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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 6 novembre 2025, n° 22/05304

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Nio 4 Immo 1 (SCA)

Défendeur :

Services Entrepots (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

Mme Dumas, Mme Girault

Avocats :

Me Ndao, Me Lafon, Me Yllouz, Me Belain

TJ [Localité 9], du 4 avr. 2022, n° 21/0…

4 avril 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Services Entrepôts est propriétaire d'un ensemble immobilier à usage mixte d'entrepôts, bureaux et habitations d'une surface de 4 000 m² environ, situé [Adresse 3] [Localité 6] (Val d'Oise).

Le 18 novembre 2020, la société Novaxia Investissement (ci-après, « la société Novaxia ») adressait au dirigeant de la société Services Entrepôts une offre d'acquisition de ce bien au prix de 3 000 000 euros, étant précisé que dans le cas où une révision du plan local d'urbanisme permettrait de construire 12 000 m² de surface de plancher de logements libres, un complément de prix de 2 120 000 euros serait proposé. La réalisation de l'acquisition était subordonnée à la validation par son comité d'investissement.

Par courrier du 19 novembre 2020, la société Services Entrepôts répondait à la société Novaxia qu'elle pourrait lui donner une réponse définitive après avoir pu consulter les associés de la société en assemblée générale et que ceux-ci seraient prêts à statuer dès qu'elle leur aurait soumis un projet de promesse de vente mutuellement satisfaisant. Il était accordé par la société Services Entrepôts, comme demandé, une période d'exclusivité d'une semaine permettant de poursuivre l'étude du projet avec les services de la commune, et la signature d'une promesse unilatérale de vente satisfaisante validée par le comité d'investissement. Il convenait ensuite de soumettre cette promesse unilatérale de vente à l'assemblée générale de la société venderesse. La société Services Entrepôts accordait à son interlocuteur une période d'exclusivité d'une semaine prenant fin le 26 novembre 2020 à minuit, étant précisé qu'à défaut de signature d'une promesse unilatérale de vente satisfaisante à l'issue de cette période, il n'y aurait plus d'exclusivité pour la société Novaxia.

Après plusieurs échanges de courriels, un projet de promesse était adressé le 18 novembre 2020 par la société Noxavia au gérant de la société Services Entrepôts . Il y était alors prévu que la société NIO 4 IMMO 1 (ci-après, « la société NIO ») se substitue à la société Novaxia.

Dès le 14 décembre 2020, le conseil de la société Services Entrepôts avait indiqué à la société Novaxia que la préférence des vendeurs allait vers une cession de 100 % des actions de la société Services Entrepôts . Le 18 décembre, elle faisait remarquer qu'en tout état de cause, elle n'avait toujours pas reçu d'offre ferme et définitive.

Le 23 décembre 2020, la société Services Entrepôts faisait savoir à la société Novaxia, après réunion de l'assemblée générale extraordinaire de ses actionnaires, que faute d'accord sur les points essentiels, elle avait décidé de ne pas poursuivre les discussions et de ne pas donner une suite favorable à sa proposition.

Par exploit du 14 janvier 2021, la société NIO a fait assigner la société Services Entrepôts devant le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins notamment de voir constater le caractère parfait de la vente, et d'ordonner, sous astreinte, la réalisation forcée de la vente.

Par conclusions d'incident du 28 avril 2021, la société Services Entrepôts a opposé une une fin de non-recevoir aux demandes de la société NIO.

Par ordonnance du 21 octobre 2021, le juge de la mise en état a dit y avoir lieu à renvoi devant la formation de jugement pour qu'elle statue à la fois sur l'irrecevabilité et le fond.

Par jugement du 4 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Services Entrepôts,

- débouté la société NIO de l'ensemble de ses demandes,

- ordonné à la société NIO de procéder à la radiation de la publication de l'assignation du 14 janvier 2021, effectuée le 28 janvier 2021 au service de la publicité foncière de [Localité 7]-[Localité 9], dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai,

- condamné la société NIO à verser à la société Services Entrepôts la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société NIO à verser à la société Services Entrepôts la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société NIO aux dépens,

- rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par acte du 11 août 2022, la société NIO a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 23 avril 2023, de :

- la juger recevable en son appel et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamnée à verser à la société Services Entrepôts la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* a rappelé que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire,

Jugeant à nouveau,

A titre principal,

- prononcer la rupture abusive des pourparlers de la société Services Entrepôts compte tenu de la proximité de la signature de la promesse unilatérale de vente, de la durée des échanges, de l'état d'avancement des pourparlers ainsi que de la complexité des négociations,

En conséquence,

- condamner la société Services Entrepôts à lui payer, compte tenu de ses agissements fautifs, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- débouter la société Services Entrepôts de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Services Entrepôts à lui payer, la somme de 6 000 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Banna Ndao, avocat aux offres de droit.

Par dernières écritures du 5 mai 2025, la société Services Entrepôts prie la cour de :

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

Sur les chefs de jugement non déférés par la société NIO,

- confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu'il a :

* débouté la société NIO de ses demandes tendant à la réalisation forcée de la vente,

* ordonné à la société NIO de procéder à la radiation de la publication de l'assignation du 14 janvier 2021, effectuée le 28 janvier 2021 au Service de la Publicité Foncière de [Localité 8], dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai,

* condamné la société NIO à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société NIO aux dépens,

Sur les chefs du jugement déférés par les conclusions d'appel de la société NIO,

- juger que son comportement fautif dans la rupture des pourparlers n'est nullement établi,

- en conséquence, confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu'il :

* débouté la société NIO de l'ensemble de ses demandes,

* condamné la société NIO à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* rappelé que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire,

En tout état de cause,

- juger qu'elle est bien fondée dans ses prétentions et y faire droit,

- débouter la société NIO de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement déféré dans son intégralité,

- condamner la société NIO à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Franck Lafon, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le périmètre de la saisine de la cour

A titre liminaire il convient de relever que les parties s'accordent sur le fait que la cour, en application des dispositions des articles 908, 910-4 et 954 du code de procédure civile, n'est pas saisie des prétentions portant sur le caractère parfait de la vente, l'injonction à procéder sous astreinte à la radiation de la publication de l'assignation ainsi que des condamnations portant sur les dépens et sur celles prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante indique ne faire appel que du rejet de sa demande de voir reconnue une rupture abusive de pourparlers de la part de la société Services Entrepôts et de sa propre condamnation à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la faute de la société Services Entrepôts dans la rupture des pourparlers :Le tribunal a, pour rejeter la demande de dommages et intérêts formulée par la société NIO 4 Immo, jugé que la mauvaise foi de la société Services Entrepôts dans le déroulement et la rupture des pourparlers n'était pas démontrée.

La société NIO 4 Immo qui poursuit l'infirmation du jugement déféré de ce chef soutient, sur le fondement des dispositions de l'article 1112-1 du code civil selon lesquelles le déroulement et la rupture des pourparlers doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi et que l'abus de la liberté de rompre les pourparlers engage la responsabilité de celui qui a pris l'initiative de la rupture que c'est déloyauté que la société Services Entrepôts a rompu les négociations. Elle assure que la société Services Entrepôts a joué un double jeu en menant des discussions parallèles avec la société Louise Michel Diderot. Elle considère que l'absence d'exclusivité dans les négociations entre les parties ne saurait tolérer une telle attitude, caractérisée par la cession de parts au bénéfice de la société Louise Michel Diderot qui aurait été réalisée concomitamment aux discussions finales qu'elle entretenait avec la société intimée. Elle cite des arrêts rendus par des juridictions de fond qui ont pu retenir que la rupture de pourparlers intervenue à un stade d'avancement, qui permettait à la société bénéficiaire de croire à l'imminence de la régularisation de la convention de partenariat, brutale et injustifiée, était abusive.

En réponse, la société Services Entrepôts, rappelle que la Cour de cassation a jugé qu'il existait un « droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels » et conclut que la société NIO 4 Immo ne pouvait pas ignorer que la conclusion de la promesse unilatérale de vente projetée n'était pas certaine. Elle soutient que les parties ne se sont pas mises d'accord pour la vente du bien immobilier de sorte que le caractère abusif de la rupture des pourparlers ne peut qu'être écarté. Enfin, elle souligne que les pourparlers ont été menés sur une période de trois semaines et en déduit que la durée des négociations n'est pas en soi de nature à démontrer leur avancement. En tout état de cause, elle objecte que la société NIO 4 Immo ne justifie pas d'un préjudice certain réparable.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1104 du code civil « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».

Selon l'article 1240 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Selon l'article 1241 du même code « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

Suivant l'article 1112 du code civil « l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré contractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d'obtenir ces avantages ».

Les pourparlers contractuels sont des entretiens préalables à la conclusion d'un contrat et constituent le cadre des négociations ou tractations préliminaires à sa conclusion. Ils doivent être menés de bonne foi par les parties à la négociation, en traduisant la réelle volonté des parties d'explorer la possibilité de conclure le contrat envisagé.

La loyauté dans la conduite des discussions précontractuelles oblige notamment les partenaires à s'informer mutuellement des éléments de la discussion, à se laisser un délai raisonnable de réflexion sur chaque point important de la négociation, à s'abstenir de formuler des propositions que l'on sait inacceptables pour l'autre partenaire, à ne pas prolonger artificiellement les pourparlers alors que la décision de les rompre ou de traiter avec autrui a été prise et à ne pas mener des négociations parallèles si les partenaires se sont engagés à mener une négociation exclusive pour une durée donnée.

Il est de jurisprudence constante que la société qui a rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu'elle entretenait avec son partenaire qui avait déjà, à sa connaissance, engagé de gros frais et qu'elle a maintenu volontairement dans une incertitude prolongée, a manqué aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales et engage ainsi sa responsabilité délictuelle (Com. 20 mars 1972, pourvoi n° 70-14.154 Bull. 1972, IV, n° 93 ; 3ème Civ. 3 octobre 1972 pourvoi n° 71- 12.993, B. III, n° 91).

La rupture fautive peut être caractérisée par l'absence de motifs ou par leur illégitimité. A l'inverse, la faute est écartée, même lorsque la rupture est tardive, lorsqu'elle repose sur des motifs légitimes (Com., 20 novembre 2007, n° 06-20.332 ; Com. 7 mars 2006, n° 04-17.177 ; 3ème Civ, 14 juin 2000, n° 98-22.131).

La rupture des pourparlers est jugée abusive chaque fois qu'une partie a été faussement entretenue par l'autre dans l'illusion de la volonté réelle de signer le contrat au terme des pourparlers et que la rupture intervient, sans motif légitime, après une longue période de négociation et juste avant la signature du contrat définitif.

Il faut donc(,) pour que le caractère abusif d'une rupture des pourparlers soit reconnue(,) que les pourparlers soient suffisamment avancés et que la rupture soit intervenue de façon brutale et unilatérale.

En l'espèce, il est constant que les parties ont entamé, le 18 novembre 2020, des négociations précontractuelles aux fins de conclusion d'un contrat de vente portant sur un ensemble immobilier à usage mixte d'entrepôts, bureaux et habitations d'une surface de 4 000m² environs situé [Adresse 3] [Localité 6].

Il n'est pas non plus contesté que la société Services Entrepôts avait consenti à la société NIO 4 Immo une exclusivité d'une semaine prenant fin le 26 novembre 2020 et que le 23 décembre 2020, elle a notifié le refus de ses actionnaires d'accepter l'offre émise le 18 novembre 2020 par la société NIO 4 Immo. Ce refus est considéré déloyal par l'appelante.

Or, comme l'a justement relevé le tribunal, ce n'est que le 14 décembre 2020 que la société Novaxia a confirmé la validation, par ses dirigeants, du principe d'acquisition du bien immobilier ("dans les termes du projet de promesse en cours"), cette approbation demeurant toutefois subordonnée à la décision d'un comité compétent pour autoriser le fonds acquéreur qui devait se réunir le 18 décembre suivant.

Le 18 décembre 2020, soit cinq jours avant le refus qu'elle a finalement opposé, la société Services Entrepôts signalait qu'elle ne disposait toujours pas d'une proposition ferme ni d'une vision claire de l'offre émise ce qui laissait un délai à l'appelante pour préciser dans une version ferme et définitive les conditions de son offre. Elle fixait un délai butoir au 18 décembre 17h00 pour que la société appelante transmettre son offre "ferme, définitive et liante avec votre promesse unilatérale de vente en version clean complète et finale" mais ne recevait après l'expiration du délai butoir encore qu'un "projet mis à jour", contenant en outre une substitution de la société Nio par la société Novaxia.

Ce projet mis à jour a fait l'objet d'un refus par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société Entrepôts Services qui n'avait, jusqu'au bout du processus, pas reçu de réponse à la question de savoir pourquoi le souhait d'une cession des parts de la société intimée n'avait pas été accepté.

Pour contester le jugement de première instance, la société NIO 4 Immo soutient que la société Services Entrepôts a été déloyale, d'une part car il n'existait, selon elle, pas de malentendu sur le nature du bien vendu et d'autre part, car la société intimée aurait joué un double jeu.

Or, la cour constate que la nature de l'opération envisagée n'était pas clairement établie, une confusion demeurant sur le point de savoir si la cession porterait sur le bien immobilier lui-même ou sur les titres de la société le détenant, l'appelante ne répondant rien à la venderesse à cet égard. Ce voeu avait été émis dès le 14 décembre 2020, dans un e-mail adressé à l'appelante dans lequel Me Maître soulignait pourtant un « point important », en indiquant qu'«après discussion ce WE sur votre proposition, la totalité des actionnaires de la société Services Entrepôts sont d'accord pour vendre 100% des actions de la société plutôt que son immeuble ».

De plus, Me Maître indiquait dans un courriel du 18 décembre 2020, qu'« à ce stade, les vendeurs n'ont pas de vision claire sur l'offre finale de Novaxia » ce qui n'a pas été contesté par cette dernière qui lui a répondu en transmettant le projet mis à jour en version dite « clean ». Lors de cet échange, une dernière chance sous forme de délai butoir avait d'ailleurs été laissée à la société Novaxia Invest qui devait transmettre son offre définitive le 18 décembre 2020 « avant 17 heures», ce qu'elle n'a manifestement pas fait puisqu'elle l'a adressée à 17h56 en mentionnant qu'elle serait substituée par la société NIO 4 Immo ce qui n'avait jamais été évoqué auparavant avec la société intimée.

De ces constatations, la cour déduit que les discussions n'ont pas progressé jusqu'à un stade avancé susceptible de faire naître chez l'appelante une légitime attente quant à la conclusion certaine du contrat comme le prétend celle-ci.

De plus, la société venderesse, qui était libre de négocier avec d'autres acheteurs et qui n'était pas tenue d'une exclusivité au-delà de la semaine qu'elle avait accordée jusqu'au 26 novembre, ne saurait se voir reprocher d'avoir vendu ses parts sociales le 24 décembre 2020 à la société Louise Michel Diderot après avoir clairement refusé le 23 décembre 2020 de contracter avec l'appelante.

Aucune obligation ne pesait sur le vendeur de réserver ses négociations à un seul interlocuteur. C'est donc vainement que la société NIO 4 Immo soutient que la société Services Entrepôts a joué un double jeu en contractant avec la société Louise Michel Diderot. En l'absence de clause d'exclusivité liant les parties pendant la phase de pourparlers et au moment de la rupture des négociations, la conclusion par le vendeur d'un contrat avec une autre société, ne saurait à elle seule, démontrer sa mauvaise foi.

Les pourparlers se sont étalés sur une durée relativement courte de trois semaines à l'issue de laquelle la nature du bien vendu était encore indéterminée une semaine avant le refus. La société Entrepôts avait conservé jusque là un droit de rupture unilatérale de ces pourparlers précontractuels non aboutis (Cass. 3e civ., 28 juin 2006 n°04-20040), la Cour de cassation précisant même que " l'exercice de ce droit n'a pas en principe à être motivé " (Cass. 1re civ., 20 déc. 2012, n° 11-27.340).

Le principe reste la liberté de ne pas contracter, et ce même en présence d'un accord de principe(Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-16.563).Aucune formalisation d'un accord de principe, ni d'éléments contractuels substantiels ne permettent de caractériser un engagement ferme ou une intention irrévocable de contracter. Par ailleurs, la rupture n'a pas été brutale, elle a été notifiée de manière claire, sans man'uvre dilatoire ni intention de nuire. Ainsi, compte tenu du caractère bref des échanges, de l'absence de comportement déloyal ou fautif de la société Services Entrepôts, des incertitudes persistantes sur la nature du bien vendu à quelques jours du refus et dans la mesure où la liberté contractuelle permet à chaque partie de se retirer des pourparlers sans avoir à justifier d'un motif, la rupture des pourparlers litigieuse ne saurait être qualifiée d'abusive.

A titre superfétatoire, le société NIO 4 Immo ne justifie ni de l'existence ni du quantum d'un préjudice en lien avec la rupture des pourparlers. Comme le souligne à juste titre la société intimée, les frais exposés dans le cadre des discussions précontractuelles seraient, en tout état de cause, restés à la charge de chaque partie. En outre, ces frais ne résultent pas directement du fait allégué, mais relèvent des dépenses inhérentes à toute négociation commerciale, conduite sans engagement contractuel définitif. Dès lors, aucun lien de causalité certain et direct entre la rupture et un quelconque dommage n'est établi, excluant toute indemnisation.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur le caractère abusif de la procédure diligentée par la société NIO 4 Immo

Le tribunal a, pour condamner la société Novaxia au paiement de la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts à la société Services Entrepôts, retenu que l'initiative de l'assignation et surtout sa publication n'avait d'autre but que de paralyser la société Services Entrepôts dans sa recherche d'acquéreur.

La société NIO 4 Immo soutient que le préjudice d'un montant de 50 000 euros au titre d'une perte de chance de s'engager avec un tiers invoqué par la société Services Entrepôts n'est pas caractérisé puisque celle-ci a procédé à une cession de parts sociales de sorte que la publication n'a, selon elle, pas pu l'empêcher de vendre son bien.

La société Services Entrepôts objecte que la publication de l'assignation au service de la publicité foncière n'avait vocation qu'à immobiliser le bien lui appartenant et sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a accordé en réparation du préjudice résultant de l'immobilisation du bien immobilier la somme de 50 000 euros

Sur ce,

En application des dispositions des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

En l'espèce, s'il est établi que la publication de l'assignation au service de la publicité foncière, diligentée par la société NIO 4 Immo, avait vocation à immobiliser le bien litigieux et constitue à ce titre un usage abusif de la procédure, encore faut-il que la société Services Entrepôts justifie d'un préjudice en résultant.

Il ressort des pièces produites que la société Services Entrepôts, qui soutenait avoir été empêchée de procéder à la vente de son actif immobilier pendant près d'un an, a finalement réalisé non pas une cession du bien lui-même mais une cession de parts sociales de la société propriétaire dudit bien avec la société Louise Michel Diderot représentée par M. [W] comme le prévoyait le procès-verbal d'assemblée générale du 24 décembre 2020, confirmé par l'extrait d'immatriculation de la société Services Entrepôts du 19 octobre 2022.

Dès lors, la publication litigieuse n'a pas eu pour effet d'empêcher la réalisation de l'opération projetée, ni de causer un dommage certain et direct.

En l'absence de démonstration d'un préjudice subi par la société Services Entrepôts, il convient d'infirmer le jugement déféré sur ce point et de rejeter la demande de dommages et intérêts formulée par la société Services Entrepôts.

Sur les autres demandes

La cour n'est pas saisie des condamnations portant sur les frais et dépens prononcées en première instance.

Compte tenu du sens de l'arrêt rendu, la société NIO 4 Immo sera condamnée à verser la somme de 5 000 euros à la société Services Entrepôts au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la charge des dépens d'appel avec recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur une rupture abusive des pourparlers formée par la société Services Entrepôts,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société NIO 4 Immo au paiement de la somme de 50 000 euros à la société Services Entrepôts en réparation du préjudice résultant des conséquences dommageables de la publication de l'assignation au service de la publicité foncière,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société NIO 4 Immo aux entiers dépens d'appel avec recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société NIO 4 Immo au paiement de la somme de 5 000 euros à la société Services Entreprises au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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