur, crèmerie, boulangerie.
Par acte du premier mars 2011, la SARL Pierre-Morsilli a donné en sous-location à la société Côté-Boeuf (le sous-locataire) une partie des locaux, à usage de commerce de détail de fruits et légumes, crèmerie, épicerie et dépôt de pain. Cette sous-location a été ratifiée par le propriétaire le 5 août 2011.
Ainsi, la société Côté-Boeuf faisait commerce de fruits et légumes, et produits frais, dans une partie des locaux, et la société Pierre-Morsilli de viande et charcuterie dans l'autre partie, les deux sociétés exerçant sous l'enseigne unique Frais et Compagnie. En janvier 2019, la société PF-Lyon-Est est venue aux droits de la société Côté-Boeuf.
Le 28 novembre 2016, la SCI Dojo a cédé les locaux à la SNC Lidl.
Par exploit d'huissier du 6 mars 2019, la SNC Lidl a fait signifier à la société Pierre-Morsilli un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 30 septembre 2019. Ce congé a été dénoncé à la société PF-Lyon-Est par exploit d'huissier du 11 mars 2019.
Par acte notarié du 28 août 2019, la société Lidl et la société Pierre-Morsilli ont arrêté le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de un million d'euros HT.
Par exploit d'huissier de justice du 13 novembre 2020, la SARL PF-Lyon-Est venant aux droits de la SARL Côté-Boeuf a fait assigner la SARL Pierre-Morsilli et la SNC Lidl devant le tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de paiement de la somme de 600.000 euros au titre de l'indemnité d'éviction.
Par jugement contradictoire du 20 octobre 2022, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé intégral du litige, le tribunal judiciaire de Lyon a statué comme suit :
- déboute la société PF-Lyon-Est de sa demande aux titres de l'indemnité d'éviction, de l'enrichissement sans cause et de l'engagement écrit de payer ;
- condamne la société PF-Lyon-Est à payer à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société PF-Lyon-Est aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Guillaume Belluc ;
- rejette le surplus des demandes de la société PF-Lyon-Est.
Le tribunal a rejeté l'action sur le fondement de l'indemnité d'éviction en retenant que la configuration des locaux démontrait une indivisibilité matérielle des lieux, excluant tout droit direct au renouvellement du bail au profit de la société PF-Lyon-Est.
Concernant le fondement invoqué de l'enrichissement sans cause, le tribunal a estimé que n'étaient justifiés ni l'enrichissement de la société Pierre-Morsilli, ni l'appauvrissement de la société PF-Lyon-Est, notamment au regard des stipulations contractuelles.
Sur l'engagement écrit de payer, le tribunal, après analyse des échanges de courriels, a estimé que ces écrits ne traduisaient pas un engagement de conduire les négociations et de partager l'indemnité d'éviction par moitié, mais évoquaient un engagement à une résiliation amiable moyennant le paiement d'une indemnité de résiliation de 100.000 euros, projet qui n'a pas abouti, de sorte que la somme n'était pas due.
Concernant la demande reconventionnelle de la société Pierre-Morsilli en répartition des frais généraux de l'année 2019, le tribunal l'a estimée fondée en application du contrat, du détail de la facture, et de l'absence de contestation du quantum.
La SARL PF-Lyon-Est a relevé appel du jugement selon déclaration enregistrée le 9 novembre 2022, en intimant la société Pierre-Morsilli.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par conclusions déposées le 31 janvier 2023, la SARL PF-Lyon-Est demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'enrichissement sans cause et au titre de l'engagement écrit de payer, et l'a condamnée à payer à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et de statuer comme suit :
- à titre principal, condamner la Société Pierre-Morsilli à lui verser la somme de 600.000 euros TTC sur le fondement de l'enrichissement sans cause, outre intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance,
- à titre subsidiaire, la condamner à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de son engagement écrit de payer, outre intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,
- en toutes hypothèses, débouter la société Pierre-Morsilli de sa demande au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la condamner à lui payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions déposées le 25 avril 2023, la SARL Pierre-Morsilli demande à la cour de confirmer le jugement ce qu'il a débouté la société PF-Lyon-Est de ses demandes au titre de l'enrichissement sans cause et de l'engagement écrit de payer, et du surplus de ses demandes, et l'a condamnée à lui payer la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019, et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, et y ajoutant de statuer comme suit :
- rejeter l'ensemble des demandes formées à son encontre,
- ordonner, le cas échéant, la compensation entre les éventuelles créances réciproques,
- condamner la société PF-Lyon-Est à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, recouvrés par Maître Guillaume Belluc, Avocat, sur son affirmation de droit.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé intégral de leurs prétentions et moyens.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 2 septembre 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 septembre 2025, à laquelle la décision a été mise en délibéré au 6 novembre 2025.
MOTIFS:
Sur l'enrichissement sans cause :
La SARL PF-Lyon-Est fait valoir que les sociétés Pierre-Morsilli et Lidl ont refusé de lui communiquer les modalités et le détail du calcul de l'indemnité d'éviction, et en déduit que ce calcul est basé sur le chiffre d'affaires, non du seul fonds de la société Pierre-Morsilli, mais des deux fonds exploités dans les locaux loués, dont son propre fonds. Elle soutient ensuite que l'indemnité d'éviction ne peut entrainer un enrichissement du bénéficiaire, la SARL Pierre-Morsilli, ce qui est selon elle le cas puisque l'évaluation de l'indemnité versée à cette dernière a pris en compte son chiffre d'affaires, mais également celui de la SARL PF-Lyon-Est elle-même. Elle soutient que la SARL Pierre-Morsilli s'est de ce fait enrichie sans cause, alors qu'elle s'est elle-même appauvrie en perdant son fonds de commerce. Elle se prévaut des accords prévoyant un partage équitable de l'indemnité d'éviction, en échange d'une restitution des locaux avant le terme, en ce que son bail s'achevait le 28 février 2020.
La SARL Pierre-Morsilli rappelle que, selon la Cour de cassation, aucune indemnité d'éviction n'est due au sous-locataire, et en déduit que l'indemnité d'éviction qu'elle a perçue est sans corrélation avec la perte du fonds de la SARL PF-Lyon-Est, puisque la société Lidl n'avait aucune raison de prévoir une indemnité destinée au sous-locataire alors qu'elle le savait sans droit à ce titre. La société conteste s'être enrichie sans cause, soutenant que l'indemnité d'éviction indemnise son seul préjudice, prenant notamment en compte les investissements qu'elle a réalisés en 2009 et ses autres frais. Elle conteste les évaluations avancées par la SARL PF-Lyon-Est. Elle soutient que le courriel du 2 décembre 2019 correspondait à une proposition de partage du boni de liquidation, le montant de l'indemnité d'éviction lui ayant été communiqué trois mois auparavant.
SUR CE
Aux termes de l'article 1303 du code civil, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.
En l'espèce, il est constant que le statut de sous-locataire dans un local indivisible interdit à la société PF-Lyon-Est de prétendre à une indemnité d'éviction indemnisant son préjudice lié à la perte de son fonds de commerce. Le contrat de sous-location stipulait par ailleurs qu'il prenait fin « de plein droit [..] en cas de fin de bail conclu entre le locataire principal et la SCI Dojo ». Il en résulte que la société PF-Lyon-Est, contrairement à ce qu'elle soutient, n'était pas en droit de rester dans les lieux jusqu'au 28 février 2020, en ce qu'elle était tenue de quitter les lieux dès le terme du bail du locataire principal.
Il se déduit de ces circonstances que l'appauvrissement de la société PF-Lyon-Est, découlant de la perte de son fonds de commerce, est la conséquence des dispositions légales et contractuelles applicables en l'espèce, et n'est donc pas dénué de cause.
Il n'est par ailleurs aucunement démontré que le fait, à le supposer caractérisé, que la SARL Pierre-Morsilli se soit enrichie en percevant une indemnité d'éviction versée par le bailleur calculée sur la base du chiffre d'affaires cumulé des deux occupantes du local, est intervenu au détriment du sous-locataire PF-Lyon-Est, qui, en toute hypothèse, n'était pas en droit de percevoir la supposée plus-value de l'indemnité d'éviction représentée par la prise en compte de son chiffre d'affaires.
La cour en déduit que l'enrichissement allégué de la SARL Pierre-Morsilli, à le supposer démontré, est en toute hypothèse sans lien avec l'appauvrissement de la société PF-Lyon-Est.
En conséquence, la demande présentée par cette dernière sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la SARL Pierre-Morsilli sera rejetée. La décision sera en conséquence confirmée.
Sur la reconnaissance de dette :
La SARL PF-Lyon-Est fait valoir que la preuve de l'existence et du montant des obligations entre commerçants se fait par tous moyens, que les échanges de courriels démontrent l'engagement de la société Pierre-Morsilli à lui verser a minima la somme de 122.000 euros, et que le paiement partiel de cette somme vaut reconnaissance de la totalité de la dette.
La SARL Pierre-Morsilli ne conteste pas l'existence de l'accord en question, mais soutient que la société PF-Lyon-Est y a renoncé en n'acceptant pas le projet d'acte de résiliation de bail.
SUR CE
Aux termes de l'article L.110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
En l'espèce, la cour constate que, à titre de preuve de l'accord en question, est produit un échange de courriels du 2 décembre 2019, ainsi rédigés :
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 10h53:
« bonjour [B]. Mon expert-comptable m'indique qu'il est encore trop tôt pour liquider la SARL Pierre-Morsilli suite à la résiliation du bail par Lidl. Je te propose de t'envoyer un chèque de 50.000 euros en acompte + le remboursement de ta caution. Ce qui nous laisse un peu plus de temps pour clôturer, tout en sachant que nous solderons au plus vite. [']»
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 11h :
« bonjour [E], Je te dis très vite. 50.000, on est loin de tes prévision, non ' rassure moi['] »
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 11h22 :
« A part égale avec moi environs 100.000 euros chacun plus ta caution environ 22.000 euros. Soit environ 122.000 euros pour toi. On peut se réserver une bonne surprise mais je préfère rester prudent, les 122.000 euros j'en suis sûr. ['] »
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 11h16 :
« OK alors je te dis vite s'il me faut ça sur 2019 ou si on attend » puis à 11h32 : « OK pour le versement des 50.000 premiers euros dès maintenant. Et Ok pour le remboursement du dépôt de garantie, qui s'élèvent dans nos livres à 22.799,40 euros. »
Puis le 27 mars 2020, les parties ont à nouveau échangé par mail comme suit :
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 15h45, envoie le projet d'acte de résiliation du bail de sous-location,
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 15h50 :
« Je transfère tout ça au CAC, fonds d'investissement, et avocat, car, comme je te l'ai dit au téléphone, le CAC et les fonds veulent connaitre la répartition de l'indemnité. Tu t'es mis en colère, je ne comprends pas pourquoi. Je ne suis que l'intermédiaire de cette demande, somme toute parfaitement légitime me semble-t-il. Tu m'as parlé de procès, je ne comprends pas trop cet emballement, et j'espère que nous n'en arriverons jamais là ! »
- Pour la SARL Pierre-Morsilli, M.[F], gérant, à 18h24 :
« Ce n'est pas dans nos habitudes, nous avons toujours communiqué de la manière la plus franche depuis le jour où Lidl nous a signifié la résiliation du bail ».
- Pour la SARL PF-Lyon-Est, M.[D], gérant, à 18h42 :
« C'est vrai. Et nous avions parlé de 500.000 euros pour mon magasin, puis 300.000.. puis puis.. et un jour, dans nos échanges je te dis « mais comment se fait-il qu'avec 1 million d'indemnité HT, j'arrive à peine à 100.000 euros ' » Là tu me réponds : « je veux d'abord me rembourser mes comptes courants ». Je te demande alors si tes CC sont à cette hauteur, tu me réponds que non, puis très sèchement, que tu as « d'autres choses à rembourser mais que ce n'est pas ton problème »' J'avoue que j'en suis resté sans voix. Ce qui a alerté mon CAC, c'est justement le montant de nos comptes courants... nous avons abandonné plusieurs centaines de milliers d'euros sur cette société depuis le début de son activité. »
La cour considère que le courriel par lequel la société Pierre-Morsilli évoque le montant de 122.000 euros faisait suite à un projet d'accord entre les deux sociétés dans les suites de la résiliation. Si, au regard du revirement opéré en mars 2020 et à certaines questions en décembre 2019, il est loisible de s'interroger sur la compréhension qu'avaient chacune des parties sur le contenu de l'accord, il n'en demeure pas moins que ce projet d'accord sur la base de 122.000 euros, repris dans le projet de résiliation amiable, a été expressément rejeté en mars 2020 par la société PF-Lyon-Est, qui ne l'a donc jamais confirmé.
Le projet d'accord ne s'étant donc pas concrétisé, la société PF-Lyon-Est ne peut en conséquence s'en prévaloir. En conséquence, sa demande de ce chef sera rejetée et la décision sera confirmée.
Sur le paiement des frais et charges :
La société PF-Lyon-Est, à l'appui de sa contestation de la somme dont la SARL Pierre-Morsilli demande le paiement pour les neuf mois d'exploitation de l'année 2019 au titre des frais généraux, soutient que la comparaison de cette somme avec celle réclamée au titre de l'année 2018 entière démontre l'existence d'anomalies, et réclame donc les factures correspondantes. Elle rappelle l'absence de reddition des comptes au 15 février 2020.
La société Pierre-Morsilli rappelle les stipulations du règlement intérieur et fournit l'ensemble des factures des fournisseurs fondant selon elle sa demande en paiement.
SUR CE
Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil applicable, les conventions légalement formées font office de loi entre les parties.
En l'espèce, le règlement intérieur du 1er mars 2011, modifié le 3 novembre 2011 et le 25 avril 2013, applicable de manière non contestée, stipule que les charges communes seront supportées par moitié et qu'elles comprennent les postes suivants :
* aménagement et investissements : travaux d'aménagement intérieur, acquisition de matériel et mobilier spécifique, y compris les caisses et le système d'encaissement, investissement nécessaire au maintien en bon état et au renouvellement desdits aménagements matériels et mobiliers
* fonctionnement des caisses : comprend les frais de salaires des caissières et des charges afférentes, frais accessoires du personnelle, couts relatifs à la maintenance de l'environnement informatiques et aux fournitures des caisses
* frais de gestion administrative : comprenant les frais de recrutement des caissières, du système de facturation, de comptabilité, trésorerie, titres restaurant et forfaitisé pour l'année 2012 à 4.942 euros, une révision annuelle étant prévue.
* frais de fonctionnement : électricité, outillage, entretien, nettoyage de zones en jouissance commune affectées à la vente, maintenance, mouvements de fonds.
* assurances : couvrant les mouvements de fonds.
* frais de publicité : plancher minimal de 35.000 euros.
* utilisation de la centrale à froid : frais liés à la maintenance des installations de production de froid.
Il y a donc lieu d'examiner les factures versées au débat, dont la cour déduit que la SARL PF-Lyon-Est est débitrice des sommes suivantes :
- la facture de l'APAVE de 359,54 euros a été refacturée dans sa totalité, alors qu'elle doit être partagée par moitié, soit 179,56 euros,
- les frais de maintenance sont exacts, soit 2.045,08 euros,
- les frais de location du terminal de paiement - Carte commerçant s'élevant à 777,60 euros doivent être partagés par moitié, soit 388,80 euros et non 455,40 euros,
- les frais de maintenance des extincteurs sont exacts, soit 186,22 euros,
- les factures EDF ne justifient pas la demande présentée par la société Pierre-Morsilli, qui intègre manifestement les pénalités de rupture de contrat, soit 16.248 euros, alors que cette dette est née le 8 octobre 2019, soit après la date d'effet de la résiliation de la sous-location, et qu'elle ne peut donc être imputée à la société PF-Lyon-Est. Il s'en déduit que les frais d'électricité s'élèvent à 4.240,39 + 4.271,10 + 3.834,49 + 3.479,64 + 2.758,57 + 1434.66 + 3.497,46 + 424,69 + (16.478,33 - 16.248) = 24.171,33 euros, soit partagé par moitié 12.085,67 euros,
- les frais relatifs au tapis d'entrée ne sont pas justifiés, la somme de 127,82 euros sera donc écartée,
- les frais relatifs à la télésurveillance s'élèvent à 984,59 euros selon factures de Preventis et Engie Ineo Télésécurité, doivent être partagés par moitié, soit 492,30 euros,
- les frais de téléphone monétique sont exacts, soit 27 euros,
- les frais de travaux et petit matériel ne sont pas détaillés, certaines factures d'un montant d'environ 149,63 euros par mois, dépourvues d'intitulé ne peuvent être imputées et seront écartées, à l'exception d'une facture BricoMarché de 20,22 euros soit par moitié 10,11 euros.
- les frais de fourniture caisse sont exacts, soit 47,22 euros,
- les frais d'entretien et nettoyage de 180 euros doivent être partagés par moitié, soit 90 euros,
- les frais de maintenance de la porte automatique sont exacts, soit 182,26 euros,
- les factures d'eau de 711,19 euros au total doivent être partagés par moitié, soit 355,60 euros,
- le forfait administratif est justifiée par le montant facturé l'année précédente, soit 2.965,20 euros.
La somme totale due par la société PF-Lyon-Est s'élève donc à 19.055,02 euros, soit après déduction d'un acompte de 18.900 euros, un solde débiteur de 155,02 euros, en conséquence de quoi la décision sera donc infirmée sur ce point et la société PF-Lyon-Est condamnée à verser à la société Pierre-Morsilli cette somme de 155,02 euros.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Ces chefs de jugement ne sont plus contestés dans les dernières écritures des parties. Les parties succombant chacune partiellement, elles conserveront la charge de leurs dépens et leurs prétentions au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé en dernier ressort, après en avoir délibéré,
- Confirme le jugement prononcé le 20 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon sauf en ce qu'il a condamné la SARL PF-Lyon-Est à verser à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 10.692,50 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
- Condamne la SARL PF-Lyon-Est à payer à la SARL Pierre-Morsilli la somme de 155,02 euros TTC au titre du solde des frais généraux et de fonctionnement de l'année 2019 s'élevant à 19.055,02 euros, après déduction d'un acompte de 18.900 euros,
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel,
- Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
S .Polano C.Vivet