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Décisions

CA Dijon, 2 e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 24/00923

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 24/00923

6 novembre 2025

E.U.R.L. EURL MALENA

C/

[C] [L]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2 e chambre civile

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025

N° RG 24/00923 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GPKY

MINUTE N°25/

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juillet 2024,

rendue par le tribunal judiciaire de Chaumont - RG : 23/00829

APPELANTE :

E.U.R.L. MALENA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Claudy GROSJEAN membre de la SELARL G.C.D.C., avocat au barreau de HAUTE-MARNE

INTIMÉ :

Monsieur [C] [L]

né le 17 Octobre 1960 à [Localité 3]

domicilié

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Damien WILHELEM membre de la SELARL WILHELEM CHAPUSOT BOURRON, avocat au barreau de HAUTE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bénédicte KUENTZ, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 03 avril 2025 pour être prorogée au 12 juin 2025, au 21 août 2025, au 25 septembre 2025, au 23 octobre 2025 puis au 06 novembre 2025,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique du 5 octobre 2016, M. [C] [L] a donné à bail commercial à M. [P] [I] un ensemble immobilier constitué d'une piste de karting, d'un bâtiment à usage de salle d'accueil, bureau, atelier et des dépendances, ainsi qu'un terrain, le tout situé [Adresse 2] à [Localité 1], moyennant un loyer annuel de 24 000 euros hors taxes et hors charges, payable mensuellement.

M. [I] a cédé son fonds de commerce à une société Hkart, qui l'a elle-même cédé à l'EURL Malena.

Invoquant l'exécution d'importants travaux de transformation réalisés sans son accord, M. [L] a fait assigner l'EURL Malena devant le tribunal judiciaire de Chaumont aux fins de résiliation du bail commercial par acte du 16 novembre 2023.

Par jugement du 10 juillet 2024, le tribunal judiciaire de Chaumont a :

- prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial consenti par M. [C] [L] à l'EURL Malena aux torts exclusifs de l'EURL Malena,

- condamné l'EURL Malena à payer à M. [C] [L] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné l'EURL Malena à payer les dépens,

- autorisé la SELARL Wilhelem-Chapusot-Bourron à recouvrer directement contre l'EURL Malena ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

L'EURL Malena a relevé appel de cette décision le 19 juillet 2024.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 juillet 2024, l'EURL Malena demande à la cour de :

- dire et juger recevable et bien-fondé l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre 'du jugement prononcé par le contentieux général du tribunal judiciaire du jugement prononcé le 10 juillet 2024' et en tirer toutes conséquences de droit tant au plan procédural qu'au fond,

- dire et juger régulière la procédure,

- réformer le jugement entrepris dont appel,

- dire et juger au vu des éléments, pièces et explications versées aux débats qu'il n'y a lieu à résiliation du bail commercial qui lui a été consenti par M. [L] sur rachat à l'époque du fonds de commerce de M. [I], à ses torts exclusifs,

- débouter M. [C] [L] de sa demande formulée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (frais irrépétibles) et dépens,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes des ses écritures notifiées le 30 septembre 2024, M. [L] demande à la cour, au visa de l'article 1224 du code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner l'EURL Malena à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'EURL Malena aux dépens, qui seront recouvrés par la SELARL Wilhelem-Chapusot-Bourron en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

- ordonner un sursis à statuer, dans l'attente de l'arrêt de la cour, dans l'instance n°24/00888.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour un exposé complet des moyens des parties.

La clôture de la procédure a été prononcée le 16 janvier 2025.

MOTIFS

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1224 du même code, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En l'espèce, M. [L] fait grief à l'EURL Malena d'avoir réalisé, sans son autorisation, diverses transformations des locaux, et plus particulièrement :

- le percement d'un mur,

- la suppression d'un escalier,

- des transformations dangereuses du tableau électrique,

- la création d'un garage en lieu et place de la station de lavage,

- la transformation de la salle de réunion située à l'étage en local d'habitation.

Il se prévaut d'un procès-verbal de constat établi le 19 juin 2023 par Maître [V], huissier de justice à [Localité 3], en présence du gérant de l'EURL Malena et du conseil de celui-ci.

L'EURL Malena ne conteste pas la réalité des travaux et transformations constatés et décrits par Maître [V]. Elle soutient toutefois en réplique que la majorité d'entre eux ne résulte pas de son fait, mais qu'ils ont été réalisés par ses prédécesseurs.

Elle indique avoir seulement supprimé un petit mur d'agglo entre la pièce de jeux et la pièce d'accueil, pour permettre un meilleur accueil de la clientèle, ces travaux n'affectant en rien la solidité de la structure.

Aucune des parties, et particulièrement le bailleur, ne verse aux débats l'état des lieux qui aurait dû être établi contradictoirement entre les parties à l'occasion de la cession du fonds de commerce ' incluant celle du droit au bail ' à l'EURL Malena, ni même l'état des lieux établi lors de la prise de possession du premier locataire en 2016, et ce, en application des dispositions de l'article L. 145-40-1 du code de commerce.

A défaut de justification de la consistance et de l'état des locaux antérieurement à la prise de possession par l'EURL Malena, ou même par ses auteurs à supposer qu'elle puisse être tenue à garantie des agissements de ceux-ci, il n'est pas possible de lui imputer l'intégralité des transformations et dégradations invoquées par M. [L].

S'agissant de la suppression du mur entre deux pièces, dont l'EURL Malena ne conteste pas être à l'origine, il sera relevé que le contrat de bail, qui est la loi des parties, a prévu les clauses suivantes :

- 'TRANSFORMATIONS - Le Preneur aura à sa charge exclusive toutes les transformations et réparations nécessaires pour l'exercice de son activité.

Ces transformations ne pourront être faites qu'après avis favorable et sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du Bailleur dont les honoraires seront à la charge du Preneur.'

- 'CHANGEMENT DE DISTRIBUTION - Le Preneur ne pourra faire dans les locaux, sans le consentement exprès et écrit du Bailleur, aucune démolition, aucun percement de murs ou de cloisons, ni aucun changement de distribution'.

Or, il ressort du procès-verbal de constat du 19 juin 2023, illustré par des photographies, que 'dans l'espace d'accueil du bar du bâtiment destiné à recevoir les usagers de la piste extérieure de karting, [...] par des travaux inachevés, le mur Est a été largement ouvert sur la pièce voisine [...]. Sur sa section ouverte sur deux mètres de largeur et deux mètres de hauteur environ, ce mur est en aggloméré béton sous un rhabillage en plaques de plâtre. Au seuil de cette ouverture formée par les fondations du mur, le fourreau annelé et les fils électriques qu'il contient sont sectionnés. Je trouve son prolongement sectionné au-dessus et sous plafond'.

Ces travaux, réalisés pour opérer un changement de distribution entre les pièces du bâtiment principal, ne consistent donc pas en un simple abattage d'une cloison en placoplâtre, mais touchent à un mur en aggloméré dont l'EURL Malena ne justifie pas qu'il n'aurait aucun rôle dans la stabilité du bâtiment. Ils portent également la gaine électrique initialement englobée dans le mur, dont une section émerge du sol.

Leur réalisation, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a pas été précédée d'une autorisation ni même d'une information du bailleur, constitue un manquement suffisamment grave aux obligation du preneur, telles qu'elles résultent des stipulations du contrat de bail, pour justifier la résiliation de celui-ci.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

L'EURL Malena, qui succombe en son recours, sera en outre tenue aux dépens de la procédure d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à M. [L], qui peut seul y prétendre, une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ce dernier en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 10 juillet 2024 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne l'EURL Malena aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés par la SELARL Wilhelem-Chapusot-Bourron comme il est prévu à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne l'EURL Malena à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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