CA Nîmes, 1re ch., 6 novembre 2025, n° 23/03488
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/03488 -
N° Portalis DBVH-V-B7H-I7ZR
AB
TJ DE NIMES
20 octobre 2023
RG : 21/05518
[B]
[W]
C/
BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE
Copie exécutoire délivrée
le 06 novembre 2025
à :
Me Marie-Ange Sebellini
Me Audrey Moyal
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de Nîmes en date du 20 octobre 2023, N°21/05518
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Alexandra Berger, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Alexandra Berger, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Delphine Ollmann, greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 novembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
M. [O] [B]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] (30)
et
Mme [I] [W] épouse [B]
née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 7] (30)
demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]
Représentés par Me Marie-Ange Sebellini de la Selarl MAS, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉE :
La société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE,
RCS de Nice n° 058 801 481, venant aux droits de la SA BANQUE CHAIX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Audrey Moyal de la Selarl Cabanes Bourgeon Moyal Viens, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 06 novembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte notarié en date du 24 juin 2006, la société Banque Chaix (devenue Banque Populaire Méditerranée) a consenti au GFA [Adresse 6], un crédit de trésorerie d'un montant de 160 000 euros.
Le contrat a prévu que le prêt était consenti pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 24 juin 2008, et qu'à son terme le capital sera remboursable en une seule fois.
M. [O] [B] et son épouse [I] née [W] se sont au même acte portés cautions personnelles et solidaires en garantie de ce prêt pour une durée de trente-six mois, chacun à hauteur de 208 000 euros maximum, comprenant les intérêts courus et à courir.
Le 16 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Nîmes a condamné le GFA [Adresse 6] à payer à la banque la somme de 160 000 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 24 février 2009, lui accordant toutefois un délai de deux ans pour régler sa dette.
Par jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 19 février 2015, Mme [I] [W] épouse [B], exploitante des terres du GFA [Adresse 6] a été placée en redressement judiciaire à la demande de la MSA, titulaire d'une créance de 224 501,45 euros.
Par jugement du 03 mars 2016, un plan de continuation d'une durée de treize ans a été adopté à son égard, prolongé par un jugement du 6 janvier 2022.
Le GFA [Adresse 6] a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 21 février 2019 et Me [Z] désigné en qualité de mandataire judiciaire.
La banque a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire sa créance qui a été admise pour un montant de 234 181,03 euros, outre intérêts aux taux de 4,90 %, à titre privilégié.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 03 mai 2019, réceptionnées le 09 mai la banque a averti les cautions de sa déclaration de créance au passif du GFA suite à son redressement judiciaire, ainsi que du montant de leur obligation.
Elle n'a pas déclaré sa créance à l'égard de Mme [I] [W] épouse [B] en qualité de caution à la procédure collective de redressement judiciaire de celle-ci.
Le 26 décembre 2019, elle a donné son accord au GFA pour un remboursement de 100 % de la créance sur quinze ans, outre intérêts conformément au plan proposé par le mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 09 avril 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes a arrêté un plan de redressement du GFA à hauteur de 234 181,03 euros pour une durée de quinze ans et désigné Me [Z] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, mais aucun règlement de la part du débiteur n'est intervenu.
Par acte du 22 décembre 2021, la société Banque populaire Méditerranée a assigné les cautions en remboursement du prêt devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui, par jugement contradictoire du 20 octobre 2023 :
- a déclaré son action recevable,
- les a condamnées solidairement à lui payer la somme de 234 181,03 euros, outre intérêts, dans la limite de leurs engagements contractuels respectifs de 208 000 euros en principal chacune,
- a rejeté sa demande de capitalisation des intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,
- les a condamnés aux dépens.
M. [O] [B] et Mme [I] [W] épouse [B] ont interjeté appel de ce jugement déclaration du 09 novembre 2023.
Par ordonnance du 14 février 2025, la procédure a été clôturée le 21 août 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 04 septembre à laquelle elle a été mise en délibéré au 6 novembre 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 31 juillet 2025, M. [O] [B] et Mme [I] [W] épouse [B], appelants, demandent à la cour
- de déclarer leur appel recevable et bien fondé,
Statuant à nouveau,
- de constater l'arrêt des poursuites individuelles suite au placement en redressement judiciaire de Mme [I] [W] épouse [B],
En conséquence
- de déclarer le jugement nul et non avenu à son égard,
En tout état de cause
- de réformer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [I] [W] épouse [B] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 234 181,03 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter du 22 décembre 2021, dans la limite de ses des engagements contractuels de 208 000 euros en principal.
En toute hypothèse
A titre principal s'agissant de M. [O] [B] et à titre subsidiaire s'agissant de Mme [I] [W] épouse [B]
- de réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages intérêts au titre de la violation de l'obligation de mise en garde,
- de condamner l'intimée au paiement d'une somme de 208 000 euros à titre dommages-intérêts au titre de la violation de son obligation de mise en garde,
- de réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de décharge totale des cautionnements en raison de leur disproportion,
- de prononcer la décharge totale de leurs engagements de caution en raison de la disproportion manifeste des engagements souscrits dans l'acte notarié de 2006,
- de prononcer la prescription de la demande au titre des intérêts courus avant le 22 décembre 2017 et d'ordonner à la Banque Populaire Méditerranée la production d'un décompte expurgé de ces intérêts,
- de débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- de réformer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive engagée à son encontre,
- de condamner l'intimée à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- de la condamner à leur payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 03 mai 2024, la société Banque Populaire Méditerranée, intimée, demande à la cour
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 20 octobre 2023 en ce qu'il :
- a rejeté les fin de non-recevoir en raison de la procédure collective et en raison de la prescription soulevées par les cautions,
- a déclaré son action recevable,
- a condamné solidairement M.[O] [B] et Mme [I] [W] épouse [B] à lui payer la somme de 234 181,03 euros, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 22 décembre 2021, dans la limite de leurs engagements contractuels respectifs de 208 000 euros en principal chacun,
- les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles,
- les a condamnés aux dépens.
- de l'infirmer en ce qu'il :
- a rejeté sa demande de capitalisation des intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,
- de condamner solidairement les appelants à lui payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 1 500 euros pour la procédure de première instance et 3 000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* demande à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B]
Pour rejeter le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes dirigées contre celle-ci au motif de la procédure collective en cours à son encontre, le tribunal a jugé que cette exception de procédure relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Les appelants soutiennent que la procédure de redressement judiciaire de Mme [B] interdisait les poursuites à son encontre, que l'arrêté d'un plan de continuation ne fait pas obstacle à cette règle d'ordre public, que cette irrecevabilité peut être soulevée en tout état de cause et doit être relevée d'office.
Sur la fixation de la créance au passif de Mme [B], ils soutiennent qu'elle n'est pas possible, la banque n'ayant pas déclaré sa créance alors que le cautionnement était antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'intimée réplique que seul le juge de la mise en état était compétent pour examiner cette fin de non recevoir. Elle ajoute que sa créance à l'encontre de la caution est née postérieurement au jugement de redressement judiciaire de Mme [B] qui a fixé la date de cessation des paiements à la date du 21 juillet 2014, que sa créance n'est née qu'à compter de la défaillance du GFA, débiteur principal, c'est à dire du 9 avril 2020, date du jugement adoptant un plan de redressement en sa faveur.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Le principe énoncé à cet article est d'ordre public.
L'irrecevabilité de l'action en justice doit donc être soulevée d'office.
Aussi le moyen tiré de la compétence exclusive du juge de la mise en état pour examiner cette irrecevabilité est rejeté.
L'acte authentique de prêt prévoit 'les cautions garantiront le paiement (...) de ce qui sera dû par le débiteur cautionné (...) Dès que cet engagement sera exigible, quelle que soit la cause de cette exigibilité, même résultant d'une déchéance du terme, et en cas de défaillance du débiteur cautionné, pour quelque cause que ce soit'.
En l'espèce, le GFA [Adresse 6], débiteur principal de l'obligation, est en réalité défaillant depuis le 24 juin 2008, date de l'échéance du prêt.
La banque l'a assigné devant le tribunal de grande instance le 26 octobre 2009 et a obtenu sa condamnation.
La créance contre Mme [B], en sa qualité de caution solidaire du GFA est donc née antérieurement au jugement prononçant son redressement judiciaire, peu important que celui-ci soit intervenu postérieurement.
En conséquence, l'action en paiement dirigée à l'encontre de Mme [B] est irrecevable, le jugement est infirmé sur ce point, les demandes dirigées contre elle sont rejetées et le moyen tiré de la déclaration de créance auprès du débiteur principal est devenu sans objet.
* demande de fixation de créance à l'encontre de Mme [B]
L'intimée demande, subsidiairement, dans le corps de ses écritures, que sa créance à l'encontre de Mme [B] soit fixée au passif de la procédure dont celle-ci fait l'objet à hauteur de 208 000 euros en principal, outre intérêts au taux conventionnel, mais cette demande n'est pas reprise au dispositif de ses écritures.
Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En conséquence, la cour n'est pas saisie de cette demande.
* action en paiement à l'encontre M. [B]
- moyen tiré du caractère disproportionné de l'engagement
Pour rejeter la demande des défendeurs à ce titre, le tribunal a jugé qu'ils ne rapportaient pas la preuve de ce caractère disproportionné.
Les appelants soutiennent au contraire avoir rapporté la preuve de la disproportion de leur engagement au regard de leur situation financière.
L'intimée réplique que la preuve n'en est pas faite
Aux termes de l'article L.332-1 ancien du code de commerce applicable à l'espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Pour l'essentiel, les appelants produisent des éléments sur la situation de la seule Mme [I] [W] épouse [B] et les seuls d'entres eux qui sont contemporains de la souscription de l'engagement sont ses fiches de paie pour cette même année.
Les décisions qui la concernent dans le cadre du redressement judiciaires ne contiennent aucun élément sur sa situation patrimoniale en 2006, outre l'absence de paiement de ses cotisations MSA.
M. [O] [B] excipe des jugements
- du 18 février 1989 prononçant son redressement judiciaire,
- du 12 janvier 1990 prononçant sa liquidation judiciaire,
- du 03 décembre 1999 prononçant la clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif.
Or, nul n'est censé se prévaloir de sa propre turpitude.
En effet, l'acte authentique indique ' la caution déclare (...) qu'il n'est pas et n'a jamais été en état de cessation de paiements, règlement ou liquidation judiciaire; qu'il ne fait l'objet d'aucune mesure de protection légale des incapables majeurs; qu'il est à jour dans le règlement de ses impôts directs ou indirects, ainsi que dans le paiement de ses cotisations de sécurité sociale, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse'.
Il incombait aux cautions et donc à M. [B] de donner à la banque les renseignements exacts concernant leur situation patrimoniale.
Celui-ci ne peut reprocher à la banque de ne pas avoir produit une fiche de renseignement, alors que ce document n'est pas obligatoire et qu'il a fait de fausses déclarations à l'acte authentique, qui mentionne en effet, page 13, que la caution n'a jamais fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
La preuve d'une disproportion de l'engagement de M. [B] avec ses ressources n'est pas rapportée.
En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.
* prescription partielle de l'action en recouvrement des intérêts
Le tribunal a rejeté cette demande au motif que cette fin de non recevoir n'avait pas été soulevée devant le juge de la mise en état.
Les appelants soutiennent que l'action en recouvrement des intérêts obéit à la prescription quinquennale de cinq ans de l'article 2224 du code civil et que la banque ne justifie pas avoir engagé une action en recouvrement avant le 22 décembre 2021, qu'ainsi la demande concernant les intérêts courus avant cette date est prescrite, et que la banque doit produire un décompte expurgé des intérêts au taux contractuels jusqu'au 22 décembre 2017.
L'intimée réplique que la déclaration de créance au passif du débiteur principal a interrompu le délai de prescription de l'action à l'égard de la caution solidaire, que ce délai est suspendu tant qu'aucune mesure de poursuite ne peut être exercée à l'encontre du débiteur en présence d'une procédure de redressement judiciaire (L.622-21 code commerce) et qu'elle justifie avoir engagé plusieurs procédures à l'encontre du GFA [Adresse 6] et des cautions, qu'enfin s'il était fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action, la date de point de départ de son délai devrait être le 22 décembre 2016, prenant en compte la date de l'assignation, le 22 décembre 2021.
Au termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Aux termes de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.
Aux termes de l'article 2246 du code civil, l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.
La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur interrompt la prescription à l'égard de la caution sans qu'il soit besoin d'une notification.
L'intimée produit l'accusé de réception de sa déclaration de créance du 27 mars 2019 auprès du mandataire judiciaire du GFA Mas du Rapatel, le jugement du 16 septembre 2011 au terme duquel celui-ci a été condamné à lui payer les sommes dues au titre du prêt, et le bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive du 1er mars 2013.
Le délai de prescription a donc été interrompu et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [O] [B] à payer à la banque la somme de 234 181,03 euros, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 22 décembre 2021 dans la limite de ses engagements contractuels de 208 000 euros en principal.
* demande de dommages et intérêts
- pour défaut de la banque à son obligation de mise en garde
Pour rejeter cette demande le tribunal a jugé que les débiteurs ne rapportaient pas la preuve du fait que l'engagement souscrit n'était pas adapté à leurs ressources.
Les appelants soutiennent que la banque a commis une faute en acceptant leur cautionnement alors que leur situation financière ne le leur permettait pas, ce que confirment selon eux les décisions de redressement judiciaire de M. [B] en 1989, et de Mme [B] en 2015.
L'intimée réplique que les appelants ne rapportent pas la preuve de la consistance de leurs ressources à la date de leur engagement.
Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L'existence d'un risque d'endettement excessif de l'emprunteur non-averti oblige le banquier à le mettre en garde.
Toutefois, l'obligation de mise en garde porte sur l'inadaptation du prêt consenti aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée. Le banquier ne peut pas en revanche s'immiscer dans les affaires de son client et n'est donc pas tenu à un devoir de conseil.
En l'espèce, les appelants produisent les mêmes pièces que celles versées au soutien de leurs demandes de décharge de leurs obligation pour disproportion, et aucun avis d'imposition.
Les documents produits ne suffisent pas à prouver les manquements de la banque à leur égard, aucun n'étant de nature à établir la réalité de la situation de M. [B] au moment de son engagement.
En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.
- pour procédure abusive
Pour rejeter cette demande, le tribunal a jugé que les défendeurs ne rapportaient pas la preuve d'une faute, ni d'un préjudice.
Les appelants soutiennent que la banque ne pouvait poursuivre en paiement Mme [B], ce qu'elle n'ignorait pas, ce qui justifie qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros.
L'intimée réplique que ni Mme [B] ni le mandataire judiciaire ne l'ont informée de la procédure de redressement judiciaire de celle-ci.
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le tribunal ayant fait droit aux demandes de la banque à l'encontre de Mme [B], il ne peut pas être considéré que son action en première instance était abusive même si en cause d'appel le jugement est infirmé de ce chef.
Enfin, les appelants ne rapportent pas la preuve d'une faute en lien de causalité avec un préjudice susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la banque.
Par conséquent, le jugement est confirmé de ce chef.
* demande de capitalisation des intérêts
Le tribunal a jugé que la demande de la requérante à ce titre n'était pas opportune au regard de la situation économique des parties.
L'intimée demande la réformation du jugement de ce chef et que soit ordonnée la capitalisation des intérêts, considérant que le tribunal n'a pas motivé sa décision. Les appelants ne répondent pas à cette demande.
Au termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
Les seules conditions posées par cet article sont que la demande ait été formée judiciairement et qu'il s'agisse d'intérêts dûs pour au moins une année entière.
La banque qui a formé cette demande en première instance la renouvelle en cause d'appel et ce alors que les intérêts sont dûs pour au moins une année entière.
En conséquence, le jugement est infirmé sur ce point et la capitalisation des intérêts est ordonnée.
* dépens et article 700 du code de procédure civile
M. [B], partie succombante à l'instance doit en supporter les entiers dépens, de première instance et d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire droits aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable la demande de la Banque Populaire Méditerranée de fixation de créance à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 20 octobre 2023
en ce qu'il
- a déclaré l'action de la société Banque Populaire Méditerranée recevable à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
- a condamné Mme [I] [W] épouse [B] à lui payer la somme de 234 181,03 euros, outre intérêts au taux conventionnels à compter du 22 décembre 2021 dans la limite de son engagement de 208 000 euros en principal,
- a rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevable l'action en paiement de la société Banque Populaire Méditerranée à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
Déboute la société Banque Populaire Méditerranée de ses demandes à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,
Confirme le jugement pour le surplus
Y ajoutant
Condamne les parties à supporter chacune la charge de ses dépens,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/03488 -
N° Portalis DBVH-V-B7H-I7ZR
AB
TJ DE NIMES
20 octobre 2023
RG : 21/05518
[B]
[W]
C/
BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE
Copie exécutoire délivrée
le 06 novembre 2025
à :
Me Marie-Ange Sebellini
Me Audrey Moyal
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de Nîmes en date du 20 octobre 2023, N°21/05518
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Alexandra Berger, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Alexandra Berger, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Delphine Ollmann, greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 novembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
M. [O] [B]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] (30)
et
Mme [I] [W] épouse [B]
née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 7] (30)
demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]
Représentés par Me Marie-Ange Sebellini de la Selarl MAS, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉE :
La société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE,
RCS de Nice n° 058 801 481, venant aux droits de la SA BANQUE CHAIX, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Audrey Moyal de la Selarl Cabanes Bourgeon Moyal Viens, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 06 novembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte notarié en date du 24 juin 2006, la société Banque Chaix (devenue Banque Populaire Méditerranée) a consenti au GFA [Adresse 6], un crédit de trésorerie d'un montant de 160 000 euros.
Le contrat a prévu que le prêt était consenti pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 24 juin 2008, et qu'à son terme le capital sera remboursable en une seule fois.
M. [O] [B] et son épouse [I] née [W] se sont au même acte portés cautions personnelles et solidaires en garantie de ce prêt pour une durée de trente-six mois, chacun à hauteur de 208 000 euros maximum, comprenant les intérêts courus et à courir.
Le 16 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Nîmes a condamné le GFA [Adresse 6] à payer à la banque la somme de 160 000 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 24 février 2009, lui accordant toutefois un délai de deux ans pour régler sa dette.
Par jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 19 février 2015, Mme [I] [W] épouse [B], exploitante des terres du GFA [Adresse 6] a été placée en redressement judiciaire à la demande de la MSA, titulaire d'une créance de 224 501,45 euros.
Par jugement du 03 mars 2016, un plan de continuation d'une durée de treize ans a été adopté à son égard, prolongé par un jugement du 6 janvier 2022.
Le GFA [Adresse 6] a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 21 février 2019 et Me [Z] désigné en qualité de mandataire judiciaire.
La banque a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire sa créance qui a été admise pour un montant de 234 181,03 euros, outre intérêts aux taux de 4,90 %, à titre privilégié.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 03 mai 2019, réceptionnées le 09 mai la banque a averti les cautions de sa déclaration de créance au passif du GFA suite à son redressement judiciaire, ainsi que du montant de leur obligation.
Elle n'a pas déclaré sa créance à l'égard de Mme [I] [W] épouse [B] en qualité de caution à la procédure collective de redressement judiciaire de celle-ci.
Le 26 décembre 2019, elle a donné son accord au GFA pour un remboursement de 100 % de la créance sur quinze ans, outre intérêts conformément au plan proposé par le mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 09 avril 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes a arrêté un plan de redressement du GFA à hauteur de 234 181,03 euros pour une durée de quinze ans et désigné Me [Z] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, mais aucun règlement de la part du débiteur n'est intervenu.
Par acte du 22 décembre 2021, la société Banque populaire Méditerranée a assigné les cautions en remboursement du prêt devant le tribunal judiciaire de Nîmes qui, par jugement contradictoire du 20 octobre 2023 :
- a déclaré son action recevable,
- les a condamnées solidairement à lui payer la somme de 234 181,03 euros, outre intérêts, dans la limite de leurs engagements contractuels respectifs de 208 000 euros en principal chacune,
- a rejeté sa demande de capitalisation des intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,
- les a condamnés aux dépens.
M. [O] [B] et Mme [I] [W] épouse [B] ont interjeté appel de ce jugement déclaration du 09 novembre 2023.
Par ordonnance du 14 février 2025, la procédure a été clôturée le 21 août 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 04 septembre à laquelle elle a été mise en délibéré au 6 novembre 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 31 juillet 2025, M. [O] [B] et Mme [I] [W] épouse [B], appelants, demandent à la cour
- de déclarer leur appel recevable et bien fondé,
Statuant à nouveau,
- de constater l'arrêt des poursuites individuelles suite au placement en redressement judiciaire de Mme [I] [W] épouse [B],
En conséquence
- de déclarer le jugement nul et non avenu à son égard,
En tout état de cause
- de réformer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [I] [W] épouse [B] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 234 181,03 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter du 22 décembre 2021, dans la limite de ses des engagements contractuels de 208 000 euros en principal.
En toute hypothèse
A titre principal s'agissant de M. [O] [B] et à titre subsidiaire s'agissant de Mme [I] [W] épouse [B]
- de réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages intérêts au titre de la violation de l'obligation de mise en garde,
- de condamner l'intimée au paiement d'une somme de 208 000 euros à titre dommages-intérêts au titre de la violation de son obligation de mise en garde,
- de réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de décharge totale des cautionnements en raison de leur disproportion,
- de prononcer la décharge totale de leurs engagements de caution en raison de la disproportion manifeste des engagements souscrits dans l'acte notarié de 2006,
- de prononcer la prescription de la demande au titre des intérêts courus avant le 22 décembre 2017 et d'ordonner à la Banque Populaire Méditerranée la production d'un décompte expurgé de ces intérêts,
- de débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- de réformer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive engagée à son encontre,
- de condamner l'intimée à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- de la condamner à leur payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 03 mai 2024, la société Banque Populaire Méditerranée, intimée, demande à la cour
- de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 20 octobre 2023 en ce qu'il :
- a rejeté les fin de non-recevoir en raison de la procédure collective et en raison de la prescription soulevées par les cautions,
- a déclaré son action recevable,
- a condamné solidairement M.[O] [B] et Mme [I] [W] épouse [B] à lui payer la somme de 234 181,03 euros, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 22 décembre 2021, dans la limite de leurs engagements contractuels respectifs de 208 000 euros en principal chacun,
- les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles,
- les a condamnés aux dépens.
- de l'infirmer en ce qu'il :
- a rejeté sa demande de capitalisation des intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,
- de condamner solidairement les appelants à lui payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 1 500 euros pour la procédure de première instance et 3 000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIVATION
* demande à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B]
Pour rejeter le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes dirigées contre celle-ci au motif de la procédure collective en cours à son encontre, le tribunal a jugé que cette exception de procédure relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Les appelants soutiennent que la procédure de redressement judiciaire de Mme [B] interdisait les poursuites à son encontre, que l'arrêté d'un plan de continuation ne fait pas obstacle à cette règle d'ordre public, que cette irrecevabilité peut être soulevée en tout état de cause et doit être relevée d'office.
Sur la fixation de la créance au passif de Mme [B], ils soutiennent qu'elle n'est pas possible, la banque n'ayant pas déclaré sa créance alors que le cautionnement était antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'intimée réplique que seul le juge de la mise en état était compétent pour examiner cette fin de non recevoir. Elle ajoute que sa créance à l'encontre de la caution est née postérieurement au jugement de redressement judiciaire de Mme [B] qui a fixé la date de cessation des paiements à la date du 21 juillet 2014, que sa créance n'est née qu'à compter de la défaillance du GFA, débiteur principal, c'est à dire du 9 avril 2020, date du jugement adoptant un plan de redressement en sa faveur.
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Le principe énoncé à cet article est d'ordre public.
L'irrecevabilité de l'action en justice doit donc être soulevée d'office.
Aussi le moyen tiré de la compétence exclusive du juge de la mise en état pour examiner cette irrecevabilité est rejeté.
L'acte authentique de prêt prévoit 'les cautions garantiront le paiement (...) de ce qui sera dû par le débiteur cautionné (...) Dès que cet engagement sera exigible, quelle que soit la cause de cette exigibilité, même résultant d'une déchéance du terme, et en cas de défaillance du débiteur cautionné, pour quelque cause que ce soit'.
En l'espèce, le GFA [Adresse 6], débiteur principal de l'obligation, est en réalité défaillant depuis le 24 juin 2008, date de l'échéance du prêt.
La banque l'a assigné devant le tribunal de grande instance le 26 octobre 2009 et a obtenu sa condamnation.
La créance contre Mme [B], en sa qualité de caution solidaire du GFA est donc née antérieurement au jugement prononçant son redressement judiciaire, peu important que celui-ci soit intervenu postérieurement.
En conséquence, l'action en paiement dirigée à l'encontre de Mme [B] est irrecevable, le jugement est infirmé sur ce point, les demandes dirigées contre elle sont rejetées et le moyen tiré de la déclaration de créance auprès du débiteur principal est devenu sans objet.
* demande de fixation de créance à l'encontre de Mme [B]
L'intimée demande, subsidiairement, dans le corps de ses écritures, que sa créance à l'encontre de Mme [B] soit fixée au passif de la procédure dont celle-ci fait l'objet à hauteur de 208 000 euros en principal, outre intérêts au taux conventionnel, mais cette demande n'est pas reprise au dispositif de ses écritures.
Selon l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En conséquence, la cour n'est pas saisie de cette demande.
* action en paiement à l'encontre M. [B]
- moyen tiré du caractère disproportionné de l'engagement
Pour rejeter la demande des défendeurs à ce titre, le tribunal a jugé qu'ils ne rapportaient pas la preuve de ce caractère disproportionné.
Les appelants soutiennent au contraire avoir rapporté la preuve de la disproportion de leur engagement au regard de leur situation financière.
L'intimée réplique que la preuve n'en est pas faite
Aux termes de l'article L.332-1 ancien du code de commerce applicable à l'espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Pour l'essentiel, les appelants produisent des éléments sur la situation de la seule Mme [I] [W] épouse [B] et les seuls d'entres eux qui sont contemporains de la souscription de l'engagement sont ses fiches de paie pour cette même année.
Les décisions qui la concernent dans le cadre du redressement judiciaires ne contiennent aucun élément sur sa situation patrimoniale en 2006, outre l'absence de paiement de ses cotisations MSA.
M. [O] [B] excipe des jugements
- du 18 février 1989 prononçant son redressement judiciaire,
- du 12 janvier 1990 prononçant sa liquidation judiciaire,
- du 03 décembre 1999 prononçant la clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif.
Or, nul n'est censé se prévaloir de sa propre turpitude.
En effet, l'acte authentique indique ' la caution déclare (...) qu'il n'est pas et n'a jamais été en état de cessation de paiements, règlement ou liquidation judiciaire; qu'il ne fait l'objet d'aucune mesure de protection légale des incapables majeurs; qu'il est à jour dans le règlement de ses impôts directs ou indirects, ainsi que dans le paiement de ses cotisations de sécurité sociale, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse'.
Il incombait aux cautions et donc à M. [B] de donner à la banque les renseignements exacts concernant leur situation patrimoniale.
Celui-ci ne peut reprocher à la banque de ne pas avoir produit une fiche de renseignement, alors que ce document n'est pas obligatoire et qu'il a fait de fausses déclarations à l'acte authentique, qui mentionne en effet, page 13, que la caution n'a jamais fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
La preuve d'une disproportion de l'engagement de M. [B] avec ses ressources n'est pas rapportée.
En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.
* prescription partielle de l'action en recouvrement des intérêts
Le tribunal a rejeté cette demande au motif que cette fin de non recevoir n'avait pas été soulevée devant le juge de la mise en état.
Les appelants soutiennent que l'action en recouvrement des intérêts obéit à la prescription quinquennale de cinq ans de l'article 2224 du code civil et que la banque ne justifie pas avoir engagé une action en recouvrement avant le 22 décembre 2021, qu'ainsi la demande concernant les intérêts courus avant cette date est prescrite, et que la banque doit produire un décompte expurgé des intérêts au taux contractuels jusqu'au 22 décembre 2017.
L'intimée réplique que la déclaration de créance au passif du débiteur principal a interrompu le délai de prescription de l'action à l'égard de la caution solidaire, que ce délai est suspendu tant qu'aucune mesure de poursuite ne peut être exercée à l'encontre du débiteur en présence d'une procédure de redressement judiciaire (L.622-21 code commerce) et qu'elle justifie avoir engagé plusieurs procédures à l'encontre du GFA [Adresse 6] et des cautions, qu'enfin s'il était fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action, la date de point de départ de son délai devrait être le 22 décembre 2016, prenant en compte la date de l'assignation, le 22 décembre 2021.
Au termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Aux termes de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.
Aux termes de l'article 2246 du code civil, l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.
La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur interrompt la prescription à l'égard de la caution sans qu'il soit besoin d'une notification.
L'intimée produit l'accusé de réception de sa déclaration de créance du 27 mars 2019 auprès du mandataire judiciaire du GFA Mas du Rapatel, le jugement du 16 septembre 2011 au terme duquel celui-ci a été condamné à lui payer les sommes dues au titre du prêt, et le bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire définitive du 1er mars 2013.
Le délai de prescription a donc été interrompu et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [O] [B] à payer à la banque la somme de 234 181,03 euros, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 22 décembre 2021 dans la limite de ses engagements contractuels de 208 000 euros en principal.
* demande de dommages et intérêts
- pour défaut de la banque à son obligation de mise en garde
Pour rejeter cette demande le tribunal a jugé que les débiteurs ne rapportaient pas la preuve du fait que l'engagement souscrit n'était pas adapté à leurs ressources.
Les appelants soutiennent que la banque a commis une faute en acceptant leur cautionnement alors que leur situation financière ne le leur permettait pas, ce que confirment selon eux les décisions de redressement judiciaire de M. [B] en 1989, et de Mme [B] en 2015.
L'intimée réplique que les appelants ne rapportent pas la preuve de la consistance de leurs ressources à la date de leur engagement.
Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L'existence d'un risque d'endettement excessif de l'emprunteur non-averti oblige le banquier à le mettre en garde.
Toutefois, l'obligation de mise en garde porte sur l'inadaptation du prêt consenti aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée. Le banquier ne peut pas en revanche s'immiscer dans les affaires de son client et n'est donc pas tenu à un devoir de conseil.
En l'espèce, les appelants produisent les mêmes pièces que celles versées au soutien de leurs demandes de décharge de leurs obligation pour disproportion, et aucun avis d'imposition.
Les documents produits ne suffisent pas à prouver les manquements de la banque à leur égard, aucun n'étant de nature à établir la réalité de la situation de M. [B] au moment de son engagement.
En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.
- pour procédure abusive
Pour rejeter cette demande, le tribunal a jugé que les défendeurs ne rapportaient pas la preuve d'une faute, ni d'un préjudice.
Les appelants soutiennent que la banque ne pouvait poursuivre en paiement Mme [B], ce qu'elle n'ignorait pas, ce qui justifie qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros.
L'intimée réplique que ni Mme [B] ni le mandataire judiciaire ne l'ont informée de la procédure de redressement judiciaire de celle-ci.
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le tribunal ayant fait droit aux demandes de la banque à l'encontre de Mme [B], il ne peut pas être considéré que son action en première instance était abusive même si en cause d'appel le jugement est infirmé de ce chef.
Enfin, les appelants ne rapportent pas la preuve d'une faute en lien de causalité avec un préjudice susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la banque.
Par conséquent, le jugement est confirmé de ce chef.
* demande de capitalisation des intérêts
Le tribunal a jugé que la demande de la requérante à ce titre n'était pas opportune au regard de la situation économique des parties.
L'intimée demande la réformation du jugement de ce chef et que soit ordonnée la capitalisation des intérêts, considérant que le tribunal n'a pas motivé sa décision. Les appelants ne répondent pas à cette demande.
Au termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
Les seules conditions posées par cet article sont que la demande ait été formée judiciairement et qu'il s'agisse d'intérêts dûs pour au moins une année entière.
La banque qui a formé cette demande en première instance la renouvelle en cause d'appel et ce alors que les intérêts sont dûs pour au moins une année entière.
En conséquence, le jugement est infirmé sur ce point et la capitalisation des intérêts est ordonnée.
* dépens et article 700 du code de procédure civile
M. [B], partie succombante à l'instance doit en supporter les entiers dépens, de première instance et d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire droits aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable la demande de la Banque Populaire Méditerranée de fixation de créance à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 20 octobre 2023
en ce qu'il
- a déclaré l'action de la société Banque Populaire Méditerranée recevable à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
- a condamné Mme [I] [W] épouse [B] à lui payer la somme de 234 181,03 euros, outre intérêts au taux conventionnels à compter du 22 décembre 2021 dans la limite de son engagement de 208 000 euros en principal,
- a rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevable l'action en paiement de la société Banque Populaire Méditerranée à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
Déboute la société Banque Populaire Méditerranée de ses demandes à l'encontre de Mme [I] [W] épouse [B],
Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,
Confirme le jugement pour le surplus
Y ajoutant
Condamne les parties à supporter chacune la charge de ses dépens,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,