Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 6 novembre 2025, n° 21/03970

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/03970

6 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 06 NOVEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/03970 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHD4V

[Z] [X]

[M] [E] [W] épouse [X]

C/

[Y] [I]

Copie exécutoire délivrée

le : 6/11/25

à :

Me Nicolas DRUJON D'ASTROS

Me Pierre ROBERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 02 Février 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2019005350.

APPELANTS

Monsieur [Z] [X]

né le 16 Août 1958 à [Localité 2]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Arnaud SABIN, avocat au barreau de PAU, plaidant

Madame [M] [E] [W] épouse [X]

née le 01 Avril 1960 à [Localité 6] (MADAGASCAR)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Arnaud SABIN, avocat au barreau de PAU, plaidant

INTIME

Monsieur [Y] [I]

né le 22 Avril 1959 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Pierre ROBERT de l'ASSOCIATION TRAVERT - ROBERT - CEYTE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUGIER, présidente de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre

Mme Magali VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat du 16 décembre 2014, la SARL Le Trinquet a donné en location-gérance à M. [Y] [I] un fonds de commerce de bar, trinquet, restaurant, brasserie situé à [Localité 5] (64), pour une durée d'une année à compter du 5 janvier 2015 et expirant le 4 janvier 2016 au soir, moyennant une redevance annuelle de 38 880 euros pour la location gérance du fonds et 37 440 euros pour la location des murs. Le dépôt de garantie était fixé à 60 000 euros.

Par avenant du 20 novembre 2015, la durée du contrat de location-gérance était prolongée jusqu'au 31 mars 2016 au soir.

Le même jour, 20 novembre 2015, M. [Z] [X] et Mme [M] [E] [W] épouse [X] (les époux [X]) d'une part, et M. [Y] [I] agissant pour le compte de la SARL Anemo en formation d'autre part, ont signé une « promesse synallagmatique d'achat et de cessions de parts sociales sous conditions suspensives », aux termes de laquelle les premiers s'engageaient à céder à la société Anemo, pour un prix total de 230 000 euros, toutes leurs parts sociales respectives dans la SARL Le Trinquet.

Un avenant à cette promesse était convenu par les parties le 30 mars 2016 pour prolonger au 30 avril 2016 son terme initialement fixé au 31 mars 2016.

Sur requête de M. [I] et par ordonnance du 2 août 2016, le tribunal de commerce de Pau a fait injonction à la SARL Le Trinquet de payer à celui-ci en deniers ou quittances valables la somme principale de 60 000 euros correspondant au montant du dépôt de garantie non remboursé, ainsi que les dépens.

Cette ordonnance a été signifiée à la SARL Le Trinquet le 23 août 2016, et celle-ci y a formé opposition le 20 septembre 2016. Les époux [X] sont intervenus volontairement en l'instance.

Par jugement du 20 juin 2017, le tribunal de commerce de Pau a reçu l'opposition de la SARL Le Trinquet, mis à néant l'ordonnance portant injonction de payer, et statuant à nouveau, a statué sur les demandes réciproques de condamnations au titre du contrat de location-gérance, mais a aussi déclaré recevable l'intervention volontaire des époux [X] et « constaté que M. [I] n'a pas respecté les obligations lui incombant au titre de la promesse synallagmatique de vente du 20 novembre 2015 et l'a condamné à payer à titre de dommages et intérêts aux époux [X] la somme de 23 000 euros correspondant selon les usages à 10% du prix convenu dans la promesse de vente ».

Par arrêt du 28 mars 2019, la cour d'appel de Pau, statuant sur l'appel interjeté par M. [I] à l'encontre de ce jugement, l'a infirmé sur ces deux dernières dispositions notamment et, statuant à nouveau sur ces chefs infirmés, a déclaré irrecevable l'intervention volontaire des époux [X].

Par exploit du 11 juillet 2019, Mme et M. [X] ont fait assigner M. [Y] [I] devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins de voir constater qu'il n'a pas respecté les obligations lui incombant au titre de la promesse synallagmatique de vente du 20 novembre 2015 et de le voir condamner à leur payer 23 000 euros de dommages et intérêts.

Par jugement du 2 février 2021, ce tribunal a prononcé la caducité de la promesse de vente, débouté les parties de leurs autres demandes, et condamné les époux [X] à payer à M. [I] la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Mme et M. [X] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 16 mars 2021 pour la voir annuler ou réformer en toutes ses dispositions.

M. [I], intimé, a constitué avocat. Par ordonnance du 2 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021.

L'arrêt rendu est contradictoire en vertu de l'article 467 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 1er juillet 2025 et a été mise en délibéré au 6 novembre 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 juin 2021, les époux [X], appelants, demandent à la cour de

- réformer le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

statuant à nouveau,

- dire et juger bien fondée et recevable leur action,

- constater que M. [I] n'a pas respecté les obligations lui incombant au titre de la promesse synallagmatique de vente du 20 novembre 2015,

en conséquence,

- le condamner à leur payer la somme de 23 000 euros,

- rejeter la demande d'irrecevabilité de l'argumentation de Mme et M. [X] comme étant dépourvue de base légale,

- condamner M. [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par ordonnance du 2 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021 par M. [I], intimé.

MOTIFS DE LA DECISION

La disposition du jugement déféré prononçant la caducité de la promesse de vente ne fait l'objet d'aucun moyen de contestation des appelants, quand bien même ils en demandent l'infirmation. Elle doit donc être confirmée.

Les appelants font valoir que, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, l'absence de clause de pénalité à la promesse de vente ne fait pas obstacle au principe de responsabilité contractuelle de chaque partie débitrice d'obligations en vertu de cette promesse.

Ils soutiennent qu'en vertu de l'article L.210-6 du code de commerce, et dans la mesure où la société Anemo au nom et pour le compte de laquelle M. [I] avait agi n'a jamais été constituée, celui-ci est personnellement débiteur de ses obligations. Or il lui incombait de déposer dans un délai de trente jours auprès de trois établissements bancaires des dossiers de demande de prêt et donc au plus tard le 20 décembre 2015, ce dont M. [I] n'a jamais justifié malgré la sommation interpellative qui lui a été délivrée. Il ne peut donc être simplement constaté que la promesse est caduque alors que les conditions suspensives qu'elle stipulait n'ont pas été réalisées par la faute de M. [I].

Les époux [X] exposent que lorsqu'une indemnité d'immobilisation est convenue, elle a pour objet de compenser pour le promettant l'interdiction qui lui est faite de vendre son bien à un tiers, que M. [I] savait dès le 20 décembre 2015 qu'il n'allait pas respecter son obligation mais les a empêchés par son silence de rechercher un autre acquéreur et de céder leurs parts sociales à un tiers, de sorte qu'ils n'ont pu faire valoir leurs droits à la retraite.

Sur ce,

L'article 1147 du code civil, en vigueur à la date de conclusion de la promesse -20 novembre 2015, dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Il n'est pas justifié de l'immatriculation effective de la société Anemo et il n'a pas été contesté en première instance que M. [I] qui agissait lors de la conclusion de la promesse au nom et pour le compte de cette société alors en formation, est de ce fait devenu personnellement débiteur des obligations que la promesse mettait à la charge de cette société conformément aux dispositions de l'article L.210-6 du code de commerce.

La promesse conclue le 20 novembre 2015 est expressément qualifiée de « synallagmatique » et elle stipule effectivement des obligations de Mme et M. [X], mais également des obligations de la société Anemo devenues celles de M. [I].

Ainsi, il est précisé que page 6 de l'acte que « le bénéficiaire (M. [I]) s'oblige à effectuer toutes les démarches nécessaires à l'obtention du ou des prêts, et notamment à déposer auprès de trois établissements bancaires au moins les dossiers relatifs aux prêts dans le délai de trente jours à compter de la signature des présentes et à en justifier, à première demande des promettants, faute de quoi ces derniers pourraient invoquer la caducité de ces accords ».

Il est toutefois précisé ensuite, à la même page et dans la même clause dont les appelants revendiquent l'application, que « si ladite condition suspensive n'était pas réalisée au jour de la signature des actes de cession, soit au plus tard le 31 mars 2016, chacune des parties reprendrait sa pleine liberté, sans indemnité de part ni d'autre, sauf si les bénéficiaire renoncent expressément au bénéfice de ladite condition suspensive ».

S'il est exact que l'absence de stipulation d'une clause prévoyant et fixant une indemnité d'immobilisation ne constitue pas un obstacle au droit du promettant d'obtenir une indemnisation à ce titre sur le fondement du droit commun de l'article 1147 précité, la promesse du 20 novembre 2015 en exclut spécifiquement la possibilité par cette mention expresse qui s'analyse comme une clause de non-recours.

La validité d'une telle clause est reconnue par une jurisprudence constante dès lors qu'elle est, comme en l'espèce, claire, non équivoque, ne vide pas le contrat de sa substance et n'enfreint pas l'ordre public.

En effet, cette stipulation a seulement pour objet d'exclure tout droit à indemnisation de l'une quelconque des parties au titre de la non réalisation de cette condition suspensive sans qu'aucune des causes n'en soit distinguée, toutes autres obligations subsistant.

Par le jeu de cette exclusion contractuelle, les époux [X] ont renoncé dès le 20 novembre 2015 à l'indemnisation du préjudice qui pourrait résulter de la non-obtention par le bénéficiaire d'un prêt bancaire de 300 000 euros sur 7 ans pour un taux moyen de 2 à 4%, quelle que puisse en être la cause, et leur demande d'indemnisation à ce titre ne peut donc qu'être rejetée. Le jugement déféré est confirmé.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des époux [X] qui succombent en leur appel les frais irrépétibles qu'ils ont engagés, et les dépens restent à leur charge conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application en l'instance des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [Z] [X] et Mme [M] [E] [W] épouse [X] aux dépens de l'instance d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site