CA Montpellier, 4e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 24/03284
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Locam (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
M. Bruey, Mme Franco
Avocats :
Me Beral, Me Fournier, Me Kouyoumdjian, Me Sanchez
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS :
1. Le 17 septembre 2015, Mme [Y] [N] a souscrit un contrat de licence d'exploitation de site internet auprès de la société Cometik, moyennant le versement d'une mensualité de 240€ TTC pour une durée de 48 mois.
2. La société Cometik a cédé le contrat à la société Locam pour la somme de 6 634,72 €.
3. Le 17 mars 2017, la société Locam a mis en demeure en vain Mme [N] de régulariser quatre loyers impayés l'informant qu'à défaut, la déchéance du terme serait prononcée.
4. C'est dans ce contexte que, par acte du 27 septembre 2019, la société Locam a fait assigner en paiement Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Montpellier.
5. Par jugement du 28 mai 2024, le tribunal judiciaire de Montpellier a :
- Dit que Mme [N] devra payer à la société Locam la somme de 8 640 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017 en exécution du contrat ;
- Dit que la société Locam devra payer à Mme [N] la somme de 8 640 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017 à titre de dommages et intérêts ;
- Ordonné la compensation entre les dettes et créances réciproques des parties ;
- Débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;
- Débouté la société Locam de sa demande de dommages et intérêts;
- Condamné la société Locam à payer à Mme [N] la somme de 1 000 € en application de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
- Rappelé l'exécution provisoire ;
- Condamné la société Locam aux entiers dépens.
6. La société Locam a relevé appel de ce jugement le 24 juin 2024.
7. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 20 août 2025, la société Locam demande en substance à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en qu'il a fait droit à la demande en paiement de la société Locam pour défaut de paiement des loyers en vertu de la clause résolutoire figurant à l'article 16 du contrat ;
- Condamner Mme [N] aux loyers dus jusqu'au terme du contrat soit la somme de 8 640 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit du 17 mars 2017,
- Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du Code civil,
- Pour le reste infirmer le jugement,
- Juger inapplicables les dispositions de l'article L.442-6 du Code de commerce, la société Locam n'étant pas le partenaire de Mme [N] et qu'il n'existe aucune disproportionnalité au sein du contrat,
- En conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Locam à payer à Mme [N] la somme de 8 640 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017 à titre de dommages et intérêts et la compensation entre les dettes et créances réciproques des parties,
- Condamner Mme [N] à verser une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Mme [N] aux dépens.
8. Par uniques conclusions remises par voie électronique le 30 octobre 2024, Mme [N] demande en substance à la cour, au visa des articles L442-6 du code de commerce, 1240 et 1347 et suivant du code civil, de :
- Débouter la société Locam de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Confirmer le jugement du 28 mai 2024,
- Condamner la société Locam à payer à Mme [N] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
9. Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 août 2025.
10. Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
11. Le jugement déféré n'est expressément critiqué qu'en ce qu'il a fait droit à la demande indemnitaire formée à titre reconventionnel par Mme [N] sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce au motif que les dispositions contractuelles ont révélé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties comme ne prévoyant une faculté de résiliation qu'au seul bénéfice de la société Locam.
12. L'article L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable au litige antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : [...] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
13. Il est de jurisprudence acquise que ces dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence ne s'appliquent pas aux activités de location financière lesquelles sont régies par le code monétaire et financier (Com., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-10.512; Com., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782, Cass. com., 18-10-2023, n° 21-15.378 ).
14. Le premier juge a considéré que cette jurisprudence était inapplicable au cas d'espèce après avoir qualifié le convention objet du litige non pas de location financière mais de contrat de licence d'explotation de sites internet.
15. Les documents versés aux débats font apparaître un ensemble contractuel aux termes duquel :
- dans un premier temps, la société Cometik (fournisseur) met à disposition de Mme [N] (cliente et future locataire) un bien mobilier constitué par un site internet moyennant le versement de 240 mensualités de 240 euros. Ce premier contrat dispose en son article 1 que ' le client reconnaît au fournisseur la possibilité de céder les droits résultants du présent contrat au profit du cessionnaire et il accepte dès aujourd'hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire.' Le contrat qualifie par ailleurs en son article 9 les échéances mensuelles fixées aux conditions particulières de 'loyers'pour le paiement desquels le client signe un mandat de prélèvement SEPA 'par lequel il autorise le cessionnaire à prélever les loyers'.
- dans un second temps, le contrat est cédé à la société Locam établissement financier, laquelle se substitue à la société Cometik dans l'encaissement des loyers conformément aux dispositions du précédent contrat.
16. Ce type d'opération par laquelle le client, initialement seul en relation contractuelle avec le fournisseur, est ensuite mis par ce dernier en relation, en application des dispositions contractuelles, avec une société de financement en cédant à celle-ci la propriété du bien concerné, constitue un contrat de location financière auquel doit être appliquée la jurisprudence pré-citée.
17. Il en résulte que le jugement devra être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande indemnitaire de Mme [N] sur le fondement de dispositions inapplicables au contrat objet du litige et a, par suite, ordonné la compensation entre les dettes et créances réciproques entre les parties et sera confirmé pour le surplus de ses dispositions non contestées.
18. Partie succombante, Mme [N] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Locam à payer à Mme [N] la somme de 8640 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2017 à titre de dommages et intérêts, ordonné par suite la compensation entre les créances et dettes réciproques entre les parties, condamné la SAS Locam aux dépens et au paiement de sommes au titre des frais irrépétibles.
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute Mme [N] de sa demande indemnitaire,
Condamne Mme [N] aux dépens de première instance,
Déboute Mme [N] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne Mme [N] aux dépens d'appel,
Déboute la SAS Locam de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.