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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 6 novembre 2025, n° 21/03531

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/03531

6 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 06 NOVEMBRE 2025

N°2025/ 172

RG 21/03531

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCOJ

[K] [I]

C/

[D] [T]

Association AGS CGEA DE [Localité 9]

Copie exécutoire délivrée

le 6 Novembre 2025 à :

- Me Dominique FERRATA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n°19/1242.

APPELANT

Monsieur [K] [I], demeurant [Adresse 12]

représenté par Me Dominique FERRATA de l'ASSOCIATION AVENARD-FERRATA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [D] [T], Mandataire ad'hoc de la SARL EXPLOITATION DE L'UNIVERS, demeurant [Adresse 2]

Défaillant

Association AGS CGEA DE [Localité 9], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, et Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre, chargés du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2025.

Signé par Monsieur Robert VIDAL, Président de chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société d'exploitation de l'univers exerçant une activité de traiteur sous la dénomination [Adresse 8] a embauché en qualité de pâtissier M. [K] [I] à compter du 1er juillet 1990 jusqu'au 17 janvier 1996 puis à compter du 16 octobre 1996, selon un certificat de travail du 31 mars 1998.

Une nouvelle embauche est intervenue par un contrat de travail à durée déterminée du 18 février 1999 qui s'est poursuivi à durée indéterminée à compter du 3 avril 2000.

Le contrat est régi par la convention collective nationale de la pâtisserie du 30 juin 1983.

La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 20 décembre 2018, M. [D] [T] a été désigné en qualité de liquidateur jusqu'à la clôture pour insuffisance d'actif le 17 octobre 2019.

Par lettre recommandée du 21 décembre 2018, M. [I] était convoqué à un entretien préalable fixé au 28 décembre suivant, puis licencié le 2 janvier 2019 par le liquidateur pour motif économique.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi par requête du 17 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Marseille.

Selon jugement du 8 février 2021, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante:

« Dit que le coefficient conventionnel de Monsieur [K] [I] doit être porté à hauteur de 220, niveau 3,

Fixe la créance de Monsieur [K] [I] à valoir sur la liquidation de la SARL STE D'EXPLOITATION DE L'UNIVERS administrée par Maitre [T] mandataire ad hoc aux sommes suivantes :

- 13.977,72 € bruts à titre de rappel de salaire au coefficient 220, niveau 3 ;

- 1.397,77 € bruts à titre de congés payés y afférents ;

- 388,27 € bruts à titre de rappel de l'indemnité de licenciement calculée sur les trois dernières années.

Dit que le présent jugement bénéficiera de l'exécution provisoire de droit sur les créances dans la limite des plafonds définis par l'article-R 1454-28 du Code du travail.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à la somme de 1956,54 € bruts.

Déboute Monsieur [K] [I] du surplus de ses demandes soit l'obligation de reclassement, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de travail dissimulé et la rectification du certificat de travail.

Ordonne à Maitre [T] mandataire ad hoc de remettre à Monsieur [K] [I] tous les documents sociaux établis en concordance avec le présent jugement

Déclare le jugement opposable au CGEA de [Localité 9], dans la limite de leur garantie légale en conformité avec les dispositions de l'article L 3253-8 du Code du Travail.

Dit qu'il n'y a pas lieu à condamner le CGEA de [Localité 9] sur la demande indemnitaire à titre de l'article 700 du CPC puisqu'elle ne lui est pas opposable,

Dit que les dépens seront prélevés sur l'actif de la société liquidée. » .

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 9 mars 2021 et a fait signifier à M. [D] [T] mandataire ad hoc de la société, par actes d'huissier de justice, le18 mai 2021 sa déclaration d'appel et le 24 juin 2021 ses premières conclusions par actes remis à domicile de la personne.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 4 juillet 2025, le salarié demande à la cour de :

« REFORMER le jugement du Conseil de Prud'hommes du 8 février 2021

ET Statuant à nouveau

Dire et juger que Monsieur [I] aurait dû bénéficier du coefficient 220 catégorie 7 de la Convention collective nationale de la Pâtisserie obligatoirement applicable aux ouvriers hautement qualifiés ou titulaires du brevet de maîtrise exécutant des travaux de qualité professionnelle et de spécialités.

En conséquence, dire et juger que la moyenne du salaire mensuel de Monsieur [I] doit être fixée à la somme de 2 592 € bruts.

Fixer au passif de la liquidation le rappel de salaire y afférent de janvier 2016 à décembre 2018 à la somme de 16 528,67 € avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes de [Localité 9].

Fixer au passif de la liquidation le rappel de congés payés y afférents, soit la somme de 1 652,86 € avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes de [Localité 9].

Fixer au passif de la liquidation le solde d'indemnité de licenciement restant dû et calculée en fonction du salaire qu'aurait dû percevoir Monsieur [I] en fonction du bon coefficient, 2 271,64 € avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes de [Localité 9].

Dire et juger le licenciement économique de Monsieur [I] prononcé à la suite de la liquidation judiciaire de la Société Exploitation de l'Univers, sans cause réelle et sérieuse du fait de la fraude de l'employeur qui a dissimulé une branche de son activité.

Constater le préjudice subi et fixé au passif de la liquidation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 37 584, 00€.

Fixer au passif de la liquidation une indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'activité (article L. 8223-1 du Code du Travail) à la somme 15 552 €.

Ordonner à Me [T], Mandataire Ad Hoc, la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi modifiée.

Condamner Maître [T] aux entiers dépens de l'instance.

Dire et juger que l'arrêt sera opposable au CGEA à de [Localité 9]. » .

M. [T] es qualité de mandataire ad hoc de la société liquidée n'a pas constitué avocat.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 6 mars 2023, l'UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 9], après avoir fait signifier ses premières conclusions à M. [T] es qualité le 20 juillet 2021 par acte remis au domicile de la personne, demande à la cour de :

« STATUER ce que de droit sur la demande au titre du rappel de salaire de janvier 2016 à décembre 2018 et sur la demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement.

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

Dès lors, DEBOUTER Monsieur [I] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

A titre subsidiaire, si la fraude au jugement de liquidation judiciaire est jugée,

DECLARER inopposables à l'AGS-CGEA les créances sollicitées par Monsieur ([J]) au titre de la rupture du contrat de travail.

DECLARER dès lors inopposables à l'AGS la créance sollicitée à hauteur de 37 584 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état diminuer le montant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts en l'état des pièces produites.

Débouter Monsieur [I] [K] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS pour la demande relative à la condamnation aux frais d'huissier, la mise en 'uvre de la garantie du concluant ne pouvant être faite que pour les créances relatives à la rupture ou à l'exécution du contrat de travail. ( Art. L 3253-6 et 3253-8 du code du travail).

Débouter Monsieur [I] [K] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA pour la demande relative à la condamnation sous astreinte.

Déclarer inopposables à l'AGS-CGEA les dépens de la procédure de première instance et d'appel.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [I] [K] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253-1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafonds qui inclus les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts

Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.».

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande de rappel de salaires

M. [I] réclame un rappel de salaire du 1er janvier 2016 au mois de décembre 2018, en soutenant qu'il aurait dû bénéficier du coefficient 220 catégorie 7 alors qu'il percevait un salaire de base brut mensuel de 1568,27 euros, pour 151,67 heures selon un coefficient 165, catégorie 2, des employés de la convention collective nationale de la pâtisserie.

Il sollicite l'infirmation du jugement qui a fait partiellement droit en retenant seulement un coefficient 220 niveau 3 plutôt que celui de catégorie 7 demandé.

Le CGEA au regard des pièces produites, s'en rapporte sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification au coefficient 220 catégorie 7.

M. [I] qui était titulaire du brevet de maîtrise de pâtisserie depuis le 9 juillet 1993 est fondé à réclamer le salaire correspondant au coefficient 220 catégorie 7 du personnel de fabrication de la convention collective nationale de la pâtisserie, prévu pour un ouvrier hautement qualifié ou titulaire du brevet de maîtrise exécutant des travaux de qualité professionnelle et de spécialités.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande au titre du rappel de salaire sur les trois ans précédant la rupture de son contrat de travail en fonction du taux horaire minima établi par la convention collective nationale pour son poste et qui était en 2016 de 12,61 euros, en 2017 de 12,74 euros et en 2018 de12,90 euros .

Par infirmation du jugement déféré, il y a lieu de fixer la créance de ce chef à 5 698,27 euros en 2016, 5 272,31 euros en 2017 et 5 558,09 euros en 2018, outre congés payés y afférents.

Sur le rappel d'indemnité de licenciement

Il y a lieu de recalculer l'indemnité de licenciement en conséquence du coefficient 220 niveau 7 auquel pouvait prétendre le salarié, sur la moyenne de ses douze derniers mois de salaire au moment de la rupture, intégrant les heures supplémentaires, soit sur la base d'un montant non contesté de 2 592 euros.

Par conséquent le salarié qui aurait dû percevoir 14 040,66 euros, et qui n'a perçu que le montant de 11 769,02 euros selon le solde de tout compte, est fondé en sa demande d'une somme complémentaire de 2 271,64 euros.

Sur le licenciement

M. [I] soutient au visa des articles L631-1 et suivants du code de commerce, que le licenciement économique procède d'une fraude au jugement de liquidation judiciaire de la société, et devra être jugé sans cause réelle et sérieuse, par dissimulation de l'activité de établissement du [Adresse 10] à [Localité 6] pour lequel les salariés et lui-même ont travaillé depuis 1990 à la fabrication de pâtisseries destinées aussi bien pour la pâtisserie du magasin de [Localité 9] que pour l'activité de réception.

Il fait valoir que le [Adresse 10] n'a jamais été immatriculé au registre du commerce, ni comme établissement secondaire de la société, ni comme une exploitation indépendante déclarée en nom propre par M. [E] [Z], ou une autre société en violation des articles R. 123-40 et R. 123-43 du code de commerce.

Il précise que le jugement du tribunal de commerce du 20 décembre 2018 mentionne que la société qui a procédé à la déclaration de cessation des paiements, n'a fait mention que de son activité de pâtisserie, confiserie, glaces et salon de thés, café, restaurant, brasserie, rattaché à son établissement uniquement déclaré du [Adresse 3] à Marseille et a donc dissimulé une partie de son actif.

Il produit pour soutenir l'existence d'une fraude les attestations d'autres salariés et notamment celle de M. [N], gardien du [Adresse 10].

Il soutient également que le mandataire informé lors de l'entretien préalable que l'activité continuait au [Adresse 10], n'a pas fait de diligence pour rechercher un reclassement.

L'organisme AGS soutient que le licenciement prononcé par le liquidateur est fondé en exécution du jugement de liquidation judiciaire de la société qui entraîne une cessation immédiate d'exploitation, et que la cause économique est établie par le constat judiciaire de l'état de cessation des paiements, et que le motif économique ne peut être discuté, même sur le terrain de la fraude, dès lors que le jugement du tribunal de commerce prononçant la liquidation judiciaire est devenu définitif .

Il fait valoir que le délit de banqueroute relève de l'appréciation du juge pénal, qu'aucune plainte n'a été déposée en ce sens, et qu'il n'est pas démontré que la déclaration de cessation de paiement du dirigeant ait un caractère frauduleux.

Il demande subsidiairement de juger inopposable à l'AGS l'ensemble des créances sollicitées au titre de la rupture du contrat de travail en soutenant que les conséquences financières d'une éventuelle fraude du dirigeant à la procédure collective ne peuvent être garanties par l'AGS.

Un salarié licencié en vertu d'une autorisation judiciaire du juge-commissaire, est recevable nonobstant l'autorité de la chose jugée de cette ordonnance à contester dans une instance prud'homale la suppression d'emploi mais aussi la cause économique de son licenciement, lorsqu'il prouve que cette autorisation résulte d'une fraude (soc 4 juillet 2018 n°16-27922).

L'autorité de cette ordonnance ne s'étend pas non plus à la situation individuelle des salariés au regard de l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur (Soc 1er mars 2000 n°97-45836).

Sur la fraude

La cessation d'activité de la société consécutive à sa liquidation judiciaire doit être caractérisée selon l'article L. 640-1 du code de commerce, par l'état de cessation des paiements et l'impossibilité manifeste du redressement du débiteur.

Il appartient dès lors au salarié pour établir la fraude de rapporter la preuve que l'employeur a utilisé la liquidation judiciaire, pour favoriser son licenciement pour motif économique et pouvoir accessoirement faire prendre en charge son coût par l'AGS en charge des créances résultant du contrat de travail, en démontrant dans le cadre de la contestation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement, l'absence de difficultés économiques, ou l'absence de suppression de son emploi.

M. [I] produit essentiellement le témoignage de M. [N] gardien du [Adresse 10] depuis 1995, qui atteste ainsi:

'J'ai été salarié de la Société exploitation de l'Univers dirigée par Monsieur [E] [Z] en qualité de Gardien du [Adresse 10] situé à [Adresse 7], depuis 1995 jusqu'à mon licenciement économique prononcé par Maître [T], mandataire liquidateur, suite à la liquidation judiciaire de la Société Exploitation de l'Univers.

J'étais payé intégralement par avantage en nature, puisque j'étais logé sur le [Adresse 10], dans un appartement situé au dessus de la salle de réception du [Adresse 10] (55 m2 environ) Mon travail consistait à l'entretien du Mas, intérieur et extérieur. (...)

Après la mort de Monsieur [R] [Z], Monsieur [E] [Z] a commencé à vivre dans cette maison à partir des années 2010, puis vers 2015, il y a vécu avec sa nouvelle compagne Madame [O] [S]. (...)

Mon épouse se chargeait elle du ménage des salles de réception, avant et après les réceptions.

Au [Adresse 10], l'activité de la Société Exploitation de l'Univers était la suivante :

- Organisation de mariages, baptêmes, communions, séminaires de Société , d'organisations diverses

Ces activités étaient permanentes en semaine et week-end, toute l'année, à hauteur de 20 jours par mois en moyenne.

Lorsque que Monsieur [E] [Z] a su que la Société allait être placé en liquidation judiciaire, il m'a ordonné avec Monsieur [V] [I], de démonter une partie du laboratoire de Pâtisserie du [Adresse 3] à [Localité 9] et de le transporter dans mon propre camion .

Nous nous sommes exécutés et nous avons, démonté, transporté, et remonté ce matériel dans la cuisine du [Adresse 10] (table inox,bac à farine bac à sucre, vaisselle, plusieurs meubles inox, cellule de refroidissement, machine à fabriquer les glaces, frigo inox, plonge inox).

Lorsque j'ai été convoqué à l'entretien préalable à mon licenciement, Monsieur [Z] m'avait dit que je pourrais continuer à vivre dans mon appartement, car mon contrat serait repris par Madame [L] [Z], sa mère et propriétaire en usufruit du domaine du [Adresse 10]. (...).

De ce fait je n'ai pas accepté la proposition de CSP qui m'a été remise le 28 décembre 2018 par Me [T], mandataire liquidateur.

Je peux témoigner qu'après la liquidation judiciaire, en Décembre 2018, il n'y a jamais eu d'interruption d'activité au [Adresse 10] , j'ai moi même continué à travailler, il me faisait faire en plus de mon travail habituel, des achats pour les réceptions pendant cette période.

Pendant cette période, Monsieur [E] [Z] continuait de travailler sur le Mas où il faisait les pâtisseries pour les réceptions, avec d'anciens employés de la Société, alors qu'ils avaient été licenciés.

Début janvier 2019, Monsieur [Z] m'a demandé de reprendre en gérance le mas de [Adresse 5], il voulait que je sois prête-nom, d'une Société qui allait s'appeler « l'instant gourmand ». D'ailleurs chaque fois que je faisais des courses pour les réceptions, il me donnait de l'argent en espèce et me demandait de faire établir les factures au nom de l'instant Gourmand, et ce dès janvier 2018.

Monsieur [Z] n'a pas donné suite à la proposition qu'il m'avait faîte, quand je lui ai demandé comment j'allais être rémunéré, et à la fin du mois de Février 2019, j'ai reçu un courrier recommandé de Madame [L] [Z] qui me demandait de quitter les lieux de mon logement de fonction, suite à la liquidation de la Société Exploitation de l'Univers.

J'ai vu ensuite que la Société l'Instant GOURMAND, avait pour gérant, Madame [O] [S], compagne de Monsieur [Z] et qui vit avec lui sur le domaine. (...).

Monsieur [K] [I] que nous appelions « [V] », Pâtissier au [Adresse 4], venait au [Adresse 10] à [Localité 6], lors de réceptions et mariage pour aider en cuisine '.

Il résulte effectivement de cette attestation mais également du certificat de travail établi par M. [E] [Z] le 15 janvier 2018 (pièce n°5), que celui-ci exploitait d'une part une boutique à [Localité 9] et d'autre part, un lieu de réception à [Localité 6].

En l'état des éléments versés il n'ait pas établi sous quelle forme juridique était exploitée le [Adresse 10] , et aucun élément ne permet de considérer qu'il faisait partie de l'actif de la société d'exploitation de l'univers sous forme d'un bail commercial.

De même à défaut d'élément relatif à la comptabilité de la société, les prestations réalisées par l'atelier de fabrication et le personnel de la société pour les réceptions organisées au [Adresse 10] ne sont pas révélatrices d'un abus des biens de la société.

M. [I] de part ses fonctions de pâtissier travaillait essentiellement dans l'établissement à [Localité 9], y compris pour fournir les pâtisseries pour les réceptions comme en atteste d'ailleurs M. [A] [H] (piècen°14) et ne prétend d'ailleurs pas avoir eu un autre employeur que la Société d'Exploitation de l'Univers, personne morale distincte de la personne de son gérant.

Ainsi c'est à tort que le salarié soutient que la société disposait de deux établissements puisque les éventuelles anomalies dans la gestion parallèle des deux activités par M. [E] [Z] à la fois gérant d'une société et exploitant à titre personnel ou en famille d'un lieu d'habitation mais aussi de réception non immatriculé, ne sont pas de nature à remettre en cause les difficultés économiques constatées par le tribunal de commerce à propos de la seule société auprès de laquelle M. [I] était salarié.

Ainsi, il n'est pas justifié que la constatation de l'état de cessation des paiement par le tribunal de commerce résulte d'une présentation inexacte et frauduleuse de la situation réelle et comptable de la société. De surcroît l'existence notoire du [Adresse 10] dans l'environnement économique de la société de M. [Z] et dans lequel l'un des salariés en qualité 'd'homme toute main' avait son logement de fonction était nécessairement connu des organes de la procédure collective conduite par le tribunal de commerce.

Le salarié justifie par l'attestation de M. [N] que l'activité a pu perdurer sur le site du [Localité 11] avec l'aide de ce dernier et le travail de M. [Z].

Néanmoins la réalité de la suppression de l'emploi de M. [I] au sein de la Société d'Exploitation de l'Univers qui a été liquidée, n'est pas remise en cause pour autant.

L'exploitation du [Adresse 10] a donné lieu à la création d'une nouvelle société le 5 février 2019 dénommée L'Instant Gourmand, gérée par Mme [O] [S] la compagne de M. [Z]. Cette situation postérieure à l'ouverture de la procédure collective est sans incidence sur l'appréciation du motif économique du licenciement consécutif à la liquidation de la société.

Si le salarié justifie par l'attestation de M. [N] qu'il avait avec celui-ci et à la demande du gérant, transporté au [Adresse 10], des meubles et matériel de cuisine, provenant de l'établissement du [Adresse 3] avant le prononcé de la liquidation judiciaire, ce seul élément à défaut d'inventaire n'est pas suffisamment probant pour établir que la société n'était pas sans cela, en situation de cessation des paiements.

La cour relève qu'aucune situation de banqueroute n'a été mise en lumière dans le cadre de la procédure collective et par ailleurs, M. [E] [Z], gérant de la société n'est pas mis en cause personnellement, pour répondre de ses agissements dans la présente procédure prud'homale concernant la société liquidée.

Par conséquent, la cour juge que nonobstant la situation douteuse du [Adresse 10] , la fraude n'est pas établie à l'égard de la liquidation judiciaire de la société d'exploitation de l'univers représentée par son mandataire .

Sur l'obligation de reclassement

M. [I] indique avoir avisé le mandataire liquidateur au moment de l'entretien préalable au licenciement, selon l'attestation de M.[P] conseiller du salarié, qu'il existait une possibilité de reclassement au sein du [Adresse 10] alors que l'activité s'y poursuivait après le prononcé de la liquidation judiciaire.

S'il appartenait au mandataire liquidateur de faire toutes diligences dans le cadre du licenciement économique pour proposer un reclassement au salarié conformément à l'article L. 1233-4 du code du travail, du fait de l'impossibilité de reclassement en raison de la cessation d'activité de la société , cette recherche ne peut intervenir qu'au sein du secteur d'activité d'un groupe dont fait partie la société liquidée.

Or le [Adresse 10] exploité à titre personnel par M. [Z] et sa famille, ne comprenait alors pas de salariés et donc de poste disponible à la date de la recherche de reclassement .

La lettre de licenciement du 2 janvier 2019 notifiée par M. [T] es qualité est suffisamment motivée dès lors qu'elle vise le jugement de liquidation judiciaire de la Société d'Exploitation de l'Univers, et l'impossibilité de reclassement en l'absence de poursuite de l'activité. Par conséquent, à défaut de fraude prouvée, le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse et le salarié doit être débouté de sa demande d'indemnisation à ce titre

Sur le travail dissimulé

L'article L.8223-1 du code de travail dispose: « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.».

A l'appui d'une demande indemnitaire, M. [I] fait valoir que l'absence d'immatriculation au RCS, de l'établissement secondaire du [Adresse 10] à [Localité 6] constitue l'infraction de travail dissimulé .

Le défaut d'immatriculation intentionnel au registre du commerce et des sociétés par un commerçant est susceptible de caractériser l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité au sens de l'article L. 8221-3 du code de travail.

Néanmoins l'absence de déclaration de l'activité personnelle de M. [Z] au sein du [Adresse 10] n'est pas constitutive d'une infraction pouvant être retenue à l'encontre de la Société d'Exploitation de l'Univers qui seule était l'employeur de M. [I] .

Par conséquent , la décision doit être confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de ce chef de demande.

Le salarié sera ainsi débouté de sa demande de remise par le mandataire liquidateur d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi modifié.

Sur la garantie de l'AGS

La créance bénéficie de la garantie légale de l'AGS dans les conditions prévues aux dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail sur l'établissement d'un relevé des créances par le mandataire judiciaire.

Sur les frais et dépens

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la société liquidée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré, SAUF dans les montants fixés au titre du rappel de salaire et du reliquat de l'indemnité de licenciement;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;

Fixe la créance de M. [K] [I] au passif de la liquidation judiciaire de la société d'exploitation de l'univers représentée par M. [D] [T] mandataire ad hoc , aux sommes suivantes :

- 5 698,27 euros brut à titre de rappel de salaire pour l'année 2016,

- 569,82 euros au titre des congés payés afférents pour l'année 2016,

- 5 272,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour l'année 2017,

- 527,23 euros au titre des congés payés afférents pour l'année 2017,

- 5 558,09 euros brut à titre de rappel de salaire pour l'année 2018,

- 555,80 euros au titre des congés payés afférents pour l'année 2018,

- 2 271,64 euros net au titre du solde d'indemnité de licenciement,

Déboute M. [I] de ses autres demandes ;

Rappelle que l'UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 9] devra garantir, par application des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, le paiement de la totalité des sommes fixées dans la limite du plafond applicable aux faits de la cause prévu aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles pour procéder au paiement ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société liquidée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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