CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 6 novembre 2025, n° 24/01821
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 NOVEMBRE 2025
N°2025/456
Rôle N° RG 24/01821 N° Portalis DBVB-V-B7I-BMSEU
[V] [U]
C/
[R] [W]
[L] [D] veuve [W]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Nino PARRAVICINI
Me Frédéric DE BAETS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de [Localité 12] en date du 15 Janvier 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 22/04419.
APPELANT
Monsieur [V] [U]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 13]
représenté et plaidant par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
INTIMÉES
Madame [R] [W]
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 7]
Madame [L] [D] veuve [W]
née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 1]
Tous deux représentés et assistés par Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président, et Mme Pascale BOYER, Conseiller.
Mme Pascale BOYER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Mme Pascale BOYER, Conseiller
Greffier lors des débats : M. Nicolas FAVARD
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par arrêt du 3 octobre 2013, la cour d'appel d'Aix en Provence a condamné Monsieur [W] à payer à Monsieur [U] diverses sommes, s'élevant à un total de 89.392 euros, en réparation des préjudices subis du fait des procédures initiées par le premier cité aux fins d'empêcher la construction sur les parcelles voisines de la sienne.
Elle a aussi condamné Monsieur [W] aux dépens et à verser à Monsieur [U] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
Le 28 février 2014, Monsieur [U] a fait inscrire par le Service de la Publicité Foncière de [Localité 12] une hypothèque judiciaire sur l'immeuble appartenant à Monsieur [W], situé à [Localité 9], afin de garantir une créance de 95.196,31 euros. Cette sûreté a été publiée le 17 mars 2014.
[X] [W] est décédé le [Date décès 6] 2019.
L'arrêt du 3 octobre 2013 a été signifié le'18 janvier 2022 à [L] [S], sa veuve, et à [A] [W], sa fille, et le 3 février 2022 à [R] [W], sa fille. Les trois actes ont fait l'objet d'un dépôt à l'étude.
Le 19 septembre 2022, Monsieur [U] a fait pratiquer une saisie-attribution sur les sommes détenues par le notaire pour le compte des héritiers de [X] [W] afin d'avoir paiement des sommes fixées par l'arrêt de 2013. Le notaire a répondu que le compte de la succession était débiteur et qu'il ne détenait aucun fonds pour le compte des héritières.
Cette mesure a été dénoncée à [L] [S] veuve [W] le 3 octobre 2022 par dépôt à l'étude.
Le 13 octobre 2022, Monsieur [U] a fait pratiquer des saisies-attributions sur les comptes bancaires de [L] [S] veuve [W] et de [R] [W].
Ces mesures ont permis de rendre indisponibles les sommes de 60.569,42 euros et 25'.596,50 euros.
Elles ont été dénoncées respectivement le 20 octobre 2022 et le [Date décès 5] 2022.
[L] [S] veuve [W] et [R] [W] ont contesté ces saisies devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice par assignation du 3 novembre 2022.
Par jugement du 15 janvier 2024, ce magistrat a':
- Rejeté la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [U] ;
- Déclaré irrecevables les demandes de caducité de la saisie-attribution entre les mains du notaire
- Déclaré nulles la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel sur les comptes de Madame [L] [S] le 13 octobre 2022 et dénoncée le 20 octobre 2022 et la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel et Boursorama sur les comptes de Madame [R] [W] le 13 octobre 2022 et dénoncée le [Date décès 5] 2022 ;
- Ordonné la mainlevée de ces mesures ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Monsieur [U], domicilié en Italie, a interjeté appel de cette décision par déclaration du 13 février 2024 sur tous les chefs du jugement.
Le 27 février 2024, les parties ont été avisées de l'orientation de l'affaire devant la chambre 1-9 de la cour et la fixation de l'affaire à plaider à l'audience du 23 octobre 2024 selon la procédure à bref délai.
Le 6 mars 2024, l'appelant a fait signifier aux intimées sa déclaration d'appel, une copie du jugement attaqué, l'avis de fixation ainsi que ses conclusions.
Cet acte a été délivré par dépôt à l'étude à Madame [S].
Les intimées ont constitué avocat le 25 mars 2024 et ont conclu le 5 avril 2024.
Le 12 novembre 2024, le président de la chambre a':
- rejeté les demandes des intimées de prononcer la caducité de l'appel pour absence de notification des conclusions à leur conseil et pour absence de communication des pièces
- rejeté la demande de l'appelant au titre des frais irrépétibles de procédure
- condamné les intimées aux dépens.
Le 17 décembre 2024, les parties constituées ont été avisées du report de la date de plaidoiries à l'audience du 24 septembre 2025.
Par ses dernières conclusions, l'appelant demande à la cour de :
* Concernant la saisie-attribution entre les mains du notaire':
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des consorts [W] [S].
* Concernant les saisies attributions entre les mains des banques':
- Infirmer le jugement dont appel
- Juger que la vente du bien immobilier du 14 décembre 2022 vaut option successorale et qu'en vertu de l'article 776 «l'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.», à savoir au jour du décès de Monsieur [X] [Z] [W] le [Date décès 6] 2019.
- Juger que le patrimoine du défunt intègre celui de l'héritier dès l'ouverture de la succession pour ne faire qu'un et que les saisies réalisées le 13 octobre 2022 sont parfaitement valables.
- Juger la saisie valable, le titre exécutoire obtenu à l'endroit de Monsieur [T] [W] le 3 octobre 2013 étant applicable aux héritiers depuis le décès en vertu de l'acceptation de la succession et de la signification de l'arrêt du 3 octobre 2013 à Madame [L] [S] et Madame [R] [W] le 18 janvier et 3 février 2022.
Sur les points qui n'ont pas été jugés':
- Juger que les saisies comportent des décomptes précis et que l'erreur sur le montant du décompte figurant au procès-verbal de saisie-attribution n'est pas une cause de nullité de la saisie, et peut seulement donner lieu, à la demande d'une partie, au cantonnement de la saisie au montant réellement dû.
- Juger que Monsieur [U] a fait réaliser un nouveau décompte parfaitement clair pour la somme provisoirement établie de 167.512,33 euros.
- Juger que le décompte de Maître [E] produit par les demanderesses est totalement faux en ce qu'il applique une prescription de trois ans des intérêts totalement injustifiée.
- Juger que, par la combinaison des articles 2224 et 776 du code civil, la prescription n'a donc pas couru entre le [Date décès 6] 2019 (date du décès de Monsieur [X] [Z] [W]) et la date d'exercice de l'option successorale tacite ou explicite.
- Juger qu'en l'état de l'acte notarié produit par les consorts [W] (pièce adverses 18) il apparaît que, le 14 décembre 2022, les héritiers ont opté et que l'option successorale a un effet rétroactif au « [Date décès 5] 2019 », date du décès de Monsieur [X] [Z] [W].
- En conséquence, Débouter Madame [L] [S] veuve [W] et de Madame [R] [W] de leurs demandes fins et conclusions tenant à l'application de la prescription des intérêts.
- Débouter Madame [L] [S] veuve [W] et de Madame [R] [W] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions plus amples.
- Condamner Madame [L] [S] Veuve [W] et de Madame [R] [W] au titre des frais irrépétibles à payer à Monsieur [V] [U] une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle qu'il s'est heurté à l'inertie du notaire chargé de la succession de [X] [W] et qu'il n'a obtenu l'acte de notoriété du 24 septembre 2020 qu'à la fin de l'année 2021 après avoir saisi le juge des référés contre le notaire.
Il soutient que les intimées ont multiplié, depuis le décès de leur mari et père, les actes manifestant leur volonté d'accepter tacitement sa succession avant d'exercer l'option lors de la vente du bien immobilier le 14 décembre 2022. Il date cette acceptation a minima du 21 octobre 2021, soit la date de la prorogation au permis de construire, accordée avec le concours manifeste des héritiers en raison de la nécessité d'un mandat valable du propriétaire du terrain à construire.
Il précise qu'elles ont décalé leur acceptation expresse de la succession jusqu'à la vente afin de différer le paiement des droits de succession et rappelle qu'elles ont caché la vente pendant la procédure de première instance.
Il affirme que le patrimoine du défunt intègre celui de l'héritier dès l'ouverture de la succession pour ne faire qu'un et que la rétroactivité de l'acceptation a donc nécessairement un effet sur le patrimoine personnel du débiteur.
Il soutient que l'arrêt de condamnation a été signifié à feu [X] [W] le 6 janvier 2014.
Concernant la saisie entre les mains du notaire, il soutient que les intimées n'ont pas d'intérêt à la contester car elle était infructueuse, ayant porté sur un compte débiteur.
Il indique que, le 9 janvier 2023, les intimées par l'intermédiaire de leur conseil, se sont reconnues a minima débitrices, pour le compte de leur père, de la somme de 121.976,84 euros et qu'elles ont exercé sur lui un chantage procédural pour le pousser à adhérer à une solution inacceptable pour percevoir une partie des sommes qui lui sont dues.
Concernant les saisies sur les comptes en banque, il soutient qu'elles sont valables en l'état de l'acceptation tacite puis expresse de la succession et de l'effet rétroactif de cette acceptation depuis le décès.
Il ajoute que l'absence de décompte de la somme due est un vice de forme qui n'entraîne pas la nullité de la saisie mais seulement un cantonnement éventuel.
Il produit un décompte corrigeant les erreurs commises par le commissaire de justice dont il ressort que les intimées doivent une somme de 167.512,33 euros.
Il ajoute que les intérêts ont couru au taux légal puis au taux légal majoré à compter du 6 janvier 2014 jusqu'au décès. Il précise que le délai de prescription des intérêts n'a pas couru entre le décès et la date de l'acceptation tacite ou expresse de la succession par les héritières, date à laquelle il a eu connaissance de l'identité des héritiers de son débiteur. Il indique que les sommes saisies d'environ 82.000 euros sont insuffisantes pour le remplir de ses droits.
Il expose qu'il a fait pratiquer les saisies avant la vente car il n'avait pas de justification des sommes détenues par le notaire et que ce dernier ne l'avait pas informé de la date prévue pour la signature de cet acte. Il en déduit que les frais de saisies sont dus par les débitrices.
Par leurs conclusions au fond, les intimées demandent à la cour de :
- Recevoir [V] [U] en son appel,
- Le Juger mal fondé,
En conséquence,
- Débouter [V] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Recevoir [L] [W] et [R] [W] en leur appel incident,
- Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il :
« - Déclaré irrecevables les demandes au titre de la saisie-attribution entre les mains du notaire»,
« - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile »,
« - Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ».
Statuant à nouveau :
* Sur la saisie-attribution entre les mains du notaire':
- Juger caduque la saisie-attribution effectuée entre les mains de la SAS [J] et Associés, notaire à [Localité 8], le 19 septembre 2022.
- Ordonner la mainlevée de cette saisie
- Juger que l'ensemble des frais imputés au débiteur au titre de cette saisie-attribution doit être déduit de la créance de [V] [U] au titre desquels notamment, le droit proportionnel, le coût de l'acte et les actes à prévoir.
* Sur les frais irrépétibles':
- Condamner [V] [U] à payer à [L] [W] et [R] [W] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner [V] [U] aux entiers dépens.
Elles soutiennent qu'elles ont intérêt à obtenir la caducité de la saisie entre les mains du notaire afin de ne pas supporter les frais de cette mesure. Elles font valoir l'absence de dénonce de la saisie dans les huit jours suivant l'acte de saisie. Elles indiquent qu'il y a lieu de déduire de la créance de Monsieur [U], au titre des frais inutiles, la somme totale de 1.306,76 euros.
Elles soutiennent que Monsieur [U] ne détenait pas, à la date des saisies, de titre exécutoire à leur encontre à titre personnel. Elles ajoutent qu'il ne les a pas sommées d'opter dans le cadre de la succession, de sorte qu'il ne pouvait exercer de poursuite sur leur patrimoine personnel.
Elles répliquent que la signification aux héritiers potentiels ne permet pas au créancier de poursuivre ces derniers sur leur patrimoine personnel avant qu'ils aient exercé l'option ouverte par la loi.
Elles contestent le montant réclamé. Elles indiquent que le principal de la condamnation prononcée par l'arrêt au titre des frais d'architecte est de 24.392 euros et non 34.392 euros comme mentionné dans les actes de saisie.
Elles ajoutent qu'il est réclamé des frais de la SCP Bonneau [P] pour 1.153,84 euros et de la SAS Mechadier Ribeiro pour 194.08 euros, sans justificatif.
Elles contestent le montant des intérêts de 73.337,52 euros, calculés à compter du 3 octobre 2013 sans tenir compte de la prescription quinquennale. Elles invoquent un montant du 27.584,84 euros. Elles précisent, en outre, que les intérêts sont calculés sur un principal erroné.
Elles contestent la date de départ de la majoration des intérêts au 16 mars 2014, en raison de l'absence de justification de la signification de l'arrêt.
Elles indiquent qu'après la vente du bien, le notaire instrumentaire, Maître [J] a versé au commissaire de justice mandaté par Monsieur [U], les 28 avril et 15 mai 2023, une somme totale de 135.702,03 euros. Elles ajoutent que, par l'effet des saisies, il a perçu aussi la somme de 86.165,92 euros, le 13 octobre 2022, soit un total de 221.867,87 euros.
Elles affirment que ce total correspond à la somme totale due en principal, intérêts et frais y compris les frais d'exécution.
Elles indiquent qu'en l'état des paiements, le litige porte uniquement sur les frais d'exécution inutiles qui ne doivent pas rester à leur charge.
Elles considèrent que les saisies étaient inutiles car le notaire chargé de la succession avait informé le créancier qu'un compromis de vente immobilière avait été signé par le défunt qui avait rempli les conditions lui incombant, de sorte que la vente de l'immeuble hypothéqué était imminente.
Elles soutiennent qu'elles sont en droit, compte tenu des mesures d'exécution inutiles et des décomptes erronés, d'obtenir l'indemnisation des frais de procédure exposés en première instance et en appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le'26 août 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur la question de la contestation de la saisie-attribution entre les mains du notaire
* Sur la question de la recevabilité de cette contestation
L'article 31 code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention »
L'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice.
Les frais de cette saisie ont été intégrés au montant de la créance dans le décompte figurant dans les actes de saisie-attributions pratiquées sur les comptes des appelantes qui ont été fructueuses.
Elles disposent donc d'un intérêt à contester la validité de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du notaire Maître [G] le 19 septembre 2022, afin de ne pas supporter les frais y afférents.
La décision de première instance sera donc réformée de ce chef. Statuant à nouveau, les intimées seront déclarées recevables à contester la validité de cette saisie.
* Sur le fond de la contestation
Il est constant que cette saisie n'a pas été dénoncée dans les huit jours aux débiteurs saisis.
L'article R 211-3 prévoit cette formalité à peine de caducité. Ajoutant au jugement de première instance, il convient de déclarer caduque la saisie du 19 septembre 2022 et de juger que les frais de cette mesure de 116,19 euros resteront à la charge de Monsieur [U].
Sur les demandes de l'appelant au titre de la validation des saisies entre les mains des banques
* L'absence du droit de recourir à des mesures d'exécution contre les intimées
L'article L211-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose : «Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail».
L'article 877 du code civil dispose que «Le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite.»
Aux termes de l'article 724 du même code «les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.». Il en résulte qu'ils peuvent jouir des biens faisant partie de l'actif de la succession et exercer toute action en justice en lieu et place du défunt.
Toutefois, l'article 771 prévoit que': «L'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.
A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.»
Il est alors tenu de prendre parti dans un délai de deux mois à compter de la sommation qui lui est faite et à défaut d'avoir pris parti à l'expiration de ce délai et du délai supplémentaire qui a pu lui être accordé par un juge, il est réputé acceptant pure et simple.
Par ailleurs, l'article 776 du même code dispose que : «L'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.»
En l'absence de sommation à cette fin, l'article 773 prévoit que «l'héritier conserve la faculté d'opter, s'il n'a pas fait par ailleurs acte d'héritier et s'il n'est pas tenu pour héritier acceptant pur et simple en application des articles 778, 790 ou 800.»
En effet, selon les dispositions de l'article 782 du code civil, l'acceptation pure et simple peut être tacite lorsque l'héritier accomplit un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait le droit de faire qu'en cette qualité. Le fait de disposer des biens du défunt suppose nécessairement la volonté des successibles d'accepter la succession de manière définitive purement et simplement.
L'article 785 du même code, en son alinéa 1, dispose que 'L'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes qui en dépendent'.
En l'espèce, les intimées ont accepté purement et simplement la succession en signant l'acte authentique de vente de parcelles ayant appartenu à leur mari et père situées à [Localité 9] par acte du 14 décembre 2022. Par cet acte de disposition, elles ont reconnu que les droits de feu [X] [W] leur avaient été définitivement transférés par l'effet de son décès. En outre, l'acte de vente contient, en page 23, une clause selon laquelle les ayants-droits acceptent la succession après avertissement du notaire sur les conséquences de cette acceptation.
Il résulte des textes rappelés que, si les successibles sont saisis de plein droit dès le décès et peuvent être poursuivis par des créanciers qui revendiquent des droits sur les biens héréditaires, ils ne sont tenus indéfiniment des dettes de la succession sur leurs biens personnels qu'à compter de la date à laquelle ils acceptent purement et simplement la succession.
La rétroactivité prévue par l'article 776 du code civil dont se prévaut l'appelant permet de valider les actes et actions entreprises par le ou les héritiers saisis après le décès et avant l'exercice de l'option, afin d'assurer sans discontinuité la transmission des droits entre le défunt et l'héritier.
Cependant, ils ne sont tenus des dettes du défunt sur leur patrimoine personnel qu'à compter de la date de l'acceptation pure et simple de la succession. En conséquence, le créancier du défunt ne peut valablement exercer de mesure d'exécution sur les biens personnels des héritiers avant que ceux-ci aient exercé l'option ouverte par l'article 771 du code civil.
C'est ce qu'a jugé à juste titre le juge de l'exécution de [Localité 12] dont il convient de confirmer la décision de ce chef.
Dans la mesure où les saisies n'ont pas été validées, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes présentées par les consorts [W] concernant les erreurs concernant le montant de la créance sur lesquelles le juge de première instance n'a pas statué.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'appelant a visé, dans les chefs du jugement critiqués, sa condamnation à supporter une partie des dépens. Les intimées ont formé appel incident sur le rejet de leur demande au titre des frais irrépétibles de procédure et sur leur condamnation aux dépens.
Monsieur [U] ayant succombé intégralement en première instance en raison de la réformation prononcée, il sera condamné aux entiers dépens.
En revanche, il n'était pas inéquitable en première instance de laisser aux consorts [W] la charge des frais irrépétibles de procédure non compris dans les dépens qu'ils avaient exposés. Il convient donc de confirmer la décision ayant rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles de procédure des parties.
Les dépens d'appel seront mis à la charge exclusive de Monsieur [U] qui succombe.
Il sera condamné aussi à payer à Madame [S] et à [R] [W] ensemble la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il est inéquitable de laisser à leur charge au stade de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Réforme le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation élevée par les consorts [W] à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du notaire le 19 septembre 2022';
Statuant à nouveau,
Déclare recevable la demande de caducité de cette saisie émanant de Madame [L] [S] et Madame [R] [W]';
Déclare caduque la saisie-attribution pratiquée le 19 septembre 2022 entre les mains du notaire chargé de la succession';
Confirme le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré nulles les saisie-attribution pratiquées sur les comptes bancaires de Madame [L] [S] et de Madame [R] [W] le 13 octobre 2022 dénoncées les 19 et 20 octobre 2022, ordonné la mainlevée de ces saisies et dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles de procédure';
Réforme le jugement en ce qu'il a dit que chaque partie supportera les dépens exposés';
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [V] [U] aux dépens de première instance';
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires concernant les erreurs contenues dans le décompte des sommes dues';
Condamne Monsieur [V] [U] aux dépens d'appel';
Rejette la demande de Monsieur [U] au titre des frais irrépétibles de procédure';
Condamne Monsieur [V] [U] à verser à Madame [L] [S] veuve [W] et Madame [R] [W] ensemble la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure';
Rejette la demande de Monsieur [U] à ce titre.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 06 NOVEMBRE 2025
N°2025/456
Rôle N° RG 24/01821 N° Portalis DBVB-V-B7I-BMSEU
[V] [U]
C/
[R] [W]
[L] [D] veuve [W]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Nino PARRAVICINI
Me Frédéric DE BAETS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de [Localité 12] en date du 15 Janvier 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 22/04419.
APPELANT
Monsieur [V] [U]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 13]
représenté et plaidant par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
INTIMÉES
Madame [R] [W]
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 7]
Madame [L] [D] veuve [W]
née le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 1]
Tous deux représentés et assistés par Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président, et Mme Pascale BOYER, Conseiller.
Mme Pascale BOYER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Mme Pascale BOYER, Conseiller
Greffier lors des débats : M. Nicolas FAVARD
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par arrêt du 3 octobre 2013, la cour d'appel d'Aix en Provence a condamné Monsieur [W] à payer à Monsieur [U] diverses sommes, s'élevant à un total de 89.392 euros, en réparation des préjudices subis du fait des procédures initiées par le premier cité aux fins d'empêcher la construction sur les parcelles voisines de la sienne.
Elle a aussi condamné Monsieur [W] aux dépens et à verser à Monsieur [U] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
Le 28 février 2014, Monsieur [U] a fait inscrire par le Service de la Publicité Foncière de [Localité 12] une hypothèque judiciaire sur l'immeuble appartenant à Monsieur [W], situé à [Localité 9], afin de garantir une créance de 95.196,31 euros. Cette sûreté a été publiée le 17 mars 2014.
[X] [W] est décédé le [Date décès 6] 2019.
L'arrêt du 3 octobre 2013 a été signifié le'18 janvier 2022 à [L] [S], sa veuve, et à [A] [W], sa fille, et le 3 février 2022 à [R] [W], sa fille. Les trois actes ont fait l'objet d'un dépôt à l'étude.
Le 19 septembre 2022, Monsieur [U] a fait pratiquer une saisie-attribution sur les sommes détenues par le notaire pour le compte des héritiers de [X] [W] afin d'avoir paiement des sommes fixées par l'arrêt de 2013. Le notaire a répondu que le compte de la succession était débiteur et qu'il ne détenait aucun fonds pour le compte des héritières.
Cette mesure a été dénoncée à [L] [S] veuve [W] le 3 octobre 2022 par dépôt à l'étude.
Le 13 octobre 2022, Monsieur [U] a fait pratiquer des saisies-attributions sur les comptes bancaires de [L] [S] veuve [W] et de [R] [W].
Ces mesures ont permis de rendre indisponibles les sommes de 60.569,42 euros et 25'.596,50 euros.
Elles ont été dénoncées respectivement le 20 octobre 2022 et le [Date décès 5] 2022.
[L] [S] veuve [W] et [R] [W] ont contesté ces saisies devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice par assignation du 3 novembre 2022.
Par jugement du 15 janvier 2024, ce magistrat a':
- Rejeté la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [U] ;
- Déclaré irrecevables les demandes de caducité de la saisie-attribution entre les mains du notaire
- Déclaré nulles la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel sur les comptes de Madame [L] [S] le 13 octobre 2022 et dénoncée le 20 octobre 2022 et la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel et Boursorama sur les comptes de Madame [R] [W] le 13 octobre 2022 et dénoncée le [Date décès 5] 2022 ;
- Ordonné la mainlevée de ces mesures ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Monsieur [U], domicilié en Italie, a interjeté appel de cette décision par déclaration du 13 février 2024 sur tous les chefs du jugement.
Le 27 février 2024, les parties ont été avisées de l'orientation de l'affaire devant la chambre 1-9 de la cour et la fixation de l'affaire à plaider à l'audience du 23 octobre 2024 selon la procédure à bref délai.
Le 6 mars 2024, l'appelant a fait signifier aux intimées sa déclaration d'appel, une copie du jugement attaqué, l'avis de fixation ainsi que ses conclusions.
Cet acte a été délivré par dépôt à l'étude à Madame [S].
Les intimées ont constitué avocat le 25 mars 2024 et ont conclu le 5 avril 2024.
Le 12 novembre 2024, le président de la chambre a':
- rejeté les demandes des intimées de prononcer la caducité de l'appel pour absence de notification des conclusions à leur conseil et pour absence de communication des pièces
- rejeté la demande de l'appelant au titre des frais irrépétibles de procédure
- condamné les intimées aux dépens.
Le 17 décembre 2024, les parties constituées ont été avisées du report de la date de plaidoiries à l'audience du 24 septembre 2025.
Par ses dernières conclusions, l'appelant demande à la cour de :
* Concernant la saisie-attribution entre les mains du notaire':
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des consorts [W] [S].
* Concernant les saisies attributions entre les mains des banques':
- Infirmer le jugement dont appel
- Juger que la vente du bien immobilier du 14 décembre 2022 vaut option successorale et qu'en vertu de l'article 776 «l'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.», à savoir au jour du décès de Monsieur [X] [Z] [W] le [Date décès 6] 2019.
- Juger que le patrimoine du défunt intègre celui de l'héritier dès l'ouverture de la succession pour ne faire qu'un et que les saisies réalisées le 13 octobre 2022 sont parfaitement valables.
- Juger la saisie valable, le titre exécutoire obtenu à l'endroit de Monsieur [T] [W] le 3 octobre 2013 étant applicable aux héritiers depuis le décès en vertu de l'acceptation de la succession et de la signification de l'arrêt du 3 octobre 2013 à Madame [L] [S] et Madame [R] [W] le 18 janvier et 3 février 2022.
Sur les points qui n'ont pas été jugés':
- Juger que les saisies comportent des décomptes précis et que l'erreur sur le montant du décompte figurant au procès-verbal de saisie-attribution n'est pas une cause de nullité de la saisie, et peut seulement donner lieu, à la demande d'une partie, au cantonnement de la saisie au montant réellement dû.
- Juger que Monsieur [U] a fait réaliser un nouveau décompte parfaitement clair pour la somme provisoirement établie de 167.512,33 euros.
- Juger que le décompte de Maître [E] produit par les demanderesses est totalement faux en ce qu'il applique une prescription de trois ans des intérêts totalement injustifiée.
- Juger que, par la combinaison des articles 2224 et 776 du code civil, la prescription n'a donc pas couru entre le [Date décès 6] 2019 (date du décès de Monsieur [X] [Z] [W]) et la date d'exercice de l'option successorale tacite ou explicite.
- Juger qu'en l'état de l'acte notarié produit par les consorts [W] (pièce adverses 18) il apparaît que, le 14 décembre 2022, les héritiers ont opté et que l'option successorale a un effet rétroactif au « [Date décès 5] 2019 », date du décès de Monsieur [X] [Z] [W].
- En conséquence, Débouter Madame [L] [S] veuve [W] et de Madame [R] [W] de leurs demandes fins et conclusions tenant à l'application de la prescription des intérêts.
- Débouter Madame [L] [S] veuve [W] et de Madame [R] [W] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions plus amples.
- Condamner Madame [L] [S] Veuve [W] et de Madame [R] [W] au titre des frais irrépétibles à payer à Monsieur [V] [U] une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle qu'il s'est heurté à l'inertie du notaire chargé de la succession de [X] [W] et qu'il n'a obtenu l'acte de notoriété du 24 septembre 2020 qu'à la fin de l'année 2021 après avoir saisi le juge des référés contre le notaire.
Il soutient que les intimées ont multiplié, depuis le décès de leur mari et père, les actes manifestant leur volonté d'accepter tacitement sa succession avant d'exercer l'option lors de la vente du bien immobilier le 14 décembre 2022. Il date cette acceptation a minima du 21 octobre 2021, soit la date de la prorogation au permis de construire, accordée avec le concours manifeste des héritiers en raison de la nécessité d'un mandat valable du propriétaire du terrain à construire.
Il précise qu'elles ont décalé leur acceptation expresse de la succession jusqu'à la vente afin de différer le paiement des droits de succession et rappelle qu'elles ont caché la vente pendant la procédure de première instance.
Il affirme que le patrimoine du défunt intègre celui de l'héritier dès l'ouverture de la succession pour ne faire qu'un et que la rétroactivité de l'acceptation a donc nécessairement un effet sur le patrimoine personnel du débiteur.
Il soutient que l'arrêt de condamnation a été signifié à feu [X] [W] le 6 janvier 2014.
Concernant la saisie entre les mains du notaire, il soutient que les intimées n'ont pas d'intérêt à la contester car elle était infructueuse, ayant porté sur un compte débiteur.
Il indique que, le 9 janvier 2023, les intimées par l'intermédiaire de leur conseil, se sont reconnues a minima débitrices, pour le compte de leur père, de la somme de 121.976,84 euros et qu'elles ont exercé sur lui un chantage procédural pour le pousser à adhérer à une solution inacceptable pour percevoir une partie des sommes qui lui sont dues.
Concernant les saisies sur les comptes en banque, il soutient qu'elles sont valables en l'état de l'acceptation tacite puis expresse de la succession et de l'effet rétroactif de cette acceptation depuis le décès.
Il ajoute que l'absence de décompte de la somme due est un vice de forme qui n'entraîne pas la nullité de la saisie mais seulement un cantonnement éventuel.
Il produit un décompte corrigeant les erreurs commises par le commissaire de justice dont il ressort que les intimées doivent une somme de 167.512,33 euros.
Il ajoute que les intérêts ont couru au taux légal puis au taux légal majoré à compter du 6 janvier 2014 jusqu'au décès. Il précise que le délai de prescription des intérêts n'a pas couru entre le décès et la date de l'acceptation tacite ou expresse de la succession par les héritières, date à laquelle il a eu connaissance de l'identité des héritiers de son débiteur. Il indique que les sommes saisies d'environ 82.000 euros sont insuffisantes pour le remplir de ses droits.
Il expose qu'il a fait pratiquer les saisies avant la vente car il n'avait pas de justification des sommes détenues par le notaire et que ce dernier ne l'avait pas informé de la date prévue pour la signature de cet acte. Il en déduit que les frais de saisies sont dus par les débitrices.
Par leurs conclusions au fond, les intimées demandent à la cour de :
- Recevoir [V] [U] en son appel,
- Le Juger mal fondé,
En conséquence,
- Débouter [V] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Recevoir [L] [W] et [R] [W] en leur appel incident,
- Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il :
« - Déclaré irrecevables les demandes au titre de la saisie-attribution entre les mains du notaire»,
« - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile »,
« - Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ».
Statuant à nouveau :
* Sur la saisie-attribution entre les mains du notaire':
- Juger caduque la saisie-attribution effectuée entre les mains de la SAS [J] et Associés, notaire à [Localité 8], le 19 septembre 2022.
- Ordonner la mainlevée de cette saisie
- Juger que l'ensemble des frais imputés au débiteur au titre de cette saisie-attribution doit être déduit de la créance de [V] [U] au titre desquels notamment, le droit proportionnel, le coût de l'acte et les actes à prévoir.
* Sur les frais irrépétibles':
- Condamner [V] [U] à payer à [L] [W] et [R] [W] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner [V] [U] aux entiers dépens.
Elles soutiennent qu'elles ont intérêt à obtenir la caducité de la saisie entre les mains du notaire afin de ne pas supporter les frais de cette mesure. Elles font valoir l'absence de dénonce de la saisie dans les huit jours suivant l'acte de saisie. Elles indiquent qu'il y a lieu de déduire de la créance de Monsieur [U], au titre des frais inutiles, la somme totale de 1.306,76 euros.
Elles soutiennent que Monsieur [U] ne détenait pas, à la date des saisies, de titre exécutoire à leur encontre à titre personnel. Elles ajoutent qu'il ne les a pas sommées d'opter dans le cadre de la succession, de sorte qu'il ne pouvait exercer de poursuite sur leur patrimoine personnel.
Elles répliquent que la signification aux héritiers potentiels ne permet pas au créancier de poursuivre ces derniers sur leur patrimoine personnel avant qu'ils aient exercé l'option ouverte par la loi.
Elles contestent le montant réclamé. Elles indiquent que le principal de la condamnation prononcée par l'arrêt au titre des frais d'architecte est de 24.392 euros et non 34.392 euros comme mentionné dans les actes de saisie.
Elles ajoutent qu'il est réclamé des frais de la SCP Bonneau [P] pour 1.153,84 euros et de la SAS Mechadier Ribeiro pour 194.08 euros, sans justificatif.
Elles contestent le montant des intérêts de 73.337,52 euros, calculés à compter du 3 octobre 2013 sans tenir compte de la prescription quinquennale. Elles invoquent un montant du 27.584,84 euros. Elles précisent, en outre, que les intérêts sont calculés sur un principal erroné.
Elles contestent la date de départ de la majoration des intérêts au 16 mars 2014, en raison de l'absence de justification de la signification de l'arrêt.
Elles indiquent qu'après la vente du bien, le notaire instrumentaire, Maître [J] a versé au commissaire de justice mandaté par Monsieur [U], les 28 avril et 15 mai 2023, une somme totale de 135.702,03 euros. Elles ajoutent que, par l'effet des saisies, il a perçu aussi la somme de 86.165,92 euros, le 13 octobre 2022, soit un total de 221.867,87 euros.
Elles affirment que ce total correspond à la somme totale due en principal, intérêts et frais y compris les frais d'exécution.
Elles indiquent qu'en l'état des paiements, le litige porte uniquement sur les frais d'exécution inutiles qui ne doivent pas rester à leur charge.
Elles considèrent que les saisies étaient inutiles car le notaire chargé de la succession avait informé le créancier qu'un compromis de vente immobilière avait été signé par le défunt qui avait rempli les conditions lui incombant, de sorte que la vente de l'immeuble hypothéqué était imminente.
Elles soutiennent qu'elles sont en droit, compte tenu des mesures d'exécution inutiles et des décomptes erronés, d'obtenir l'indemnisation des frais de procédure exposés en première instance et en appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le'26 août 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur la question de la contestation de la saisie-attribution entre les mains du notaire
* Sur la question de la recevabilité de cette contestation
L'article 31 code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention »
L'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande en justice.
Les frais de cette saisie ont été intégrés au montant de la créance dans le décompte figurant dans les actes de saisie-attributions pratiquées sur les comptes des appelantes qui ont été fructueuses.
Elles disposent donc d'un intérêt à contester la validité de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du notaire Maître [G] le 19 septembre 2022, afin de ne pas supporter les frais y afférents.
La décision de première instance sera donc réformée de ce chef. Statuant à nouveau, les intimées seront déclarées recevables à contester la validité de cette saisie.
* Sur le fond de la contestation
Il est constant que cette saisie n'a pas été dénoncée dans les huit jours aux débiteurs saisis.
L'article R 211-3 prévoit cette formalité à peine de caducité. Ajoutant au jugement de première instance, il convient de déclarer caduque la saisie du 19 septembre 2022 et de juger que les frais de cette mesure de 116,19 euros resteront à la charge de Monsieur [U].
Sur les demandes de l'appelant au titre de la validation des saisies entre les mains des banques
* L'absence du droit de recourir à des mesures d'exécution contre les intimées
L'article L211-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose : «Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail».
L'article 877 du code civil dispose que «Le titre exécutoire contre le défunt l'est aussi contre l'héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite.»
Aux termes de l'article 724 du même code «les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.». Il en résulte qu'ils peuvent jouir des biens faisant partie de l'actif de la succession et exercer toute action en justice en lieu et place du défunt.
Toutefois, l'article 771 prévoit que': «L'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.
A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.»
Il est alors tenu de prendre parti dans un délai de deux mois à compter de la sommation qui lui est faite et à défaut d'avoir pris parti à l'expiration de ce délai et du délai supplémentaire qui a pu lui être accordé par un juge, il est réputé acceptant pure et simple.
Par ailleurs, l'article 776 du même code dispose que : «L'option exercée a un effet rétroactif au jour de l'ouverture de la succession.»
En l'absence de sommation à cette fin, l'article 773 prévoit que «l'héritier conserve la faculté d'opter, s'il n'a pas fait par ailleurs acte d'héritier et s'il n'est pas tenu pour héritier acceptant pur et simple en application des articles 778, 790 ou 800.»
En effet, selon les dispositions de l'article 782 du code civil, l'acceptation pure et simple peut être tacite lorsque l'héritier accomplit un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait le droit de faire qu'en cette qualité. Le fait de disposer des biens du défunt suppose nécessairement la volonté des successibles d'accepter la succession de manière définitive purement et simplement.
L'article 785 du même code, en son alinéa 1, dispose que 'L'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes qui en dépendent'.
En l'espèce, les intimées ont accepté purement et simplement la succession en signant l'acte authentique de vente de parcelles ayant appartenu à leur mari et père situées à [Localité 9] par acte du 14 décembre 2022. Par cet acte de disposition, elles ont reconnu que les droits de feu [X] [W] leur avaient été définitivement transférés par l'effet de son décès. En outre, l'acte de vente contient, en page 23, une clause selon laquelle les ayants-droits acceptent la succession après avertissement du notaire sur les conséquences de cette acceptation.
Il résulte des textes rappelés que, si les successibles sont saisis de plein droit dès le décès et peuvent être poursuivis par des créanciers qui revendiquent des droits sur les biens héréditaires, ils ne sont tenus indéfiniment des dettes de la succession sur leurs biens personnels qu'à compter de la date à laquelle ils acceptent purement et simplement la succession.
La rétroactivité prévue par l'article 776 du code civil dont se prévaut l'appelant permet de valider les actes et actions entreprises par le ou les héritiers saisis après le décès et avant l'exercice de l'option, afin d'assurer sans discontinuité la transmission des droits entre le défunt et l'héritier.
Cependant, ils ne sont tenus des dettes du défunt sur leur patrimoine personnel qu'à compter de la date de l'acceptation pure et simple de la succession. En conséquence, le créancier du défunt ne peut valablement exercer de mesure d'exécution sur les biens personnels des héritiers avant que ceux-ci aient exercé l'option ouverte par l'article 771 du code civil.
C'est ce qu'a jugé à juste titre le juge de l'exécution de [Localité 12] dont il convient de confirmer la décision de ce chef.
Dans la mesure où les saisies n'ont pas été validées, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes présentées par les consorts [W] concernant les erreurs concernant le montant de la créance sur lesquelles le juge de première instance n'a pas statué.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'appelant a visé, dans les chefs du jugement critiqués, sa condamnation à supporter une partie des dépens. Les intimées ont formé appel incident sur le rejet de leur demande au titre des frais irrépétibles de procédure et sur leur condamnation aux dépens.
Monsieur [U] ayant succombé intégralement en première instance en raison de la réformation prononcée, il sera condamné aux entiers dépens.
En revanche, il n'était pas inéquitable en première instance de laisser aux consorts [W] la charge des frais irrépétibles de procédure non compris dans les dépens qu'ils avaient exposés. Il convient donc de confirmer la décision ayant rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles de procédure des parties.
Les dépens d'appel seront mis à la charge exclusive de Monsieur [U] qui succombe.
Il sera condamné aussi à payer à Madame [S] et à [R] [W] ensemble la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il est inéquitable de laisser à leur charge au stade de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Réforme le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation élevée par les consorts [W] à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du notaire le 19 septembre 2022';
Statuant à nouveau,
Déclare recevable la demande de caducité de cette saisie émanant de Madame [L] [S] et Madame [R] [W]';
Déclare caduque la saisie-attribution pratiquée le 19 septembre 2022 entre les mains du notaire chargé de la succession';
Confirme le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré nulles les saisie-attribution pratiquées sur les comptes bancaires de Madame [L] [S] et de Madame [R] [W] le 13 octobre 2022 dénoncées les 19 et 20 octobre 2022, ordonné la mainlevée de ces saisies et dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles de procédure';
Réforme le jugement en ce qu'il a dit que chaque partie supportera les dépens exposés';
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [V] [U] aux dépens de première instance';
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires concernant les erreurs contenues dans le décompte des sommes dues';
Condamne Monsieur [V] [U] aux dépens d'appel';
Rejette la demande de Monsieur [U] au titre des frais irrépétibles de procédure';
Condamne Monsieur [V] [U] à verser à Madame [L] [S] veuve [W] et Madame [R] [W] ensemble la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure';
Rejette la demande de Monsieur [U] à ce titre.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE