CA Rennes, 7e ch prud'homale, 6 novembre 2025, n° 22/03822
RENNES
Arrêt
Autre
7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°351/2025
N° RG 22/03822 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S3YD
M. [Z] [X]
C/
S.A.R.L. CIEV CENTRAKOR
S.A.S. BASALP
RG CPH : F 19/00326
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RENNES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Septembre 2025 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [U], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [Z] [X]
né le 03 Janvier 1990 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Eric MARLOT de la SELARL MDL AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me LE CAMPION, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.R.L. CIEV CENTRAKOR prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Bruno ROPARS de la SCP ACR AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS
S.A.S. BASALP agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Mathilde LATRACE, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG substituée par Me DELAMARCHE Cloé, avocat au barreau de RENNES
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[L] 1er septembre 2010, M. [Z] [X] a été embauché en qualité de vendeur dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société d'exploitation Rapp, avec reprise de son ancienneté au 22 septembre 2008 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation.
Son contrat a par la suite été transféré à la société Fly, devenue la SAS Bazalp, appliquant la convention collective nationale du négoce de l'ameublement.
Par avenant du 25 mars 2015, M. [X] a été promu directeur de magasin, statut cadre, soumis à une convention de forfait de 218 jours et affecté dans le magasin Fly d'[Localité 7]. Il percevait un salaire brut de 2700 euros, outre une prime de 13ème mois et une rémunération variable maximale de 4 000 euros brut par an.
À compter du 1er avril 2017, il a été muté au sein du magasin Fly situé à [Localité 12] (35). Il percevait en dernier lieu une rémunération de 3 400 euros brut par mois outre des primes variables.
A la suite d'une cession de fonds de commerce, la Sarl CIEV a repris le magasin à effet au 1er octobre 2018 et a informé M. [X] du transfert de plein droit en application de l'article L 1224-1 du code du travail, de son contrat de travail au sein de la société CIEV au 1er octobre 2018 avec reprise de son ancienneté.
Durant les travaux de rénovation du magasin, M.[X] était en charge du pilotage des opérations d'implantation du magasin Centrakor de [Localité 12] et mis à la disposition d'une autre société appartenant au même groupe entre le 8 octobre et le 1er décembre 2018 'dans le cadre des fluctuations d'activité et de la formation nécessaire à la prise du poste de M. [X] pour l'ouverture du magasin.'
Par courrier du 24 novembre 2018, M. [X] a refusé de signer l'avenant soumis par le repreneur en dénonçant une modification tant de ses attributions et des éléments de sa rémunération variable.
[L] 10 décembre 2018, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 19 décembre et s'est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire.
[L] 24 décembre 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave reposant sur les griefs suivants :
- La remise des clés et codes intrusion à la société Merch et Cie, société tierce chargée de l'implantation du magasin :
- La décharge du pilotage des intérimaires et des salariés
- L'établissement d'un planning en violation des procédures internes
- [L] non-respect des consignes de sécurité.
'***
M. [L] Maître a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 19 juin 2019 afin de voir :
- Dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse
- Annuler la convention de forfait annuel en jours et à tout le moins la dire et juger privée d'effet
- Condamner la société CIEV France à lui verser les sommes suivantes:
- Indemnité de licenciement : 13 167,51 euros
- Indemnité de préavis : 15 291,13 euros et congés payés afférents : 1 529,13 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 971 euros
- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2 196,58 euros et congés payés afférents : 219,66 euros
- Rappel d'heures supplémentaires : 65 105,15 euros et congés payés afférents: 6 510,52 euros
- Dommages et intérêts pour perte de droit à repos compensateur : 40 322,37 euros
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait :
15 000 euros
- Indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
2 000 euros.
La SARL CIEV Centrakor a conclu au rejet des demandes de M.[X] dont le licenciement est justifié pour faute grave et la convention de forfait licite.
Par assignation du 17 février 2020, la société Ciev a appelé à la procédure la société Bazalp.
La SAS Bazalp, appelée à la cause suivant assignation délivrée le 17 février 2020 par la société CIEV a demandé au conseil de prud'hommes de :
À titre principal,
- Dire et juger que sa convention de forfait en jours est valable et opposable,
- [L] débouter de toutes ses demandes d'indemnisation et de rappels de salaire,
À titre subsidiaire
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à rappel de salaires et heures supplémentaires, qu'il n'y a pas lieu à réparation en l'absence de préjudice,
- Débouter M. [X] de ses demandes,
- [L] débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- [L] condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 23 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Rennes a:
- Prononcé la jonction des instances inscrites au répertoire général sous les N° RG 19/326 et 20/131;
- Dit que le licenciement de M. [X] est justifié par une faute grave ;
- Dit que la convention de forfait annuel en jours est privée d'effet ;
- Déclaré le jugement à intervenir commun et opposable à la SAS Bazalp ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.
***
M. [X] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 21 juin 2022.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 9 février 2023, M. [X] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 23 mai 2022, en ce qu'il a :
- Dit que le licenciement de M. [L] Maître est justifié par une faute grave.
- Débouté M. [L] Maître de sa demande de juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave.
- Débouté M. [L] Maître de ses demandes de condamnation de la société CIEV France au paiement des sommes suivantes :
- Indemnité de licenciement : 13 167,51 euros
- Indemnité de préavis : 15 291,13 euros
- Congés payés y afférents : 1 529,13 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 971,00 euros
- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2 196,58 euros et congés payés afférents : 219,66 euros
- Débouté M. [L] Maître de ses demandes de condamnation de la société CIEV France au paiement des sommes suivantes :
- Rappel d'heures supplémentaires : 65 105,15 euros
- Congés payés afférents : 6 510,52 euros
- Dommages et intérêts pour perte de droit à repos compensateur : 40 322,37 euros
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 15 000 euros
- Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté M. [X] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- Laissé les dépens à la charge des parties.
Y additant et statuant à nouveau :
- Juger le licenciement pour faute grave de M. [X] dénué de cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société CIEV France à verser à M. [X] les sommes suivantes:
- Indemnité de licenciement : 13 167,51 euros
- Indemnité de préavis : 15 291,13 euros
- Congés payés y afférents : 1 529,13 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 971 euros
- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2 196,58 euros
- Congés payés afférents : 219,66 euros,
- Annuler la convention de forfait annuel en jours et à tout le moins la juger privée d'effet ;
- Condamner la société CIEV à verser à M. [X] les sommes suivantes :
- Rappel d'heures supplémentaires : 65 105,15 euros
- Congés payés afférents : 6 510,52 euros
- Dommages et intérêts pour perte de droit à repos compensateur : 40 322,37 euros
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 15 000 euros
- Condamner la société CIEV à verser à M. [X] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société CIEV aux entiers dépens de l'instance.
- Débouter les sociétés CIEV et Bazalp de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 12 juin 2025, la SAS Bazalp demande à la cour de :
- Déclarer l'appel de M. [X] mal fondé
- Déclarer l'appel incident de la SAS Bazalp recevable et bien fondé.
À titre principal et d'appel incident
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé la convention de forfait nulle et privéed'effet
Et statuant à nouveau
- Juger que la convention de forfait en jours est valable et opposable
- Débouter M. [X] de toutes ses demandes d'indemnisation et de rappels de salaires
A titre subsidiaire
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes de rappels de salaires/ heures supplémentaires/ repos compensateur et de réparation du préjudice subi ainsi que d'article 700 du code de procédure civile
- Débouter M. [X] de ses demandes et prétentions,
En tout état de cause
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Bazalp de sa demande d'article 700 du code de procédure civile
- Condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 12 décembre 2022, la SARL CIEV Centrakor demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la convention de forfait annuel en jours est privée d'effet ;
Et, statuant à nouveau :
- Dire que le licenciement de M. [L] Maître est justifié par une faute grave ;
- Dire que la convention de forfait figurant dans le contrat de travail de M. [X] est licite ;
- [L] débouter de l'ensemble de ses demandes ;
- Déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la SAS Bazalp ;
- Condamner M. [X] à la somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 24 juin 2025 avec fixation de l'affaire à l'audience du 15 septembre 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la contestation de la convention de forfait en jours:
[L] conseil de prud'hommes a omis de statuer sur la demande principale de nullité de la convention de forfait dont il était régulièrement saisi par M. [X]. Il convient de réparer cette omission.
M. [X] fait valoir que l'avenant à son contrat de travail ne prévoit aucune obligation de suivi véritable de sa charge de travail ou de tenue d'entretiens annuels sur sa charge de travail; qu'en tout état de cause, la société Ciev n'a assuré aucun contrôle de sa charge de travail, ni fait en sorte que les temps de repos légaux soient respectés.
La société Bazalp soutient que si le contrat de travail de M. [X] ne prévoit pas la tenue d'entretiens annuels et de suivi en terme de charge de travail, l'accord collectif contenait toutes ces garanties.
Enfin, elle affirme que des entretiens réguliers étaient organisés et que le salarié déclarait ses journées de travail et de repos.
Pour sa part, la SARL Ciev expose que M. [X], depuis la cession du fonds de commerce, était son salarié depuis le 1er octobre 2018 et jusqu'au 24 décembre 2018, de sorte qu'il appartient à la société Bazalp, son précédent employeur, de fournir les justificatifs sur le suivi de la durée de travail.
La société Ciev fait cependant valoir que le salarié a bénéficié de deux entretiens annuels par an au sein de la société Fly (désormais Bazalp), dont un entretien concernant ses jours de RTT et sa charge de travail ; que le suivi et le contrôle de sa charge de travail étaient effectués par le biais des plannings hebdomadaires établis par M. [X] lui-même.
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels n'a pour objet que de sécuriser les accords collectifs conclus sous l'empire des dispositions régissant antérieurement le recours aux conventions de forfait.
En vertu de l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 8 août 2016, et complétée par l'ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, dispose que : "I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine:
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° [L] nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés."
S'agissant des accords collectifs et conventions de forfait individuelles déjà existants lors de l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, l'article 12 de ladite loi prévoit que : "I. - Lorsqu'une convention ou un accord de branche ou un accord d'entreprise ou d'établissement conclu avant la publication de la présente loi et autorisant la conclusion de forfaits annuels en heures ou en jours est révisé pour être mis en conformité avec l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, l'exécution de la convention individuelle de forfait annuel en heures ou en jours se poursuit sans qu'il y ait lieu de requérir l'accord du salarié.
II. - Les 2° et 4° du I de l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, ne prévalent pas sur les conventions ou accords de branche ou accords d'entreprise ou d'établissement autorisant la conclusion de conventions de forfait annuel en heures ou en jours et conclus avant la publication de la présente loi.
III. - L'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait."
À cet égard, il résulte de l'article L. 3121-65 du code du travail qu'à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.- À défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-17.
Ainsi, la convention de forfait prévue au contrat de travail doit impérativement préciser les modalités de surveillance de la charge de travail du salarié.
Pour être de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, l'accord collectif doit prévoir un suivi effectif et régulier par le responsable hiérarchique des décomptes de temps de travail, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable (Soc., 14 décembre 2022, n°21-10.251, n°20-20.572).
Lorsque le forfait en jours est mis en place en dehors des conditions posées par la loi ou à défaut de garanties suffisantes, il est déclaré nul par le juge, ce qui le rend définitivement inopposable au salarié pour le passé, le présent et l'avenir.
En cas de nullité de la convention de forfait, le salarié peut alors revendiquer l'application des règles de droit commun afférentes au décompte et à la rémunération du temps de travail.
S'agissant de la validité de la convention de forfait jours, il importe de vérifier en l'espèce si l'accord collectif et/ou l'accord d'entreprise contiennent des mesures concrètes d'application des conventions de forfait en jours de nature à assurer le respect des règles impératives relatives à la durée du travail et aux temps de repos.
L'article 2 - temps de travail, à l'avenant du 25 mars 2015 prévoit : 'Conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise relatif à la durée et l'aménagement du temps de travail et dans la mesure où la durée du temps de travail de M. [Z] [X] ne peut être prédéterminée et compte tenu de l'autonomie réelle dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui sont confiées.
M. [Z] [X] sera soumis à un forfait annuel en jours.
M. [Z] [X] organisera son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel, soit du 1er juin de l'année A au 31 mai de l'année A+1, en respectant les règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire.
[L] présent avenant est donc conclu et accepté pour un nombre de jours annuel et forfaitaire de travail de 218 jours, journée de solidarité incluse.' (pièce n°2 société Ciev).
L'Accord sur la durée et l'organisation du temps de travail négocié par la société d'exploitation Rapp (SER) et les syndicats UNSA, CGT et CFDT le 4 août 2010 prévoit dans la sous-partie C. Suivi à l'article II.3 Forfait en jours : 'Dans le but de permettre une bonne régulation de l'activité des cadres et assimilés cadres, notamment en terme de jours travaillés et de prise de repos, il est convenu du principe d'un process.
Ce dernier visera entre autre à définir les délais de prise de jours repos. Il précisera également le formalisme d'identification des jours de travail et de repos sur le mois.
Les signataires rappellent leur attachement à un système auto-déclaratif.
L'entreprise mettra en place sous 3 mois (terme 30 septembre 2010) le process sus évoqué et en communiquera le contenu ainsi que les formulaires associés, aux signataires du présent.
Pour mémoire enfin, les signataires se réfèrent à l'entretien annuel d'activité qui visera à évoquer l'articulation entre vie professionnelle et personnelle ainsi qu'à aborder les autres composantes de la convention de forfait (durée de travail, rémunération)...' (pièce n°6 - page 13 société Bazalp).
Il n'est pas utilement contesté que la convention collective nationale du négoce de l'ameublement, applicable au litige, ne prévoit pas la possibilité de mise en oeuvre d'une convention de forfait annuel en jours.
Contrairement à ce que soutient M. [X], le défaut dans le contrat de travail de stipulations relatives au suivi de la charge de travail et à l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle du salarié n'emporte pas la nullité de la convention de forfait dès lors que l'accord collectif sur la durée et l'organisation du temps de travail du 4 août 2010 auquel renvoie l'avenant à son contrat de travail prévoit la mise en place en cas de forfait annuel d'un système auto-déclaratif et d'un entretien annuel d'activité.
Alors qu'il est constant que l'employeur ne peut pas faire reposer sur le salarié le soin de veiller lui-même à sa charge de travail, l'accord d'entreprise précité se borne à prévoir un système auto-déclaratif des jours de travail et de repos sur le mois ainsi qu'un entretien annuel ayant pour objet 'l'articulation entre vie professionnelle et personnelle ainsi qu'à aborder les autres composantes de la convention de forfait (durée de travail, rémunération)...', sans aucune modalité de contrôle de la charge de travail du salarié en forfait.
Dans ces conditions où l'accord sur la durée et l'organisation du temps de travail du 4 août 2010 n'instaure aucune mesure de suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié en forfait jours afin de mettre l'employeur en mesure d'intervenir réellement et en temps utile si celle-ci s'avérait incompatible avec une durée de travail raisonnable, les stipulations de l'accord d'entreprise sont manifestement insuffisantes pour répondre aux exigences légales et jurisprudentielles précitées relatives à la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Partant, la convention individuelle de forfait conclue par les parties fondée sur un accord collectif ne satisfaisant pas aux exigences légales et jurisprudentielles doit être frappée de nullité.
La convention de forfait en jours étant nulle, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire tirée de l'inopposabilité de ladite convention.
[L] jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a jugé la convention de forfait annuel en jours comme étant seulement privée d'effet alors qu'elle est entachée de nullité.
2- Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Pour infirmation du jugement sur ce point, M.[X] soutient que la convention de forfait étant entachée de nullité, les heures supplémentaires effectuées doivent être rémunérées à concurrence de :
- 64 467,45 euros brut outre les congés payés afférents, correspondant à la période non prescrite (33 mois) avant la reprise du magasin par la société CIEV le 1er octobre 2018,
- 637,68 euros brut outre les congés payés afférents, à compter de la reprise du magasin par la société CIEV.
Pour confirmation du jugement, la société Bazalp conteste la méthode employée par M. [X], jugée désinvolte, pour calculer ses heures supplémentaires sur une base forfaitaire de 19 heures hebdomadaires durant la période non prescrite sans tenir compte des congés, des jours fériés et des périodes de formation ; elle soutient que les allégations du salarié affirmant travailler 6 jours par semaine sont mensongères et ne peuvent pas être confirmées par une ancienne salariée dont les plannings étaient différents; que le salarié qui ne démontre pas avoir réalisé toutes les ouvertures et fermetures du magasin, ne peut pas assimiler son temps de travail effectif ;
qu'aucune consigne n'avait été donnée par la société Bazalp en ce sens à M.[X] qui organisait son travail en toute autonomie; que ce dernier a omis de déduire les jours de repos de son décompte établi de manière forfaitaire; que le taux horaire retenu par le salarié de 22,42 euros est contesté puisqu'il s'élevait à 21,50 euros en 2018.
Pour confirmation du jugement ayant débouté le salarié, la société Ciev soutient que la période antérieure au transfert d'entreprise concerne la société Bazalp et qu'en tout état de cause les réclamations de M. [L] Maître ne sont pas crédibles ni fondées en ce que :
- l'attestation d'une ancienne salariée Mme [E] comporte de nombreuses incohérences, la salariée ne pouvant pas être témoin direct des horaires de travail allégués par M.[L] Maître,
- le magasin Fly étant fermé les samedis à compter du 15 septembre 2018 et le magasin Centrakor également, le salarié n'a jamais réalisé plus de 35 heures hebdomadaires réparties sur 5 jours.
- la méthode mathématique de décompte du salarié ne correspond pas à la réalité des heures de travail effectif de M.[X] à défaut de prendre en compte les jours fériés, congés, jours de RTT, jours de formation et d'absences diverses lesquels sont exclus de l'assiette des droits à majoration pour heures supplémentaires.
Conformément aux dispositions de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Cette acceptation ne peut valoir non plus compte arrêté et réglé au sens de l'article 1269 du code de procédure civile.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. [L] juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, gde ch.,14 mai 2019, aff. C-55/18, pt 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO : JurisData n° 2019-009307 ; JCP S 2019, 1177, note M. [B]).
Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir (Soc., 9 juillet 2025, pourvoi n°24-16.397).
L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre de jours travaillés.
En l'espèce, M. [X] occupait depuis avril 2015 les fonctions de Directeur du magasin Fly, repris à compter du 1er octobre 2018 par la société CIEV sous l'enseigne Centrakor.
Il résulte des pièces produites que :
- la société Fly, désormais société Bazalp, confrontées à des difficultés, a procédé au cours de l'été 2018 à la cession de plusieurs magasins Fly, dont celui de [Localité 11],
- le magasin a été fermé au public à compter du samedi 15 septembre 2018, dans l'attente de la désignation du repreneur au 1er octobre. Durant la seconde quinzaine de septembre 2018, le personnel composé des 12 salariés, dont M. [X], a procédé à l'inventaire, rangé le magasin, transmis la marchandise restante vers les autres magasins Fly.
- le repreneur, la société CIEV, ayant décidé de procéder à des travaux d'aménagement avant la réouverture du magasin sous la nouvelle enseigne Centrakor programmée courant février 2019, M.[L] Maître Directeur du magasin a été chargé durant cette période de 4 mois d'assurer le pilotage des travaux sous la supervision de M.[C] en charge du service maintenance de la société CIEV, en lien avec le responsable exploitation et l'équipe des magasiniers du magasin. A l'issue de ces travaux importants ayant pris fin le 15 novembre 2018, le Directeur était amené à coordonner la réception du mobilier et des marchandises du futur magasin Centrakor.
Soutenant qu'il travaillait 54 heures hebdomadaires dans le magasin Fly puis 42 heures à compter de la reprise le 1er octobre 2018, l'appelant verse aux débats :
- ses bulletins de salaire de janvier à septembre 2018 établis par la SAS FLY, désormais Bazalp, faisant mention d'un forfait annuel en 218 jours moyennant un salaire de 3 400 euros brut par mois outre des primes d'objectifs et de challenge variant entre 0 et 700 euros par mois (pièces 5 et 31).
- ses bulletins de salaire allant du 1er octobre 2018 au 27 décembre 2018, date du licenciement, établis par la Société CIEV sur lesquels figure un salaire de base de 3 400 euros brut par mois, pour un forfait de 213 jours par an.
- un décompte détaillé des heures supplémentaires impayées :
- dans le magasin Fly ( janvier 2016-septembre 2018), selon un rythme de 54 heures hebdomadaires selon les heures d'ouverture du magasin (lundi au vendredi de 9h15 à 12h45 et de 13h45 à 19h15 et samedi de 10 heures à 19 heures). [L] rappel de salaire de 64 467,45 euros est calculé sur la base de 19 heures supplémentaires sur 43 semaines travaillées par an et des majorations applicables ( 8 heures à 25 % et 11 heures à 50%)
- à partir du 1er octobre 2018, dans le magasin Centrakor, selon un rythme de 42 heures hebdomadaires soit 7 heures supplémentaires par semaine (du lundi au samedi 9h-12h30 et 14h-17h30), correspondant à un rappel de salaire de 637,68 euros. ( cf conclusions pages 32-33)
- L'attestation de Mme [E], ayant travaillé du 10 novembre 2017 au 24 juillet 2018 pour la société Fly affirmant que 'M.[X] , mon ancien directeur de magasin [...] était présent du lundi au samedi (vendredi repos) de 9h45 à 12h45 et de 13h45 à 19h15 et le samedi de 9h15 à 13h et de 14h à 19h15.(pièce n°15);
- des échanges de mail avec M.[D] représentant du repreneur -Directeur général du groupe ( sté CIEV) le 22 octobre 2018 faisant apparaître que le salarié a posé des jours de congés payés , notamment le samedi 27 octobre 2018, puis du vendredi 16 novembre au samedi 24 novembre 2018.
- un mail du 13 novembre 2018 de M.[D] Directeur général précisant que 'les horaires de travail à compter du 26 novembre 2018 sont les suivants pour les personnes en 35 heures du lundi du vendredi 9h30-12h30/14h-17h30".
- un mail daté du 14 novembre 2018 de M. [D] modifiant le planning du personnel : '[...] Concernant le planning à partir du 26/11/2018, je préconise de réaliser une seule heure de pause le midi et de réaliser 9h-13h/14h-17h.' (pièce n°16) ;
- son mail du 30 novembre 2018 informant M.[D] à propos du retour d'une salariée revenant sur le magasin de [Localité 10] à compter du 03/12/2018. 'Néanmoins les horaires que nous pratiquons sur le magasin lors de l'implantation : à savoir 9h-12h30 /14h-17h30, ne correspondent pas aux horaires de Mme [ON]...' (pièce n°16) ;
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que M. [X] prétend avoir accomplies afin de permettre à ses employeurs successifs, devant assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant leurs propres éléments.
Si la société Bazalp conteste les pièces présentées par le salarié, il doit être observé que l'employeur, à qui il incombait d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées jusqu'au 30 septembre 2018, ne fournit aucun élément permettant de contredire le chiffrage effectué par l'appelant.
De son côté, la Sarl CIEV, repreneur du magasin depuis le 1er octobre 2018, produit divers documents se rapportant à :
- des plannings du personnel ( à l'exclusion de M.[L] maître) travaillant dans le magasin Fly , qui lui ont été transmis avant la reprise du magasin pour information, durant la période du 10 juin au 28 juillet 2018 . Ces tableaux sont quasiment illisibles (pièce n°34)
- des plannings hebdomadaires en septembre 2018 du magasin Fly, desquels il ressort que le magasin était fermé au public les samedis 15, 22 et 29 septembre 2018 . Ils concernent certains salariés mais pas M.[X] (pièce n°35) ;
- des plannings horaires planifiés des membres du personnel portant la signature de M.[X] sur la période allant du 5 novembre 2018 au 9 décembre 2018, sur une base immuable de 7 heures par jour ( 9h-13h/14h-17h)
et les journées de repos et de congés pris les 16 et 17 novembre, du 19 au 24 novembre
S'agissant de la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration pour les heures supplémentaires, il convient de se référer à l'arrêt publié du 10 septembre 2025 de la cour de cassation ( Soc. n°23 -14 455), au visa de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et d'un arrêt du 13 janvier 2022 de la Cour de justice (DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20) aux termes duquel 'il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3121-28 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un temps de travail effectif les heures prises encompte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaineconsidérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu'il aurait perçues s'il avait travaillé durant toute la semaine.'
Il s'en déduit que les jours de congés payés doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires et que M.[L] Maître soumis à un décompte hebdomadaire de la durée de travail en raison de l'inopposabilité de son forfait, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires durant les semaines au cours desquelles il a posé des jours de congés.
Contrairement à l'interprétation des sociétés intimées, il n'y a donc pas lieu d'exclure les jours de congés payés de l'assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires réclamées par M.[L] Maître.
L'argument selon lequel le salarié n'a pas été autorisé à effectuer des heures supplémentaires est dénué de portée dès lors que l'employeur, comptable des heures effectuées par ses salariés, ne pouvait ignorer qu'en fonction des nécessités du poste qu'il occupait, l'intéressé était conduit de par ses fonctions de direction à réaliser des heures dépassant la durée légale du travail. Pour preuve, la société CIEV a fait grief au salarié dans la lettre de licenciement du 24 décembre 2018 d'avoir depuis le 3 décembre 2018 ' calé son temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires sans tenir compte des spécificités des équipes' et des renforts intérimaires alors que M.[X] 'soumis à une convention de forfait annuel en jours, précisément pour couvrir les équipes ayant des horaires décalés' était chargé d'assurer la responsabilité du site en sa qualité de Directeur, et devait être présent dans le magasin durant les travaux en conservant les clés et les codes intrusion du magasin (courriers des 4 décembre et 24 décembre 2018 /pièces 7 et 9).
Concernant le témoignage contesté de Mme [E], la salariée se borne à faire état de la 'présence' de M.[X] au sein du magasin Fly lorsqu'elle prenait son poste d'hôtesse de caisse avant 10 heures (9h45) et qu'elle le quittait après la fermeture du magasin à 19 heures dans la limite de sa période travaillée (10 novembre 2017 - 24 juillet 2018). Comme le soulignent les intimées, l'attestation isolée de Mme [E] se rapportant à une période limitée de 8 mois, est imprécise pour accréditer la fréquence quotidienne des journées de travail aussi longues pour M.[X] (54 heures par semaine), avec une pause méridienne limitée à 1 heure, en dehors de tout autre témoignage de collaborateurs. La cour observe que les témoignages de MM. [V] et [J], respectivement Responsables d'exploitation et de vente du magasin Fly, se gardent de conforter les amplitudes horaires alléguées par M.[X] dans le cadre de ses fonctions de Directeur du magasin, et notamment de préciser si le Directeur était seul détenteur des clés et des codes intrusion du magasin nécessaires lors de l'ouverture et de la fermeture. [L] message de M. [C] salarié de la société CIEV (pièce 17) démontre que d'autres responsables du magasin, dont M.[V] Responsable exploitation, partageait cette responsabilité avec M.[L] Maître, ce qui est parfaitement cohérent en période d'absence du Directeur.
Sur la période antérieure au transfert intervenu le 1er octobre 2018, il convient de constater que contrairement aux affirmations des sociétés intimées, M.[L] Maître a limité le décompte de ses heures supplémentaires en référence à une période de travail à 43 semaines par an, après déduction de 9 semaines de congés. Il ne fournit toutefois aucune explication sur le nombre précis des congés et des RTT dont il a bénéficié en l'absence de production du moindre bulletin de salaire entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017.
Par ailleurs, M.[X] n'a pas tenu compte de la fermeture au public du magasin Fly entre le 15 septembre et le 30 septembre 2018 étant rappelé qu'il se consacrait du lundi au vendredi à des tâches d'inventaire, de rangement et d'expédition de la marchandise restante aux autres magasins Fly, sans être tenu par les horaires d'ouverture du magasin, et qu'il n'a pas travaillé les 3 derniers samedis de septembre 2018 dans l'attente d'un repreneur du magasin. [L] décompte des heures de travail de M.[X] basé exclusivement sur l'amplitude d'ouverture du magasin présente en conséquence de sérieuses incohérences avec la restriction de son activité professionnelle durant cette période.
Sur la période de 3 mois suivant la reprise du 1er octobre 2018, le chiffrage de M. [X] basé sur un rythme de travail de 42 heures (7 heures par jour du lundi au samedi) est toutefois contredit par des éléments produits par les sociétés intimées en ce que :
- le salarié a pris une semaine complète de congés (19 au 24 novembre 2018)
- il a limité son temps de travail sur la base de 35 heures par semaine à compter du 3 décembre 2018, comme son nouvel employeur lui en a fait le reproche dans le courrier de licenciement en 'calant son temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires' en méconnaissance de son forfait annuel et en laissant sur le site 'les équipes ayant des horaires contractuellement décalés et les intérimaires'.
- il était absent depuis sa mise à pied à titre conservatoire dès le 10 décembre 2018 jusqu'à son licenciement notifié le 24 décembre 2018.
Contrairement aux allégations de la société CIEV, M.[X] est fondé à intégrer les journées de formation imposées par son employeur dans le magasin de [Localité 8] les 23, 24 et 25 octobre 2018, s'agissant de périodes assimilées à du temps de travail effectif.
Les échanges de courriels avec M.[D], directeur général, à propos du changement des horaires de travail à compter du 26 novembre 2018, ne concernaient que les salariés soumis à un rythme de 35 heures hebdomadaires, ce qui excluait de fait la situation de M.[X] soumis à un forfait annuel.
Enfin, le fait que le salarié soit amené à poser des jours de congé les samedis 17 et 24 novembre 2018 ne fait que confirmer qu'il travaillait habituellement ce jour-là, contrairement à ce qui est soutenu par la société CIEV.
Au résultat de l'ensemble des éléments produits, la cour a la conviction que M. [L] Maître a réalisé un certain nombre d'heures supplémentaires dont l'évaluation doit prendre en compte d'une part, une sous- estimation par le salarié des temps de pause, d'autre part, un certain nombre d'incohérences dans le décompte concernant des périodes de fermeture du magasin et de restriction d'activité.
La contestation soulevée par la société CIEV relativement au salaire horaire n'est pas justifiée en ce que les bulletins de salaire fournis par le salarié pour la seule année 2018, font apparaître un salaire horaire de 21,75 euros ( salaire 3300 euros brut ) passé en avril 2018 à 22,42 euros ( 3 400 euros brut).
Au regard de ces éléments, la cour a la conviction que M. [X] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires impayées, à savoir :
- 517 heures supplémentaires au titre de l'année 2016,
- 544 heures supplémentaires au titre de l'année 2017,
- du 1er janvier au 30 septembre 2018 : 385 heures supplémentaires,
- à compter du 1er octobre 2018 : 56 heures supplémentaires.
L'article L 1224-2 du code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu à l'égard du salarié dont le contrat de travail s'est poursuivi dans le cadre d'un transfert d'une entité, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification sauf dans les cas de procédure collective ou de substitution d'employeurs intervenue sans convention entre eux. Si la société Ciev se prévaut d'une clause figurant dans l'acte de cession de fonds de commerce selon laquelle la société Bazalp s'est engagée à payer les rappels de salaires, heures supplémentaires et autres sommes à caractère salarial se rapportant à la période antérieure à la date du transfert, elle n'en tire aucune conséquence dans ses demandes s'agissant d'une clause inopérante dans le cadre du litige prud'homal, nonobstant la mise à la cause par les soins de la société CIEV du cédant (pièce n°5 société Ciev).
Dès lors, il y a lieu de faire droit , par voie d'infirmation du jugement, à la demande de M.[L] Maître qui a dirigé son action à l'encontre de son nouvel employeur, la SARL Ciev, au paiement des rappels de salaire de 33 057 euros outre les congés payés de 3 305.70 euros se décomposant comme suit :
- 32 419,32 euros bruts pour la période antérieure au transfert du contrat de travail,
- 637,68 euros bruts , dans la limite de la demande, pour la période postérieure au transfert du contrat de travail.
3- Sur les dommages et intérêts au titre de la perte de droit à repos compensateur
Pour infirmation du jugement l'ayant débouté de sa demande, M. [L] Maître soutient avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires durant les années 2016 à 2018 , au-delà du contingent annuel de 220 heures et sollicite une indemnisation de 40 322,37 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de son droit à repos compensateurs.
En réplique, la société Ciev soutient qu'aucune heure supplémentaire n'a été réalisée par M. [L] Maître et qu'en tout état de cause, le salarié a mélangé le repos compensateur équivalent et la contrepartie obligatoire en repos prévue par l'article L 3121-38 du code du travail, qui sont deux régimes distincts. Au surplus, l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos a une nature salariale.
Elle demande que l'arrêt soit déclaré commun et opposable à la société Bazalp s'agissant de la période antérieure au 1er octobre 2018.
La société Bazalp ne formule aucune observation sur ce point.
Aux termes de l'article L. 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-33.
Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
En vertu de l'article D 3121-23 du même code dans sa rédaction applicable au litige, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
[L] salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires défini par la convention en application de l'article L 3121-11 du code du travail, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents (Cass. soc. 10-7-2024 n° 22-20.764 F-D).
Selon l'article L. 3121-38 du code du travail, à défaut d'accord collectif, la contrepartie obligatoire en repos est fixée à : (..) 100 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Conformément à l'article D. 3121-24 du code du travail et à défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié.
En l'espèce, la convention collective nationale du négoce de l'ameublement ne fixant pas de contingent annuel d'heures supplémentaires, il convient d'appliquer le contingent légal de 220 heures annuelles pour la période antérieure au transfert du contrat de travail intervenu le 1er octobre 2018.
Il en est de même pour la période postérieure puisque la nouvelle convention collective des commerces de détail non alimentaires, n'était pas applicable avant le 1er janvier 2020 à l'issue d'un délai de 15 mois suivant le transfert (pièce 3).
Contrairement à l'interprétation des sociétés intimées, M. [L] Maître a accumulé un nombre important d'heures supplémentaires supérieures au contingent annuel de 220 heures ouvrant droit à une contrepartie obligatoire en repos dont il n'a aucunement bénéficié au cours de la relation contractuelle de sorte qu'il est fondé à réclamer à la rupture de son contrat de travail une indemnisation tirée de la perte des repos compensateurs non pris durant les années 2016 à 2018.
Dans ces conditions et au vu du nombre d'heures supplémentaires retenu précédemment, il sera fait droit à sa demande, à caractère indemnitaire, tirée de la perte de repos compensateurs enregistrant les dépassements suivants :
- 2016 : 297 heures supplémentaires
- 2017 : 324 heures supplémentaires
- 2018 : 221 heures supplémentaires.
L'indemnité étant calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents, il y a lieu de condamner la société Ciev au paiement de la somme de 20 765,40 euros net à titre de dommages et intérêts pour la perte de droit à repos compensateur, par voie d'infirmation du jugement.
4- Sur l'indemnisation du préjudice tiré de l'exécution déloyale de la convention de forfait
Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, que la convention de forfait en jour est privée d'effet ouvrant le droit pour le salarié de réclamer le paiement d'heures supplémentaires, un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait (Soc. 11 mars 2025 pourvoi n°24-10.452 et Soc. 11 mars 2025 - pourvoi n°23-19.669 ; Soc. 28 février 2018, pourvoi n° 16-19.054).
Sans aucune explication ni motivation sur ce point, M. [X] demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours. Ce faisant, M. [L] Maître est défaillant quant à rapporter la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées qui sont elles-mêmes une conséquence de la nullité de la convention de forfait.
[L] jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande.
5- Sur le licenciement pour faute grave
Pour infirmation du jugement, M. [X] conteste les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et soutient à cet égard que :
- La société Ciev ne peut lui reprocher d'avoir exécuté un ordre qui lui a été adressé et ne peut pas de surcroît motiver le licenciement ;
- La société n'apporte pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement dans ses pratiques managériales ;
- Il avait déjà alerté le service RH de la société Ciev sur les difficultés qu'il rencontrait au magasin et spécifiquement sur les fonctions qu'il exerçait qui n'étaient pas prévues à son contrat de travail ;
- La visite de l'inspection du travail est intervenue le 6 décembre 2018 après ses alertes et celles de ses collaborateurs en raison de l'inertie de la société Ciev ;
- Il ne disposait d'aucun budget pour équiper le magasin et commander des chaussures de sécurité ; il a relancé l'employeur à plusieurs reprises et tout mis en oeuvre pour que son équipe dispose des équipements de sécurité;
- Il n'est pas à l'origine du chargement de la palette litigieuse puisqu'il était absent au moment du chargement; à son retour, il ne disposait pas d'un gerbeur adapté pour descendre le chargement.
- Alors qu'il avait fait l'objet de promotions au sein de la société Fly et démontré son sérieux et son investissement professionnel, il a été licencié par le repreneur du magasin Fly qui n'avait aucune volonté sérieuse de reprendre les 12 salariés, alors que l'ancien magasin Centrakor, situé à côté, disposait déjà d'un Directeur. Au 8 décembre 2020, il ne restait plus que 2 salariés de l'ancien magasin Fly.
Pour confirmation du jugement entrepris, la société Ciev soutient que la seule remise des clés et codes d'accès du magasin à un tiers de l'entreprise constitue une faute grave, que M. [L] Maître n'a pas rempli sa mission de Directeur de magasin comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes et qu'enfin, le salarié s'est totalement désintéressé de sa mission de pilotage des équipes incombant à tout Directeur, préférant rester dans son bureau ou vaquer à ses occupations.
La SAS Bazalp n'a formulé aucune observation.
L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail. La faute grave privative du préavis prévu à l'article L. 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Elle suppose une réaction rapide de l'employeur, qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'aucune vérification n'est nécessaire.
La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.
La lettre de licenciement notifiée le 24 décembre 2018 qui circonscrit l'objet du litige de sorte que l'employeur ne peut invoquer un autre motif que celui qu'il a notifié au salarié dans la lettre de licenciement, est ainsi motivée :
' Pour faire suite à l'entretien préalable du 19 décembre 2018, je vous informe qu'il a été décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.Cette mesure est motivée par les raisons suivantes :
Depuis début décembre 2018, votre comportement managérial a fait peser un risque pour la sécurité et la santé des salariés et des intérimaires travaillant sous votre direction, ce que nous ne pouvons tolérer.
Depuis le 3 décembre 2018, conformément au calendrier établi, la société Merch et Compagnie accompagne les équipes du site dont vous êtes le directeur, ainsi que les renforts intérimaires (4 personnes) que vous dirigez pour l'implantation du mobilier du magasin.
Contre toute attente, vous vous êtes déchargé de vos responsabilités auprès de la société Merch et Compagnie en lui confiant les clés et les codes intrusion du magasin, ainsi que le 'pilotage' des intérimaires, alors que :
- L'intervention du prestataire devait obligatoirement être réalisée sous votre supervision et votre responsabilité de Directeur ;
- Les intérimaires étaient placés sous votre responsabilité, et non celle d'un tiers prestataire extérieur au contrat d'intérim ;
- Nous commencions à recevoir de la marchandise sur le site.
[L] jeudi 6 décembre 2018, vous avez quitté le site à 18h00, laissant seuls dans la surface les intérimaires ainsi que les équipes ayant des horaires contractuels décalés, notamment [Y] [ON], conseillère vendeuse et [G] [A], Business Merchandiser.
Vous leur avez laissé les clés, les codes, ainsi que la responsabilité du site, alors que ce n'est pas leur rôle et que vous deviez être présent en votre qualité de Directeur.
De même, le vendredi 7 décembre 2018, vous avez quitté le site à 13 heures, laissant à nouveau seuls sur le site [Y] [ON] et [G] [A], sans aucun responsable.
Force est de constater que vous avez calé votre temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires, sans tenir compte des spécificités des équipes, alors que vous étiez soumis à une convention de forfait annuel en jours, précisément pour couvrir les équipes ayant des horaires décalés.
Dans le même sens, le planning que vous avez établi pour la semaine 50 révèle que vous laissez les collaborateurs intérimaires travailler seuls en magasin entre 13h30 et 14h00, ainsi que le vendredi de 17h00 à 18h00, les autres collaborateurs du magasin ne reprenant qu'à 14h00 chaque jour et terminant à 17h00 le vendredi, dont vous.
Ce planning a été établi sans information préalable auprès de Mme [AS] [dirigeante de la sociétéCIEV] ou du service RH, en violation des modalités d'information préalable des plannings qui vous ont été données début octobre 2018, puis détaillées par mail le 14 novembre 2018, puis reprécisées lors de ma venue sur site du 15 novembre 2018.
[L] vendredi 7 décembre 2018, j'ai reçu un appel de l'inspection du travail, à la suite de son passage de la veille sur le site de [Localité 11], pour me faire part de points critiques relevés lors de sa visite, en votre présence.
L'inspection du travail m'a alerté sur deux manquements présentant une situation dangereuse pour la sécurité et la santé des salariés, en l'occurrence que:
- Certains collaborateurs travaillant sous votre direction ne portaient pas de chaussures de sécurité, ce que Madame [K] vous avait pourtant fait remarquer ;
- Vous avez laissé les équipes charger, dans les racks en hauteur de la réserve, des palettes non-conformes, tant en termes de poids (dépassant 1 tonne), que de conditionnement (la marchandise dépassant de plus de 50 cm de part et d'autre des palettes).
Cette situation de stockage n'aurait pas dû exister puisqu'il s'agissait de grilles métalliques de 2,5 mètres destinées à être acheminées en surface magasin.
[L] lundi 10 décembre 2018, lorsque Mme [AS] est arrivée vers 9h10 (et non avant 9 heures comme vous l'avez soutenu) et que les équipes étaient déjà au travail, cette dernière a constaté que les équipes ne portaient toujours pas de chaussures de sécurité.
Ce n'est pourtant pas faute pour la société et l'inspection du travail de vous avoir fait part de l'impérieuse nécessité de changer de comportement en veillant à la sécurité des collaborateurs sous votre direction.
De tels agissements, plus précisément le délaissement du site et des équipes, mettent en péril le bon fonctionnement de la société.
L'employeur, tenu à une obligation de surveillance et à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. En cas de manquement de l'employeur à ces deux obligations, sa responsabilité civile et pénale est susceptible d'être engagée.
Dans ces conditions, la société ne peut vous maintenir à votre poste sans prendre le risque de mettre en péril la sécurité des salariés et des intérimaires du magasin.
En conséquence, comme indiqué en préambule, l'ensemble de vos agissements ne me laisse pas d'autre choix que de procéder à votre licenciement pour faute grave...' (pièce n°9 salarié).
Il est ainsi reproché à M. [X] :
1. La remise des clés et codes d'intrusion à la société Merch & Cie,
2. La décharge du pilotage des intérimaires et des salariés,
3. L'établissement d'un planning en violation des procédures internes,
4. [L] non-respect des consignes de sécurité.
Pour établir la matérialité et la gravité des quatre griefs précités, la société Ciev verse aux débats :
- [L] planning horaire de la semaine 49, correspondant à la semaine du lundi 3 au samedi 8 décembre 2018, signé de M. [L] Maître et de son responsable, duquel il ressort que le salarié a travaillé de 9h00 à 13h00 le vendredi 7 décembre 2018 alors que du mardi au mercredi, son horaire de fin de journée était fixé à 18h00 (pièce n°6 société) ;
- un relevé d'heures illisibles mentionnant les horaires de travail des salariés intérimaires (pièce n°6-2 société)
- un relevé d'heures rempli par la société Merch & Cie, contresigné par M. [X], mentionnant pour la semaine 49 du 3 au 7 décembre 2018, une présence de 14 à 18 heures le lundi, de 8 h à 18h30 du mardi au jeudi et une présence de 7h30 à 9h30 le vendredi 7 décembre 2018 (pièce n°7) ;
- un mail du 23 novembre 2018 au terme duquel M. [D], directeur général: 'Bonjour [Z] et [S]
( [V], Responsable exploitation), dans le prolongement de ma venue de cette semaine et afin de préparer les semaines à venir avec la phase d'implantation, je vous remercie de bien vouloir rappeler aux équipes les bonnes pratiques en terme de sécurité, de gestes, de postures et de port de charge.[...]
À compter du 03/12/2018 :
* Montage de tout le mobilier dans le magasin sous la supervision de l'équipe du prestataire Merch & Cie.
* Demander 4 intérimaires manutentionnaires à Samsic ou Randstad à partir du lundi 03/12 à 14 heures jusqu'au jeudi 06/12 au soir (..); leurs horaires seront ensuite calés à ceux des équipes à savoir 9h00-12h30 / 14h00 - 17h30...' (pièce n°18) ;
- l'attestation de M. [C], agent maintenance du groupe Centrakor: 'Dès le 1er octobre 2018, j'ai travaillé à l'organisation des travaux du magasin avec [Z] [X]. La société Esolia, spécialisée dans la remise en état des sols a déjà fait 5 autres magasins Centrakor. Les délais de livraison étant très courts, comme nous l'avons fait sur d'autres magasins, j'ai demandé à [Z] [X] et [S] [V] de confier les clés du magasin à la société Esolia, aucune marchandise n'étant encore arrivée dans le local.
La société Esolia nous a remis les clés à la fin de leur prestation.
Il n'était pas prévu de confier les clés et le code d'accès à d'autres entreprises intervenant sur le site. Habituellement, on ne confie pas les clés et codes du magasin à une entreprise extérieure dès que la marchandise, pour implantation du magasin, commandée a été livrée.
Je n'ai pas reçu d'instruction de M. [D] pour donner les clés et codes d'accès au prestataire Merch & Cie. Je n'ai pas donné d'instructions à [Z] [X] ou à une personne du magasin pour confier les clés à la société Merch et Cie.' (pièce n°17) ;
- L'attestation de Mme [P], salariée de la société Merch & Cie: 'La société Merch & Cie est spécialisée dans l'accompagnement des équipes de magasin dans le montage de mobilier. Nous intervenons généralement sous la responsabilité des Directeurs et Responsables de magasins avec leurs équipes et les intérimaires missionnés en renfort par les magasins directement. Notre mission consiste à venir en support et donner les méthodes de montage pour optimiser le montage.
Lors de l'arrivée à [Localité 12] des deux intervenants de notre société, les clés et le code d'accès du magasin leur ont été confiés, ce qui n'est généralement pas le cas.
Ensuite, le Directeur n'étant pas disponible, les intervenants de Merch & Cie ont dû monter seuls le mobilier avec les intérimaires. Habituellement les intervenants sont là en support de la Direction et viennent en aide au montage. Nous n'avions pas pour mission de piloter à la place du Directeur. [L] Directeur a simplement signé les feuilles d'heures des trois intervenants à la fin de la mission.' (pièce n°19) ;
- L'attestation de Mme [K], responsable réseau de la société CIEV: '[...] J'étais présente sur le magasin de [Localité 10] les 5 et 6 décembre 2018 pour la fin du montage du mobilier et commencer à prévoir l'implantation de la marchandise dans les rayons. J'ai été surprise de voir que les intervenants de la société Merch et Cie avaient les clés et codes d'accès du magasin, alors que la marchandise était déjà arrivée. J'ai constaté que [Z] ne s'occupait pas des équipes, ni des intérimaires. [L] mercredi 5 décembre 2018, [G] [A] était le seul employé du magasin jusqu'à 18h30 avec les intérimaires et les 2 personnes de la sécurité Merch et Cie. [Z] ayant quitté le magasin dès 18h. M. [A] s'est retrouvé seul le vendredi 7/12 jusqu'à 16h30. [Z] ayant quitté le magasin à 13h...' (pièce n°20) ;
- Un mail du 3 décembre 2018 de M. [D] : '[Z], merci de transmettre à Mme [K] et Mme [AS] le planning prévisionnel de cette semaine mis à jour pour les équipes et pour les intérimaires dans le cadre de l'intervention de la société Merch et Cie pour le montage du mobilier.' , suivi de la réponse par mail du 4 décembre 2018 de M. [X] transmettant le planning modifié de l'ensemble de l'équipe (pièce n°21) ;
- Un mail du 13 novembre 2018 de M. [D] 'Les horaires de travail à compter du 26/11 à [Localité 11] seront les suivants du lundi au vendredi : 9h-12h30 / 14h00-17h30 pour les personnes en 35 heures. Pour [I], [S] et [W], je vous laisse caler sur le planning leurs 2,75 heures supplémentaires mensuelles à adapter selon les besoins.' (pièce n°22);
- Un mail du 14 novembre 2018 de M. [D] : 'Bonjour [Z], Planning à compter de la semaine 48 : je vous confirme les horaires de travail de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 17h30. La pause de 1h30 le midi est souhaitable et conforme aux horaires pratiqués tant par Fly avant la reprise qu'au sein de CIEV. Merci d'afficher ce planning qui prendra effet dès le 26/11 prochain.' (pièce n°22) ;
- Un planning prévisionnel de la semaine 50 de l'année 2018 (du 10 au 15 décembre 2018) prévoyant que M. [X] devait terminer à 17h30 le lundi, à 18h30 les mardi, mercredi et jeudi, et à 17 heures le vendredi tandis que les salariés et intérimaires devaient terminer à 18h30 toute la semaine (pièce n°23);
- Une photographie de l'entrepôt du magasin Centrakor montrant du matériel posé sur une palette chargée en hauteur, surplombant et dépassant les racks métalliques, étant observé que la palette est moins large que le chargement lequel dépasse la palette et les racks (pièce n°27) ;
- Un devis du 6 novembre 2018 ainsi que des factures de la société Oman Ouest manutention, datées des 30 novembre et 31 décembre 2018, relatifs à la location d'un gerbeur d'une capacité de levage de 1,6 tonnes et de 4,1 mètres (pièces n°29 à 31) ;
- Un mail du 13 novembre 2018 de M. [D] indiquant à M. [X] : '[...] Concernant les fournitures sur le site de [Localité 11], merci de me confirmer : que vous avez pu remettre les chaussures de sécurité à chaque personne présente sur le site et que les pointures conviennent bien par rapport à la fiche de renseignement que chacun a communiqué...'
Suivi de la réponse du 14 novembre de M. [L] Maître : '[...] Chaussures de sécurité : Elles ont été remises à [I], [F], [S] et [H] (trop grandes pour [H]). Mais il manque encore certaines pointures. Et je n'ai pas vu tout l'effectif au magasin.' (pièce n°26) ;
- Une facture du 3 décembre 2018 faisant état de la livraison de 5 paires de chaussures de sécurité le 21 novembre 2018 (pièce n°42) ;
- Un mail du 23 novembre 2018 de M. [D] : 'Bonjour [Z] et [S], Dans le prolongement de ma venue de cette semaine et afin de préparer les semaines à venir avec la phase d'implantation, je vous remercie de bien vouloir rappeler aux équipes les bonnes pratiques en terme de sécurité, de gestes, de postures et de port de charge.
J'insiste sur le port de charges :
* utiliser les équipements mis à votre disposition.
* porter à plusieurs les charges lourdes ou décharger les colisages pour alléger;
Je suis bien conscient que ce sont des choses que vous savez mais il est utile de le répéter aux équipes.
Il est essentiel aussi de bien veiller à ce que chaque personne porte bien les chaussures de sécurité qui ont été remises, le port des gants remis, l'utilisation des coupes cartons sécurités qui vous ont été livrés...' (pièce n°32) ;
- une convention de prestations de services / fournitures magasin conclue entre la société SGGR et la SARL Ciev datée du 2 janvier 2018 prévoyant la mise à disposition d'EPI (équipements de protection individuelle), de gilets Centrakor, étiquettes, documents d'affichage obligatoire par la société SGGR, assurant des prestations pour le compte de ses filiales (pièce n°43).
1- S'agissant du premier grief tiré de la remise des clés et codes à une société tierce, la société Ciev soutient non sans contradiction qu''il était strictement interdit à qui que ce soit de donner les clés et codes d'accès du magasin à un tiers à l'entreprise' (page 10 écritures) alors que M. [X] produit deux attestations concordantes d'anciens salariés indiquant que 'Depuis le début des travaux du magasin, M. [D] et M. [C] nous ont demandé de transmettre les clés du magasin à toutes entreprises extérieures intervenant pour les travaux et l'aménagement du magasin afin qu'elles interviennent sur les créneaux horaires de leur choix.' (pièces n°11 et 12 salarié).
L'employeur reconnaît finalement ( conclusions pages11 et 13) que la remise des clés à une société tierce a été expressément sollicitée afin de faciliter les interventions des prestataires lors des travaux d'implantation de l'enseigne Centrakor.
Dès lors, l'employeur qui ne justifie ni de la formalisation de l'interdiction de remise des clés à une société tierce chargée de travaux nécessitant l'accès au bâtiment, ni de la diffusion de ladite interdiction, ne peut pas reprocher à M. [X] d'avoir remis les clés et codes d'accès du magasin aux préposés de la société Merch & Cie.
Partant, ce grief n'est pas établi.
2- S'agissant du grief tiré du 'délaissement' du site et des équipes , la société CIEV se fonde sur l'attestation difficilement lisible de Mme [P], salariée de la société Merch & Cie, laquelle doit être examinée avec la plus grande circonspection dans la mesure où l'attestante n'était pas sur place lors du montage du mobilier et se borne à rapporter les propos d'intervenants pour le compte de son employeur.
Si Mme [K] occupant les fonctions de Responsable réseau au sein de la société CIEV soutient que M. [X] ne s'occupait ni des équipes, ni des intérimaires, ce témoignage ne saurait établir le prétendu défaut de surveillance imputé au salarié alors que Mme [K] en charge de l'accompagnement des équipes dans les processus d'implantation du futur magasin était présente uniquement 'les 5 et 6 décembre 2018 pour la fin du montage du mobilier et commencer à prévoir l'implantation de la marchandise dans les rayons' (pièce n°20 société Ciev).
Il est constaté que la société Ciev au soutien d'une grave faute professionnelle' reprochée à M.[X] se garde de préciser les missions attendues du Directeur de magasin notamment durant les travaux d'aménagement du futur magasin ; qu'elle ne communique au demeurant aucune fiche de poste, pourtant sollicitée par le salarié dans son mail du 22 octobre 2018 transmis à M.[D] Directeur Général de la société CIEV par délégation de la dirigeante Mme [AS] ' pouvez-vous me transmettre diverses informations : qui est mon N+1' Pouvez vous me transmettre lin contrat afin de le lire' Pouvez vous me transmettre ma fiche de poste et les missions' L'ensemble des fiches de poste de mes collaborateurs'(..)'
Il est observé que l'employeur a pris acte le 4 décembre 2018 de ce que le salarié était en désaccord avec le projet du contrat de travail qui lui a été transmis, dont la copie n'est pas produite ( courrier pièce 7).
Concernant le 'délaissement' allégué, s'il ressort du planning de la semaine 49 de l'année 2018 que les mardi, mercredi et jeudi, les trois intérimaires ainsi que l'équipe de Merch & Cie ont quitté le magasin à 18h30 tandis que M. [L] Maître terminait à 18h00, cet intervalle qualifié par la société de 'petite tranche horaire de 30 minutes' ne permet pas d'en déduire que le salarié s'est déchargé du pilotage des équipes et des intérimaires tel qu'allégué par l'employeur et n'a pas délégué cette tâche à un autre collaborateur ou responsable . Au demeurant, le planning litigieux avait été transmis par M.[X] avec copie aux trois responsables de la société sans qu'aucune remarque ou observation ne lui soit formulée (pièce n°18 société Ciev).
De son côté, M.[X] produit des témoignages attestant de ses qualités professionnelles sur le plan de l'accompagnement de ses collaborateurs et des salariés intervenant sur les sites dont il assurait la direction :
- M.[M], manager des ventes, membre élu du CHSCT au sein de la société Fly,
- M.[R], intérimaire en électricité ' j'ai été très bien accompagné par M.[X] et les responsables des différents travaux'
- Mme [O], salariée au siège social de la société Fly : ' M.[X] était un relais siège/terrain très apprécié et performant, de nombreux dysfonctionnements terrain ont été reglés grâce à lui'.
- M.[N], Directeur régional de la société Fly dans le sud-ouest décrivant les grandes qualités professionnelles et morales de M.[X] , en dernier lieu Directeur du magasin d'[Localité 7], dans le management et l'accompagnement des équipes, avec une vigilance concernant la sécurité des biens et des personnes.
Il résulte de ces éléments que l'employeur ne rapporte pas la preuve du grief se rapportant à la décharge par M.[L] Maître du pilotage du site et des équipes au profit d'une société tierce à compter de la semaine 49.
[L] grief tiré du 'délaissement' du site et des équipes n'est pas établi.
3- S'agissant du grief tiré de la violation des modalités d'information préalable du planning prévisionnel de la semaine 50, la société Ciev soutient que le salarié n'a pas respecté de manière délibérée la procédure en vigueur dans tous les magasins Centrakor, telle que fixée au début du mois d'octobre 2018, détaillée dans un mail de M.[D] le 14 novembre et reprécisée lors de sa venue sur le site ; que le planning prévisionnel de la semaine 50 établi unilatéralement par M.[X] n'était pas acceptable en terme de pilotage de l'équipe et de sécurité faute d'intégrer les informations relatives aux arrêts de travail ; que l'absence de signature du planning par le Directeur n'a aucune incidence et résulte seulement du fait qu'il a été mis à pied à compter du 10 décembre.
Contrairement à ses allégations, l'employeur ne justifie pas de la procédure interne imposant au Directeur du magasin de transmettre avant chaque semaine pour validation à la dirigeante ou au service RH de la société CIEV les plannings prévisionnels des salariés et du personnel intérimaire. Il ressort des échanges de mails que les plannings étaient établis et modifiés par M. [D] et que M.[X] était chargé de les diffuser au personnel concerné.
- mail du 13 novembre 2018 de M. [D] 'Les horaires de travail à compter du 26/11 à [Localité 11] seront les suivants du lundi au vendredi: 9h-12h30 / 14h00-17h30 pour les personnes en 35 heures. Pour [I], [S] et [W], je vous laisse caler sur le planning leurs 2,75 heures supplémentaires mensuelles à adapter selon les besoins.' (pièce n°22) ;
- Un mail du 14 novembre 2018 de M. [D] : 'Bonjour [Z] ( [X]), Planning à compter de la semaine 48 : je vous confirme les horaires de travail de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 17h30. La pause de 1h30 le midi est souhaitable et conforme aux horaires pratiqués tant par Fly avant la reprise qu'au sein de CIEV. Merci d'afficher ce planning qui prendra effet dès le 26/11 prochain.' (pièce n°22) ;
- Un nouveau mail du 14 novembre 2018 de M. [D] rectifiant la durée de la pause méridienne à une seule heure à partir du 26 novembre 2018 ( S 48) en fixant le planning modifié suivant 9h-13h et 14h-17H.
- Un planning prévisionnel de la semaine 50 (du 10 au 15 décembre 2018) prévoyant que M. [X] devait terminer à 17h30 le lundi, à 18h30 les mardi, mercredi et jeudi, et à 17 heures le vendredi tandis que les intérimaires devaient terminer à 18h30 (pièce n°23) ;
L'employeur se contente de soutenir de manière péremptoire, en l'absence de fiche de poste et de consignes précises, que M.[X] était tenu d'assurer la surveillance du personnel intérimaire et d'attendre leur fin de journée avant de fermer le magasin. Toutefois, il ressort des éléments produits que le planning de la semaine 50 mentionnant des intervalles de 30 minutes à 1 heure entre la fin de journée de M. [X] et celle des salariés en intérim est identique au planning de la semaine 49 lequel n'a fait l'objet d'aucune remarque ou opposition lors de sa transmission par le salarié à M.[D] et Mme [AS] qui en étaient destinataires.
En tout état de cause, il appartenait à l'employeur, investi d'un pouvoir de contrôle et de direction, de solliciter auprès de M. [X] les modifications nécessaires du planning prévisionnel de la semaine 50, s'il entendait formuler des observations ou s'y opposer, ce que la société CIEV ne démontre pas, avant de lui notifier le 10 décembre 2018 une mise à pied immédiate à titre conservatoire.
Ce grief n'est pas non plus établi.
4- S'agissant du non-respect des règles de sécurité, l'employeur informé le 7 décembre 2018 par l'inspection du travail à la suite de la visite de la veille dans le magasin, fait les reproches suivants à M.[X] :
- il a laissé les équipes charger dans des racks en hauteur de la réserve des palettes non conformes tant en terme de poids (dépassant une tonne) que de conditionnement (la marchandises dépassant de plus de 50 cm de part et d'autre des palettes).
- certains collaborateurs travaillant sous la direction de M.[X] ne portaient pas de chaussures de sécurité.
Concernant le chargement des palettes, il résulte des photographies produites que l'employeur rapporte la preuve objective du stockage dans l'entrepôt du magasin d'une charge lourde disposée en hauteur dont les dimensions étaient inadaptées à la taille des racks.
La société Ciev, sans remettre en cause l'absence de M. [X] pour congés lors du chargement du matériel sur les racks, considère 'que M.[X] soit à l'origine, ou non, de la pose du matériel sur les racks, l'attestation de M.[V] confirme qu'il a gravement manqué à ses obligations en matière de sécurité.' (page 25 écritures).
Or, la lettre de licenciement qui circonscrit les griefs, ne vise que le chargement en hauteur des palettes, qui n'a été ni effectué ni supervisé par M. [L] Maître alors absent, de sorte que l'employeur ne saurait formuler de nouveaux reproches à l'encontre du salarié pour ne pas avoir procédé au retrait du matériel à son retour de congés ni mis en place un balisage pour empêcher les salariés de circuler à proximité des grilles dépassant des racks (pages 24 et 25 écritures société).
L'appelant verse aux débats les témoignages de deux collaborateurs M. [V], Responsable d'exploitation et M.[J] [T] des ventes, confirmant que le Directeur était en congés payés lors du chargement : '[...] Une palette de grilles de 2m50 a été placée en hauteur, à ma demande lors des cp [congés payés] de M. [X] du 19 au 24 novembre, à son retour il nous a demandé de la laisser en hauteur car nous n'avions pas le matériel nécessaire...' (pièces n°11 et 12 ).
Au regard de ces éléments, le stockage non-conforme aux règles de sécurité n'est pas imputable au salarié.
En ce qui concerne le non-port de chaussures de sécurité par les salariés placés sous l'autorité de M. [X], la société soutient que des paires de chaussures de sécurité étaient mises à disposition des salariés depuis le 14 novembre 2018 mais que lors de la visite de l'inspection du travail du 6 décembre, certains salariés ne les portaient pas.
Pour autant, les mails produits par le salarié révèlent que les salariés présents sur le site n'étaient pas tous équipés de chaussures de sécurité malgré les demandes réitérées du Directeur :
- attestation de M.[J], Responsable ventes ' après la reprise par Centrakor, nous avons retiré la moquette et le parquet sur la surface de vente, et ce sans outils ni fourniture de leur part malgré la demande de M.[L] Maître. (..) Des chaussures de sécurité ont finalement été mises à disposition bien que tardivement.(..)'
- mail du 14 novembre 2018 de M.[X] à M.[D] : '(..) Chaussures de sécurité : elles ont été remises à [I], [F], [S] et [H] ( trop grande pour [H]). Mais il manque encore certaines pointures. Et je n'ai pas vu tout l'effectif au magasin.'
- mail du 30 novembre 2018 de M. [X] à M.[D] ,[...] L'ensemble des collaborateurs n'a à ce jour pas eu de chaussures de sécurité. Qu'en est-il ' Comme vous le savez, je n'ai à ce jour pas eu ces dernières'
- réponse de M. [D] le 3 décembre 2018 : 'concernant les chaussures de sécurité, [F] étant sur place la semaine passée, il aurait été plus simple de lui demander les pointures manquantes afin qu'il vous les amène ce jour ! Il y a 2 paires dans le bureau de [Localité 13]. Quelles sont les autres pointures manquantes Homme / Femmes '' ce à quoi M. [X] lui répondait : '[...] Pour les chaussures, je fais le point avec M. [C].' (pièce n°28 salarié).
Si des paires de chaussures ont été livrées le 21 novembre 2018, l'employeur ne justifie pas avoir fourni au Directeur l'ensemble des équipements de protection individuelle nécessaires pour assurer la sécurité des salariés intervenant sur le site depuis plusieurs semaines.
Plusieurs salariés ayant travaillé avec M.[X] confirment au demeurant que M. [X] était particulièrement exigeant quant au respect des règles de sécurité, exigeant notamment que le personnel salarié et intérimaire porte les chaussures de sécurité ainsi que des gants.
Il s'ensuit que la société CIEV qui a elle-même manqué à son obligation de fourniture des chaussures de sécurité à tous les salariés présents sur le site est mal fondée à reprocher à M.[L] Maître de ne pas avoir vérifié l'absence de port des chaussures.
Au résultat de l'ensemble des éléments précités, aucun des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement n'est objectivement établi. Dans ces conditions, le licenciement pour faute grave notifié à M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
[L] jugement sera infirmé sur ce point.
6- Sur les conséquences financières
[L] licenciement ne reposant ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, M. [X] est fondé à solliciter des dommages et intérêts à ce titre, l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
M.[L] Maître sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 15 291,13 euros outre les congés payés afférents en application de la convention collective du commerce de détail non alimentaire sur la base de 3 mois de salaire.
La société CIEV s'y oppose et subsidiairement, fait observer que l'indemnité ne peut pas excéder 12 462 euros brut ( 3 mois) sur la base d'un salaire moyen de 4 154 euros brut par mois, primes incluses.
Contrairement à l'interprétation du salarié, la convention collective nationale applicable au moment de la rupture du contrat de travail est , non pas celle des commerces de détail non alimentaires , mais celle de l'ameublement du 31 mai 1995, perdurant après la reprise par la société CIEV jusqu'au 1er janvier 2020.
En vertu de l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié qui n'exécute pas le préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait exécuté son travail jusqu'au terme du préavis, indemnité de congé payé incluse.
[L] salarié , de statut cadre , est fondé à réclamer une indemnité conventionnelle de préavis équivalente à 3 mois de salaire recouvrant l'ensemble des éléments de salaire, dont les primes au prorata temporis, qui auraient été dus en cas d'exécution du préavis.
[L] salaire à prendre en considération étant de 3 400 euros outre la quote-part de la prime annuelle de 13ème mois (3 367 euros), soit 3 680,58 euros brut par mois, il sera alloué à M. [L] Maître une indemnité compensatrice de préavis de 11 041,74 euros bruts outre la somme de 1 104,17 euros bruts pour les congés payés afférents.
De même, en l'absence de faute grave, M. [X] a droit au rappel de salaire portant sur la période de mise à pied conservatoire (14 jours) à hauteur de
2 196,58 euros bruts, outre la somme de 2 19,65 euros bruts pour les congés afférents.
Sur l'indemnité de licenciement
M.[X] réclame l'indemnité légale jugée plus favorable que l'indemnité conventionnelle à concurrence de la somme de 13 167,51 euros calculée sur la base d'un salaire moyen de 5 097,10 euros.
Si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date de la notification du licenciement, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat de travail, c'est à dire à l'expiration du délai de préavis même non exécuté.
Il résulte des précédents développements que M.[X] a perçu durant la période de 12 mois précédant la rupture la somme globale de 49 964,88 euros, se décomposant en 32 747,95 euros au vu du bulletin de septembre 2018 (sté FLY/ Bazalp) et 17 216,93 euros au vu du bulletin de décembre 2018 (sté CIEV), à laquelle il convient d'ajouter le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de l'année 2018 ( 9 800,78 euros); que la moyenne sur les 12 derniers mois de salaires s'élevant à la somme de 4 980,47 euros brut par mois. [L] décompte de M.[X] doit être écarté en ce qu'il est fondé sur un salaire moyen ( 5 097,10 euros ) intégrant à tort une prime annuelle répartie sur 4 mois mais en omettant de retenir le rappel pour heures supplémentaires.
Compte tenu de l'ancienneté de M.[X] remontant au 22 septembre 2008, la SARL Ciev doit être condamnée, dans la limite de la demande, à payer à M. [X] la somme de 13 167,51 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M.[L] Maître sollicite la somme de 50 971 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , équivalente à 12 mois de salaire.
La société CIEV conclut au rejet de la demande et conclut subsidiairement à l'octroi d'une indemnité minimale équivalente à 3 mois en salaire en l'absence de tout justificatif sur le préjudice subi.
L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. [L] montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
Au cas d'espèce, l'entreprise employant habituellement plus de onze salariés, le montant des dommages et intérêts est compris entre 3 et 10 mois pour une ancienneté en années complètes de 10 ans à la date du licenciement.
Au regard de l'ancienneté de M. [X] (10 ans), de son âge lors de la rupture (28 ans), de son salaire moyen (4 980,47 euros), et en l'absence d'élément sur sa situation personnelle postérieure à la rupture, la cour dispose des éléments permettant d'évaluer le préjudice du salarié à concurrence de la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
7- Sur le remboursement des indemnités de chômage
Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SARL Ciev à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [X] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois d'indemnités.
8- Sur les dépens et frais irrépétibles
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Ciev, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il en est de même pour la société Bazalp venant aux droits de la société Fly dont la demande d'indemnité de procédure sera rejetée.
L'équité commande en revanche de condamner la société Ciev, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [X] une indemnité d'un montant de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale de la convention de forfait et qu'il a rejeté les demandes d'indemnité de procédure de la société CIEV et de la société Bazalp ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Prononce la nullité de la convention de forfait en jours ;
Dit que le licenciement pour faute grave notifié le 24 décembre 2018 par la société Ciev à M. [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Ciev à verser à M. [X] les sommes suivantes :
- 33 057 euros bruts de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires,
- 3 305,70 euros de congés payés afférents,
- 20 765,40 euros net d'indemnité pour perte de droit à repos compensateur.,
- 13 167,51 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 11 041,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 104,17 euros bruts pour les congés payés afférents,
- 2 196,58 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 219,65 euros bruts de congés payés afférents,
- 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Ciev à rembourser à l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage les allocations servies à M. [X] dans la proportion de trois mois ;
Déboute les sociétés Ciev et Bazalp de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Ciev au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Ciev aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La greffière [L] président
ARRÊT N°351/2025
N° RG 22/03822 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S3YD
M. [Z] [X]
C/
S.A.R.L. CIEV CENTRAKOR
S.A.S. BASALP
RG CPH : F 19/00326
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RENNES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Septembre 2025 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [U], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [Z] [X]
né le 03 Janvier 1990 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Eric MARLOT de la SELARL MDL AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me LE CAMPION, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A.R.L. CIEV CENTRAKOR prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Bruno ROPARS de la SCP ACR AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS
S.A.S. BASALP agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Mathilde LATRACE, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG substituée par Me DELAMARCHE Cloé, avocat au barreau de RENNES
***
EXPOSÉ DU LITIGE
[L] 1er septembre 2010, M. [Z] [X] a été embauché en qualité de vendeur dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société d'exploitation Rapp, avec reprise de son ancienneté au 22 septembre 2008 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation.
Son contrat a par la suite été transféré à la société Fly, devenue la SAS Bazalp, appliquant la convention collective nationale du négoce de l'ameublement.
Par avenant du 25 mars 2015, M. [X] a été promu directeur de magasin, statut cadre, soumis à une convention de forfait de 218 jours et affecté dans le magasin Fly d'[Localité 7]. Il percevait un salaire brut de 2700 euros, outre une prime de 13ème mois et une rémunération variable maximale de 4 000 euros brut par an.
À compter du 1er avril 2017, il a été muté au sein du magasin Fly situé à [Localité 12] (35). Il percevait en dernier lieu une rémunération de 3 400 euros brut par mois outre des primes variables.
A la suite d'une cession de fonds de commerce, la Sarl CIEV a repris le magasin à effet au 1er octobre 2018 et a informé M. [X] du transfert de plein droit en application de l'article L 1224-1 du code du travail, de son contrat de travail au sein de la société CIEV au 1er octobre 2018 avec reprise de son ancienneté.
Durant les travaux de rénovation du magasin, M.[X] était en charge du pilotage des opérations d'implantation du magasin Centrakor de [Localité 12] et mis à la disposition d'une autre société appartenant au même groupe entre le 8 octobre et le 1er décembre 2018 'dans le cadre des fluctuations d'activité et de la formation nécessaire à la prise du poste de M. [X] pour l'ouverture du magasin.'
Par courrier du 24 novembre 2018, M. [X] a refusé de signer l'avenant soumis par le repreneur en dénonçant une modification tant de ses attributions et des éléments de sa rémunération variable.
[L] 10 décembre 2018, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 19 décembre et s'est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire.
[L] 24 décembre 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave reposant sur les griefs suivants :
- La remise des clés et codes intrusion à la société Merch et Cie, société tierce chargée de l'implantation du magasin :
- La décharge du pilotage des intérimaires et des salariés
- L'établissement d'un planning en violation des procédures internes
- [L] non-respect des consignes de sécurité.
'***
M. [L] Maître a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 19 juin 2019 afin de voir :
- Dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse
- Annuler la convention de forfait annuel en jours et à tout le moins la dire et juger privée d'effet
- Condamner la société CIEV France à lui verser les sommes suivantes:
- Indemnité de licenciement : 13 167,51 euros
- Indemnité de préavis : 15 291,13 euros et congés payés afférents : 1 529,13 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 971 euros
- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2 196,58 euros et congés payés afférents : 219,66 euros
- Rappel d'heures supplémentaires : 65 105,15 euros et congés payés afférents: 6 510,52 euros
- Dommages et intérêts pour perte de droit à repos compensateur : 40 322,37 euros
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait :
15 000 euros
- Indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
2 000 euros.
La SARL CIEV Centrakor a conclu au rejet des demandes de M.[X] dont le licenciement est justifié pour faute grave et la convention de forfait licite.
Par assignation du 17 février 2020, la société Ciev a appelé à la procédure la société Bazalp.
La SAS Bazalp, appelée à la cause suivant assignation délivrée le 17 février 2020 par la société CIEV a demandé au conseil de prud'hommes de :
À titre principal,
- Dire et juger que sa convention de forfait en jours est valable et opposable,
- [L] débouter de toutes ses demandes d'indemnisation et de rappels de salaire,
À titre subsidiaire
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à rappel de salaires et heures supplémentaires, qu'il n'y a pas lieu à réparation en l'absence de préjudice,
- Débouter M. [X] de ses demandes,
- [L] débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- [L] condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 23 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Rennes a:
- Prononcé la jonction des instances inscrites au répertoire général sous les N° RG 19/326 et 20/131;
- Dit que le licenciement de M. [X] est justifié par une faute grave ;
- Dit que la convention de forfait annuel en jours est privée d'effet ;
- Déclaré le jugement à intervenir commun et opposable à la SAS Bazalp ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.
***
M. [X] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 21 juin 2022.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 9 février 2023, M. [X] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 23 mai 2022, en ce qu'il a :
- Dit que le licenciement de M. [L] Maître est justifié par une faute grave.
- Débouté M. [L] Maître de sa demande de juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave.
- Débouté M. [L] Maître de ses demandes de condamnation de la société CIEV France au paiement des sommes suivantes :
- Indemnité de licenciement : 13 167,51 euros
- Indemnité de préavis : 15 291,13 euros
- Congés payés y afférents : 1 529,13 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 971,00 euros
- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2 196,58 euros et congés payés afférents : 219,66 euros
- Débouté M. [L] Maître de ses demandes de condamnation de la société CIEV France au paiement des sommes suivantes :
- Rappel d'heures supplémentaires : 65 105,15 euros
- Congés payés afférents : 6 510,52 euros
- Dommages et intérêts pour perte de droit à repos compensateur : 40 322,37 euros
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 15 000 euros
- Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté M. [X] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- Laissé les dépens à la charge des parties.
Y additant et statuant à nouveau :
- Juger le licenciement pour faute grave de M. [X] dénué de cause réelle et sérieuse ;
- Condamner la société CIEV France à verser à M. [X] les sommes suivantes:
- Indemnité de licenciement : 13 167,51 euros
- Indemnité de préavis : 15 291,13 euros
- Congés payés y afférents : 1 529,13 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 50 971 euros
- Rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 2 196,58 euros
- Congés payés afférents : 219,66 euros,
- Annuler la convention de forfait annuel en jours et à tout le moins la juger privée d'effet ;
- Condamner la société CIEV à verser à M. [X] les sommes suivantes :
- Rappel d'heures supplémentaires : 65 105,15 euros
- Congés payés afférents : 6 510,52 euros
- Dommages et intérêts pour perte de droit à repos compensateur : 40 322,37 euros
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 15 000 euros
- Condamner la société CIEV à verser à M. [X] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société CIEV aux entiers dépens de l'instance.
- Débouter les sociétés CIEV et Bazalp de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 12 juin 2025, la SAS Bazalp demande à la cour de :
- Déclarer l'appel de M. [X] mal fondé
- Déclarer l'appel incident de la SAS Bazalp recevable et bien fondé.
À titre principal et d'appel incident
- Infirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé la convention de forfait nulle et privéed'effet
Et statuant à nouveau
- Juger que la convention de forfait en jours est valable et opposable
- Débouter M. [X] de toutes ses demandes d'indemnisation et de rappels de salaires
A titre subsidiaire
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes de rappels de salaires/ heures supplémentaires/ repos compensateur et de réparation du préjudice subi ainsi que d'article 700 du code de procédure civile
- Débouter M. [X] de ses demandes et prétentions,
En tout état de cause
- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Bazalp de sa demande d'article 700 du code de procédure civile
- Condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 12 décembre 2022, la SARL CIEV Centrakor demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la convention de forfait annuel en jours est privée d'effet ;
Et, statuant à nouveau :
- Dire que le licenciement de M. [L] Maître est justifié par une faute grave ;
- Dire que la convention de forfait figurant dans le contrat de travail de M. [X] est licite ;
- [L] débouter de l'ensemble de ses demandes ;
- Déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la SAS Bazalp ;
- Condamner M. [X] à la somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 24 juin 2025 avec fixation de l'affaire à l'audience du 15 septembre 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la contestation de la convention de forfait en jours:
[L] conseil de prud'hommes a omis de statuer sur la demande principale de nullité de la convention de forfait dont il était régulièrement saisi par M. [X]. Il convient de réparer cette omission.
M. [X] fait valoir que l'avenant à son contrat de travail ne prévoit aucune obligation de suivi véritable de sa charge de travail ou de tenue d'entretiens annuels sur sa charge de travail; qu'en tout état de cause, la société Ciev n'a assuré aucun contrôle de sa charge de travail, ni fait en sorte que les temps de repos légaux soient respectés.
La société Bazalp soutient que si le contrat de travail de M. [X] ne prévoit pas la tenue d'entretiens annuels et de suivi en terme de charge de travail, l'accord collectif contenait toutes ces garanties.
Enfin, elle affirme que des entretiens réguliers étaient organisés et que le salarié déclarait ses journées de travail et de repos.
Pour sa part, la SARL Ciev expose que M. [X], depuis la cession du fonds de commerce, était son salarié depuis le 1er octobre 2018 et jusqu'au 24 décembre 2018, de sorte qu'il appartient à la société Bazalp, son précédent employeur, de fournir les justificatifs sur le suivi de la durée de travail.
La société Ciev fait cependant valoir que le salarié a bénéficié de deux entretiens annuels par an au sein de la société Fly (désormais Bazalp), dont un entretien concernant ses jours de RTT et sa charge de travail ; que le suivi et le contrôle de sa charge de travail étaient effectués par le biais des plannings hebdomadaires établis par M. [X] lui-même.
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels n'a pour objet que de sécuriser les accords collectifs conclus sous l'empire des dispositions régissant antérieurement le recours aux conventions de forfait.
En vertu de l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 8 août 2016, et complétée par l'ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, dispose que : "I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine:
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° [L] nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.
L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés."
S'agissant des accords collectifs et conventions de forfait individuelles déjà existants lors de l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, l'article 12 de ladite loi prévoit que : "I. - Lorsqu'une convention ou un accord de branche ou un accord d'entreprise ou d'établissement conclu avant la publication de la présente loi et autorisant la conclusion de forfaits annuels en heures ou en jours est révisé pour être mis en conformité avec l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, l'exécution de la convention individuelle de forfait annuel en heures ou en jours se poursuit sans qu'il y ait lieu de requérir l'accord du salarié.
II. - Les 2° et 4° du I de l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, ne prévalent pas sur les conventions ou accords de branche ou accords d'entreprise ou d'établissement autorisant la conclusion de conventions de forfait annuel en heures ou en jours et conclus avant la publication de la présente loi.
III. - L'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code. Sous ces mêmes réserves, l'accord collectif précité peut également servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait."
À cet égard, il résulte de l'article L. 3121-65 du code du travail qu'à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié;
2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II.- À défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-17.
Ainsi, la convention de forfait prévue au contrat de travail doit impérativement préciser les modalités de surveillance de la charge de travail du salarié.
Pour être de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, l'accord collectif doit prévoir un suivi effectif et régulier par le responsable hiérarchique des décomptes de temps de travail, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable (Soc., 14 décembre 2022, n°21-10.251, n°20-20.572).
Lorsque le forfait en jours est mis en place en dehors des conditions posées par la loi ou à défaut de garanties suffisantes, il est déclaré nul par le juge, ce qui le rend définitivement inopposable au salarié pour le passé, le présent et l'avenir.
En cas de nullité de la convention de forfait, le salarié peut alors revendiquer l'application des règles de droit commun afférentes au décompte et à la rémunération du temps de travail.
S'agissant de la validité de la convention de forfait jours, il importe de vérifier en l'espèce si l'accord collectif et/ou l'accord d'entreprise contiennent des mesures concrètes d'application des conventions de forfait en jours de nature à assurer le respect des règles impératives relatives à la durée du travail et aux temps de repos.
L'article 2 - temps de travail, à l'avenant du 25 mars 2015 prévoit : 'Conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise relatif à la durée et l'aménagement du temps de travail et dans la mesure où la durée du temps de travail de M. [Z] [X] ne peut être prédéterminée et compte tenu de l'autonomie réelle dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui sont confiées.
M. [Z] [X] sera soumis à un forfait annuel en jours.
M. [Z] [X] organisera son temps de travail dans le cadre d'un forfait annuel, soit du 1er juin de l'année A au 31 mai de l'année A+1, en respectant les règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire.
[L] présent avenant est donc conclu et accepté pour un nombre de jours annuel et forfaitaire de travail de 218 jours, journée de solidarité incluse.' (pièce n°2 société Ciev).
L'Accord sur la durée et l'organisation du temps de travail négocié par la société d'exploitation Rapp (SER) et les syndicats UNSA, CGT et CFDT le 4 août 2010 prévoit dans la sous-partie C. Suivi à l'article II.3 Forfait en jours : 'Dans le but de permettre une bonne régulation de l'activité des cadres et assimilés cadres, notamment en terme de jours travaillés et de prise de repos, il est convenu du principe d'un process.
Ce dernier visera entre autre à définir les délais de prise de jours repos. Il précisera également le formalisme d'identification des jours de travail et de repos sur le mois.
Les signataires rappellent leur attachement à un système auto-déclaratif.
L'entreprise mettra en place sous 3 mois (terme 30 septembre 2010) le process sus évoqué et en communiquera le contenu ainsi que les formulaires associés, aux signataires du présent.
Pour mémoire enfin, les signataires se réfèrent à l'entretien annuel d'activité qui visera à évoquer l'articulation entre vie professionnelle et personnelle ainsi qu'à aborder les autres composantes de la convention de forfait (durée de travail, rémunération)...' (pièce n°6 - page 13 société Bazalp).
Il n'est pas utilement contesté que la convention collective nationale du négoce de l'ameublement, applicable au litige, ne prévoit pas la possibilité de mise en oeuvre d'une convention de forfait annuel en jours.
Contrairement à ce que soutient M. [X], le défaut dans le contrat de travail de stipulations relatives au suivi de la charge de travail et à l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle du salarié n'emporte pas la nullité de la convention de forfait dès lors que l'accord collectif sur la durée et l'organisation du temps de travail du 4 août 2010 auquel renvoie l'avenant à son contrat de travail prévoit la mise en place en cas de forfait annuel d'un système auto-déclaratif et d'un entretien annuel d'activité.
Alors qu'il est constant que l'employeur ne peut pas faire reposer sur le salarié le soin de veiller lui-même à sa charge de travail, l'accord d'entreprise précité se borne à prévoir un système auto-déclaratif des jours de travail et de repos sur le mois ainsi qu'un entretien annuel ayant pour objet 'l'articulation entre vie professionnelle et personnelle ainsi qu'à aborder les autres composantes de la convention de forfait (durée de travail, rémunération)...', sans aucune modalité de contrôle de la charge de travail du salarié en forfait.
Dans ces conditions où l'accord sur la durée et l'organisation du temps de travail du 4 août 2010 n'instaure aucune mesure de suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié en forfait jours afin de mettre l'employeur en mesure d'intervenir réellement et en temps utile si celle-ci s'avérait incompatible avec une durée de travail raisonnable, les stipulations de l'accord d'entreprise sont manifestement insuffisantes pour répondre aux exigences légales et jurisprudentielles précitées relatives à la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Partant, la convention individuelle de forfait conclue par les parties fondée sur un accord collectif ne satisfaisant pas aux exigences légales et jurisprudentielles doit être frappée de nullité.
La convention de forfait en jours étant nulle, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire tirée de l'inopposabilité de ladite convention.
[L] jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a jugé la convention de forfait annuel en jours comme étant seulement privée d'effet alors qu'elle est entachée de nullité.
2- Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Pour infirmation du jugement sur ce point, M.[X] soutient que la convention de forfait étant entachée de nullité, les heures supplémentaires effectuées doivent être rémunérées à concurrence de :
- 64 467,45 euros brut outre les congés payés afférents, correspondant à la période non prescrite (33 mois) avant la reprise du magasin par la société CIEV le 1er octobre 2018,
- 637,68 euros brut outre les congés payés afférents, à compter de la reprise du magasin par la société CIEV.
Pour confirmation du jugement, la société Bazalp conteste la méthode employée par M. [X], jugée désinvolte, pour calculer ses heures supplémentaires sur une base forfaitaire de 19 heures hebdomadaires durant la période non prescrite sans tenir compte des congés, des jours fériés et des périodes de formation ; elle soutient que les allégations du salarié affirmant travailler 6 jours par semaine sont mensongères et ne peuvent pas être confirmées par une ancienne salariée dont les plannings étaient différents; que le salarié qui ne démontre pas avoir réalisé toutes les ouvertures et fermetures du magasin, ne peut pas assimiler son temps de travail effectif ;
qu'aucune consigne n'avait été donnée par la société Bazalp en ce sens à M.[X] qui organisait son travail en toute autonomie; que ce dernier a omis de déduire les jours de repos de son décompte établi de manière forfaitaire; que le taux horaire retenu par le salarié de 22,42 euros est contesté puisqu'il s'élevait à 21,50 euros en 2018.
Pour confirmation du jugement ayant débouté le salarié, la société Ciev soutient que la période antérieure au transfert d'entreprise concerne la société Bazalp et qu'en tout état de cause les réclamations de M. [L] Maître ne sont pas crédibles ni fondées en ce que :
- l'attestation d'une ancienne salariée Mme [E] comporte de nombreuses incohérences, la salariée ne pouvant pas être témoin direct des horaires de travail allégués par M.[L] Maître,
- le magasin Fly étant fermé les samedis à compter du 15 septembre 2018 et le magasin Centrakor également, le salarié n'a jamais réalisé plus de 35 heures hebdomadaires réparties sur 5 jours.
- la méthode mathématique de décompte du salarié ne correspond pas à la réalité des heures de travail effectif de M.[X] à défaut de prendre en compte les jours fériés, congés, jours de RTT, jours de formation et d'absences diverses lesquels sont exclus de l'assiette des droits à majoration pour heures supplémentaires.
Conformément aux dispositions de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Cette acceptation ne peut valoir non plus compte arrêté et réglé au sens de l'article 1269 du code de procédure civile.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. [L] juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, gde ch.,14 mai 2019, aff. C-55/18, pt 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO : JurisData n° 2019-009307 ; JCP S 2019, 1177, note M. [B]).
Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir (Soc., 9 juillet 2025, pourvoi n°24-16.397).
L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre de jours travaillés.
En l'espèce, M. [X] occupait depuis avril 2015 les fonctions de Directeur du magasin Fly, repris à compter du 1er octobre 2018 par la société CIEV sous l'enseigne Centrakor.
Il résulte des pièces produites que :
- la société Fly, désormais société Bazalp, confrontées à des difficultés, a procédé au cours de l'été 2018 à la cession de plusieurs magasins Fly, dont celui de [Localité 11],
- le magasin a été fermé au public à compter du samedi 15 septembre 2018, dans l'attente de la désignation du repreneur au 1er octobre. Durant la seconde quinzaine de septembre 2018, le personnel composé des 12 salariés, dont M. [X], a procédé à l'inventaire, rangé le magasin, transmis la marchandise restante vers les autres magasins Fly.
- le repreneur, la société CIEV, ayant décidé de procéder à des travaux d'aménagement avant la réouverture du magasin sous la nouvelle enseigne Centrakor programmée courant février 2019, M.[L] Maître Directeur du magasin a été chargé durant cette période de 4 mois d'assurer le pilotage des travaux sous la supervision de M.[C] en charge du service maintenance de la société CIEV, en lien avec le responsable exploitation et l'équipe des magasiniers du magasin. A l'issue de ces travaux importants ayant pris fin le 15 novembre 2018, le Directeur était amené à coordonner la réception du mobilier et des marchandises du futur magasin Centrakor.
Soutenant qu'il travaillait 54 heures hebdomadaires dans le magasin Fly puis 42 heures à compter de la reprise le 1er octobre 2018, l'appelant verse aux débats :
- ses bulletins de salaire de janvier à septembre 2018 établis par la SAS FLY, désormais Bazalp, faisant mention d'un forfait annuel en 218 jours moyennant un salaire de 3 400 euros brut par mois outre des primes d'objectifs et de challenge variant entre 0 et 700 euros par mois (pièces 5 et 31).
- ses bulletins de salaire allant du 1er octobre 2018 au 27 décembre 2018, date du licenciement, établis par la Société CIEV sur lesquels figure un salaire de base de 3 400 euros brut par mois, pour un forfait de 213 jours par an.
- un décompte détaillé des heures supplémentaires impayées :
- dans le magasin Fly ( janvier 2016-septembre 2018), selon un rythme de 54 heures hebdomadaires selon les heures d'ouverture du magasin (lundi au vendredi de 9h15 à 12h45 et de 13h45 à 19h15 et samedi de 10 heures à 19 heures). [L] rappel de salaire de 64 467,45 euros est calculé sur la base de 19 heures supplémentaires sur 43 semaines travaillées par an et des majorations applicables ( 8 heures à 25 % et 11 heures à 50%)
- à partir du 1er octobre 2018, dans le magasin Centrakor, selon un rythme de 42 heures hebdomadaires soit 7 heures supplémentaires par semaine (du lundi au samedi 9h-12h30 et 14h-17h30), correspondant à un rappel de salaire de 637,68 euros. ( cf conclusions pages 32-33)
- L'attestation de Mme [E], ayant travaillé du 10 novembre 2017 au 24 juillet 2018 pour la société Fly affirmant que 'M.[X] , mon ancien directeur de magasin [...] était présent du lundi au samedi (vendredi repos) de 9h45 à 12h45 et de 13h45 à 19h15 et le samedi de 9h15 à 13h et de 14h à 19h15.(pièce n°15);
- des échanges de mail avec M.[D] représentant du repreneur -Directeur général du groupe ( sté CIEV) le 22 octobre 2018 faisant apparaître que le salarié a posé des jours de congés payés , notamment le samedi 27 octobre 2018, puis du vendredi 16 novembre au samedi 24 novembre 2018.
- un mail du 13 novembre 2018 de M.[D] Directeur général précisant que 'les horaires de travail à compter du 26 novembre 2018 sont les suivants pour les personnes en 35 heures du lundi du vendredi 9h30-12h30/14h-17h30".
- un mail daté du 14 novembre 2018 de M. [D] modifiant le planning du personnel : '[...] Concernant le planning à partir du 26/11/2018, je préconise de réaliser une seule heure de pause le midi et de réaliser 9h-13h/14h-17h.' (pièce n°16) ;
- son mail du 30 novembre 2018 informant M.[D] à propos du retour d'une salariée revenant sur le magasin de [Localité 10] à compter du 03/12/2018. 'Néanmoins les horaires que nous pratiquons sur le magasin lors de l'implantation : à savoir 9h-12h30 /14h-17h30, ne correspondent pas aux horaires de Mme [ON]...' (pièce n°16) ;
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que M. [X] prétend avoir accomplies afin de permettre à ses employeurs successifs, devant assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant leurs propres éléments.
Si la société Bazalp conteste les pièces présentées par le salarié, il doit être observé que l'employeur, à qui il incombait d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées jusqu'au 30 septembre 2018, ne fournit aucun élément permettant de contredire le chiffrage effectué par l'appelant.
De son côté, la Sarl CIEV, repreneur du magasin depuis le 1er octobre 2018, produit divers documents se rapportant à :
- des plannings du personnel ( à l'exclusion de M.[L] maître) travaillant dans le magasin Fly , qui lui ont été transmis avant la reprise du magasin pour information, durant la période du 10 juin au 28 juillet 2018 . Ces tableaux sont quasiment illisibles (pièce n°34)
- des plannings hebdomadaires en septembre 2018 du magasin Fly, desquels il ressort que le magasin était fermé au public les samedis 15, 22 et 29 septembre 2018 . Ils concernent certains salariés mais pas M.[X] (pièce n°35) ;
- des plannings horaires planifiés des membres du personnel portant la signature de M.[X] sur la période allant du 5 novembre 2018 au 9 décembre 2018, sur une base immuable de 7 heures par jour ( 9h-13h/14h-17h)
et les journées de repos et de congés pris les 16 et 17 novembre, du 19 au 24 novembre
S'agissant de la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration pour les heures supplémentaires, il convient de se référer à l'arrêt publié du 10 septembre 2025 de la cour de cassation ( Soc. n°23 -14 455), au visa de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et d'un arrêt du 13 janvier 2022 de la Cour de justice (DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20) aux termes duquel 'il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3121-28 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un temps de travail effectif les heures prises encompte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaineconsidérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu'il aurait perçues s'il avait travaillé durant toute la semaine.'
Il s'en déduit que les jours de congés payés doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires et que M.[L] Maître soumis à un décompte hebdomadaire de la durée de travail en raison de l'inopposabilité de son forfait, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires durant les semaines au cours desquelles il a posé des jours de congés.
Contrairement à l'interprétation des sociétés intimées, il n'y a donc pas lieu d'exclure les jours de congés payés de l'assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires réclamées par M.[L] Maître.
L'argument selon lequel le salarié n'a pas été autorisé à effectuer des heures supplémentaires est dénué de portée dès lors que l'employeur, comptable des heures effectuées par ses salariés, ne pouvait ignorer qu'en fonction des nécessités du poste qu'il occupait, l'intéressé était conduit de par ses fonctions de direction à réaliser des heures dépassant la durée légale du travail. Pour preuve, la société CIEV a fait grief au salarié dans la lettre de licenciement du 24 décembre 2018 d'avoir depuis le 3 décembre 2018 ' calé son temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires sans tenir compte des spécificités des équipes' et des renforts intérimaires alors que M.[X] 'soumis à une convention de forfait annuel en jours, précisément pour couvrir les équipes ayant des horaires décalés' était chargé d'assurer la responsabilité du site en sa qualité de Directeur, et devait être présent dans le magasin durant les travaux en conservant les clés et les codes intrusion du magasin (courriers des 4 décembre et 24 décembre 2018 /pièces 7 et 9).
Concernant le témoignage contesté de Mme [E], la salariée se borne à faire état de la 'présence' de M.[X] au sein du magasin Fly lorsqu'elle prenait son poste d'hôtesse de caisse avant 10 heures (9h45) et qu'elle le quittait après la fermeture du magasin à 19 heures dans la limite de sa période travaillée (10 novembre 2017 - 24 juillet 2018). Comme le soulignent les intimées, l'attestation isolée de Mme [E] se rapportant à une période limitée de 8 mois, est imprécise pour accréditer la fréquence quotidienne des journées de travail aussi longues pour M.[X] (54 heures par semaine), avec une pause méridienne limitée à 1 heure, en dehors de tout autre témoignage de collaborateurs. La cour observe que les témoignages de MM. [V] et [J], respectivement Responsables d'exploitation et de vente du magasin Fly, se gardent de conforter les amplitudes horaires alléguées par M.[X] dans le cadre de ses fonctions de Directeur du magasin, et notamment de préciser si le Directeur était seul détenteur des clés et des codes intrusion du magasin nécessaires lors de l'ouverture et de la fermeture. [L] message de M. [C] salarié de la société CIEV (pièce 17) démontre que d'autres responsables du magasin, dont M.[V] Responsable exploitation, partageait cette responsabilité avec M.[L] Maître, ce qui est parfaitement cohérent en période d'absence du Directeur.
Sur la période antérieure au transfert intervenu le 1er octobre 2018, il convient de constater que contrairement aux affirmations des sociétés intimées, M.[L] Maître a limité le décompte de ses heures supplémentaires en référence à une période de travail à 43 semaines par an, après déduction de 9 semaines de congés. Il ne fournit toutefois aucune explication sur le nombre précis des congés et des RTT dont il a bénéficié en l'absence de production du moindre bulletin de salaire entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017.
Par ailleurs, M.[X] n'a pas tenu compte de la fermeture au public du magasin Fly entre le 15 septembre et le 30 septembre 2018 étant rappelé qu'il se consacrait du lundi au vendredi à des tâches d'inventaire, de rangement et d'expédition de la marchandise restante aux autres magasins Fly, sans être tenu par les horaires d'ouverture du magasin, et qu'il n'a pas travaillé les 3 derniers samedis de septembre 2018 dans l'attente d'un repreneur du magasin. [L] décompte des heures de travail de M.[X] basé exclusivement sur l'amplitude d'ouverture du magasin présente en conséquence de sérieuses incohérences avec la restriction de son activité professionnelle durant cette période.
Sur la période de 3 mois suivant la reprise du 1er octobre 2018, le chiffrage de M. [X] basé sur un rythme de travail de 42 heures (7 heures par jour du lundi au samedi) est toutefois contredit par des éléments produits par les sociétés intimées en ce que :
- le salarié a pris une semaine complète de congés (19 au 24 novembre 2018)
- il a limité son temps de travail sur la base de 35 heures par semaine à compter du 3 décembre 2018, comme son nouvel employeur lui en a fait le reproche dans le courrier de licenciement en 'calant son temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires' en méconnaissance de son forfait annuel et en laissant sur le site 'les équipes ayant des horaires contractuellement décalés et les intérimaires'.
- il était absent depuis sa mise à pied à titre conservatoire dès le 10 décembre 2018 jusqu'à son licenciement notifié le 24 décembre 2018.
Contrairement aux allégations de la société CIEV, M.[X] est fondé à intégrer les journées de formation imposées par son employeur dans le magasin de [Localité 8] les 23, 24 et 25 octobre 2018, s'agissant de périodes assimilées à du temps de travail effectif.
Les échanges de courriels avec M.[D], directeur général, à propos du changement des horaires de travail à compter du 26 novembre 2018, ne concernaient que les salariés soumis à un rythme de 35 heures hebdomadaires, ce qui excluait de fait la situation de M.[X] soumis à un forfait annuel.
Enfin, le fait que le salarié soit amené à poser des jours de congé les samedis 17 et 24 novembre 2018 ne fait que confirmer qu'il travaillait habituellement ce jour-là, contrairement à ce qui est soutenu par la société CIEV.
Au résultat de l'ensemble des éléments produits, la cour a la conviction que M. [L] Maître a réalisé un certain nombre d'heures supplémentaires dont l'évaluation doit prendre en compte d'une part, une sous- estimation par le salarié des temps de pause, d'autre part, un certain nombre d'incohérences dans le décompte concernant des périodes de fermeture du magasin et de restriction d'activité.
La contestation soulevée par la société CIEV relativement au salaire horaire n'est pas justifiée en ce que les bulletins de salaire fournis par le salarié pour la seule année 2018, font apparaître un salaire horaire de 21,75 euros ( salaire 3300 euros brut ) passé en avril 2018 à 22,42 euros ( 3 400 euros brut).
Au regard de ces éléments, la cour a la conviction que M. [X] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires impayées, à savoir :
- 517 heures supplémentaires au titre de l'année 2016,
- 544 heures supplémentaires au titre de l'année 2017,
- du 1er janvier au 30 septembre 2018 : 385 heures supplémentaires,
- à compter du 1er octobre 2018 : 56 heures supplémentaires.
L'article L 1224-2 du code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu à l'égard du salarié dont le contrat de travail s'est poursuivi dans le cadre d'un transfert d'une entité, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification sauf dans les cas de procédure collective ou de substitution d'employeurs intervenue sans convention entre eux. Si la société Ciev se prévaut d'une clause figurant dans l'acte de cession de fonds de commerce selon laquelle la société Bazalp s'est engagée à payer les rappels de salaires, heures supplémentaires et autres sommes à caractère salarial se rapportant à la période antérieure à la date du transfert, elle n'en tire aucune conséquence dans ses demandes s'agissant d'une clause inopérante dans le cadre du litige prud'homal, nonobstant la mise à la cause par les soins de la société CIEV du cédant (pièce n°5 société Ciev).
Dès lors, il y a lieu de faire droit , par voie d'infirmation du jugement, à la demande de M.[L] Maître qui a dirigé son action à l'encontre de son nouvel employeur, la SARL Ciev, au paiement des rappels de salaire de 33 057 euros outre les congés payés de 3 305.70 euros se décomposant comme suit :
- 32 419,32 euros bruts pour la période antérieure au transfert du contrat de travail,
- 637,68 euros bruts , dans la limite de la demande, pour la période postérieure au transfert du contrat de travail.
3- Sur les dommages et intérêts au titre de la perte de droit à repos compensateur
Pour infirmation du jugement l'ayant débouté de sa demande, M. [L] Maître soutient avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires durant les années 2016 à 2018 , au-delà du contingent annuel de 220 heures et sollicite une indemnisation de 40 322,37 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de son droit à repos compensateurs.
En réplique, la société Ciev soutient qu'aucune heure supplémentaire n'a été réalisée par M. [L] Maître et qu'en tout état de cause, le salarié a mélangé le repos compensateur équivalent et la contrepartie obligatoire en repos prévue par l'article L 3121-38 du code du travail, qui sont deux régimes distincts. Au surplus, l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos a une nature salariale.
Elle demande que l'arrêt soit déclaré commun et opposable à la société Bazalp s'agissant de la période antérieure au 1er octobre 2018.
La société Bazalp ne formule aucune observation sur ce point.
Aux termes de l'article L. 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-33.
Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
En vertu de l'article D 3121-23 du même code dans sa rédaction applicable au litige, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
[L] salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires défini par la convention en application de l'article L 3121-11 du code du travail, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Cette indemnisation comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents (Cass. soc. 10-7-2024 n° 22-20.764 F-D).
Selon l'article L. 3121-38 du code du travail, à défaut d'accord collectif, la contrepartie obligatoire en repos est fixée à : (..) 100 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de plus de 20 salariés.
Conformément à l'article D. 3121-24 du code du travail et à défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures par salarié.
En l'espèce, la convention collective nationale du négoce de l'ameublement ne fixant pas de contingent annuel d'heures supplémentaires, il convient d'appliquer le contingent légal de 220 heures annuelles pour la période antérieure au transfert du contrat de travail intervenu le 1er octobre 2018.
Il en est de même pour la période postérieure puisque la nouvelle convention collective des commerces de détail non alimentaires, n'était pas applicable avant le 1er janvier 2020 à l'issue d'un délai de 15 mois suivant le transfert (pièce 3).
Contrairement à l'interprétation des sociétés intimées, M. [L] Maître a accumulé un nombre important d'heures supplémentaires supérieures au contingent annuel de 220 heures ouvrant droit à une contrepartie obligatoire en repos dont il n'a aucunement bénéficié au cours de la relation contractuelle de sorte qu'il est fondé à réclamer à la rupture de son contrat de travail une indemnisation tirée de la perte des repos compensateurs non pris durant les années 2016 à 2018.
Dans ces conditions et au vu du nombre d'heures supplémentaires retenu précédemment, il sera fait droit à sa demande, à caractère indemnitaire, tirée de la perte de repos compensateurs enregistrant les dépassements suivants :
- 2016 : 297 heures supplémentaires
- 2017 : 324 heures supplémentaires
- 2018 : 221 heures supplémentaires.
L'indemnité étant calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents, il y a lieu de condamner la société Ciev au paiement de la somme de 20 765,40 euros net à titre de dommages et intérêts pour la perte de droit à repos compensateur, par voie d'infirmation du jugement.
4- Sur l'indemnisation du préjudice tiré de l'exécution déloyale de la convention de forfait
Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l'accord collectif qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, que la convention de forfait en jour est privée d'effet ouvrant le droit pour le salarié de réclamer le paiement d'heures supplémentaires, un tel manquement n'ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait (Soc. 11 mars 2025 pourvoi n°24-10.452 et Soc. 11 mars 2025 - pourvoi n°23-19.669 ; Soc. 28 février 2018, pourvoi n° 16-19.054).
Sans aucune explication ni motivation sur ce point, M. [X] demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours. Ce faisant, M. [L] Maître est défaillant quant à rapporter la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées qui sont elles-mêmes une conséquence de la nullité de la convention de forfait.
[L] jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande.
5- Sur le licenciement pour faute grave
Pour infirmation du jugement, M. [X] conteste les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et soutient à cet égard que :
- La société Ciev ne peut lui reprocher d'avoir exécuté un ordre qui lui a été adressé et ne peut pas de surcroît motiver le licenciement ;
- La société n'apporte pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement dans ses pratiques managériales ;
- Il avait déjà alerté le service RH de la société Ciev sur les difficultés qu'il rencontrait au magasin et spécifiquement sur les fonctions qu'il exerçait qui n'étaient pas prévues à son contrat de travail ;
- La visite de l'inspection du travail est intervenue le 6 décembre 2018 après ses alertes et celles de ses collaborateurs en raison de l'inertie de la société Ciev ;
- Il ne disposait d'aucun budget pour équiper le magasin et commander des chaussures de sécurité ; il a relancé l'employeur à plusieurs reprises et tout mis en oeuvre pour que son équipe dispose des équipements de sécurité;
- Il n'est pas à l'origine du chargement de la palette litigieuse puisqu'il était absent au moment du chargement; à son retour, il ne disposait pas d'un gerbeur adapté pour descendre le chargement.
- Alors qu'il avait fait l'objet de promotions au sein de la société Fly et démontré son sérieux et son investissement professionnel, il a été licencié par le repreneur du magasin Fly qui n'avait aucune volonté sérieuse de reprendre les 12 salariés, alors que l'ancien magasin Centrakor, situé à côté, disposait déjà d'un Directeur. Au 8 décembre 2020, il ne restait plus que 2 salariés de l'ancien magasin Fly.
Pour confirmation du jugement entrepris, la société Ciev soutient que la seule remise des clés et codes d'accès du magasin à un tiers de l'entreprise constitue une faute grave, que M. [L] Maître n'a pas rempli sa mission de Directeur de magasin comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes et qu'enfin, le salarié s'est totalement désintéressé de sa mission de pilotage des équipes incombant à tout Directeur, préférant rester dans son bureau ou vaquer à ses occupations.
La SAS Bazalp n'a formulé aucune observation.
L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail. La faute grave privative du préavis prévu à l'article L. 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Elle suppose une réaction rapide de l'employeur, qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'aucune vérification n'est nécessaire.
La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.
La lettre de licenciement notifiée le 24 décembre 2018 qui circonscrit l'objet du litige de sorte que l'employeur ne peut invoquer un autre motif que celui qu'il a notifié au salarié dans la lettre de licenciement, est ainsi motivée :
' Pour faire suite à l'entretien préalable du 19 décembre 2018, je vous informe qu'il a été décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave.Cette mesure est motivée par les raisons suivantes :
Depuis début décembre 2018, votre comportement managérial a fait peser un risque pour la sécurité et la santé des salariés et des intérimaires travaillant sous votre direction, ce que nous ne pouvons tolérer.
Depuis le 3 décembre 2018, conformément au calendrier établi, la société Merch et Compagnie accompagne les équipes du site dont vous êtes le directeur, ainsi que les renforts intérimaires (4 personnes) que vous dirigez pour l'implantation du mobilier du magasin.
Contre toute attente, vous vous êtes déchargé de vos responsabilités auprès de la société Merch et Compagnie en lui confiant les clés et les codes intrusion du magasin, ainsi que le 'pilotage' des intérimaires, alors que :
- L'intervention du prestataire devait obligatoirement être réalisée sous votre supervision et votre responsabilité de Directeur ;
- Les intérimaires étaient placés sous votre responsabilité, et non celle d'un tiers prestataire extérieur au contrat d'intérim ;
- Nous commencions à recevoir de la marchandise sur le site.
[L] jeudi 6 décembre 2018, vous avez quitté le site à 18h00, laissant seuls dans la surface les intérimaires ainsi que les équipes ayant des horaires contractuels décalés, notamment [Y] [ON], conseillère vendeuse et [G] [A], Business Merchandiser.
Vous leur avez laissé les clés, les codes, ainsi que la responsabilité du site, alors que ce n'est pas leur rôle et que vous deviez être présent en votre qualité de Directeur.
De même, le vendredi 7 décembre 2018, vous avez quitté le site à 13 heures, laissant à nouveau seuls sur le site [Y] [ON] et [G] [A], sans aucun responsable.
Force est de constater que vous avez calé votre temps de travail sur une base de 35 heures hebdomadaires, sans tenir compte des spécificités des équipes, alors que vous étiez soumis à une convention de forfait annuel en jours, précisément pour couvrir les équipes ayant des horaires décalés.
Dans le même sens, le planning que vous avez établi pour la semaine 50 révèle que vous laissez les collaborateurs intérimaires travailler seuls en magasin entre 13h30 et 14h00, ainsi que le vendredi de 17h00 à 18h00, les autres collaborateurs du magasin ne reprenant qu'à 14h00 chaque jour et terminant à 17h00 le vendredi, dont vous.
Ce planning a été établi sans information préalable auprès de Mme [AS] [dirigeante de la sociétéCIEV] ou du service RH, en violation des modalités d'information préalable des plannings qui vous ont été données début octobre 2018, puis détaillées par mail le 14 novembre 2018, puis reprécisées lors de ma venue sur site du 15 novembre 2018.
[L] vendredi 7 décembre 2018, j'ai reçu un appel de l'inspection du travail, à la suite de son passage de la veille sur le site de [Localité 11], pour me faire part de points critiques relevés lors de sa visite, en votre présence.
L'inspection du travail m'a alerté sur deux manquements présentant une situation dangereuse pour la sécurité et la santé des salariés, en l'occurrence que:
- Certains collaborateurs travaillant sous votre direction ne portaient pas de chaussures de sécurité, ce que Madame [K] vous avait pourtant fait remarquer ;
- Vous avez laissé les équipes charger, dans les racks en hauteur de la réserve, des palettes non-conformes, tant en termes de poids (dépassant 1 tonne), que de conditionnement (la marchandise dépassant de plus de 50 cm de part et d'autre des palettes).
Cette situation de stockage n'aurait pas dû exister puisqu'il s'agissait de grilles métalliques de 2,5 mètres destinées à être acheminées en surface magasin.
[L] lundi 10 décembre 2018, lorsque Mme [AS] est arrivée vers 9h10 (et non avant 9 heures comme vous l'avez soutenu) et que les équipes étaient déjà au travail, cette dernière a constaté que les équipes ne portaient toujours pas de chaussures de sécurité.
Ce n'est pourtant pas faute pour la société et l'inspection du travail de vous avoir fait part de l'impérieuse nécessité de changer de comportement en veillant à la sécurité des collaborateurs sous votre direction.
De tels agissements, plus précisément le délaissement du site et des équipes, mettent en péril le bon fonctionnement de la société.
L'employeur, tenu à une obligation de surveillance et à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. En cas de manquement de l'employeur à ces deux obligations, sa responsabilité civile et pénale est susceptible d'être engagée.
Dans ces conditions, la société ne peut vous maintenir à votre poste sans prendre le risque de mettre en péril la sécurité des salariés et des intérimaires du magasin.
En conséquence, comme indiqué en préambule, l'ensemble de vos agissements ne me laisse pas d'autre choix que de procéder à votre licenciement pour faute grave...' (pièce n°9 salarié).
Il est ainsi reproché à M. [X] :
1. La remise des clés et codes d'intrusion à la société Merch & Cie,
2. La décharge du pilotage des intérimaires et des salariés,
3. L'établissement d'un planning en violation des procédures internes,
4. [L] non-respect des consignes de sécurité.
Pour établir la matérialité et la gravité des quatre griefs précités, la société Ciev verse aux débats :
- [L] planning horaire de la semaine 49, correspondant à la semaine du lundi 3 au samedi 8 décembre 2018, signé de M. [L] Maître et de son responsable, duquel il ressort que le salarié a travaillé de 9h00 à 13h00 le vendredi 7 décembre 2018 alors que du mardi au mercredi, son horaire de fin de journée était fixé à 18h00 (pièce n°6 société) ;
- un relevé d'heures illisibles mentionnant les horaires de travail des salariés intérimaires (pièce n°6-2 société)
- un relevé d'heures rempli par la société Merch & Cie, contresigné par M. [X], mentionnant pour la semaine 49 du 3 au 7 décembre 2018, une présence de 14 à 18 heures le lundi, de 8 h à 18h30 du mardi au jeudi et une présence de 7h30 à 9h30 le vendredi 7 décembre 2018 (pièce n°7) ;
- un mail du 23 novembre 2018 au terme duquel M. [D], directeur général: 'Bonjour [Z] et [S]
( [V], Responsable exploitation), dans le prolongement de ma venue de cette semaine et afin de préparer les semaines à venir avec la phase d'implantation, je vous remercie de bien vouloir rappeler aux équipes les bonnes pratiques en terme de sécurité, de gestes, de postures et de port de charge.[...]
À compter du 03/12/2018 :
* Montage de tout le mobilier dans le magasin sous la supervision de l'équipe du prestataire Merch & Cie.
* Demander 4 intérimaires manutentionnaires à Samsic ou Randstad à partir du lundi 03/12 à 14 heures jusqu'au jeudi 06/12 au soir (..); leurs horaires seront ensuite calés à ceux des équipes à savoir 9h00-12h30 / 14h00 - 17h30...' (pièce n°18) ;
- l'attestation de M. [C], agent maintenance du groupe Centrakor: 'Dès le 1er octobre 2018, j'ai travaillé à l'organisation des travaux du magasin avec [Z] [X]. La société Esolia, spécialisée dans la remise en état des sols a déjà fait 5 autres magasins Centrakor. Les délais de livraison étant très courts, comme nous l'avons fait sur d'autres magasins, j'ai demandé à [Z] [X] et [S] [V] de confier les clés du magasin à la société Esolia, aucune marchandise n'étant encore arrivée dans le local.
La société Esolia nous a remis les clés à la fin de leur prestation.
Il n'était pas prévu de confier les clés et le code d'accès à d'autres entreprises intervenant sur le site. Habituellement, on ne confie pas les clés et codes du magasin à une entreprise extérieure dès que la marchandise, pour implantation du magasin, commandée a été livrée.
Je n'ai pas reçu d'instruction de M. [D] pour donner les clés et codes d'accès au prestataire Merch & Cie. Je n'ai pas donné d'instructions à [Z] [X] ou à une personne du magasin pour confier les clés à la société Merch et Cie.' (pièce n°17) ;
- L'attestation de Mme [P], salariée de la société Merch & Cie: 'La société Merch & Cie est spécialisée dans l'accompagnement des équipes de magasin dans le montage de mobilier. Nous intervenons généralement sous la responsabilité des Directeurs et Responsables de magasins avec leurs équipes et les intérimaires missionnés en renfort par les magasins directement. Notre mission consiste à venir en support et donner les méthodes de montage pour optimiser le montage.
Lors de l'arrivée à [Localité 12] des deux intervenants de notre société, les clés et le code d'accès du magasin leur ont été confiés, ce qui n'est généralement pas le cas.
Ensuite, le Directeur n'étant pas disponible, les intervenants de Merch & Cie ont dû monter seuls le mobilier avec les intérimaires. Habituellement les intervenants sont là en support de la Direction et viennent en aide au montage. Nous n'avions pas pour mission de piloter à la place du Directeur. [L] Directeur a simplement signé les feuilles d'heures des trois intervenants à la fin de la mission.' (pièce n°19) ;
- L'attestation de Mme [K], responsable réseau de la société CIEV: '[...] J'étais présente sur le magasin de [Localité 10] les 5 et 6 décembre 2018 pour la fin du montage du mobilier et commencer à prévoir l'implantation de la marchandise dans les rayons. J'ai été surprise de voir que les intervenants de la société Merch et Cie avaient les clés et codes d'accès du magasin, alors que la marchandise était déjà arrivée. J'ai constaté que [Z] ne s'occupait pas des équipes, ni des intérimaires. [L] mercredi 5 décembre 2018, [G] [A] était le seul employé du magasin jusqu'à 18h30 avec les intérimaires et les 2 personnes de la sécurité Merch et Cie. [Z] ayant quitté le magasin dès 18h. M. [A] s'est retrouvé seul le vendredi 7/12 jusqu'à 16h30. [Z] ayant quitté le magasin à 13h...' (pièce n°20) ;
- Un mail du 3 décembre 2018 de M. [D] : '[Z], merci de transmettre à Mme [K] et Mme [AS] le planning prévisionnel de cette semaine mis à jour pour les équipes et pour les intérimaires dans le cadre de l'intervention de la société Merch et Cie pour le montage du mobilier.' , suivi de la réponse par mail du 4 décembre 2018 de M. [X] transmettant le planning modifié de l'ensemble de l'équipe (pièce n°21) ;
- Un mail du 13 novembre 2018 de M. [D] 'Les horaires de travail à compter du 26/11 à [Localité 11] seront les suivants du lundi au vendredi : 9h-12h30 / 14h00-17h30 pour les personnes en 35 heures. Pour [I], [S] et [W], je vous laisse caler sur le planning leurs 2,75 heures supplémentaires mensuelles à adapter selon les besoins.' (pièce n°22);
- Un mail du 14 novembre 2018 de M. [D] : 'Bonjour [Z], Planning à compter de la semaine 48 : je vous confirme les horaires de travail de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 17h30. La pause de 1h30 le midi est souhaitable et conforme aux horaires pratiqués tant par Fly avant la reprise qu'au sein de CIEV. Merci d'afficher ce planning qui prendra effet dès le 26/11 prochain.' (pièce n°22) ;
- Un planning prévisionnel de la semaine 50 de l'année 2018 (du 10 au 15 décembre 2018) prévoyant que M. [X] devait terminer à 17h30 le lundi, à 18h30 les mardi, mercredi et jeudi, et à 17 heures le vendredi tandis que les salariés et intérimaires devaient terminer à 18h30 toute la semaine (pièce n°23);
- Une photographie de l'entrepôt du magasin Centrakor montrant du matériel posé sur une palette chargée en hauteur, surplombant et dépassant les racks métalliques, étant observé que la palette est moins large que le chargement lequel dépasse la palette et les racks (pièce n°27) ;
- Un devis du 6 novembre 2018 ainsi que des factures de la société Oman Ouest manutention, datées des 30 novembre et 31 décembre 2018, relatifs à la location d'un gerbeur d'une capacité de levage de 1,6 tonnes et de 4,1 mètres (pièces n°29 à 31) ;
- Un mail du 13 novembre 2018 de M. [D] indiquant à M. [X] : '[...] Concernant les fournitures sur le site de [Localité 11], merci de me confirmer : que vous avez pu remettre les chaussures de sécurité à chaque personne présente sur le site et que les pointures conviennent bien par rapport à la fiche de renseignement que chacun a communiqué...'
Suivi de la réponse du 14 novembre de M. [L] Maître : '[...] Chaussures de sécurité : Elles ont été remises à [I], [F], [S] et [H] (trop grandes pour [H]). Mais il manque encore certaines pointures. Et je n'ai pas vu tout l'effectif au magasin.' (pièce n°26) ;
- Une facture du 3 décembre 2018 faisant état de la livraison de 5 paires de chaussures de sécurité le 21 novembre 2018 (pièce n°42) ;
- Un mail du 23 novembre 2018 de M. [D] : 'Bonjour [Z] et [S], Dans le prolongement de ma venue de cette semaine et afin de préparer les semaines à venir avec la phase d'implantation, je vous remercie de bien vouloir rappeler aux équipes les bonnes pratiques en terme de sécurité, de gestes, de postures et de port de charge.
J'insiste sur le port de charges :
* utiliser les équipements mis à votre disposition.
* porter à plusieurs les charges lourdes ou décharger les colisages pour alléger;
Je suis bien conscient que ce sont des choses que vous savez mais il est utile de le répéter aux équipes.
Il est essentiel aussi de bien veiller à ce que chaque personne porte bien les chaussures de sécurité qui ont été remises, le port des gants remis, l'utilisation des coupes cartons sécurités qui vous ont été livrés...' (pièce n°32) ;
- une convention de prestations de services / fournitures magasin conclue entre la société SGGR et la SARL Ciev datée du 2 janvier 2018 prévoyant la mise à disposition d'EPI (équipements de protection individuelle), de gilets Centrakor, étiquettes, documents d'affichage obligatoire par la société SGGR, assurant des prestations pour le compte de ses filiales (pièce n°43).
1- S'agissant du premier grief tiré de la remise des clés et codes à une société tierce, la société Ciev soutient non sans contradiction qu''il était strictement interdit à qui que ce soit de donner les clés et codes d'accès du magasin à un tiers à l'entreprise' (page 10 écritures) alors que M. [X] produit deux attestations concordantes d'anciens salariés indiquant que 'Depuis le début des travaux du magasin, M. [D] et M. [C] nous ont demandé de transmettre les clés du magasin à toutes entreprises extérieures intervenant pour les travaux et l'aménagement du magasin afin qu'elles interviennent sur les créneaux horaires de leur choix.' (pièces n°11 et 12 salarié).
L'employeur reconnaît finalement ( conclusions pages11 et 13) que la remise des clés à une société tierce a été expressément sollicitée afin de faciliter les interventions des prestataires lors des travaux d'implantation de l'enseigne Centrakor.
Dès lors, l'employeur qui ne justifie ni de la formalisation de l'interdiction de remise des clés à une société tierce chargée de travaux nécessitant l'accès au bâtiment, ni de la diffusion de ladite interdiction, ne peut pas reprocher à M. [X] d'avoir remis les clés et codes d'accès du magasin aux préposés de la société Merch & Cie.
Partant, ce grief n'est pas établi.
2- S'agissant du grief tiré du 'délaissement' du site et des équipes , la société CIEV se fonde sur l'attestation difficilement lisible de Mme [P], salariée de la société Merch & Cie, laquelle doit être examinée avec la plus grande circonspection dans la mesure où l'attestante n'était pas sur place lors du montage du mobilier et se borne à rapporter les propos d'intervenants pour le compte de son employeur.
Si Mme [K] occupant les fonctions de Responsable réseau au sein de la société CIEV soutient que M. [X] ne s'occupait ni des équipes, ni des intérimaires, ce témoignage ne saurait établir le prétendu défaut de surveillance imputé au salarié alors que Mme [K] en charge de l'accompagnement des équipes dans les processus d'implantation du futur magasin était présente uniquement 'les 5 et 6 décembre 2018 pour la fin du montage du mobilier et commencer à prévoir l'implantation de la marchandise dans les rayons' (pièce n°20 société Ciev).
Il est constaté que la société Ciev au soutien d'une grave faute professionnelle' reprochée à M.[X] se garde de préciser les missions attendues du Directeur de magasin notamment durant les travaux d'aménagement du futur magasin ; qu'elle ne communique au demeurant aucune fiche de poste, pourtant sollicitée par le salarié dans son mail du 22 octobre 2018 transmis à M.[D] Directeur Général de la société CIEV par délégation de la dirigeante Mme [AS] ' pouvez-vous me transmettre diverses informations : qui est mon N+1' Pouvez vous me transmettre lin contrat afin de le lire' Pouvez vous me transmettre ma fiche de poste et les missions' L'ensemble des fiches de poste de mes collaborateurs'(..)'
Il est observé que l'employeur a pris acte le 4 décembre 2018 de ce que le salarié était en désaccord avec le projet du contrat de travail qui lui a été transmis, dont la copie n'est pas produite ( courrier pièce 7).
Concernant le 'délaissement' allégué, s'il ressort du planning de la semaine 49 de l'année 2018 que les mardi, mercredi et jeudi, les trois intérimaires ainsi que l'équipe de Merch & Cie ont quitté le magasin à 18h30 tandis que M. [L] Maître terminait à 18h00, cet intervalle qualifié par la société de 'petite tranche horaire de 30 minutes' ne permet pas d'en déduire que le salarié s'est déchargé du pilotage des équipes et des intérimaires tel qu'allégué par l'employeur et n'a pas délégué cette tâche à un autre collaborateur ou responsable . Au demeurant, le planning litigieux avait été transmis par M.[X] avec copie aux trois responsables de la société sans qu'aucune remarque ou observation ne lui soit formulée (pièce n°18 société Ciev).
De son côté, M.[X] produit des témoignages attestant de ses qualités professionnelles sur le plan de l'accompagnement de ses collaborateurs et des salariés intervenant sur les sites dont il assurait la direction :
- M.[M], manager des ventes, membre élu du CHSCT au sein de la société Fly,
- M.[R], intérimaire en électricité ' j'ai été très bien accompagné par M.[X] et les responsables des différents travaux'
- Mme [O], salariée au siège social de la société Fly : ' M.[X] était un relais siège/terrain très apprécié et performant, de nombreux dysfonctionnements terrain ont été reglés grâce à lui'.
- M.[N], Directeur régional de la société Fly dans le sud-ouest décrivant les grandes qualités professionnelles et morales de M.[X] , en dernier lieu Directeur du magasin d'[Localité 7], dans le management et l'accompagnement des équipes, avec une vigilance concernant la sécurité des biens et des personnes.
Il résulte de ces éléments que l'employeur ne rapporte pas la preuve du grief se rapportant à la décharge par M.[L] Maître du pilotage du site et des équipes au profit d'une société tierce à compter de la semaine 49.
[L] grief tiré du 'délaissement' du site et des équipes n'est pas établi.
3- S'agissant du grief tiré de la violation des modalités d'information préalable du planning prévisionnel de la semaine 50, la société Ciev soutient que le salarié n'a pas respecté de manière délibérée la procédure en vigueur dans tous les magasins Centrakor, telle que fixée au début du mois d'octobre 2018, détaillée dans un mail de M.[D] le 14 novembre et reprécisée lors de sa venue sur le site ; que le planning prévisionnel de la semaine 50 établi unilatéralement par M.[X] n'était pas acceptable en terme de pilotage de l'équipe et de sécurité faute d'intégrer les informations relatives aux arrêts de travail ; que l'absence de signature du planning par le Directeur n'a aucune incidence et résulte seulement du fait qu'il a été mis à pied à compter du 10 décembre.
Contrairement à ses allégations, l'employeur ne justifie pas de la procédure interne imposant au Directeur du magasin de transmettre avant chaque semaine pour validation à la dirigeante ou au service RH de la société CIEV les plannings prévisionnels des salariés et du personnel intérimaire. Il ressort des échanges de mails que les plannings étaient établis et modifiés par M. [D] et que M.[X] était chargé de les diffuser au personnel concerné.
- mail du 13 novembre 2018 de M. [D] 'Les horaires de travail à compter du 26/11 à [Localité 11] seront les suivants du lundi au vendredi: 9h-12h30 / 14h00-17h30 pour les personnes en 35 heures. Pour [I], [S] et [W], je vous laisse caler sur le planning leurs 2,75 heures supplémentaires mensuelles à adapter selon les besoins.' (pièce n°22) ;
- Un mail du 14 novembre 2018 de M. [D] : 'Bonjour [Z] ( [X]), Planning à compter de la semaine 48 : je vous confirme les horaires de travail de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 17h30. La pause de 1h30 le midi est souhaitable et conforme aux horaires pratiqués tant par Fly avant la reprise qu'au sein de CIEV. Merci d'afficher ce planning qui prendra effet dès le 26/11 prochain.' (pièce n°22) ;
- Un nouveau mail du 14 novembre 2018 de M. [D] rectifiant la durée de la pause méridienne à une seule heure à partir du 26 novembre 2018 ( S 48) en fixant le planning modifié suivant 9h-13h et 14h-17H.
- Un planning prévisionnel de la semaine 50 (du 10 au 15 décembre 2018) prévoyant que M. [X] devait terminer à 17h30 le lundi, à 18h30 les mardi, mercredi et jeudi, et à 17 heures le vendredi tandis que les intérimaires devaient terminer à 18h30 (pièce n°23) ;
L'employeur se contente de soutenir de manière péremptoire, en l'absence de fiche de poste et de consignes précises, que M.[X] était tenu d'assurer la surveillance du personnel intérimaire et d'attendre leur fin de journée avant de fermer le magasin. Toutefois, il ressort des éléments produits que le planning de la semaine 50 mentionnant des intervalles de 30 minutes à 1 heure entre la fin de journée de M. [X] et celle des salariés en intérim est identique au planning de la semaine 49 lequel n'a fait l'objet d'aucune remarque ou opposition lors de sa transmission par le salarié à M.[D] et Mme [AS] qui en étaient destinataires.
En tout état de cause, il appartenait à l'employeur, investi d'un pouvoir de contrôle et de direction, de solliciter auprès de M. [X] les modifications nécessaires du planning prévisionnel de la semaine 50, s'il entendait formuler des observations ou s'y opposer, ce que la société CIEV ne démontre pas, avant de lui notifier le 10 décembre 2018 une mise à pied immédiate à titre conservatoire.
Ce grief n'est pas non plus établi.
4- S'agissant du non-respect des règles de sécurité, l'employeur informé le 7 décembre 2018 par l'inspection du travail à la suite de la visite de la veille dans le magasin, fait les reproches suivants à M.[X] :
- il a laissé les équipes charger dans des racks en hauteur de la réserve des palettes non conformes tant en terme de poids (dépassant une tonne) que de conditionnement (la marchandises dépassant de plus de 50 cm de part et d'autre des palettes).
- certains collaborateurs travaillant sous la direction de M.[X] ne portaient pas de chaussures de sécurité.
Concernant le chargement des palettes, il résulte des photographies produites que l'employeur rapporte la preuve objective du stockage dans l'entrepôt du magasin d'une charge lourde disposée en hauteur dont les dimensions étaient inadaptées à la taille des racks.
La société Ciev, sans remettre en cause l'absence de M. [X] pour congés lors du chargement du matériel sur les racks, considère 'que M.[X] soit à l'origine, ou non, de la pose du matériel sur les racks, l'attestation de M.[V] confirme qu'il a gravement manqué à ses obligations en matière de sécurité.' (page 25 écritures).
Or, la lettre de licenciement qui circonscrit les griefs, ne vise que le chargement en hauteur des palettes, qui n'a été ni effectué ni supervisé par M. [L] Maître alors absent, de sorte que l'employeur ne saurait formuler de nouveaux reproches à l'encontre du salarié pour ne pas avoir procédé au retrait du matériel à son retour de congés ni mis en place un balisage pour empêcher les salariés de circuler à proximité des grilles dépassant des racks (pages 24 et 25 écritures société).
L'appelant verse aux débats les témoignages de deux collaborateurs M. [V], Responsable d'exploitation et M.[J] [T] des ventes, confirmant que le Directeur était en congés payés lors du chargement : '[...] Une palette de grilles de 2m50 a été placée en hauteur, à ma demande lors des cp [congés payés] de M. [X] du 19 au 24 novembre, à son retour il nous a demandé de la laisser en hauteur car nous n'avions pas le matériel nécessaire...' (pièces n°11 et 12 ).
Au regard de ces éléments, le stockage non-conforme aux règles de sécurité n'est pas imputable au salarié.
En ce qui concerne le non-port de chaussures de sécurité par les salariés placés sous l'autorité de M. [X], la société soutient que des paires de chaussures de sécurité étaient mises à disposition des salariés depuis le 14 novembre 2018 mais que lors de la visite de l'inspection du travail du 6 décembre, certains salariés ne les portaient pas.
Pour autant, les mails produits par le salarié révèlent que les salariés présents sur le site n'étaient pas tous équipés de chaussures de sécurité malgré les demandes réitérées du Directeur :
- attestation de M.[J], Responsable ventes ' après la reprise par Centrakor, nous avons retiré la moquette et le parquet sur la surface de vente, et ce sans outils ni fourniture de leur part malgré la demande de M.[L] Maître. (..) Des chaussures de sécurité ont finalement été mises à disposition bien que tardivement.(..)'
- mail du 14 novembre 2018 de M.[X] à M.[D] : '(..) Chaussures de sécurité : elles ont été remises à [I], [F], [S] et [H] ( trop grande pour [H]). Mais il manque encore certaines pointures. Et je n'ai pas vu tout l'effectif au magasin.'
- mail du 30 novembre 2018 de M. [X] à M.[D] ,[...] L'ensemble des collaborateurs n'a à ce jour pas eu de chaussures de sécurité. Qu'en est-il ' Comme vous le savez, je n'ai à ce jour pas eu ces dernières'
- réponse de M. [D] le 3 décembre 2018 : 'concernant les chaussures de sécurité, [F] étant sur place la semaine passée, il aurait été plus simple de lui demander les pointures manquantes afin qu'il vous les amène ce jour ! Il y a 2 paires dans le bureau de [Localité 13]. Quelles sont les autres pointures manquantes Homme / Femmes '' ce à quoi M. [X] lui répondait : '[...] Pour les chaussures, je fais le point avec M. [C].' (pièce n°28 salarié).
Si des paires de chaussures ont été livrées le 21 novembre 2018, l'employeur ne justifie pas avoir fourni au Directeur l'ensemble des équipements de protection individuelle nécessaires pour assurer la sécurité des salariés intervenant sur le site depuis plusieurs semaines.
Plusieurs salariés ayant travaillé avec M.[X] confirment au demeurant que M. [X] était particulièrement exigeant quant au respect des règles de sécurité, exigeant notamment que le personnel salarié et intérimaire porte les chaussures de sécurité ainsi que des gants.
Il s'ensuit que la société CIEV qui a elle-même manqué à son obligation de fourniture des chaussures de sécurité à tous les salariés présents sur le site est mal fondée à reprocher à M.[L] Maître de ne pas avoir vérifié l'absence de port des chaussures.
Au résultat de l'ensemble des éléments précités, aucun des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement n'est objectivement établi. Dans ces conditions, le licenciement pour faute grave notifié à M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
[L] jugement sera infirmé sur ce point.
6- Sur les conséquences financières
[L] licenciement ne reposant ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, M. [X] est fondé à solliciter des dommages et intérêts à ce titre, l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
M.[L] Maître sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 15 291,13 euros outre les congés payés afférents en application de la convention collective du commerce de détail non alimentaire sur la base de 3 mois de salaire.
La société CIEV s'y oppose et subsidiairement, fait observer que l'indemnité ne peut pas excéder 12 462 euros brut ( 3 mois) sur la base d'un salaire moyen de 4 154 euros brut par mois, primes incluses.
Contrairement à l'interprétation du salarié, la convention collective nationale applicable au moment de la rupture du contrat de travail est , non pas celle des commerces de détail non alimentaires , mais celle de l'ameublement du 31 mai 1995, perdurant après la reprise par la société CIEV jusqu'au 1er janvier 2020.
En vertu de l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié qui n'exécute pas le préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait exécuté son travail jusqu'au terme du préavis, indemnité de congé payé incluse.
[L] salarié , de statut cadre , est fondé à réclamer une indemnité conventionnelle de préavis équivalente à 3 mois de salaire recouvrant l'ensemble des éléments de salaire, dont les primes au prorata temporis, qui auraient été dus en cas d'exécution du préavis.
[L] salaire à prendre en considération étant de 3 400 euros outre la quote-part de la prime annuelle de 13ème mois (3 367 euros), soit 3 680,58 euros brut par mois, il sera alloué à M. [L] Maître une indemnité compensatrice de préavis de 11 041,74 euros bruts outre la somme de 1 104,17 euros bruts pour les congés payés afférents.
De même, en l'absence de faute grave, M. [X] a droit au rappel de salaire portant sur la période de mise à pied conservatoire (14 jours) à hauteur de
2 196,58 euros bruts, outre la somme de 2 19,65 euros bruts pour les congés afférents.
Sur l'indemnité de licenciement
M.[X] réclame l'indemnité légale jugée plus favorable que l'indemnité conventionnelle à concurrence de la somme de 13 167,51 euros calculée sur la base d'un salaire moyen de 5 097,10 euros.
Si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date de la notification du licenciement, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat de travail, c'est à dire à l'expiration du délai de préavis même non exécuté.
Il résulte des précédents développements que M.[X] a perçu durant la période de 12 mois précédant la rupture la somme globale de 49 964,88 euros, se décomposant en 32 747,95 euros au vu du bulletin de septembre 2018 (sté FLY/ Bazalp) et 17 216,93 euros au vu du bulletin de décembre 2018 (sté CIEV), à laquelle il convient d'ajouter le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de l'année 2018 ( 9 800,78 euros); que la moyenne sur les 12 derniers mois de salaires s'élevant à la somme de 4 980,47 euros brut par mois. [L] décompte de M.[X] doit être écarté en ce qu'il est fondé sur un salaire moyen ( 5 097,10 euros ) intégrant à tort une prime annuelle répartie sur 4 mois mais en omettant de retenir le rappel pour heures supplémentaires.
Compte tenu de l'ancienneté de M.[X] remontant au 22 septembre 2008, la SARL Ciev doit être condamnée, dans la limite de la demande, à payer à M. [X] la somme de 13 167,51 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M.[L] Maître sollicite la somme de 50 971 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , équivalente à 12 mois de salaire.
La société CIEV conclut au rejet de la demande et conclut subsidiairement à l'octroi d'une indemnité minimale équivalente à 3 mois en salaire en l'absence de tout justificatif sur le préjudice subi.
L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. [L] montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
Au cas d'espèce, l'entreprise employant habituellement plus de onze salariés, le montant des dommages et intérêts est compris entre 3 et 10 mois pour une ancienneté en années complètes de 10 ans à la date du licenciement.
Au regard de l'ancienneté de M. [X] (10 ans), de son âge lors de la rupture (28 ans), de son salaire moyen (4 980,47 euros), et en l'absence d'élément sur sa situation personnelle postérieure à la rupture, la cour dispose des éléments permettant d'évaluer le préjudice du salarié à concurrence de la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
7- Sur le remboursement des indemnités de chômage
Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SARL Ciev à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [X] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois d'indemnités.
8- Sur les dépens et frais irrépétibles
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Ciev, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il en est de même pour la société Bazalp venant aux droits de la société Fly dont la demande d'indemnité de procédure sera rejetée.
L'équité commande en revanche de condamner la société Ciev, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [X] une indemnité d'un montant de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale de la convention de forfait et qu'il a rejeté les demandes d'indemnité de procédure de la société CIEV et de la société Bazalp ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Prononce la nullité de la convention de forfait en jours ;
Dit que le licenciement pour faute grave notifié le 24 décembre 2018 par la société Ciev à M. [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL Ciev à verser à M. [X] les sommes suivantes :
- 33 057 euros bruts de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires,
- 3 305,70 euros de congés payés afférents,
- 20 765,40 euros net d'indemnité pour perte de droit à repos compensateur.,
- 13 167,51 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 11 041,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 104,17 euros bruts pour les congés payés afférents,
- 2 196,58 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 219,65 euros bruts de congés payés afférents,
- 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Ciev à rembourser à l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage les allocations servies à M. [X] dans la proportion de trois mois ;
Déboute les sociétés Ciev et Bazalp de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Ciev au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Ciev aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La greffière [L] président