CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 6 novembre 2025, n° 20/08602
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 06 NOVEMBRE 2025
N°2025/ 171
RG 20/08602
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGH7B
S.C.P. [H] [N] & LAGEAT
C/
[T] [O]
AGS - CGEA DE [Localité 5] - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST
Copie exécutoire délivrée
le 6 Novembre 2025 à :
- Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 01 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01914.
APPELANTE
S.C.P. [H] [N] & LAGEAT, prise en la personne de Me [N], Liquidateur judiciaire de la Société AD-RB-CONCEPT, anciennement dénommée RENOV BAT, demeurant [Adresse 2]
Défaillante
INTIMES
Monsieur [T] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
AGS - CGEA DE [Localité 5] - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [Adresse 4]
Défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, et Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre, chargés du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre
Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
ARRÊT
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
Signé par Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Renov Bat a embauché selon contrat unique d'insertion à effet du 1er mars 2017, M. [T] [O] en qualité de poseur de meubles et peintre.
Le contrat est régi par la convention collective du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés.
Par lettre recommandée du 17 juillet 2017, le salarié était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 juillet suivant, puis licencié par lettre recommandée du 2 août 2017 pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [O] a saisi par requête du 20 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille.
Selon jugement du 1 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« DIT ET JUGE :
- le licenciement de Monsieur [O] [T] est sans cause réelle et sérieuse
Condamne la Sté RENOV BAT à payer à Monsieur [T] [O], les sommes ci-après :
* 2 504 Euros au titre du rappel de la mise à pied conservatoire du mois de Juillet 2017 et du salaire du mois d'Août 2017 ;
* 740 Euros au titre de l'indemnité de préavis selon les conventions collectives du BTP soit 14 jours ;
* 74 Euros au titre des congés payés afférents ;
* 8 880 Euros au titre de six mois de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse effectué avant le 23 Septembre 2017 (ordonnances Macron) ;
* l 000 Euros au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.
Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s`élève à la somme de 1480 Euros.
Déboute Monsieur [O] [T] du surplus de ses demandes.
Déboute la Sarl RENOV BAT de ses demandes reconventionnelles.
Condamné le défendeur, la Sarl RENOV BAT aux entiers dépens».
Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du7 septembre 2020.
Par conclusions transmises au greffe par voie électronique le 18 mars 2021, la société appelante a sollicité l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 14 octobre 2024, la société Renov Bat immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 812 093 870, devenue AD-RB Concept, par décision de l'associé unique de la société du 15 mars 2022, a été placée en liquidation judiciaire et M. [H] [N], mandataire, désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 28 mars 2025, M. [O] demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement sur les dispositions relatives à la rupture du contrat en ce que les premiers juges ont reconnu le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse et accordé le paiement de diverses sommes ainsi qu'un article 700 du CPC.
INFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté Monsieur [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour défaut de formation et mauvaise condition d'exécution du contrat.
En conséquence,
FIXER au passif de la société AD-RB CONCEPT, anciennement dénommée RENOV BAT, les sommes suivantes :
- 2504 euros bruts au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied et 250 euros bruts au titre des congés payés afférents
- 1480 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 148 euros bruts au titre des congés afférents
- 14 800 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour défaut de formation et exécution déloyale du contrat compte tenu des mauvaises conditions de travail
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC » .
M. [H] [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société assigné en intervention forcée par acte d'huissier du 21 mars 2025 remis à personne, n'a pas constitué avocat.
L'UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 5] assignée par acte d'huissier du 21 mars 2025 remis en l'étude, n'est pas représentée.
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, la cour constate que la société appelante a été placée en liquidation judiciaire, et que la procédure d'appel a été régulièrement poursuivie avec la mise en cause des organes de la procédure.
Le liquidateur judiciaire n'a pas constitué et ne soutient aucune prétention dans la présente instance sur la fixation de la créance du salarié intimé, mais la société appelante dispose d'un droit propre pour faire valoir des moyens de s'opposer aux demandes adverses, auxquelles la cour ne fait droit que si elle les juge fondées.
Sur le licenciement
Sur la notification
Le salarié soutient au visa de l'article L. 1332-2 du code du travail, que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la date d'envoi de la lettre de licenciement, portant celle du 2 août 2017 mais dont il est impossible de déterminer avec certitude la date à laquelle cette lettre a été postée, ajoutant que l'avis de réception comporte une signature qui n'est pas la sienne (pièce n°16).
Il fait valoir que la lettre de licenciement a été envoyée plus d'un mois après la date de l'entretien préalable ainsi qu'en atteste la date du 1er septembre 2017 portée sur tous les documents de rupture et le solde de tout compte remis en main propre au salarié le 4 octobre suivant et que l'employeur a continué à délivrer des bulletins de salaire en août et septembre.
L'employeur soutenait que la notification du 3 août 2017, soit 6 jours après l'entretien préalable du 27 juillet 2017 intervenait dans les délais de l'article L.1332-2 du code du travail, nonobstant les circonstances de la date et des modalités de la réception de la lettre, et de la remise des documents de fin de contrat.
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture, et non à la date de présentation de la lettre recommandée.
En l'espèce il résulte de l'avis de réception versé au débat que la lettre recommandée a été envoyée le 3 août 2017 selon le cachet de la poste et seule la date de réception est illisible.
Les modalités de la réception n'incombent pas à l'employeur qui a régulièrement notifié le licenciement dans le délai d'un mois à l'adresse exacte du destinataire.
La date de remise des documents de fin de contrat et la mention que le contrat de travail a pris fin le 1er septembre 2017 est sans incidence sur la validité de la notification du licenciement.
Cette date doit être considérée seulement comme la date à laquelle le salarié a eu connaissance du licenciement faisant courir alors le délai de préavis.
Par conséquent, ce moyen qui a été retenu par le conseil des prud'hommes pour considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse n'est pas fondé.
Sur le bien-fondé
En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des griefs qu'il invoque pour justifier son licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 2 août 2017 pour caractériser une faute grave de M. [O] mentionne les griefs suivants :
« (') Le 9 juillet 2017, alors que vous étiez en train d'intervenir sur un chantier à [Localité 6] chez Monsieur [N] [M], [Adresse 3], vous vous êtes permis de proférer une insulte à l'égard de ce dernier lors d'une conversation téléphonique avec une tierce personne ; Je vous ai entendu prononcer ces propos vulgaires: 'l'enculé'.
Cette insulte à l'encontre de Monsieur [N] [M] a été proféré en public, en présence de vos collègues de travail et de moi-même, qui avons été extrêmement choqués par ces propos inadmissibles.
Après cet incident, Monsieur [N] [M] m'a demandé de ne plus vous faire intervenir sur le chantier qui est en cours au sein de son domicile.
Le 7 juillet 2017, alors que vous interveniez sur le chantier de chez Monsieur [N] [M] à [Adresse 3], vous avez tenu une conversation téléphonique qui a duré plusieurs dizaines de minutes, et ce, durant vos horaires de travail et pendant que vos collègues travaillaient sur le chantier. L'un de vos collègues de travail, Monsieur [W] [Z], vous a demandé d'arrêter votre conversation et de vous remettre au travail.
Vous lui avez répondu de manière agressive et avez continué à mener votre conversation téléphonique. Enfin, le 11 juillet 2017, vous vous êtes présenté à mon bureau accompagné de votre compagne, et m'avez réclamé 2 ans de salaires ou 10000 euros, en contrepartie d'un départ « paisible » de l'entreprise. Vous, ainsi que votre compagne avez fait preuve d'un comportement menaçant et agressif lors de cet échange qui n'était ni plus ni moins qu'une tentative de chantage de votre part.
Votre comportement intolérable est nuisible à l'image, au bon fonctionnement de notre entreprise et met en cause la bonne marche du service (') ».
Le salarié considère que le grief du 9 juillet 2017 n'est pas établi et repose sur des attestations d'amis et de la famille du gérant.
Il relève que M. [N] ne dit pas qu'il a été insulté lui-même et que les attestations sont contradictoires sur la situation alors que ce jour là est un dimanche.
Il souligne que les autres faits ne sont étayés par aucun élément.
La cour juge que l'employeur défaillant en appel n'est pas en mesure de justifier des griefs qu'il invoque au titre d'une faute grave, et par conséquent la décision doit être confirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur la fixation de la créance du salarié
Sur la demande au titre de l'exécution de contrat
Le salarié avait été embauché selon un contrat unique d'insertion en qualité de poseur de meubles et de peintre et soutient qu'aucune formation ne lui a été dispensée et qu' aucun tuteur n'a été désigné, alors qu'il a été affecté de surcroît à des travaux de maçonnerie .
La société faisait valoir que le salarié effectuait dernièrement des travaux de peinture sur le chantier de M. [N] et recevait une formation dans le cadre de son contrat d'insertion.
Le salarié ne justifie pas au travers les seules pièces versées au débat d'une exécution déloyale du contrat de travail.
Néanmoins s'agissant de l'obligation de formation qui pèse sur l'employeur dans le cadre de ce contrat aidé, et celui-ci étant défaillant en appel pour justifier du dispositif qu'il aurait mis en oeuvre, la cour par infirmation de la décision déférée juge que le manquement de l'employeur est par conséquent établi, et fixe l'indemnisation de ce chef à 800 euros.
Sur les demandes de rappel de salaire
Les sommes réclamées au titre du rappel de salaire sur mise à pied du mois de juillet et du mois d'août 2017, sont justifiées au regard du présent arrêt et du salaire versé jusqu'au 11 juillet 2017, le jugement sera confirmé sur la fixation de cette créance.
Sur l'indemnité de préavis
Le salaire moyen de M. [O], qui a été fixé au montant de 1 480 euros conformément aux dispositions du contrat n'est pas contesté.
Le salarié qui avait moins de 6 mois d'ancienneté au sein de la société à la date du licenciement peut prétendre en application de l'article 10.1 de la convention collective, à une durée de préavis de 2 semaines.
Dès lors, l'indemnisation sera ainsi ramenée à 690 euros .
Sur les dommages et intérêts au titre de la rupture
L'employeur soutient que la somme allouée par le conseil de prud'hommes est excessive pour un salarié qui avait 5 mois d'ancienneté à la date du licenciement et qui ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice.
Les dispositions de l'article L.1235-5 ancien du code du travail sont applicables au licenciement prononcé le 2 août 2017 puisque le salarié avait moins de 2 années d'ancienneté.
M. [O] ne justifie pas de sa situation sociale et professionnelle à la suite de la rupture du contrat de travail. Au regard des circonstances de ce licenciement et de l'ancienneté du salarié l'indemnisation à ce titre sera ramenée à la somme de 2 000 euros.
Sur la garantie de l'AGS
La créance bénéficie de la garantie légale de l'AGS dans les conditions prévues aux dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail sur l'établissement d'un relevé des créances par le mandataire judiciaire.
Sur les frais et dépens
Il n'apparaît pas équitable de fixer une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société liquidée supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré, SAUF en ce qu'il a débouté le salarié de la demande de dommages et intérêts au titre du défaut de formation et dans les montants fixés au titre de l'indemnisation du licenciement;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
Fixe la créance de M. [T] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Renov Bat devenue AD-RB Concept, représentée par M. [H] [N] es qualités de liquidateur, aux sommes suivantes :
- 800 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,
- 2 504 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire sur la période de juillet et août 2017 ,
- 250 euros au titre des congés payés afférents,
- 690 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 69 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
Rappelle que l'UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 5] devra garantir, par application des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, le paiement de la totalité des sommes fixées dans la limite du plafond applicable aux faits de la cause prévu aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles pour procéder au paiement;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société liquidée, représentée par M. [H] [N] es qualités, aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 06 NOVEMBRE 2025
N°2025/ 171
RG 20/08602
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGH7B
S.C.P. [H] [N] & LAGEAT
C/
[T] [O]
AGS - CGEA DE [Localité 5] - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST
Copie exécutoire délivrée
le 6 Novembre 2025 à :
- Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 01 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01914.
APPELANTE
S.C.P. [H] [N] & LAGEAT, prise en la personne de Me [N], Liquidateur judiciaire de la Société AD-RB-CONCEPT, anciennement dénommée RENOV BAT, demeurant [Adresse 2]
Défaillante
INTIMES
Monsieur [T] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
AGS - CGEA DE [Localité 5] - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [Adresse 4]
Défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, et Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre, chargés du rapport.
Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre
Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
ARRÊT
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.
Signé par Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * * * *
FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Renov Bat a embauché selon contrat unique d'insertion à effet du 1er mars 2017, M. [T] [O] en qualité de poseur de meubles et peintre.
Le contrat est régi par la convention collective du bâtiment des entreprises de moins de 10 salariés.
Par lettre recommandée du 17 juillet 2017, le salarié était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 juillet suivant, puis licencié par lettre recommandée du 2 août 2017 pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [O] a saisi par requête du 20 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille.
Selon jugement du 1 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« DIT ET JUGE :
- le licenciement de Monsieur [O] [T] est sans cause réelle et sérieuse
Condamne la Sté RENOV BAT à payer à Monsieur [T] [O], les sommes ci-après :
* 2 504 Euros au titre du rappel de la mise à pied conservatoire du mois de Juillet 2017 et du salaire du mois d'Août 2017 ;
* 740 Euros au titre de l'indemnité de préavis selon les conventions collectives du BTP soit 14 jours ;
* 74 Euros au titre des congés payés afférents ;
* 8 880 Euros au titre de six mois de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse effectué avant le 23 Septembre 2017 (ordonnances Macron) ;
* l 000 Euros au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.
Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s`élève à la somme de 1480 Euros.
Déboute Monsieur [O] [T] du surplus de ses demandes.
Déboute la Sarl RENOV BAT de ses demandes reconventionnelles.
Condamné le défendeur, la Sarl RENOV BAT aux entiers dépens».
Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du7 septembre 2020.
Par conclusions transmises au greffe par voie électronique le 18 mars 2021, la société appelante a sollicité l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 14 octobre 2024, la société Renov Bat immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 812 093 870, devenue AD-RB Concept, par décision de l'associé unique de la société du 15 mars 2022, a été placée en liquidation judiciaire et M. [H] [N], mandataire, désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 28 mars 2025, M. [O] demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement sur les dispositions relatives à la rupture du contrat en ce que les premiers juges ont reconnu le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse et accordé le paiement de diverses sommes ainsi qu'un article 700 du CPC.
INFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté Monsieur [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour défaut de formation et mauvaise condition d'exécution du contrat.
En conséquence,
FIXER au passif de la société AD-RB CONCEPT, anciennement dénommée RENOV BAT, les sommes suivantes :
- 2504 euros bruts au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied et 250 euros bruts au titre des congés payés afférents
- 1480 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 148 euros bruts au titre des congés afférents
- 14 800 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour défaut de formation et exécution déloyale du contrat compte tenu des mauvaises conditions de travail
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC » .
M. [H] [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société assigné en intervention forcée par acte d'huissier du 21 mars 2025 remis à personne, n'a pas constitué avocat.
L'UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 5] assignée par acte d'huissier du 21 mars 2025 remis en l'étude, n'est pas représentée.
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L'ARRÊT
A titre liminaire, la cour constate que la société appelante a été placée en liquidation judiciaire, et que la procédure d'appel a été régulièrement poursuivie avec la mise en cause des organes de la procédure.
Le liquidateur judiciaire n'a pas constitué et ne soutient aucune prétention dans la présente instance sur la fixation de la créance du salarié intimé, mais la société appelante dispose d'un droit propre pour faire valoir des moyens de s'opposer aux demandes adverses, auxquelles la cour ne fait droit que si elle les juge fondées.
Sur le licenciement
Sur la notification
Le salarié soutient au visa de l'article L. 1332-2 du code du travail, que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la date d'envoi de la lettre de licenciement, portant celle du 2 août 2017 mais dont il est impossible de déterminer avec certitude la date à laquelle cette lettre a été postée, ajoutant que l'avis de réception comporte une signature qui n'est pas la sienne (pièce n°16).
Il fait valoir que la lettre de licenciement a été envoyée plus d'un mois après la date de l'entretien préalable ainsi qu'en atteste la date du 1er septembre 2017 portée sur tous les documents de rupture et le solde de tout compte remis en main propre au salarié le 4 octobre suivant et que l'employeur a continué à délivrer des bulletins de salaire en août et septembre.
L'employeur soutenait que la notification du 3 août 2017, soit 6 jours après l'entretien préalable du 27 juillet 2017 intervenait dans les délais de l'article L.1332-2 du code du travail, nonobstant les circonstances de la date et des modalités de la réception de la lettre, et de la remise des documents de fin de contrat.
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture, et non à la date de présentation de la lettre recommandée.
En l'espèce il résulte de l'avis de réception versé au débat que la lettre recommandée a été envoyée le 3 août 2017 selon le cachet de la poste et seule la date de réception est illisible.
Les modalités de la réception n'incombent pas à l'employeur qui a régulièrement notifié le licenciement dans le délai d'un mois à l'adresse exacte du destinataire.
La date de remise des documents de fin de contrat et la mention que le contrat de travail a pris fin le 1er septembre 2017 est sans incidence sur la validité de la notification du licenciement.
Cette date doit être considérée seulement comme la date à laquelle le salarié a eu connaissance du licenciement faisant courir alors le délai de préavis.
Par conséquent, ce moyen qui a été retenu par le conseil des prud'hommes pour considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse n'est pas fondé.
Sur le bien-fondé
En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des griefs qu'il invoque pour justifier son licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 2 août 2017 pour caractériser une faute grave de M. [O] mentionne les griefs suivants :
« (') Le 9 juillet 2017, alors que vous étiez en train d'intervenir sur un chantier à [Localité 6] chez Monsieur [N] [M], [Adresse 3], vous vous êtes permis de proférer une insulte à l'égard de ce dernier lors d'une conversation téléphonique avec une tierce personne ; Je vous ai entendu prononcer ces propos vulgaires: 'l'enculé'.
Cette insulte à l'encontre de Monsieur [N] [M] a été proféré en public, en présence de vos collègues de travail et de moi-même, qui avons été extrêmement choqués par ces propos inadmissibles.
Après cet incident, Monsieur [N] [M] m'a demandé de ne plus vous faire intervenir sur le chantier qui est en cours au sein de son domicile.
Le 7 juillet 2017, alors que vous interveniez sur le chantier de chez Monsieur [N] [M] à [Adresse 3], vous avez tenu une conversation téléphonique qui a duré plusieurs dizaines de minutes, et ce, durant vos horaires de travail et pendant que vos collègues travaillaient sur le chantier. L'un de vos collègues de travail, Monsieur [W] [Z], vous a demandé d'arrêter votre conversation et de vous remettre au travail.
Vous lui avez répondu de manière agressive et avez continué à mener votre conversation téléphonique. Enfin, le 11 juillet 2017, vous vous êtes présenté à mon bureau accompagné de votre compagne, et m'avez réclamé 2 ans de salaires ou 10000 euros, en contrepartie d'un départ « paisible » de l'entreprise. Vous, ainsi que votre compagne avez fait preuve d'un comportement menaçant et agressif lors de cet échange qui n'était ni plus ni moins qu'une tentative de chantage de votre part.
Votre comportement intolérable est nuisible à l'image, au bon fonctionnement de notre entreprise et met en cause la bonne marche du service (') ».
Le salarié considère que le grief du 9 juillet 2017 n'est pas établi et repose sur des attestations d'amis et de la famille du gérant.
Il relève que M. [N] ne dit pas qu'il a été insulté lui-même et que les attestations sont contradictoires sur la situation alors que ce jour là est un dimanche.
Il souligne que les autres faits ne sont étayés par aucun élément.
La cour juge que l'employeur défaillant en appel n'est pas en mesure de justifier des griefs qu'il invoque au titre d'une faute grave, et par conséquent la décision doit être confirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur la fixation de la créance du salarié
Sur la demande au titre de l'exécution de contrat
Le salarié avait été embauché selon un contrat unique d'insertion en qualité de poseur de meubles et de peintre et soutient qu'aucune formation ne lui a été dispensée et qu' aucun tuteur n'a été désigné, alors qu'il a été affecté de surcroît à des travaux de maçonnerie .
La société faisait valoir que le salarié effectuait dernièrement des travaux de peinture sur le chantier de M. [N] et recevait une formation dans le cadre de son contrat d'insertion.
Le salarié ne justifie pas au travers les seules pièces versées au débat d'une exécution déloyale du contrat de travail.
Néanmoins s'agissant de l'obligation de formation qui pèse sur l'employeur dans le cadre de ce contrat aidé, et celui-ci étant défaillant en appel pour justifier du dispositif qu'il aurait mis en oeuvre, la cour par infirmation de la décision déférée juge que le manquement de l'employeur est par conséquent établi, et fixe l'indemnisation de ce chef à 800 euros.
Sur les demandes de rappel de salaire
Les sommes réclamées au titre du rappel de salaire sur mise à pied du mois de juillet et du mois d'août 2017, sont justifiées au regard du présent arrêt et du salaire versé jusqu'au 11 juillet 2017, le jugement sera confirmé sur la fixation de cette créance.
Sur l'indemnité de préavis
Le salaire moyen de M. [O], qui a été fixé au montant de 1 480 euros conformément aux dispositions du contrat n'est pas contesté.
Le salarié qui avait moins de 6 mois d'ancienneté au sein de la société à la date du licenciement peut prétendre en application de l'article 10.1 de la convention collective, à une durée de préavis de 2 semaines.
Dès lors, l'indemnisation sera ainsi ramenée à 690 euros .
Sur les dommages et intérêts au titre de la rupture
L'employeur soutient que la somme allouée par le conseil de prud'hommes est excessive pour un salarié qui avait 5 mois d'ancienneté à la date du licenciement et qui ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice.
Les dispositions de l'article L.1235-5 ancien du code du travail sont applicables au licenciement prononcé le 2 août 2017 puisque le salarié avait moins de 2 années d'ancienneté.
M. [O] ne justifie pas de sa situation sociale et professionnelle à la suite de la rupture du contrat de travail. Au regard des circonstances de ce licenciement et de l'ancienneté du salarié l'indemnisation à ce titre sera ramenée à la somme de 2 000 euros.
Sur la garantie de l'AGS
La créance bénéficie de la garantie légale de l'AGS dans les conditions prévues aux dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail sur l'établissement d'un relevé des créances par le mandataire judiciaire.
Sur les frais et dépens
Il n'apparaît pas équitable de fixer une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société liquidée supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré, SAUF en ce qu'il a débouté le salarié de la demande de dommages et intérêts au titre du défaut de formation et dans les montants fixés au titre de l'indemnisation du licenciement;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
Fixe la créance de M. [T] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Renov Bat devenue AD-RB Concept, représentée par M. [H] [N] es qualités de liquidateur, aux sommes suivantes :
- 800 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,
- 2 504 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire sur la période de juillet et août 2017 ,
- 250 euros au titre des congés payés afférents,
- 690 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 69 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
Rappelle que l'UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 5] devra garantir, par application des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, le paiement de la totalité des sommes fixées dans la limite du plafond applicable aux faits de la cause prévu aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles pour procéder au paiement;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société liquidée, représentée par M. [H] [N] es qualités, aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT