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Décisions

CA Limoges, ch. soc., 6 novembre 2025, n° 25/00015

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 25/00015

6 novembre 2025

ARRET N° .

N° RG 25/00015 - N° Portalis DBV6-V-B7J-BIURJ

AFFAIRE :

S.A.R.L. [H] prise en la personne de son représentant légal

C/

Mme [I] [L]

GV

Demande d'exécution de travaux à la charge du bailleur, ou demande en garantie contre le bailleur

Grosse délivrée à Me Dominique VAL, Me Philippe CAETANO, le 06-11-25

COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

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ARRET DU 06 NOVEMBRE 2025

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Le SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:

ENTRE :

S.A.R.L. [H] prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe CAETANO de la SELARL SELARL MARCHE CAETANO, avocat au barreau de BRIVE

APPELANTE d'une décision rendue le 26 DECEMBRE 2024 par le PRESIDENT DU TJ DE [Localité 9]

ET :

Madame [I] [L]

née le 16 Décembre 1925 à [Localité 5], demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Dominique VAL de la SELARL AVOJURIS, avocat au barreau de BRIVE

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 16 Septembre 2025. L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 juin 2025.

La Cour étant composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN et de Madame Johanne PERRIER, Conseillers, assistées de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte du 6 juin 1988, Mme [I] [L] a donné à bail aux époux [J] [F] un local à usage commercial sis [Adresse 3], composé de dix chambres, trois salles de restaurant, d'une cuisine, d'un bar, d'une cave, d'un grenier et de dépendances moyennant un loyer annuel de 40 000 [Localité 7].

A la même date, Mme [L] leur a cédé un fonds de commerce exploité par la SARL Au Bon Accueil, qui s'est substituée aux époux [F] en qualité de preneur. Le bail a été renouvelé par actes du 20 mai 1997, puis du 1er juillet 2006.

Par acte notarié du 7 janvier 2009, établi en présence de la bailleresse, la SARL [H] a acquis le fonds de commerce de la société Au Bon Accueil, comprenant son droit au bail commercial.

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Par assignation délivrée le 7 décembre 2015, Mme [I] [L] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Tulle, pour voir condamner la société [H] à lui payer les loyers dûs, et voir prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial les unissant.

La société [H] alléguant de l'existence de certains désordres, notamment affectant la plomberie et la production d'eau chaude du local, le juge des référés du tribunal de grande instance de Tulle a, par ordonnance de référé du 22 mars 2016, ordonné une expertise confiée à M. [N] [Z].

Le bail a été renouvelé pour une durée de neuf années expirant le 30 septembre 2025, suite à la demande de la société [H] du 16 septembre et un courrier de la bailleresse du 13 décembre 2016.

M. [Z] a déposé son rapport d'expertise le 25 novembre 2016, concluant notamment à :

un défaut de conformité des canalisations d'eau du sous-sol, présentant des soudures aléatoires, causant ainsi un risque de rupture et donc de fuites ;

la chute de crépi sur les tables du restaurant ;

une chaudière équipée de canalisations non conformes (diamètre de 22 mm au lieu de 30 mm), insuffisantes pour chauffer les 13 chambres ;

un défaut de ventilation dans la cuisine ;

l'absence de porte et de cloison coupe-feu, absence de système de désenfumage de la cage d'escalier, canalisations impropres au niveau des robinets, absence de VMC dans les chambres entraînant un phénomène de condensation ;

l'absence de cloison coupe-feu dans les combles ;

des volets et bois des fenêtres dégradés avec risque d'infiltrations.

Il a conclu que ces désordres, dus à la vétusté et à l'absence de travaux de remise en conformité aux normes, n'affectaient pas pour l'instant la solidité de l'ouvrage. Mais, il a indiqué qu'à court terme (trois années), l'immeuble serait impropre à sa destination en raison d'infiltrations, de rupture de canalisations etc. Il préconisait notamment l'installation d'un ballon d'eau chaude suffisant pour alimenter les 13 chambres, avec un circuit d'eau chaude révisé et remis aux normes.

Il estimait le coût des réparations et remise en état à la somme de 87 960 euros TTC.

Le 21 juin 2018, la Commission communale de sécurité de [Localité 9] a notifié à la société [H] un avis défavorable à la poursuite d'exploitation de son établissement.

Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal de grande instance de Tulle a condamné Mme [L] à réaliser, sous astreinte, les travaux de réparation décrits aux termes du rapport d'expertise de M. [Z], et a débouté la société [H] de ses demandes d'indemnisation au titre des travaux qu'elle prétendait avoir réalisés, au titre de la perte d'exploitation et au titre du préjudice moral.

Par arrêt réputé contradictoire du 17 janvier 2022, la cour d'appel de Limoges a réformé le jugement du 30 juin 2020 en ce qu'il a condamné Mme [L] à réaliser l'ensemble des travaux de réparation figurant au rapport d'expertise, et, statuant à nouveau, l'a condamnée à réaliser :

la réfection des canalisations en sous-sol,

la réalisation d'un caniveau sur rue au droit du mur du restaurant,

la réalisation d'une porte coupe-feu séparant la cage d'escalier de l'accès aux chambres, d'un extracteur de fumée en partie haute de la cage d'escalier et d'une cloison coupe-feu dans le local sous-toiture,

la réalisation d'un système d'extraction d'air dans la cuisine et d'une VMC collective.

Cette décision a été signifiée par exploit du 23 juin 2023.

Le 25 août 2023, la sous-commission départementale de sécurité de la [Localité 6] et, le 29 septembre 2023, la sous-commission départementale d'accessibilité ERP de la [Localité 6] ont émis un avis défavorable à la demande de Mme [L] en date du 25 juillet 2023, tendant à l'autoriser à réaliser des travaux de réhabilitation de l'immeuble loué, au motif qu'ils n'étaient pas conformes aux règles d'accessibilité.

En conséquence, le maire de la commune de [Localité 9] a rendu un arrêté en date du 4 octobre 2023 refusant l'autorisation d'aménagement sollicité.

La chaudière de l'immeuble est tombée en panne le 17 octobre 2023.

Par courrier de son conseil en date du 17 octobre 2023, puis, par relance du 31 octobre 2023, la société [H] a informé Mme [L] de ce que, suite à cette panne, l'établissement était dépourvu d'eau chaude et de chauffage.

Mme [L] a sollicité auprès de l'entreprise [W], plombier chauffagiste, le remplacement de cette chaudière d'une puissance de 45/95 kw, qui avait été installée en 2002. Suivant devis du 31 octobre 2023 accepté 2 novembre 2023, Mme [L] a commandé en location à l'entreprise [W] la fourniture et la pose d'une chaudière fioul d'une puissance de 75-150 kw, ainsi que l'installation de deux ballons d'eau chaude, avec chauffe-eau, d'une contenance de 300 litres chacun.

Le 9 novembre 2023,ont été installés les deux ballons d'eau chaude, avec chauffe-eau, d'une contenance de 300 litres chacun.

Le 10 novembre 2023, l'ASE de la [Localité 6], qui louait des chambres à la société [H] dans cet immeuble pour l'hébergement de jeunes sous sa responsabilité, l'a informée de leur départ au 13 novembre 2023 en raison de l'absence de chauffage.

La chaudière a été installée le 22 novembre 2023 sur la voie publique, avec raccord à l'hôtel et sécurisation, pour assurer la production de chauffage.

Par courrier du 5 avril 2024, la société [H] a informé sa bailleresse avoir subi une perte de chiffre d'affaires à hauteur de 6 000 euros en raison de l'absence de chauffage et de l'insuffisance des ballons d'eau chaudes installés.

Par courrier du 9 avril 2024, l'entreprise [W] a informé la société [H] de la dépose de la chaudière provisoire le 26 avril 2024.

Le 28 juin 2024, la Commission de sécurité de la [Localité 6] a émis un avis favorable à la poursuite de l'exploitation pour la totalité de l'établissement.

Suivant devis du 12 juillet 2024 accepté le 13 juillet suivant, Mme [L] a commandé à l'entreprise [W] l'installation de deux nouvelles chaudières de marque De Dietrich, d'une puissance de 33,8 kw, pourvues d'un ballon d'eau chaude indépendant de 195 litres, pour un débit horaire de 960 litres/heures, moyennant le prix de 58 241,72 euros TTC.

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Par acte de commissaire de justice délivré le 31 mai 2024, la société [H] a fait assigner Mme [L] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Tulle.

Par ordonnance de référé du 26 décembre 2024, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Tulle a :

- Rejeté la demande de condamnation de Mme [L] tendant à la réalisation des travaux relatifs au changement de chaudière sous astreinte ;

- Rejeté la demande de condamnation de Mme [L] au paiement de la somme provisionnelle de 8 228, 88 euros au titre des travaux relatifs à l'alarme incendie ;

- Rejeté la demande de condamnation de Mme [L] au paiement de la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre des préjudices de jouissance et d'exploitation ;

- Rejeté la demande d'expertise ;

- Condamné la SARL [H] aux dépens de la présente instance ;

Rejeté la demande de la SAL [H] en condamnation de Mme [L] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Rappelé que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire par provision.

Par déclaration au greffe du 10 janvier 2025, la société [H] a relevé appel de cette ordonnance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 juin 2025.

Prétentions des parties

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mai 2025, la société [H] demande à la cour de :

- Juger la société [H] recevable et fondée en son appel à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26 décembre 2024 rendue par le Juge des référés du tribunal judiciaire de Tulle ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- rejeté la demande de condamnation de Mme [L] au paiement de la somme provisionnelle de 8 228, 88 euros au titre des travaux relatifs à l'alarme incendie,

- rejeté la demande de condamnation de Mme [L] au paiement de la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre des préjudices de jouissance et d'exploitation,

- rejeté la demande d'expertise,

- condamné la SARL [H] aux dépens de la présente instance,

- rejeté la demande de la SARL [H] en condamnation de Mme [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Réformer la décision entreprise de ces chefs et statuant de nouveau :

Déclarer la SARL [H] recevable et fondée en son action ;

Juger Mme [L] irrecevable en sa demande de condamnation de la SARL [H] au paiement de la somme de 5 000 euros ;

Condamner Mme [L] à payer à la SARL [H] la somme provisionnelle de 8 228,88 euros au titre des travaux relatifs à l'alarme incendie ;

Condamner Mme [L] à payer à la SARL [H] la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre des préjudices de jouissance et d'exploitation subis ;

Désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec notamment mission de :

- se faire communiquer toutes les pièces nécessaires à la mission ;

- se rendre sur les lieux et les décrire ;

- entendre les parties dans leurs doléances ;

- dire au regard des doléances exposées par la SARL [H] concernant les biens loués sis [Adresse 1] si :

* le système de production d'eau chaude est adapté et suffisant afin de répondre aux besoins de l'exploitation des locaux, dans la négative, décrire les travaux à entreprendre, en chiffrer le coût et la durée,

* le système de production d'eau chaude est conforme aux normes sanitaires applicables, dans la négative, décrire les travaux à entreprendre, en chiffrer le coût et la durée,

* l'établissement est conforme à la reglementation relative à l'accessibilité, à la sécurité incendie et aux normes et prescription en matière électrique, et d'une manière générale à toutes prescriptions administratives applicables et réglementation relative à l'activité commerciale exercée dans les locaux, dans la négative, décrire les travaux à entreprendre, en chiffrer le coût et la durée ;

- donner son avis sur la nécessité et le coût des travaux entrepris par la SARL [H] au titre de l'alarme incendie ;

- dire, compte tenu des doléances exposées par la SARL [H] si des désordres affectent les locaux loués notamment en termes d'humidité, au regard notamment du procès verbal de constat du 23 novembre 2023 ;

- Dans l'affirmative, déterminer l'origine et les causes de ces éventuels désordres, non conformités ou dysfonctionnements, en décrivant les moyens propres à y remédier, en chiffrant les coût des réparations ;

- donner son avis sur les responsabilités encourues ;

- décrire les préjudices invoqués par le preneur,

- répondre à tous dires et questions des parties,

- déposer un pré rapport ;

- Juger que les frais d'expertise seront avancés par moitié par les parties, ou à titre subsidiaire juger que les frais d'expertise seront avancés par la SARL [H] ;

Débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Mme [L] à payer à la SARL [H] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A ces fins, la société [H] soutient que la bailleresse a manqué à ses obligations en ne procédant que tardivement au remplacement des ballons d'eau chaude, puis de la chaudière suite à la panne survenue le 17 octobre 2023. De plus, c'est unilatéralement que Mme [L] a procédé en avril 2024 à la dépose du système de chauffage provisoire, sans remplacement de la chaudière avant le 23 septembre 2024.

La société [H] soutient que les manquements susvisés lui ont causé un préjudice, en créant des désordres affectant les chambres de l'hôtel, lui causant ainsi une perte de clientèle et un préjudice d'exploitation.

La clause contractuelle écartant l'indemnisation du locataire en cas de dommages causés par des réparations urgentes opérées par le bailleur n'est pas applicable, puisque ce n'est pas la réalisation des travaux, mais leur tardiveté qui est la cause des dommages subis par elle.

Elle affirme en outre que les ballons d'eau chaude installés, sans système de 'bouclage', sont d'une capacité insuffisante et inférieure aux normes sanitaires exigées.

La société [H] sollicite l'octroi d'une provision au titre de l'installation d'une alarme incendie financée par elle, puisqu'ils relèvent de la responsabilité du bailleur sur le fondement de l'article 1719 2° du code civil.

Elle demande qu'une expertise soit diligentée afin :

d'établir le caractère insuffisant du système de production d'eau chaude installé,

d'estimer les travaux de mise en conformité des lieux en matière d'accessibilité et de réparations en raison des moisissures et traces d'humidité empêchant la location de certaines chambres,

- d'obtenir un avis sur la nature, le coût et la nécessité des travaux engagés par le preneur au titre de l'alarme incendie, ainsi que des travaux restant à réaliser en matière de sécurité incendie.

La société [H] conteste tout acharnement procédural.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2025, Mme [I] [L] demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires ou autres ;

Débouter la société [H] de son appel en tous points mal fondé ;

Confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;

Y rajoutant :

- Condamner la société [H] à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamner la société [H] à lui payer une indémnité complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- Condamner la société [H] en tous les dépens de l'appel ;

À titre infiniment subsidiaire si une mesure d'expertise devait être ordonnée :

- Dire et juger que celle-ci devrait avoir lieu aux frais avancés de la société [H] ;

- Dire et juger que la mission de l'expert devrait être limitée à la vérification des causes de la panne de chauffage intervenue, de la pertinence et du caractère efficient des mesures de prise en charge mises en oeuvre par le bailleur et à la vérification des causes effectives des désordres d'humidités allégués ;

Débouter en tout état de cause la société [H] du surplus de ses demandes.

A ces fins, Mme [L] soutient avoir fait procéder au remplacement de la chaudière.

Elle fait valoir notamment que le retard intervenu :

entre octobre et novembre 2023 est dû à la nécessité d'installer la chaudière louée à titre provisoire sur deux places de parking, soumise à une autorisation de la mairie,

après la dépose de la chaudière 'provisoire' le 30 avril 2024, ce retard est dû au refus de la société [H] de laisser intervenir l'entreprise [W] au mois d'août 2024 pour poser la chaudière définitive.

Elle souligne avoir réalisé l'ensemble des travaux mis à sa charge au titre de l'arrêt du 17 janvier 2022, et qu'ainsi, la demande d'expertise portant sur la nécessité de réaliser des travaux de sécurité incendie est contraire à cet arrêt.

La bailleresse soutient que la réalisation de l'alarme incendie que la société [H] dit avoir préfinancée, relevait de sa responsabilité en tant que preneur.

De même, les demandes de la locataire relatives aux travaux d'accessibilité ne sont pas fondées, ces travaux étant impossibles s'agissant d'un immeuble datant du XVème siècle. Elle affirme avoir requis une dérogation administrative pour être en conformité.

Selon Mme [L], la société [H] ne justifie d'aucun préjudice subi du fait du défaut de chauffage dont elle se prévaut car :

les traces d'humidité apparues dans certaines chambres sont dues à l'utilisation de matériel de cuisson par les clients,

la production d'eau chaude de 600 litres était suffisante,

l'hôtel a été fermé à compter du 28 avril 2024.

Elle soutient qu'en tout état de cause, la locataire ne pourrait obtenir réparation de son préjudice d'exploitation puisque le bail signé prévoit que'le bail est fait aux charges et conditions suivantes que le preneur s'oblige à exécuter à savoir : 6) de souffrir et laisser faire toutes les réparations qui deviendraient nécessaires, dans les lieux loués, ainsi que tous travaux, additions, constructions, changement sur les immeubles, sans pouvoir réclamer aucune indémnité ni diminution de loyer, alors même que la durée des travaux excèderait quarante jours'.

La bailleresse sollicite donc le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive diligentée par la SARL [H].

MOTIFS DE LA DÉCISION

I SUR LES DEMANDES DE PROVISIONS

L'article 835 code de procédure civile dispose que 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

1) A hauteur de 30 000 euros d'indemnité en réparation d'un préjudice d'exploitation et de jouissance

La SARL [H] soutient qu'elle a subi un préjudice de jouissance et d'exploitation du fait de la panne de la chaudière le 17 octobre 2023 et des insuffisances de la production d'eau chaude corrélatives.

- Sur la panne de la chaudière

Suite à la panne de la chaudière survenue le 17 octobre 2023, Mme [L], aussitôt alertée par la SARL [H], a pris immédiatement les mesures nécessaires en faisant intervenir l'entreprise [W] plombier-chauffagiste. Ainsi, elle a loué une chaudière provisoire avec deux chauffe-eau électriques de 300 litres chacun dès le 2 novembre 2013 par signature du devis de cette entreprise en date du 31 octobre 2023, ce pour un coût total de 41'101,67 euros TTC.

Les deux chauffe-eau avec ballons d'eau chaude ont été installés le 9 novembre 2023 et la chaudière provisoire de substitution le 22 novembre 2023. La production d'eau chaude a donc été interrompue pendant 23 jours et le chauffage pendant 36 jours.

Le service social de l'enfance a informé la SARL [H] le 10 novembre 2023 que les jeunes accueillis au sein de l'hôtel Bon accueil le quitteraient en raison des problèmes de chauffage.

La SARL [H] produit une attestation d'un expert-comptable en date du 3 octobre 2024 indiquant que son chiffre d'affaires :

- du mois d'octobre 2023 s'est élevé à 14 107,27 euros, ce qui représentait un chiffre d'affaires conforme aux mois précédents,

- du mois de novembre 2023 s'est élevé à 22'148,18 euros, ce qui représentait un chiffre d'affaires relativement supérieur par rapport à ceux des mois précédents de l'ordre de 15'000 euros en moyenne,

- du mois de mai 2024 s'est élevé à 4 881,82 euros et celui du mois de juin 2024 à 0 euro.

La SARL [H] ne produit aucun chiffre pour la période de décembre 2023 à avril 2024, ce qui ne permet pas de déterminer le préjudice d'exploitation subi pendant cette période.

En tout état de cause, la SARL [H] ne justifie pas avoir subi de préjudice d'exploitation en octobre et novembre 2023.

Ensuite, si la chaudière provisoire a été déposée le 26 avril 2024, cette date peut être considérée comme la fin de la période de froid et la SARL [H] n'a pas émis d'opposition à ce sujet.

De mai 2024 à juin 2024 des travaux relatifs à la dépose de l'ancienne chaudière au fioul ont été réalisés, puis en juillet 2024, des travaux de plâtrerie et d'aménagement d'une nouvelle chaufferie.

Mme [L] a ensuite signé le 12 juillet 2024 le devis de fourniture et pose de la chaudière définitive. Mais, les travaux n'ont été réalisés qu'à compter du mois de septembre 2024 en partie en raison du refus de M. [H], en congé au mois d'août 2024 (cf attestation du cabinet Limousin Auvergne Ingéniérie du 17 septembre 2024). La chaudière n'a donc été installée que le 23 septembre 2024.

Au vu de ces éléments, il ne peut être reproché à la bailleresse un retard quelconque dans l'engagement, l'organisation et la réalisation des travaux, étant rappelé que le bail commercial impose au preneur ('CONDITIONS' article 6) de 'souffrir et laisser faire toutes les réparations qui deviendraient nécessaires, dans les lieux loués, ainsi que tous les travaux, additions, constructions, changement sur les immeubles, sans pouvoir réclamer aucune indémnité ni diminution de loyer, alors même que la durée des travaux excèderait quarante jours'.

La SARL [H] invoque encore le préjudice d'exploitation causé par la perte de clientèle du fait de l'encombrement d'une salle de réception. Elle produit à cet effet des photos montrant une pièce encombrée par des outils et des meubles, ainsi qu'une attestation de son expert-comptable du 3 octobre 2024 selon laquelle la location journalière de la salle de réunion s'élevait à 160 euros TTC en 2023. Néanmoins, elle ne justifie pas précisément du préjudice d'exploitation subi à ce titre.

En tout état de cause, l'article du bail ci-dessus énoncé interdit à la SARL [H] de réclamer une quelconque indemnisation à la bailleresse en raison de travaux nécessaires, ce qui était le cas.

L'obligation de Mme [L] à indemnisation de la SARL [H] est donc sérieusement contestable. La SARL [H] ne peut donc pas réclamer de provision sur dommages et intérêts relatif à un préjudice d'exploitation ou de jouissance en raison d'un défaut de chauffage subi entre le 17 octobre 2023 et le 23 septembre 2024, ce d'autant plus que Mme [L] a montré une réactivité et une diligence certaines pour faire exécuter les travaux de remplacement de la chaudière.

- La SARL [H] soutient également qu'elle a subi un préjudice de jouissance et d'exploitation du fait d'un défaut de production d'eau chaude suffisante, difficulté qui perdure.

Elle soutient notamment que la mise en place des deux ballons d'eau chaude de 300 litres ne permettait pas un approvisionnement suffisant en eau chaude.Elle invoque à ce titre une perte de chiffre d'affaires de 28'037,64 euros en mai/juin 2024 par rapport à mai/ juin 2023 selon l'attestation de son expert-comptable du 3 octobre 2024. De même, son compte de résultat au 31 décembre 2023 montre un bénéfice de 13'898 euros et 45'060 euros de perte au 31 décembre 2024.

Elle produit un rapport du cabinet Qualyse en date du 24 novembre 2023 qui indique effectivement que 250 secondes sont nécessaires pour passer d'une température de 13,1° à 38,1° et que le débit est très faible.

De plus, la nouvelle chaudière n'est effectivement pas pourvue d'un système de « bouclage » de la production d'eau chaude (ECS), permettant la circulation permanente de l'eau chaude sanitaire dans les canalisations. En effet, le devis du 12 juillet 2024 de l'entreprise [W], plombier-chauffagiste, accepté par Mme [L] le 12 juillet 2024 indique « Nota : actuellement l'installation ne possède pas de système de bouclage pour l'eau chaude sanitaire » et plus loin « Bouclage non chiffré Nota : la distribution sera en dessous des exigences du code de la santé publique ».

Pour autant, cette difficulté avait déjà été soulignée par M. [Z] dans son rapport d'expertise du 25 novembre 2016 : « l'expert constate que la production d'eau chaude de la chaudière n'est pas suffisante à l'exploitation de l'hôtel », car le circuit d'eau chaude circule dans des canalisations de diamètre de 22 mm, ce qui n'est pas conforme au volume à chauffer. Il préconisait un changement du ballon d'eau chaude et une remise aux normes du circuit de diamètre 22 mm par un circuit de diamètre minimum de 30 mm.

Or, la cour d'appel de Limoges, dans son arrêt du 17 janvier 2022, a considéré que ces travaux restaient à la charge de la SARL [H] en ce qu'ils ne concouraient ni à la structure, ni à la solidité générale de l'immeuble et qu'ils n'étaient pas liés à la vétusté.

L'obligation de Mme [L] à ce titre est donc sérieusement contestable.

En conséquence, Il convient de débouter la SARL [H] de sa demande en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de provision pour préjudice d'exploitation et de jouissance.

2) A hauteur de 8 228,88 euros au titre de la mise en place du système d'alarme incendie

L'article 606 du code civil dispose que : 'Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien'.

L'article R145-35 du code de commerce prévoit que : 'Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent'.

Dans son rapport du 20 août 2023, la commission départementale de sécurité incendie de la [Localité 6] a indiqué que l'immeuble, objet du bail, devait être équipé d'une 'installation d'un système de sécurité incendie de type A avec alarme de type 1 et généralisation de la détection incendie à l'ensemble des locaux hormis les pièces d'eau'.

Aux termes des motifs de son arrêt du 17 janvier 2022, la cour d'appel de Limoges a mis à la charge de Mme [L] les travaux de mise en conformité de l'établissement au regard de la prévention des risques de panique et d'incendie.

Un système d'alarme incendie relève précisément de ce type de travaux.

La SARL [H] justifie avoir payé à la SARL COAE [Localité 4] suivant facture du 18 juin 2024 la somme de 8 228,88 euros pour la mise en place d'un système d'alarme incendie.

Il convient en conséquence de condamner Mme [L] à payer à la SARL [H] une provision à ce titre d'un montant de 8 000 euros, l'obligation n'étant pas sérieusement contestable.

II SUR LA DEMANDE D'EXPERTISE

L'article 145 du code de procédure civile dispose que : 'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

La SARL [H] a précisé en appel sa demande quant aux missions qu'elle souhaite voir confier à l'expert judiciaire, par rapport à celles sollicitées en première instance.

Ainsi, elle demande de lui donner pour missions de dire si :

- '- le système de production d'eau chaude est adapté et suffisant afin de répondre aux besoins de l'exploitation des locaux, dans la négative, décrire les travaux à entreprendre, en chiffrer le coût et la durée ;

- le système de production d'eau chaude est conforme aux normes sanitaires applicables, dans la négative, décrire les travaux à entreprendre, en chiffrer le coût et la durée ;

- l'établissement est conforme à la reglementation relative à l'accessibilité, à la sécurité incendie et aux normes et prescriptions en matière électrique, et d'une manière générale à toutes prescriptions administratives applicables et réglementation relative à l'activité commerciale exercée dans les locaux, dans la négative, décrire les travaux à entreprendre, en chiffrer le coût et la durée'.

Le défaut de production d'eau chaude suffisant est justifié au moyen du rapport du cabinet Qualyse en date du 24 novembre 2023 ci-dessus énoncé. Mais, aucune pièce n'est fournie par la SARL [H] au sujet de la production d'eau chaude depuis la mise en place de la nouvelle chaudière le 23 septembre 2024, notamment par des attestations de clients. Il convient donc de considérer que l'organisation d'une expertise n'a pas à suppléer la carence de la SARL [H] dans la production de la preuve. En outre, comme rappelé ci-dessus, la cour d'appel de Limoges dans son arrêt du 17 janvier 2022 a mis à la charge de cette société la difficulté tenant à l'insuffisance de la production d'eau chaude.

Les faits invoqués à ce titre ne constituent donc pas un motif légitime pour ordonner une expertise.

En ce qui concerne les normes sanitaires relatives à la production d'eau chaude, le devis du 12 juillet 2024 accepté le 13 juillet 2024 indique effectivement que la distribution d'eau chaude sanitaire est 'en dessous des exigences du code de la santé publique', 'Nota : actuellement l'installation ne possède pas de système de bouclage pour l'eau chaude sanitaire'. Si la SARL [H] établit effectivement cette difficulté, elle ne dit pas en quoi une expertise judiciaire serait nécessaire sur ce point.

Concernant l'accessibilité, il appartient à Mme [L] qui soutient que cet établissement datant du XVème siècle n'est pas accessible aux personnes à mobilité réduite de demander une dérogation administrative, comme elle dit s'y être engagée aux termes de ses conclusions. Les faits invoqués à ce titre ne constituent donc pas un motif légitime pour ordonner une expertise.

Concernant le respect de la réglementation relative à la sécurité incendie, la commission de sécurité contre les risques d'incendie et de panique, dans son rapport du 28 juin 2024, a émis un avis favorable à l'exploitation pour la totalité de l'établissement, suite à la levée des prescriptions qui avaient motivé l'avis défavorable du 25 août 2023. Les faits invoqués à ce titre ne constituent donc pas un motif légitime pour ordonner une expertise.

Concernant le respect des 'prescriptions en matière électrique', une mission générale avait déjà été donnée à l'expert M. [Z] par ordonnance de référé du 22 mars 2016 pour 'vérifier la présence de malfaçons, non-conformités et désordres'. En outre, la SARL [H] ne produit aucun élément qui démontrerait une non-conformité affectant le système électrique. Les faits invoqués à ce titre ne constituent donc pas un motif légitime pour ordonner une expertise.

Le problème de l'humidité constatée par procès-verbal d'huissier du 23 novembre 2023 avait déjà été relevé par M. [Z] dans son rapport d'expertise en page 15 ('Chaque utilisation des douches provoque une condensation qui ruisselle sur les murs') et il avait préconisé notamment la mise en place d'une VMC collective. Or, dans son arrêt définitif du 17 janvier 2022, la cour d'appel de Limoges a déjà statué sur cette difficulté.

Enfin, s'agissant du remplacement des luminaires non conformes dans les chambres caves et diverses salles, objets du devis de la société Rol Elec en date du 20 octobre 2024 pour un coût de 5 933,82 euros TTC, ce sujet ne constitue pas davantage à lui seul un motif légitime pour organiser une expertise.

Ainsi au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter la SARL [H] de sa demande tendant à voir ordonner une expertise judiciaire et de confirmer le jugement de ce chef.

- Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive

Mme [L] ne rapporte pas la preuve d'un abus commis par la SARL [H] quant à l'engagement de sa procédure en paiement de provision et expertise judiciaire. De plus, il lui est fait partiellement droit à sa demande de provision.

Mme [L] doit donc être déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SARL [H] succombant à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens.

Il est équitable en outre de la condamner à payer à Mme [L] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME l'ordonnance de référé rendue le 26 décembre 2024 par la Présidente du tribunal judiciaire de Tulle en ce qu'elle a rejeté la demande présentée par la SARL [H] tendant à condamner Mme [L] à lui payer une provision de 8 228,88 euros au titre des travaux relatifs à l'alarme incendie ;

Statuant à nouveau de ce chef, CONDAMNE Mme [L] à payer à la SARL [H] une provision de 8 000 euros au titre des travaux relatifs à l'alarme incendie ;

CONFIRME l'ordonnance dont s'agit pour le surplus ;

Y ajoutant, DEBOUTE Mme [L] de sa demande tendant à voir condamner la SARL [H] à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive ;

CONDAMNE la SARL [H] à payer à Mme [L] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [H] aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.

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