Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 6 novembre 2025, n° 21/18125

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/18125

6 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 06 NOVEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/18125 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BISVV

S.A. BPCE LEASE (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE NATIXIS LEASE)

C/

S.A.R.L. AXANCO

Copie exécutoire délivrée

le : 6 Novembre 2025

à :

Me Pierre GASSEND

Me Philippe BRUZZO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020008380.

APPELANTE

S.A. BPCE LEASE (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE NATIXIS LEASE)

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre GASSEND de la SELARL C.L.G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Lili RAVAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A.R.L. AXANCO

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS SELAS BRUZZO DUBUCQ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Raphaël ESCONDEUR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par sous seing privé du 11 février 2017, la société Natixis Lease (ultérieurement renommée BPCE Lease) a consenti à la société Maria un contrat de crédit-bail mobilier portant sur un véhicule Peugeot 308, immatriculé EK 617 BN, dans un état neuf, d'une valeur totale de 20.244 euros TTC.

La société BPCE Lease a procédé au règlement du prix entre les mains du fournisseur (la société GGP), à hauteur de 20 244 euros.

Le 20 février 2017, la voiture Peugeot était livrée à la société Maria.

Le 13 mars 2017, le contrat de crédit-bail était publié au greffe du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

Le 15 mars 2018, la société crédit-preneuse vendait, à l'insu de la crédit-bailleresse et sans l'autorisation de cette dernière, la voiture crédit-baillée à la société Axanco pour la somme de 17.453,68 €.

Le même jour, la société Axanco revendait la même voiture à un tiers, M. [W] [C], pour un prix de 14 500 euros.

Par jugement en date du 20 février 2020, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Maria, Maître [N] [R] ayant été nommé en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier en date du 6 mars 2020, la société BPCE Lease, crédit-bailleresse, a sollicité, auprès de Me [R], la restitution du matériel lui appartenant, au visa des dispositions de l'article L 624-10 du code de commerce.

Par courrier en réponse du 19 mars 2020, Me [R] l'informait qu'il n'entendait pas poursuivre les contrats conclus par la société Maria et que, de plus, l'ancien dirigeant de cette dernière lui avait indiqué avoir procédé à la vente de tous les véhicules.

Par acte d'huissier de justice signifié le 13 octobre 2021, la société BPCE Lease a fait assigner la société Axanco devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en indemnisation à hauteur de la valeur du véhicule revendu.

Par jugement en date du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence se prononçait en ces termes:

- déboute la société BPCE Lease de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamne la société BPCE Lease à payer à la société Axanco la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société BPCE Lease aux [Localité 3] dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 63,36 euros TTC dont TVA 10,56 euros.

La société BPCE Lease a formé un appel le 22 décembre 2021 en intimant la société Axanco.

Sa déclaration d=appel est ainsi rédigée : Par application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel tend à la réformation du jugement déféré à la cour en ce qu'il a :

- débouté la société BPCE Lease l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société BPCE Lease à payer à la société Axanco la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BPCE Lease aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 63,36€ TTC dont VA 10,56€. Et en ce que le jugement déféré à la Cour n'a pas fait droit aux demandes de la société BPCE Lease tendant à :

- condamner la société Axanco à payer à la société BPCE Lease (anciennement dénommée Natixis Lease) la somme de 17.453,68 euros,

- débouter la société Axanco de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Axanco à payer à la société BPCE Lease (anciennement dénommée Natixis Lease) la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2020,

- ordonner la capitalisation des intérêts

- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit de la décision à

Intervenir,

- condamner la société Axanco aux entiers dépens.

L'instruction de la procédure a été clôturée par prononcée le 2 septembre 2025.

Conclusions des parties

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, la société BPCE Lease demande à la cour de :

vu l'article 1240 du code civil, les articles R313-4 et suivants du code monétaire et financier,

réformer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société BPCE Lease de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société BPCE Lease à payer à la société Axanco la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BPCE Lease aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidée à la somme de 63,36 € TTC dont TVA 10,56 €

et statuant à nouveau :

- condamner la société Axanco à payer à la société BPCE Lease (anciennement dénommée Natixis Lease) la somme de 17.453,68 €, outre intérêts au taux légal à compter du 1 er septembre 2020,

- débouter la société Axanco de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Axanco à payer à la société BPCE Lease (anciennement dénommée Natixis Lease) la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts

- condamner la société Axanco aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2022, la société Axanco demande à la cour de:

vu les dispositions des articles R.313-3, R.313-6 et R.313-10 du code monétaire et financier, les dispositions des articles 1240, 1984 et 2276 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société BPCE Lease de l'intégralité de ses demandes,fins et conclusions,

- condamné la Société BPCE Lease aux entiers dépens.

l'infirmer pour le surplus,

en conséquence, statuant à nouveau,

- débouter la Société BPCE Lease de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société BPCE Lease à verser à la Société Axanco la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance,

- condamner la société BPCE Lease aux entiers dépens de première instance,

y ajoutant,

- condamner ma société BPCE Lease à verser à la société Axanco la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés à hauteur de cour,

- condamner la société BPCE Lease aux entiers dépens d'appel

MOTIFS

1-Sur la demande de la crédit-bailleresse appelante de dommages-intérêts en lien avec la vente de son bien

Vu l'article 1240 du code civil,

L'appelante sollicite la condamnation de l'intimée à lui régler une somme de 17.453,67 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant à la valeur de la voiture vendue par la société Maria.

La société BPCE Lease affirme qu'elle est l'unique propriétaire de la voiture crédit-baillée et que la société Axanco n'avait pas le droit de l'acheter auprès la société Maria, avant de le revendre, pour son propre compte, alors qu'il était évident que la société Maria n'était que la crédit-preneuse et qu'elle n'avait donc pas la qualité de légitime propriétaire de la voiture.

La crédit-bailleresse ajoute qu'il appartenait à la société Axanco' a minima, de consulter la liste des contrats publiés du greffe du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

La société BPCE Lease affirme enfin souffrir, en lien avec cette faute, d'un préjudice non déjà réparé, soit le fait de ne pas avoir pu récupérer la voiture crédit-baillée et de ne pas avoir pu la vendre et percevoir le prix de la vente.

- sur le moyen en défense de la société Axanco tiré de l'absence de publicité par la société crédit-bailleresse de son changement de dénomination sociale

Selon l'article R313-3 du code monétaire et financier :Les opérations de crédit-bail, mentionnées à l'article L. 313-7, sont soumises à une publicité. Celle-ci doit permettre l'identification des parties et des biens faisant l'objet de ces opérations.

L'article R313-6 du même code, abrogé par décret n°2021-1887 du 29 décembre 2021, ajoute :Toute modification affectant les renseignements mentionnés à l'article R. 313-3 est publiée en marge de l'inscription existante au registre mentionné à l'article R. 313-4.Dans le cas où cette modification implique un changement du tribunal territorialement compétent, l'entreprise de crédit-bail doit en outre faire reporter l'inscription modifiée sur le registre du greffe du nouveau tribunal.

L'article R313-10 du même code, dans sa version en vigueur du 25 août 2005 au 01 janvier 2023, dispose enfin :Si les formalités de publicité n'ont pas été accomplies dans les conditions fixées aux articles R. 313-4 à R. 313-6, l'entreprise de crédit-bail ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété, sauf si elle établit que les intéressés avaient eu connaissance de l'existence de ces droits.

Pour dire qu'elle n'a commis aucune faute en ayant acheté le bien crédit-baillé à la société Maria (qui n'en était pas la propriétaire et n'était que la crédit-preneuse), la société Axanco affirme que la crédit-bailleresse n'est pas en mesure de se prévaloir d'une publicité valable du contrat de crédit-bail, ne pouvant opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de la société Maria ses éventuels droits sur le véhicule.

L'intimée précise que les formalités d'inscription du contrat de crédit-bail ont bien été prises au profit de Natixis Lease le 13 mars 2017 mais que, contrairement aux dispositions de l'article R313-6 du code monétaire et financier précité, il n'y a eu aucune mention modificative en marge de ladite inscription sur le changement de dénomination de la crédit-bailleresse, devenue BPCE Lease. La société Axanco ajoute que l'inscription initiale ne faisait aucune mention de son numéro d'identification SIREN ou SIRET.

Pour dire qu'elle a régulièrement réalisé les opérations de publicité concernant le contrat de crédit-bail litigieux et qu'elle peut donc opposer valablement son droit de propriété aux tiers, la société BPCE Lease répond qu'elle a accompli les formalités de publicité, qu'elle a bien publié son changement de dénomination sociale, qu'aucune ambiguïté n'a jamais existé concernant l'identité du propriétaire du bien crédit-baillé, qu'elle est enfin fondée à se prévaloir de la publicité en date du 13 mars 2017.

En l'espèce, la société crédit-bailleresse a bien initialement accompli les formalités de publicité du contrat de crédit-bail conclu avec la société Maria, celle-ci produisant le justificatif de publicité au greffe du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence les 13 mars 2017 et 9 mai 2018.

Si, effectivement, cette inscription initiale ne fait aucune mention des numéros d'identification SIREN ou SIRET de la société Natixis Lease, le bien crédit-baillé et les parties en cause sont parfaitement identifiées (le bien étant identifié par sa marque et son numéro de série, les dénominations sociales des parties étant fournies).

En revanche, conformément à ce que soutient la société Axanco, la société BPCE Lease n'établit aucunement avoir procédé à la publication du changement de dénomination sociale (BPCE Lease au lieu de Naxitis Lease).

Toutefois, cette irrégularité dans la publicité, n'empêche aucunement d'identifier le bien crédit-baillé et les parties en cause.

En effet, d'une part, la nouvelle dénomination sociale de la crédit-bailleresse est très proche de l'ancienne (une partie du nom étant conservé) et d'autre, part, il n'y a eu aucune modification concernant le bien crédit-baillé, lequel est parfaitement identifié par la publicité au greffe (le numéro de série et la marque du bien étant inscrits ainsi que l'identité de la crédit-preneuse initiale, la société Maria).

Ainsi, l'entreprise de crédit-bail peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété.

Le moyen opposé en défense par la société Axanco, tiré de l'absence de publicité du changement de dénomination sociale de la crédit-bailleresse, est inopérant.

- sur le moyen en défense de la société Axanco tiré de sa possession de bonne foi du bien crédit-baillé

Toujours pour s'opposer à la demande indemnitaire de la société BPCE Lease formée à son encontre, la société Axanco fait valoir qu'il a été jugé qu'en dépit de l'accomplissement des formalités de publicité prescrites en matière de crédit-bail, le droit de propriété du sous-acquéreur, possesseur de bonne foi du bien mobilier,demeure opposable au crédit-bailleur, en vertu de la règle posée par l'article 2276 du code civil selon lequel « en fait de meubles, la possession vaut titre. La société Axanco ajoute qu'elle était de bonne foi, notamment parce que la société Maria l'avait assurée qu'elle pouvait disposer à sa guise du bien crédit-baillé.

Pour la société BPCE Lease, la société Axanco ne saurait se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle le droit de propriété du sous-acquéreur, possesseur de bonne foi du bien mobilier, demeure opposable au crédit bailleur. La crédit-bailleresse précise que la société Axanco a en effet acquis ses droits directement auprès de la société Maria, si bien qu'elle est un ayant cause à titre onéreux de cette dernière, et non un sous-acquéreur.

Il est de principe que le crédit-bailleur ne peut pas opposer l'inscription du contrat de crédit-bail au sous-acquéreur de bonne foi, dont le droit de propriété demeure opposable au crédit-bailleur en dépit de l'accomplissement des mesures de publicité.

En outre, l'ayant-cause à titre onéreux du crédit-preneur (acquéreur du bien), qui a acquis ses droits directement auprès de lui, ne peut bénéficier de la qualité de sous-acquéreur de bonne foi.

En l'espèce, conformément à ce que soutient la société BPCE Lease, la société Axanco ne peut pas se prévaloir de la qualité de sous-acquéreur du bien crédit-baillé, étant seulement l'acquéreur direct ou le premier acquéreur de ce même bien auprès de la crédit-preneuse. La société Axanco ne peut donc pas se prévaloir du principe selon lequel son droit de propriété, si elle possède de bonne foi le bien, est opposable au crédit-bailleur en dépit de l'accomplissement des formalités de publicité.

Le moyen soulevé par la société Axanco, tiré de sa supposée qualité de sous-acquéreur de bonne foi, est inopérant.

- sur le moyen en défense de la société Axanco tiré de l'existence d'un contrat de mandat

Selon l'article 1984 du code civil :Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.

Toujours pour dire qu'elle n'a commis aucune faute en ayant acheté auprès de la crédit-preneuse le bien crédit-baillé, avant de le revendre à un tiers, la société Axanco soutient ne pas avoir agi de sa propre initiative mais uniquement dans le cadre d'un « mandat exclusif de vente d'un véhicule d'occasion » qui lui avait été donné par la crédit-preneuse, la société Maria.

Elle ajoute que l'éventuelle faute commise dans le cadre de l'exécution dudit mandat,qui ne relève d'aucune infraction pénale quelle qu'elle soit, et dont aurait eu à souffrir la société BPCE Lease concerne donc la seule société Maria qui, en qualité de mandant, doit seule en répondre.

Soutenant que la société Axanco a bien commis une faute à son encontre, la société crédit-bailleresse rétorque que cette dernière n'est pas intervenue en qualité de mandataire de la société Maria.

La société BPCE Lease ajoute qu'en tout état de cause,le mandataire est personnellement responsable envers les tiers lésés des délits ou quasi-délit qu'il peut commettre, soit spontanément, soit même sur les instructions du mandant, dans l'accomplissement de sa mission. Pour elle, la société Axanco a bien commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans la mesure où il était évident que la société Maria n'était pas propriétaire du véhicule litigieux. Elle précise que figure sur de nombreux actes régularisés par la société Axanco, la société BPCE Lease en qualité de « propriétaire » dudit véhicule.

Il est de principe que le mandataire répond sur un fondement extra-contractuel des fautes dont il se rend coupable envers les tiers. En effet, le mandataire est responsable envers les tiers des délits qu'il peut commettre spontanément, soit sur les ordres du mandant.

En l'espèce, tout d'abord, il ne résulte pas suffisamment des pièces produites par les parties que la société Axanco aurait revendu la voiture crédit-baillée, qui appartenait à la seule société BPCE Lease, dans le cadre d'un mandat qui lui aurait été donné par la société crédit-preneuse. Il est d'ailleurs versé aux débats de nombreuses pièces détaillées démontrant le contraire, c'est -à-dire qu'en réalité, la société Axanco a acheté, puis revendu, le bien crédit-baillé en son nom et pour son propre compte et non dans le cadre du mandat de vente allégué.

En effet, si la société Axanco produit un contrat de mandat exclusif de vente d'un véhicule d'occasion en date du 24 janvier 2018 (mandat donné à la société Axanco de vente du véhicule crédit-baillé appartenant à la société BPCE Lease), il est aussi notamment versé aux débats:

- le certificat de cession de la voiture par la société 'Natixis Lease SARL Maria'à la société Axanco du 24 janvier 2018,

- la facture de vente de ladite voiture à la société Axanco,

- la déclaration d'achat par la société Axanco à la société 'Natixis Lease SARL Maria' en date du 15 mars 2018,

- la facture de revente par la société Axanco (n'intervenant pas pour le compte de la société Maria) à M. [W] [C],

- le certificat de cession du 15 mars 2018 par la société Axanco à M. [W] [C] du bien crédit-baillé et identifié par son numéro de série.

En tout état de cause, quand bien même la société Axanco aurait vendu le bien crédit-baillé à une société tierce, en qualité de mandataire de la société Maria, crédit-preneuse, et non en son nom et pour son propre compte (ce qui n'est aucunement établi), l'intimée engagerait sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société BPCE Lease, pour avoir commis une faute personnelle.

En effet, la société BPCE Lease produit divers éléments de preuve établissant que la société Axanco ne pouvait pas se méprendre sur le fait que la société Maria n'était pas la légitime propriétaire du bien qu'elle lui vendait. Ainsi, le certificat d'immatriculation de la voiture vendue faisait bien apparaître que la seule propriétaire de la voiture était la société Naxitis Lease. Beaucoup de documents font de plus apparaître clairement qu'il existait une ambiguïté sur la qualité de propriétaire de la société Maria, lesdits documents mentionnant à chaque fois :'Natixis Lease SARL Maria'(le certificat de cession du 24 janvier 2018, la déclaration d'achat du 15 mars 2018, la facture d'achat, etc...).

La société Axanco a donc commis une faute en achetant un bien à une personne morale qui n'avait aucun droit de propriété sur ledit bien et ensuite en le revendant à un sous-acquéreur, et ce quand bien même elle aurait agi en sa seule qualité de mandataire de la crédit-preneuse.

Le moyen soulevé par la société Axanco, tiré de sa supposée qualité de mandataire de bonne foi de la société Maria, est donc inopérant.

- sur le moyen en défense de la société Axanco tiré de l'absence de préjudice

Pour la société intimée, sa responsabilité ne peut être mise en cause par la société crédit-bailleresse, cette dernière ne justifiant pas de la réalité et du quantum du préjudice dont elle demande réparation, se bornant à solliciter un montant correspondant au prix versé à la société Maria.

La société Axanco ajoute que la Société BPCE Lease a entrepris 3 actions différentes dirigées contre des personnes distinctes pour obtenir, par trois fois, réparation du même préjudice. Elle précise les trois actions indemnitaires diligentées par la société BPC Lease sont, outre celle pendante devant cette cour, les suivantes :

- la société BPCE Lease a fait citer Messieurs [T] et [F] [D], anciennement représentants de la SARL Maria, devant le tribunal correctionnel de Marseille aux fins de les faire solidairement condamner à lui régler la somme de 38.007,68 euros pour avoir notamment détourné à son préjudice le véhicule sous crédit-bail vendu par l'intermédiaire de la société Axanco,

- selon courrier en date du 19 mars 2020, la Société BPCE Lease a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Maria.Cette procédure, dans le cadre de laquelle la société BPCE Lease était susceptible de venir en bon rang concernant le règlement de sa créance, a été clôturée le 6 novembre 2020

La société Axanco ajoute que la société BPCE Lease ne justifie aucunement avoir été destinataire d'un certificat d'irrecouvrabilité concernant sa déclaration de créance, ni qu'elle n'aurait recouvré aucune somme dans le cadre des diverses actions qu'elle a intentées.

En réponse, la société BPCE Lease fait valoir :

- le fait que la société BPCE Lease ait pris une initiative à l'encontre des représentants légaux de la société Maria est sans incidence dans la mesure où cette dernière est bien fondée à engager toute procédure utile à la défense de ses intérêts, en vue d'obtenir des titres lui permettant de recouvrer le préjudice subi, à charge pour elle de tenir compte des différentes procédures engagées dans le cadre des mesures d'exécution à entreprendre,

- cette évidence s'impose d'autant plus que le paiement effectué par la société Axanco entre les mains du crédit-preneur, la société Maria, ne peut être considéré comme libératoire à l'égard du véritable propriétaire, étant rappelé que « Qui paie mal, paie deux fois » conformément aux dispositions de l'article 1342-2 du Code Civil.

En l'espèce, d'abord, même si la société BPCE Lease a exercé plusieurs actions contre plusieurs personnes différentes pour obtenir réparation de son préjudice, aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de plusieurs titres exécutoires pour la même créance, du moment cependant qu'il ne soit indemnisé qu'une seule fois pour un même préjudice.

En outre, aucune pièce ne démontre que la société BPCE Lease aurait déjà été indemnisée pour le préjudice mis en avant.

Enfin, il résulte des pièces produites aux débats que la voiture crédit-baillée, qui appartenait à la seule société BPCE Lease, a été fautivement achetée par la société Axanco à la société Maria puis a fautivement été revendu par la même société Axanco à un tiers. A ce jour, cette voiture n'a pas été restituée à sa seule légitime propriétaire. Le préjudice matériel de la société BPCE Lease est donc bien démontré, cette dernière n'ayant pas pu récupérer son bien et n'ayant pas pu en tirer profit (soit en le relouant, soit en le revendant) ou en disposer comme elle l'entendait.Le montant de l'indemnité doit être égal à la valeur du bien au jour où la société Axanco l'a fautivement fait entrer sans son patrimoine, c'est à dire égale à 17 53,68 euros (soit le prix d'achat payé par la société Axanco à la société Maria, crédit-preneuse).

Infirmant le jugement, la cour condamne la société Axanco à payer à la société BPCE Lease la somme de 17.453,68 €, à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 1 er septembre 2020,

En application de l'article 1343-2 du code civil et compte tenu de la demande en ce sens faite par la société BPCE Lease, la cour ordonne la capitalisation des intérêts de la condamnation précédente.

2-sur les frais du procès

Au regard de la solution apportée au litige, le jugement est infirmé concernant l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Axanco est condamnée aux entiers dépens exposés en première instance et à hauteur d'appel (notamment ceux exposés par la société BPCE Lease) ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3500 euros au bénéfice de la société BPCE Lease (tant pour ses frais exposés en première instance qu'à hauteur d'appel).

En application de l'article 1343-2 du code civil et compte tenu de la demande en ce sens faite par la société BPCE Lease, la cour ordonne la capitalisation des intérêts des condamnations prononcées par cet arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire:

- infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamne la société Axanco à payer à la société BPCE Lease :

17.453,68 €, outre intérêts au taux légal à compter du 1 er septembre 2020 à titre de dommages-intérêts,

3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (tant pour les frais exposés par la société Axanco en première instance qu'à hauteur d'appel),

- ordonne la capitalisation des intérêts des deux condamnations précédentes,

- condamne la société Axanco aux entiers dépens de première instance et d'appel (dont ceux exposés par la société BPCE Lease).

Le Greffier, La Présidente,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site