CA Rennes, 7e ch prud'homale, 6 novembre 2025, n° 22/04009
RENNES
Arrêt
Autre
7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°352/2025
N° RG 22/04009 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S4QM
Mme [K] [I]
C/
Association LES PEP BRETILL'ARMOR
RG CPH : F20/00544
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RENNES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 23 Octobre 2025
****
APPELANTE :
Madame [K] [I]
née le 06 Mai 1972 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Gaëlle PENEAU-MELLET de la SELARL PENEAU & DOUARD AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Association LES PEP BRETILL'ARMOR agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélanie SOUTERAU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me JEZEQUEL, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
L'association Les PEP Brétill'Armor, reconnue d'utilité publique, issue en janvier 2019 de la fusion des associations PEP 35 et PEP 22, gère des établissements et services dans le secteur social s'agissant notamment de l'accueil temporaire de mineurs en difficulté, hébergés en internat complet ou en foyers ouverts. Elle emploie un effectif de plus de 500 salariés et applique la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
Le 7 août 2007, Mme [I] a été embauchée en qualité d'éducatrice jeunes enfants dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par l'association PEP 35.
En 2009, elle a obtenu par le biais d'une VAE le diplôme d'éducatrice spécialisée et occupé des fonctions conformes à sa nouvelle qualification.
Le 1er mars 2014, à la suite de la création d'une nouvelle [Adresse 13] ( MECS) à [Localité 14], Mme [I] a été promue au poste de Chef de service statut cadre de la maison de [Localité 9] composée en deux maisons d'accueil, l'une pour les petits située à [Localité 14] et l'autre pour les plus âgés, implantée à [Localité 18], à 16 km de [Localité 14]).
Le 26 février 2018, Mme [I] a été victime d'un accident de trajet pris en charge au titre de la législation professionnelle. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 16 mars 2018.
Quelques mois plus tard, le 5 juin 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie simple jusqu'au 4 janvier 2019 en raison d'un"épuisement".
Durant son arrêt de travail, elle s'est vue notifier le 2 octobre 2018 un rappel à l'ordre pour avoir confié à une agence immobilière un mandat de recherche et signé un bon de visite de locaux de bureaux le 21 février 2018 pour le compte de l'association, sans disposer de la délégation correspondante.
Le 1er janvier 2019, son contrat de travail a été transféré à l'association les PEP Brétill'Armor, issue de la fusion des PEP 35 et des PEP 22.
La salariée a repris son poste de travail à compter du 5 janvier 2019.
Par avenant du 20 mai 2019, les parties ont régularisé une convention de forfait annuel en jours à effet rétroactif au 1er janvier 2019.
Le 7 juin 2019, la salariée a été victime d'un second accident de la route.
Le 28 juin 2019, elle a été placée en arrêt de travail pour un maladie d'origine non professionnelle de manière continue jusqu'au 17 mars 2020.
Lors d'une visite de reprise le 17 février 2020, le médecin du travail a établi l'avis suivant:
"- Inapte au poste de travail de chef de service confirmé,
- Apte à un poste en horaire normal (entre 8h et 18 heures) sans astreinte, sans garde, sans heures supplémentaires , limiter les situations de stress.
- Apte à suivre une formation en adéquation avec les capacités physiques de la salariée. "
Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 26 mars 2020.
Le 7 avril 2020, elle s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
***
Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 9 septembre 2020 afin de voir :
- Dire que Mme [I] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société employeur à verser les sommes suivantes :
- A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 38 436 euros
- Au titre de l'inaptitude d'origine professionnelle :
- Un rappel d'indemnité de licenciement (le doublement ): la somme de 45 651,29 euros
- Un rappel de préavis (équivalent) : la somme de 10 268 euros outre 1026 euros de congés payés y afférents
- Constater la mise en danger de la santé de la salariée
- Condamner la société employeur à verser les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise en danger de la santé de la salariée
- 6467,54 euros outre 646 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ( septembre à décembre)
- 5002,36 euros outre 500 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2018
- 6650,32 euros outre 665 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2019
- 5000 euros au titre du non respect des durées maximales de travail
- 20 053,74 euros au titre du travail dissimulé
- Dire que le rappel à l'ordre dont a fait l'objet Mme [I] le 2 octobre 2018 est abusif
- Condamner la société employeur à lui verser la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée
- Condamner la société employeur à verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la même aux entiers dépens
L'association Les PEP Brétill'Armor a conclu au rejet des demandes de Mme [I] et à la condamnation de la salariée à une indemnité de procédure.
Par jugement en date du 13 juin 2022 , le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [I] pour inaptitude est au motif d'une cause réelle et sérieuse et qu'il a été satisfait à son obligation de recherche de reclassement.
- Dit et jugé que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle démontrée.
- Dit et jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas notifié de sanction injustifiée.
- Condamné l'association Les PEP Brétill'Armor à régler à Mme [I] les sommes suivantes :
- 3590,86 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 et 359,10 euros au titre des congés payés afférents
- 28,98 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2018 et 0,30 euros au titre des congés payés y afférents.
- 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé
- Rejeté la demande de l'association Les PEP Brétill'Armor au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions
- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la citation, celles à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement
- Condamné l'association Les PEP Brétill'Armor aux entiers dépens y compris aux frais éventuels d'exécution du jugement
***
Mme [I] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 28 juin 2022.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 28 février 2023, Mme [I] demande à la cour de :
- Infirmer la décision rendue le 3 juin 2022 en ce que le conseil de prud'hommes a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [I] pour inaptitude est au motif d'une cause réelle et sérieuse et qu'il a satisfait à son obligation de recherche de reclassement.
- Dit et jugé que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle démontrée.
- Dit et jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas notifié de sanction injustifiée.
- Condamné l'association Les PEP Brétill'Armor à régler à Mme [I] les sommes suivantes:
- 3590,86 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 et 359,10 euros au titre des congés payés afférents
- 28,98 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2018 et 0,30 euros au titre des congés payés y afférents.
- 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit et juge que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé.
- Confirmer la décision entreprise en ce que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de l'association Les PEP Brétill'Armor au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses autres demandes.
- Infirmant la décision rendue le 13 juin 2022 et jugeant de nouveau:
- Dire que Mme [I] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
- 38 436 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10 268 euros à titre de rappel de préavis outre 1026 euros de congés payés y afférents
- Dire que l'inaptitude est d'origine professionnelle,
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 10 268 euros au titre de rappel de préavis (équivalent) outre 1026 euros de congés payés y afférents
- Constater la mise en danger de la santé de la salariée
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise en danger de la santé ,
- Constater le non respect par l'association Les PEP Brétill'Armor des durées maximales de travail
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 5000 euros au titre du non respect des durées maximales de travail
- Constater le travail dissimulé déployé par l'association Les PEP Brétill'Armor
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 20 053,74 euros au titre du travail dissimulé
- Dire que le rappel à l'ordre dont a fait l'objet Mme [I] le 2 octobre 2018 est abusif
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée
- Confirmer sur le principe et infirmer sur les quantum les sommes allouées au titre de rappel d'heures supplémentaires
Dès lors, infirmant sur le quantum et jugeant de nouveau :
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser :
- 5588 euros outre 558 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ( septembre à décembre)
- 4922,5 euros outre 492 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2018
- 4098,8 euros outre 409,88 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2019
En tout état de cause,
- Débouter l'association Les PEP Brétill'Armor de ses demandes reconventionnelles,
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 2 décembre 2022, l'association Les PEP Brétill'Armor demande à la cour de:
- A titre principal :
- Confirmer le jugement du 13 juin 2022 en ce qu'il :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [I] pour inaptitude est justifié par une cause réelle et sérieuse et que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;
- Dit et jugé que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle démontrée ;
- Dit et jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité ;
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas notifié de sanction injustifiée ;
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé
- Infirmer le jugement du 13 juin 2022 en ce qu'il a condamné l'association Les PEP Brétill'Armor à régler les sommes suivantes :
- 3 590,86 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 et 359,10euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
- 28,98 euros au titre des heures supplémentaires sur l'année 2018 et 30 centimes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
- 1 691,71 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2019 et 169,17euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.
Statuer à nouveau :
- Juger que la convention de forfait en jours est opposable à la salariée pour l'année 2019 ;
- Juger que Mme [I] n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et étayés pour justifier ses demandes de rappels de salaire au titre des années 2017 et 2018 ;
- débouter Mme [I] de ses demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires au titre des années 2017, 2018 et 2019 ainsi que des indemnités compensatrices de congés payés afférentes.
A titre subsidiaire , si, par extraordinaire, la cour estimait donnait droit aux demandes de Mme [I] :
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre de sa demande de dommages-intérêts pour sanction abusive ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail ;
- Si le conseil jugeait la convention de forfait jours inopposable à la salariée, juger que Mme [I] n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et étayés pour justifier ses demandes de rappels de salaire au titre de l'année 2019 ;
- Par conséquent, débouter Mme [I] de ses demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires au titre de l'année 2019 ainsi que de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.
- Revoir à de plus justes proportions les demandes de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2017 et 2018 ainsi que les indemnités de congés payés afférentes ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] résultant de l'inaptitude d'origine professionnelle.
A titre subsidiaire :
- Revoir à de plus justes proportions les demandes de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2019 ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés afférente
En tout état de cause,
- Débouter Mme [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et relative aux dépens ;
- Condamner Mme [I] à verser à l'Association une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 24 juin 2025 avec fixation de l'affaire à l'audience du 8 septembre 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la nullité du rappel à l'ordre du 2 octobre 2018
A l'appui de l'infirmation du jugement, Mme [I] maintient sa demande d'annulation du rappel à l'ordre notifié le 2 octobre 2018 et celle de dommages et intérêts de 1 000 euros pour sanction injustifiée. Elle conteste le bien fondé de ce rappel à l'ordre fondé sur un dépassement de sa délégation de pouvoirs à l'occasion de la signature d'un mandat de recherche simple auprès d'une agence immobilière et d'un bon de visite de bureaux pour le compte de l'association, alors que ses démarches étaient effectuées avec l'accord et après concertation avec le Directeur, M.[F]; que ce rappel à l'ordre transmis durant son arrêt de travail révèle le comportement manipulateur de la Direction qui a utilisé ce motif pour éviter de régler les frais d'honoraires de l'agence.
L'association conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté les demandes de la salariée.
Les articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail disposent que :
" En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments, et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise."
Par courrier recommandé du 2 octobre 2018, l'employeur a notifié à la salariée un rappel à l'ordre pour les motifs suivants:
" ( ..) Nous faisons suite à notre entretien préalable du 20 septembre 2018 (..) Nous vous avons prészenté les motifs justifiant la présenté procédure. (..)Un courrier daté du 15 juillet 2018 et reçu au siège le 15 juillet 2018 adressé au Président des PEP 35 par Mme [D] de l'agence immobilière Refleximmo, nous informe que le 21 février 2018, vous avez signé un mandat de recherche simple et un bon de visite. Or, cet engagement de mandat de recherche simple n'est pas conforme aux délégations de pouvoirs que vous avez signées le 8 juin 2017 avec M.[F]. En effet, en tant que chef de service, les seuls engagements financiers dont vous pouvez avoir l'initiative sont les dépenses de fonctionnement dans la limite des enveloppes dédiées au service et autorisées par la direction.; que l'achat d'un bien immobilier ne fait pas partie des dépenses de fonctionnement, donc en tant que chef de service, vous ne pouvez pas engager l'association sur ce type de dépenses. De plus, ici, aucun achat n'a été décidé et même lorsque c'est le cas, c'est le conseil d'administration qui décide de donner un mandat à une direction pour une recherche et non pour un achat ou pour un mandat de recherche. Le conseil d'administration des PEP 35 n'a pris aucune décision en ce sens concernant l'établissement de [Localité 14]. Ce dépassement de votre délégation a comme conséquences :
- en terme d'image: le courrier officiel de Mme [D] se plaignant des méthodes de notre association a été transmis à la Présidence des PEP 35 avec copie au Président de l'ASSAD. Or sur un territoire restreint comme celui de [Localité 14], les intervenants du secteur social se connaissent tous(.;)votre initiative est tout à fait préjudiciable pour l'image de notre association sur le territoire redonnais.
- en terme financier : votre engagement fait peser un surcoût financier sur notre éventuelle future transaction immobilière: si le CA souhaitait acquérir ce bien immobilier, il lui en coûterait les honoraires de cet intermédiaire que vous seule avez solliciter de votre propre initiative alors même que ce bien nous a été proposé directement par l'intermédiaire de Mme [X] de la mairie de [Localité 14].( ..)
Pour expliquer cette initiative, vous vous appuyez sur les méthodes de travail mises en place à l'époque de l'ancien directeur, période durant laquelle vous avez effectivement réalisé des visites de locaux en signant des bons de visite.(..) Nous tenons à vous rappeler que vous devez respecter les délégations de pouvoir que vous avez signé et donc que vous ne devrez plus prendre une telle initiative (..).
Etant donné que c'est la première fois que nous constatons ce genre d'initiative qui nuit à l'association , nous décidons de ne pas vous sanctionner. Cependant, nous attirons votre attention sur le fait qu'en tant que chef de service, vous devez respecter les règles et montrer l'exemple aux équipes que vous managez. Comptant sur
votre collaboration pleine et entière avec votre directeur afin qu'en cas de doute sur une décision, vous puissiez ne pas reproduire ce type de situation."
A l'appui, l'employeur verse aux débats :
- la délégation de pouvoir donnée le 8 juin 2017 par M.[F], Directeur à Mme [I], Chef de service , se voyant confier, en sus de ses fonctions administratives d'animation d'équipe, d'appui technique et de gestion des ressources humaines, des attributions sur le plan financier à savoir le contrôle des dépenses de fonctionnement dans la limite des enveloppes dédiées.
- le mandat de recherche simple signé le 7 février 2018 par Mme [I] en qualité de Chef de service MECS de [Localité 9], confié à l'agence Refleximmo afin de trouver une maison à [Localité 14], incluant des bureaux, une salle de réunion et un parking , au prix maximum de 300 000 euros,
- un bon de visite signé le 21 février 2018 par Mme [I] concernant des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 14] par l'intermédiaire de Mme [D] de l'agence immobilière Refleximmo.
- un courrier recommandé du 30 juillet 2018 intitulé " Révocation du mandat de recherche immobilier" signé par M.[F] se rapportant au mandat conclu le 7 février 2018 avec Mme [I] , avec effet de la révocation au 13 août 2018.
De son côté, pour établir qu'elle disposait de l'accord préalable de la Direction, Mme [I] verse aux débats la lettre du 15 juillet 2018 de Mme [D] de l'agence Refleximmo, expliquant les circonstances l'ayant amenée à proposer régulièrement des visites à Mme [I], mandatée par l'ancien directeur M. [S], à la recherche de bureaux à [Localité 14] pour le compte de l'association; que durant l'absence pour maladie de Mme [I], elle a pris contact avec M.[F], nouveau Président lui ayant fait comprendre que la démarche de Mme [I] n'avait aucune valeur ; " qu'au final, M.[F] comptait faire une offre en direct sans passer par mon intermédiaire". L'agent immobilier exprimait son mécontentement à l'égard du comportement de M.[F] "profondément irrespectueux envers son travail et sa collaboration avec Mme [I] et l'association".
Il ne fait pas débat que Mme [I] a signé le 7 février 2018 un mandat de recherche simple, permettant de déléguer à l'agence immobilière Refleximmo la recherche d'un bien tout en conservant la faculté de procéder à des recherches personnelles et/ou de faire appel à d'autres professionnels; que ce mandat conclu pour une période maximale de 15 mois était susceptible de dénonciation au-delà d'une période de 3 mois par courrier recommandé avec un préavis de 15 jours. La rémunération du mandataire n'est versée que si le bien recherché était trouvé et la vente est conclue.
La qualification de sanction disciplinaire n'a pas l'objet d'aucune contestation de la part de l'employeur qui a notifié le 12 octobre 2018 à la salariée un rappel à l'ordre, précédé d'un entretien préalable à sanction.
La salariée, qui ne le conteste pas, ne disposait d'aucune habilitation pour conclure un mandat de recherche le 7 février 2018 pour le compte de son employeur. Elle ne justifie pas davantage avoir transmis et informé son supérieur hiérarchique, M.[F], de la signature d'un bon de visite le 21 février 2018. Même si le précédent directeur, M.[S], parti à la retraite depuis le mois de juin 2017, l'avait autorisée , à tout le moins verbalement, à procéder à des visites pour le compte de l'association, la salariée n'était pas autorisée au regard de la délégation de pouvoir accordée par le nouveau Directeur à conclure un mandat de cette nature susceptible d'engager la responsabilité contractuelle et financière de son employeur.
Le rappel à l'ordre apparaît au regard de ces faits justifié.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande en annulation dur rappel à l'ordre et de sa demande indemnitaire subséquente.
2- Sur les demandes relatives à la durée du travail et aux rappels de salaire
Les premiers juges ont alloué à Mme [I] des rappels de salaires correspondant à des heures supplémentaires :
- en 2017 : 3 590,86 euros outre les congés payés,
- en 2018 : 28,98 euros outre les congés payés,
- en 2019 : 1 691,71 euros outre les congés payés.
Mme [I] sollicite l'infirmation du jugement sur le quantum des heures supplémentaires impayées entre août 2017 et juin 2019 en soutenant que:
- elle était contrainte d'effectuer de multiples heures supplémentaires en raison de la multiplicité de ses missions, d'un sous effectif chronique et d'une surcharge de travail parfaitement connue de la Direction, alors que son contrat de travail initial prévoyait un rythme de 35 heures hebdomadaires,
- des salariées ont confirmé que Mme [I], en qualité de Chef de service, se montrait disponible à toute heure et n'avait même plus le temps de déjeuner.
- l'employeur conscient de la problématique a cherché à éluder le paiement d'heures supplémentaires en faisant signer à la salariée un avenant le 20 mai 2019 à effet retroactif au 1er janvier 2019 prévoyant un passage à un forfait annuel en jours : ce forfait doit lui être déclaré inopposable au titre de l'année 2019 étant précisé qu'il n'a donné lieu à aucun document de contrôle des jours travaillés ni un entretien individuel annuel.
- elle a établi un décompte plus précis en cause d'appel au regard du carnet d'heures tenu par ses soins,
- de son côté, l'employeur ne produit aucun élément propre à démentir ce décompte réactualisé,
L'association conclut au rejet des demandes en soutenant que:
- Mme [I] ne peut pas invoquer l'inopposabilité du forfait annuel conclu en mai 2019 alors que l'absence d'organisation d'un entretien annuel est liée uniquement à son arrêt de travail à compter du 28 juin 2019,
- subsidiairement, si le forfait était déclaré inopposable, le décompte réactualisé en appel de la salariée à la baisse présente certaines incohérences en intégrant à tort des jours de congés au titre de l'année 2019,
- pour les périodes antérieures à la formalisation de son forfait en mai 2019, la salariée a bénéficié des jours accordés aux cadres en forfait jours en 2019;
- elle a fourni des décomptes manifestement erronés et insufisamment précis pour les besoins de la cause,
et distincts de ceux fournis aux premiers juges,
- subsidiairement, les montants doivent être limités et en tout état de cause, prendre en compte les versements déjà effectués en exécution du jugement.
2-1 sur la période antérieure au 1er janvier 2019
Concernant la période antérieure au 1er janvier 2019, Mme [I] travaillait comme cadre à temps plein suivant l'avenant du 1er mars 2014 se référant "aux dispositions conventionnelles concernant le personnel d'encadrement non soumis à horaire préalablement défini, la salariée étant responsable de la gestion de son temps de travail pour remplir sa mission dans les conditions et les limites conventionnelles." Elle bénéficiait en contrepartie de jours forfaitaires cadres.
Le jugement ayant omis de statuer sur l'inopposabilité de l'avenant du 20 mai 2019 invoquée par la salariée à l'appui de sa demande au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er janvier 2019, il convient de réparer cette omission en examinant cette question préalable.
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
L'article L3121-60 dispose que l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
En l'espèce, l'avenant du 1er mars 2014 ne fait mention d'aucune durée de travail ni de nombre de jours travaillés, se référant exclusivement aux dispositions conventionnelles concernant le personnel d'encadrement non soumis à horaire préalablement défini.
Lesdites dispositions figurent dans l'annexe 6 relative aux cadres de la convention collective applicable selon lesquelles : "le cadre "non soumis à horaire préalablement établi" est responsable de l'aménagement de son temps de travail pour remplir la mission qui lui est confiée lorsque la spécificité de l'emploi l'exige. L'autonomie et la souplesse nécessaires à l'exercice de la fonction excluent donc toute fixation d'horaires préalablement établis. Ces dispositions ne sauraient faire obstacle à l'application des dispositions conventionnelles en matière de repos hebdomadaire, de congés et de durée hebdomadaire de travail en vigueur dans l'entreprise. "
Il en ressort l'absence de disposition conventionnelle de suivi et de contrôle du temps de travail de Mme [I], conformes aux exigences légales et juriprudentielles.
Dans ces conditions, la salariée est bien fondée à soutenir qu'elle était soumise au régime de droit commun pour la période antérieure au 1er janvier 2019 en l'absence de toute mention du nombre de jours travaillés et de suivi de sa charge de travail.
2-2 Sur la période postérieure au 1er janvier 2019
Mme [I] soulève l'inopposabilité de la convention de forfait jours conclue le 20 mai 2019 à effet rétroactif au 1er janvier 2019 à l'appui de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019.
L'association qui avait conclu devant le conseil de prud'hommes à l'opposabilité de la convention, maintient en appel que la durée du travail de la salariée doit être effectuée sur la base du forfait annuel applicable à partir du 1er janvier 2019. Subsidiairement, si la convention était déclarée inopposable, la salariée doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires au titre de l'année 2019.
Aux termes de l'article L3121-63 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
L'article L3121-64 du même code prévoit que :
I. L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17 (...) ;
Les mesures de contrôle prévues par l'accord collectif ne doivent pas se présenter comme une pétition de principe, mais être de nature à assurer un suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié afin de mettre l'employeur d'intervenir réellement et en temps utile si celle-ci s'avère finalement incompatible avec une durée de travail raisonnable (Rapport de M. Florès, conseiller à la cour de cassation, sous Soc. 24 mars 2021 - n°19-12.208).
Un accord écrit du salarié précisant le nombre de jours travaillés dans l'année est nécessaire.
Les dispositions d'ordre public de l'article L3121-58 du code du travail dans sa rédaction actuelle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 exigent que la convention de forfait en jours soit conclue "dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64".
A défaut de garanties suffisantes prévues par l'accord collectif, la convention de forfait est nulle.
Si l'employeur ne respecte pas les stipulations conventionnelles ou légales, la convention individuelle de forfait en jours n'est pas nulle mais elle est privée d'effet pendant toute la durée de la défaillance de l'employeur et devient dès lors inopposable au salarié.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l'amplitude du temps de travail. Des contraintes internes ne peuvent pas justifier un retard dans la tenue de l'entretien lié à la charge de travail des salariés en forfait-jours.
En l'espèce, les parties ont régularisé le 20 mai 2019 un nouvel avenant se rapportant à un forfait annuel, à effet rétroactif au 1er janvier 2019, fondé sur l'accord d'entreprise du 7 juillet 2017 concernant le personnel d'encadrement non soumis à horaire," avec une durée annuelle de travail de 186 jours, ce forfait comprenant la déduction des jours fériés, des congés payés, des congés trimestriels, des congés forfaitaires cadres et l'ajout de la journée de solidarité et correspondant à la période de janvier à décembre sur la base d'un droit intégral à congés.
La salariée est responsable de la gestion de son temps de travail pour remplir la mission qui lui est confiée dans les conditions et les limites conventionnelles ( repos minimal quotidien de 11 heures consécutives et repos hebdomadaires de 35 heures consécutives).
Chaque année, un entretien individuel sera organisé afin d'échanger sur la réalisation des missions prévues au regard du nombre de jours de travail prévus. Si cela semble nécessaire, un second entretien peut être organisé à la demande du salarié en cours de période.
Chaque année, le salarié établit un planning prévisionnel prévoyant l'intégralité des jours de travail et des jours de congés transmis à son supérieur hiérarchique ; d'autre part, un décompte mensuel des journées ou demi-journées de travail et de repos afin de permettre d'assurer le suivi de vos temps de travail et de repos. "
En l'absence de dispositions issues de la convention collective nationale, il convient de se référer aux dispositions de l'accord d'entreprise du 7 juillet 2017 - non versé aux débats - mais dont les dispositions sont reproduites dans la convention individuelle signée par la salariée le 20 mai 2019.
Mme [I] affirme sans être contestée qu'elle n'a bénéficié d'aucun entretien annuel destiné à évoquer son organisation, sa charge de travail et l'amplitude de ses journées d'activité, tel que prévu dans sa convention individuelle en application de l'accord d'entreprise du 7 juillet 2017.
L'association justifie cette situation par l'absence continue de la salariée, ayant empêché l'organisation de cet entretien annuel, entre l'arrêt de travail prescrit le 28 juin 2019 et l'avis d'inaptitude du 17 mars 2020. L'intimée insiste sur la mauvaise foi de la salariée à invoquer l'inopposabilité du forfait alors qu'elle n'a travaillé que durant un mois après la signature du forfait.
A titre subsidiaire, si l'inopposabilité de la convention était constatée, l'employeur s'oppose à tout rappel de salaire en l'absence d'éléments sérieux et crédibles appuyant la demande d'heures supplémentaires au titre de l'année 2019 et au regard des décomptes incohérents produits en appel par la salariée.
Si les parties ont régularisé le 20 mai 2019 une convention individuelle de forfait annuel de 186 jours avec effet rétroactif au 1er janvier 2019, l'association ne justifie à aucun moment avoir sollicité et obtenu de la salariée les documents visés dans l'accord collectif d'entreprise, à savoir :
- le planning prévisionnel prévoyant l'intégralité des jours de travail et des jours de congés,
- le décompte mensuel des journées ou demi-journées de travail et de repos afin de permettre d'assurer le suivi des temps de travail et de repos,
alors que Mme [I] était soumise depuis près de 6 mois à un régime dérogatoire en matière de durée du travail.
Peu importe que le planning prévisionnel ou les décomptes mensuels n'aient pas été renseignés et/ou transmis par Mme [I], ces documents doivent être établis sous la responsabilité de l'employeur auquel il incombe de s'assurer que la charge de travail de la salariée était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.
Nonobstant l'absence de la salariée à son poste de travail depuis le 28 juin 2019, l'employeur qui ne justifie d'aucune contrainte interne, ne démontre pas qu'il a programmé, avant de le reporter, l'entretien annuel permettant de contrôler sa charge de travail et l'adéquation de celle-ci avec la vie personnelle et familiale de Mme [I].
Il s'ensuit que l'employeur ne rapporte pas la preuve du contrôle effectif et régulier de la charge de travail de la salariée et de l'amplitude du temps de travail de nature à remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
Dans ces conditions, la convention de forfait de 186 jours stipulée à l'avenant du 20 mai 2019 doit être jugée comme étant privée d'effet et dès lors inopposable à la salariée.
2-3 - Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Mme [I] sollicite un rappel de salaire correspondant à :
- 5 588 euros au titre des heures supplémentaires effectuées de septembre à décembre 2017,outre les congés payés afférents
- 4 922,50 euros au titre des heures supplémentaires effectuées durant l'année 2018 outre les congés payés afférents,
- 4 098,80 euros au titre des heures supplémentaires au titre de l'année 2019
( janvier-juin), outre les congés payés afférents.
L'association fait valoir pour la période antérieure à la formalisation du forfait jours en 2019 que la salariée travaillait avant cette date selon une "convention de forfait jours", ne respectant pas les règles légales, et qu'elle bénéficiait de fait de jours accordés aux cadres en forfait jours. L'employeur souligne le caractère imprécis et incohérent des demandes de la salariée dont les décomptes sont divergents et minorés par rapport à ceux fournis aux premiers juges, étant constaté qu'elle a englobé des semaines intégrant des jours d'arrêt de travail et des jours fériés. Subsidiairement, elle conclut à la limitation du montant du rappel de salaire sauf à déduire les sommes allouées en exécution du jugement.
Conformément aux dispositions de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Cette acceptation ne peut valoir non plus compte arrêté et réglé au sens de l'article 1269 du code de procédure civile.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, gde ch.,14 mai 2019, aff. C-55/18, pt 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO : JurisData n° 2019-009307 ; JCP S 2019, 1177, note M. [A]).
Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir (Soc., 9 juillet 2025, pourvoi n°24-16.397).
L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre de jours travaillés.
En l'espèce, Mme [I] occupait des fonctions de Chef de service au sein de la [Adresse 10] ( MECS) de Gannedel à [Localité 14], répartie sur plusieurs sites :
- les bureaux administratifs à [Localité 14],
- la Maison des Petits , internat à [Localité 14] accueillant 6 enfants en bas âge placés par le juge pour enfants,
- la Maison des Moyens ou des grands, implantée à [Localité 18] accueillant 13 adolescents confiés par l'ASE,
Outre les astreintes (24h/24h) se rapportant à ses deux établissements, la salariée réalisait des astreintes régulières :
- depuis juillet 2014 auprès du Lieu de Vie Vent du Sud situé à [Localité 15], destiné à l'hébergement de courte, moyenne ou longue durée d'adolescents en difficulté,
- à compter de janvier 2019, auprès de la MECS de [Localité 7], situé à [Localité 6] près de [Localité 16].
Invoquant un alourdissement des périodes d'astreinte avec interventions, l'appelante soutient qu'elle était soumise à un rythme intense de travail au-delà du régime légal des 35 heures hebdomadaires ce dont son employeur conscient de la situation a entendu de manière malhonnête éluder la problématique en lui faisant signer un avenant le 20 mai 2019 pour la faire passer en forfait jours avec effet rétroactif au 1er janvier 2019.
A l'appui, la salariée verse aux débats :
- ses bulletins de salaire de janvier 2017 à décembre 2019 et celui d'avril 2020 faisant tous mention d'une durée de travail de 151,67 heures par mois moyennant en dernier lieu, un salaire de base de 2 795,83 euros brut par mois, auquel s'ajoutent des indemnités d'astreinte forfaitaires.
- la copie d'un carnet personnel récapitulant ses horaires de travail à compter du mois de janvier 2018 et jusqu'en juin 2019, ses périodes de congés et d'arrêt de travail pour maladie et à la suite d'accident de la voie publique durant le service ( pièce 64),
- les décomptes d'heures de travail produits en première instance ( pièce 65/1) sous forme de fiches horaires, détaillant les amplitudes de travail, semaine par semaine pour l'année 2017, et jour par jour pour les années 2018 et 2019,
- les tableaux réactualisés des heures de travail établis en cause d'appel sur la base de son carnet personnel faisant apparaître les amplitudes horaires de travail, les pauses éventuelles, les astreintes, les jours féries et les périodes de congés (pièce 65/2)
- le décompte récapitulatif des heures supplémentaires et des rappels de salaires pour la période allant de septembre 2017 à juin 2019, faisant apparaître des semaines de travail excédant régulièrement 45/50 heures
( conclusions pages 37 à 41) :
- en 2017 : 184 heures supplémentaires de septembre à décembre, représentant la somme de 5 558 euros avec les majorations,
- en 2018 : 162,50 heures supplémentaires de janvier à mai, représentant la somme de 4 922,50 euros avec les majorations,
- en 2019 : 127,75 heures supplémentaires de janvier à juin, représentant la somme de 4 098,80 euros
avec les majorations,
- les attestations d'éducateurs, d'une psychologue clinicienne, du personnel de surveillance ayant travaillé plusieurs années sous la direction de Mme [I], la décrivant de manière unanime comme une cadre compétente, disponible, attentive envers les membres de ses équipes, les familles, dont la charge de travail a été alourdie après l'arrivée du Directeur M.[F] en avril 2017 et la mise en place d'astreintes réparties sur plusieurs sites, impactant son état physique et psychologique :
- Mme [H] éducatrice " durant les dernières années, elle était plus fatiguée, ne prenait pas toujours le temps de déjeuner, rentrait tard à son domicile. Nous étions inquiets par la masse et l'intensité du travail, l'enchaînement des astreintes, et lui avons conseillé de stopper mais elle était sollicitée par son directeur et les trois équipes de [Localité 14] . En février 2018, elle m'a appelé car elle venait d'avoir un accident de voiture avec un enfant du groupe. L'accident n'a mis en cause que son véhicule. Elle était très fatiguée (..) Suite à tout cela, le rythme a été le même malgré les nombreuses alertes à sa direction. En mai 2018, elle manifestait de plus en plus de signes de souffrance (..)"
- Mme [O] éducatrice spécialisée décrivant "la descente aux enfers" de Mme [I] depuis l'arrivée du nouveau directeur ( en avril 2017) en raison d'horaires de travail plus lourds, d'astreintes supplémentaires " elle ne s'alimentait plus, se satisfaisant de fruits secs" . Elle l'a vue "s'effondrer" lors d'une réunion de régulation en présence du Directeur.
- Mme [M] éducatrice rapporte que le 4 mai 2018, elle s'est rendue sur le site après un appel téléphonique de Mme [I] vers 21h30/22h (en fin de période d'astreinte) lui disant " ne pas pouvoir quitter son bureau vu le travail restant à accomplir" et a constaté sur place que Mme [I] "les traits tirés" était épuisée et avait des difficultés pour se mouvoir. Le 27 juin 2019, après une nuit d'astreinte où Mme [I] était mobilisée auprès d'une jeune du Lieu de Vie, elle a enchaîné une réunion avec l'équipe des petits de 10h à 13h, suivie d'une réunion du lieu de Vie de 14h à 16 h.
- Mme [T] éducatrice ayant effectué entre juin 2015 et juillet 2018 des remplacements et Mme [G] éducatrice spécialisée : Mme [I] était soutenante dans sa position de chef de service, se déplaçant en pleine nuit en cas de besoin sur le groupe lors de ses astreintes et revenant travailler le lendemain en réunions. La situation devenait intenable : toujours rendre des comptes au Directeur, faire des écrits sur tout, astreinte multipliée. Par ailleurs, le Directeur pouvait se montrer "malveillant dans les actes et les paroles" à l'égard de Mme [I].
- Mme [E], psychologue clinicienne auprès de la [Adresse 11] ": "Mme [I] n'avait plus accès au télétravail ( depuis l'arrivée du nouveau Directeur), je la voyais continuellement présente aux bureaux de bon matin jusqu'à très tard, tout en assumant les astreintes. Je la vois s'épuiser, ne pouvant même plus s'accorder une pause méridienne avant la prochaine réunion.(..) Février 2018, l'épuisement était toujours présent et même aggravé, Mme [I] a fait un accident de voiture dans le cadre de son travail .'
- M.[N] et Mme [C], surveillants de nuit, constatant que Mme [I] était "souvent connectée tard dans la nuit au système informatique interne pour préparer des documents, réunions, rendez-vous, pour ensuite être disponible, quelques heures plus tard, à son bureau de l'établissement."
- M. [B] moniteur éducateur en internat, voyait Mme [I] régulièrement connectée en soirée sur l'outil de communication pour organiser les plannings, valider les écrits. La charge de travail de la cheffe de service avait fortement augmenté en peu de temps avec l'augmentation des mesures et la mise en place d'astreintes mutualisées avec la MECS de [Localité 7], nécessitant des interventions sur site auprès de jeunes et d'éducateurs qu'elle ne connaissait pas. Au surplus, Mme [I] "n'était pas toujours remplacée durant ses arrêts de travail de sorte qu'elle était en surcharge de travail à son retour" .
- M.[P] éducateur spécialisé et délégué du personnel: depuis l'arrivée du nouveau Directeur, "elle ne se permettait plus le temps de manger le midi car surchargée par la masse de travail", était épuisée par les interventions faites dans le cadre des astreintes de plus en plus régulières .(...) Son accident de février 2018 dans le cadre professionnel est intervenu dans ce contexte de surmenage. En février 2019, après son retour d'arrêt de travail, "elle a montré (à M.[P]) une liste de choses à faire remise par le Directeur (2 feuilles A4 remplies de consignes) allant de la banalité jusqu'à un gros dossier qui peut prendre des mois (type DUERP..) : cette liste était clairement impossible à réaliser par une personne seule. Pourtant, M.[F] savait pertinemment les motifs de l'arrêt de travail de Mme [I], communiqués lors d'un comité de gestion le 16 octobre 2018. Très rapidement, les mêmes symptômes ont réapparu chez Mme [I], avec une fatigue intense liée aux astreintes, pas le temps de manger, surmenage. Il évoque une réunion le 7 mai 2019 à la demande des délégués du personnel avec le Directeur M.[F] pour évoquer les difficultés rencontrées depuis plus d'un an avec lui : Mme [I] a pris la parole (..) exprimant une impression de gâchis, sans pouvoir retenir des larmes ( alors qu'elle n'était pas coutumière de ce genre d'exposition ). Le Directeur s'était engagé à faire un retour de la réunion avec des pistes n'en a rien fait. "
- Mme [L] monitrice éducatrice: lors des réunions, le Directeur reportait sur Mme [I] des tâches qui ne relevaient pas des responsabilités de la Cheffe de service.
- M.[U], coordinateur au Lieu de Vie Vent du Sud confirmant que Mme [I] s'épuisait face à toutes les sollicitations du nouveau Directeur sur un ton pressant " je te demande de travailler tel point du projet d'établissement de la MECS" " n'oublie pas de me remettre le plan de formation des personnels au plus vite" " je te demande de participer à une réunion avec les partenaires". Parallèlement, M.[F] n'hésitait pas à remettre en cause voire à dénigrer Mme [I] en présence du personnel.
- les compte rendus des CHSCT au cours de l'année 2018 alertant la Direction générale de l'association sur la lourdeur des astreintes pesant sur l'encadrement des établissements de [Localité 14] : avant juillet 2018, l'astreinte était répartie une semaine sur deux, entre le Directeur et la Cheffe de service ( Mme [I]) soit 26 semaines par an chacun. A compter de septembre 2018, une mutualisation des astreintes a été mise en place entre la cheffe de service de la MECS de [Localité 14] ( Mme [I]) et les 3 trois chefs de service de la MECS de [Localité 7] (3): chacun d'eux devait assurer une astreinte ( nuit et jour) par semaine ainsi qu'un week-end sur 4.
- l'extrait de son dossier de la médecine du travail : la salariée se plaignait en 2018 de ses difficultés au travail depuis un changement d'organisation en octobre 2017 " se disant plus présente au travail de 9 h à 19h sans pause repas, avec un système d'astreinte une semaine sur deux, se disant épuisée; disant avoir eu un accident de travail le 26 février 2018 avec une enfant de la structure."
- un courriel du 2 mai 2018 alertant le Directeur Général de l'association - M.[R]- sur son état de grand épuisement en lien avec ses conditions de travail dégradées. Si elle conservait l'espoir d'un changement prochain dans l'organisation de travail des cadres de la Maison de Gannedel, elle exprimait dans l'immédiat sa souffrance après des semaines de service et d'astreinte - du 21 avril au 7 mai 2018- dans l'attente du retour du Directeur. Elle rappelait avoir eu un accident de voiture le 26 février 2018 à l'issue de deux semaines d'affilée d'astreinte (pièce 62)
La salariée présente des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur se garde de produire le moindre élément se bornant à contester les tableaux rectifiés fournis par la salariée en cause d'appel.
Il ne conteste pas plus utilement les témoignages versés aux débats par la salariée qui confirment l'amplitude horaire de travail de la salariée, l'amenant de manière régulière à ne pas prendre de pause méridienne pour déjeuner. Mme [I] démontre qu'elle se déplaçait régulièrement entre les différents sites, les locaux administratifs de la MECS à [Localité 14] et le siège social de l'association à [Localité 16] ainsi que les partenaires de l'association.
S'agissant de la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration pour les heures supplémentaires, il convient de se référer à l'arrêt publié du 10 septembre 2025 de la Cour de cassation ( Soc. n°23 -14 455), au visa de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et d'un arrêt du 13 janvier 2022 de la Cour de justice (DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20) aux termes duquel "il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3121-28 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu'il aurait perçues s'il avait travaillé durant toute la semaine."
Il s'en déduit que les jours de congés payés doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires et que Mme [I] soumise à un décompte hebdomadaire de la durée de travail en raison de l'inopposabilité de la clause de forfait en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires durant les semaines au cours desquelles elle a posé des jours de congés.
Contrairement à l'interprétation de l'association intimée, il n'y a donc pas lieu d'exclure les jours de congés payés ni même les jours fériés de l'assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires réclamées par Mme [I].
Au résultat de l'ensemble des éléments produits, la cour a la conviction que Mme [I] a réalisé les heures supplémentaires dont elle réclame le paiement durant la période en cause.
Il y a lieu dès lors de condamner l'association au paiement de la somme globale de 14 609.30 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées entre septembre 2017 et juin 2019, outre 1 460.93 euros pour les congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé du chef du quantum des sommes allouées.
3-Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours forfaitaires cadres
A titre liminaire, il est rappelé que par application de l'article 954 alinéas 1 et 3 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée ; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
L'association développe dans les motifs de ses dernières conclusions (paragraphe II 2 b) ) une demande nouvelle en appel tendant à obtenir le remboursement des jours de congés forfaitaires cadres pris par la salariée et sollicite à ce titre diverses sommes au titre des années 2017 et 2018 et subsidiairement, au titre de l'année 2019. Toutefois, force est de constater que l'intimée ne reprend pas ses demandes reconventionnelles dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.
Il s'ensuit que la cour n'est saisie régulièrement d'aucune demande reconventionnelle de l'association à ce titre.
4- Sur les dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail
L'association conclut à la confirmation du rejet de cette demande, au motif que la salariée n'apporte aucun élément tangible quant au dépassement des durées maximales de travail prévues par la loi, en rappelant que les tableaux produits son incohérents, les témoignages imprécis sur ce point, que l'astreinte n'est pas du temps de travail effectif en l'absence d'intervention; que subsidiairement, Mme [I] ne démontre pas l'existence et l'ampleur de son préjudice; que l'indemnité devra être réduite à de plus justes proportions.
Mme [I] maintient sa demande de 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail en soulignant que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit européen et les durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur. Elle ajoute qu'elle n'avait pas la possibilité de récupérer les heures effectuées puisqu'elle était seule à son poste à la suite des astreintes nécessitant des interventions; que les témoignages de ses collaborateurs révèlent des dépassements réguliers de 10 heures journalières et de 44 heures fixées par la convention collective;
Cependant, la charge de la preuve du respect des plafonds légaux et conventionnels incombe à l'employeur, lequel ne justifie aucunement des durées de travail sur l'ensemble de la période litigieuse.
Il résulte des dispositions de l'article L3121-18 du code du travail que la durée quotidienne maximale de travail effectif ne peut excéder 10 heures, sauf exceptions limitativement prévues par ce texte.
La durée hebdomadaire de travail ne peut pas dépasser 48 heures.
La durée de repos hebdomadaire doit être de 24 heures et le repos quotidien doit être de 11 heures.
Les dispositions conventionnelles prévoient :
- La durée quotidienne du travail peut être continue ou discontinue.
- La durée quotidienne maximale du travail est fixée à 10 heures, de jour ou de nuit. Toutefois, pour répondre à des situations particulières, elle peut être portée à 12 heures conformément aux dispositions légales.
- La durée ininterrompue de repos entre 2 journées de travail est fixée à 11 heures consécutives. Toutefois, lorsque les nécessités de service l'exigent, cette durée peut être réduite sans être inférieure à 9 heures, dans les conditions prévues par l'accord de branche du 1er avril 1999.
Le seul constat par le juge du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.
La période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme du temps de travail effectif.
Pour établir la réalité du dépassement de la durée du travail, Mme [I] s'appuie sur :
- les mentions manuscrites de son carnet personnel, détaillant les amplitudes de travail
- sur les tableaux ( pièce 65/2) faisant apparaître des amplitudes journalières de travail intégrant les interventions lors de ses astreintes, excédant 10 heures voire 12 heures par jour par exemple : les 20 mars 2018 (13h), 4 mai 2018 (14 h), 18 février 2019 (13h30), 19 février 2019 (12h30), le 9 avril 2019 (12h), le 19 avril 2019 (12h) ainsi que 48 heures par semaine, par exemple 49 heures la semaine du 15 janvier 2018, 57 heures la semaine du 12 février 2018 ( lundi au samedi) , 54 heures la semaine du 19 février 2018, 53 heures la semaine du 26 mars 2018, 54 heures la semaine du 18 février 2019.
Ces éléments sont confirmés par les témoignages de ses collaborateurs amenés à la côtoyer notamment lors de ses interventions d'astreintes de semaine, de nuit comme de jour auprès des établissements.
L'association ne fournit aucune explication utile sur les dépassements de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et l'association sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 3.500 euros à titre de dommages et intérêts.
5- Sur l'indemnité pour travail dissimulé
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu' "Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."
Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il mentionne sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Aux termes de l'article L. 8223-1 du même code, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il est constant que cette indemnité forfaitaire n'est due qu'en cas de rupture du contrat de travail.
Du fait de la multiplicité des tâches qui lui étaient dévolues comme Chef de Service de plusieurs établissements hébergeant en continu des mineurs dépendant de la MECS de [Localité 14] , Mme [I] était amenée à effectuer des interventions liées à des astreintes régulières dépendant d'une autre MECS. L'employeur alerté par les instances représentatives du personnel ne pouvait pas ignorer la réalité des horaires de travail de la salariée et la réalisation de nombreuses heures supplémentaires et s'est borné à lui octroyer des jours de repos supplémentaires sans justifier du moindre relevé, ce qui caractérise à la fois une connaissance de la réalité des dites heures et une occultation volontaire de leur ampleur.
Par ailleurs, l'intention de dissimulation de l'employeur est confortée par le fait qu'il ait régularisé une convention de forfait le 20 mai 2019 avec effet rétroactif au 1er janvier 2019 ayant pour objet d'éluder le paiement en partie des heures supplémentaires effectuées depuis quelques mois en se prémunissant contre le risque de contentieux par la signature de l'avenant.
Il convient dès lors, faisant droit à la demande de Mme [I] dans la limite de sa demande à la somme de 20 053.74 euros net en application de l'article L 8223-1 du code du travail. Le jugement sera infirmé de ce chef.
6- Sur le licenciement
Mme [I] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en invoquant en premier lieu le fait que son inaptitude physique résulte du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité et en second lieu le manquement de l'association à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement de la salariée.
L'association considère avoir respecté tant son obligation de sécurité, s'agissant d'une obligation de moyen, en mettant en oeuvre les mesures adaptées à l'état de santé de Mme [I], laquelle n'avait pas informé son employeur de la sclérose en plaques dont elle souffrait qui a nécessairement contribué à son épuisement, que de son obligation de recherche de reclassement, en l'absence de postes compatibles avec les compétences de la salariée et les restrictions médicales.
6-1 - sur le manquement à l'obligation de sécurité
Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement, Mme [I] soutient que :
- elle se trouvait en situation de surcharge de travail au regard d'une désorganisation structurelle et d'une problématique managériale pourtant dénoncée par l'ensemble des salariés,
- l'employeur n'a pris aucune mesure pour réorganiser le service et alléger la charge de travail de la salariée,
- les aménagements proposés le 22 novembre 2018 par le médecin du travail en faveur d'un temps partiel thérapeutique sans astreinte, sans gestion des enfants et sans déplacement, n'ont pas été acceptés par l'employeur, alors qu'une autre salariée en avait bénéficié à [Localité 17] l'année précédente.
- les préconisations du médecin du travail dans ses attestations de suivi des 7 janvier 2019, 11 avril 2019, 4 juillet 2019 n'ont pas été suivies d'effet.
- l'association tente de se dédouaner de son obligation de sécurité à propos de l'épuisement moral et psychique de la salariée en invoquant la sclérose en plaques dont elle est porteuse depuis de nombreuses années laquelle demeurait stable et sans traitement de fond, ni conséquence sur son activité quotidienne jusqu'au déclenchement d'un burn out due à ses conditions de travail.
L'association réplique qu'elle n'a pas refusé la mise en place d'un mi-temps thérapeutique au demeurant non prescrit par le médecin du travail, mais seulement expliqué que la reprise de la salariée selon les modalités proposées était inenvisageable au regard des missions habituelles confiées à un Chef de service. Elle ajoute que la salariée ne l'avait jamais informée de la maladie (sclérose en plaques) dont elle souffrait et qui a nécessairement contribué à une extrême fatigue et empêché la mise en oeuvre de mesures adaptées par l'employeur.
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur est également tenu de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Tel qu'il résulte des articles L. 4121-2 à L. 4121-5 du même code, l'employeur est tenu d'évaluer dans son entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de transcrire les résultats dans un document unique. Il appartient à l'employeur d'assurer l'effectivité de cette obligation en assurant la prévention des risques professionnels.Dès lors que le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité.
Pour établir la réalité des manquements de son employeur, Mme [I] verse aux débats :
- ses arrêts de travail se rapportant :
- aux séquelles de l'accident de circulation du 26 février 2018 et jusqu'au 16 mars 2018,
- du 5 mai 2018 au 28 septembre 2018, pour un épuisement professionnel et poussée de sclérose en plaque (SEP)
- du 29 octobre 2018 au 4 janvier 2019 pour anxiété réactionnelle,
- du 28 juin 2019 au 27 octobre 2019 pour " syndrome d'épuisement au travail sur SEP"
- le certificat de son médecin traitant indiquant que Mme [I] a présenté "des symptômes d'épuisement physique et psychique nécessitant un repos prolongé avec prise d'anxiolytiques lors d'un premier arrêt du 4 mai 2018 au 6 janvier 2019, puis à compter du 28 juin 2019 pour la même cause".
Il est mentionné que la salariée est porteuse d'une SEP avec déclenchement d'une crise en 2019.
- l'attestation de la psychothérapeute ayant suivi Mme [I] à partir de mars 2018, précisant que si un accident de voiture sur un trajet professionnel a été le déclencheur de la démarche, l'état d'épuisement dû au travail a nécessité un suivi hebdomadaire de la salariée jusqu'à l'été 2018; que la patiente a subi une rechute suite à un burn out professionnel en juin 2019.
- les certificats de son médecin spécialiste en neurologie confirmant la stabilisation depuis 2005 des symptômes neurologiques liés à une sclérose en plaques, peu active, sans traitement de fond. La patiente a subi une crise en juin 2018, dans un contexte d'anxiété liée à des difficultés professionnelles. Après une amélioration de son état de santé après un traitement par corticoïde ( IRM encéphalique stable en avril 2019), la patiente a refait un burn-out dans un contexte de travail très stressant en juin 2019.( Pièces 72,73
- le courrier du médecin du travail du 22 novembre 2018 dans le cadre d'un examen de pré reprise, selon lequel "il serait préférable que votre salariée puisse bénéficier des aménagements suivants : temps partiel thérapeutique de préférence le matin de 8h à 12h sans astreinte, gestion des tâches administratives (gestion équipe, planning), sans gestion des enfants et sans déplacement."
- le courrier du 24 janvier 2020 du médecin du travail à la suite de la pré reprise "il serait préférable que votre salariée puisse bénéficier des aménagements suivants : une inaptitude au poste de chef de service est à prévoir ; prévoir un reclassement à un poste en horaire normal sans astreinte, sans garde, sans heure supplémentaire, limiter les situations de stress."
- l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail du 17 février 2020 ( pièce 26)
- la liste de ses périodes d'astreintes en 2017 ( 206 jours ) et durant les 4 premiers mois de 2018 ( 69 jours)
- les fiches de ses horaires de travail révélant de fortes amplitudes de travail et des interventions fréquentes lors des astreintes.
- les témoignages de ses collaborateurs soulignant son fort investissement professsionnel, ses interventions lors d'astreintes dans les trois internats de la MECS de [Localité 9] distants chacun de 15-20 kilomètres, et sur la période de février 2019 à juin 2019 dans la MECS de [Localité 7], distante de 60-70 km de [Localité 14].
- ses courriels informant le Directeur M.[F] , la Direction Générale de l'association :
- le 2 mai 2018 qu'elle a pris en urgence un rendez-vous avec son médecin traitant en raison d'un "grand état d'épuisement "à la sortie d'une période de travail et d'astreinte de 16 jours d'affilée ;
- le 5 juin 2018 que son arrêt de travail est prolongé pour le même motif de surmenage professionnel,
- le 30 novembre 2018 que son arrêt de travail est prolongé "suite au refus de l'association de mettre en oeuvre un temps partiel "( pièce 56), auquel la responsable RH de l'association lui a répondu qu'il ne s'agissait pas d'un refus d'organiser un temps partiel mais de l'incompatibilité des préconisations du médecin du travail visant l'absence de déplacement de la salariée et de contact avec les enfants avec le poste de Chef de Service qu'elle occupait.
- la demande du 19 novembre 2018 par M.[P] délégué du personnel auprès du CHSCT signalant les "multiples dysfonctionnements et les risques psychosociaux dans les établissements de [Localité 14] ([Adresse 12] et Lieu de vie Vent du Sud).
- sa requête du 23 juin 2019 auprès du CSE de l'association "pour étudier la situation des astreintes mutualisées des chefs de service de la MCES de [Localité 9] avec la MCES de [Localité 7], mises en place depuis septembre 2018, alors qu'elle était en arrêt de travail, et auxquelles elle est soumise depuis son retour en janvier 2019 " j'avais déjà dit à mon Directeur M.[F] que l'astreinte mutualisée était en inadéquation avec une astreinte de proximité , mon contrat de travail ( avenant 2014) stipule l'obligation d'habiter non loin de la Maison de Gannedel, ce que j'ai fait à l'époque Aujourd'hui, mon domicile est à plus de 80 km de [Localité 7] soit 1 heure de route(..) Cette mutualisation se devait de réduire la fréquence des jours (..) Sur le papier, chaque chef de service prend un jour par semaine et un week -end sur 4 . Cela s'est considérablement complexifié début mai ( 2019) quand deux chefs de service ont été en arrêt maladie en même temps. Sans concertation, les deux autres chefs de service ont été crédités de 6 jours supplémentaires d'astreinte dans les 15 jours à venir.. Puis la secrétaire de direction de [Localité 7] a accepté d'effectuer des astreintes pour soulager le système.(..) L'impact de ces astreintes est fort, beaucoup d'appels tard le soir ou la nuit. Comment gérer les astreintes le soir et la nuit avec la journée à faire, les jours cadres prévoit une récupération immédiate pour bénéficier du repos minimum. Sauf que cela veut dire d'annuler les prévisions du lendemain ( réunion, entretien..). encore une fois, seule en responsabilité comme Chef de service ( à [Localité 14]), cela devient compliqué; concrètement, les semaines effectuées avec astreinte font un volume de 80 heures...j'ai signifié à mon directeur l'impossibilité de continuer à faire ces astreintes mutualisées, que je solliciterais l'aide du CSE et de la médecine du travail. "( pièce 51)
- le courrier du 29 mars 2020 adressé à M.[R] ( pièce 48) suite à l'engagement de la procédure de licenciement dans lequel la salariée pointe le manquement de l'association à son obligation de sécurité à son égard : "le défaut de moyens attribués à la maison de [Localité 9], entraînant une sous dotation en terme de poste de cadre, amène une surcharge de travail sur le poste de chef de service. De plus, l'organisation, la gestion et les astreintes sur les différents services m'ont entraîné vers un épuisement professionnel puis une détérioration importante de ma santé. Par exemple, rien que pour l'année 2017, j'ai réalisé 206 jours annuelles d'astreinte. Dans ce contexte, j'ai seulement pu prendre la moitié de mes congés auxquels j'avais droit, tout comme les autres années. Par la suite, j'ai toujours dû sacrifier ou reporter une partie de mes congés pour permettre le bon fonctionnement des établissements. Je vous ai envoyé le 2 mai 2018 un mail vous alertant sur ma situation et vous aviez proposé une rencontre avec mon directeur afin d'échanger ensemble sur les difficiles conditions de travail que j'évoquais. Cette réunion n'a jamais eu lieu. En novembre 2018, l'association a refusé le temps partiel thérapeutique préconisé par la médecine du travail afin de faciliter ma reprise. Au contraire, ma situation de travail n'a pas cessé de se détériorer.A mon retour, vous m'avez imposé la mise en place des astreintes mutualisées avec l'établissement de [Localité 7] à [Localité 6]. J'ai donc dû assumer de nouvelles astreintes à plus de 70 km de mon lieu de travail habituel. (....) Les sollicitations permanentes et la surcharge de travail m'entraînent alors dans une seconde rechute de mon état de santé fin juin 2019.( ..) Je rappelle que les PEP m'ont imposée de venir habiter la région de [Localité 14] pour exercer mes nouvelles fonctions en 2014 afin d'être un appui de proximité pour les équipes et effectuer ainsi les astreintes.(..)
- la réponse du 3 avril 2020 de l'employeur contestant les griefs alors que "la dégradation de son état de santé n'a pas de lien avec sa situation de travail et l'avis d'inaptitude", " vous nous menacez de demander une reconnaissance de maladie professionnelle ce qui apparaît bien opportuniste au moment de la possible rupture de votre contrat de travail et ce à la seule fin de nous contraindre de revaloriser vos indemnités de rupture" (pièce 50)
- le courrier en réplique de Mme [I] du 6 avril 2020 " je ne prétends pas que mon inaptitude est la suite d'une maladie professionnelle, puisque l'épuisement professionnel n'est pas reconnu comme tel. Je prétends en revanche que mon inaptitude est la conséquence de mes conditions de travail fortement dégradées ce dont j'ai alerté et l'institution et vous-même à plusieurs reprises .(..)"
- la demande d'expertise présentée le 4 septembre 2020 par le CSE portant sur "un risque grave identifié et actuel" concernant la MECS de [Localité 14] et le Lieu de Vie Vent du Sud" évoquant notamment les avis d'inaptitude de 4 salariés sur une période de 13 mois, des ruptures conventionnelles et une intensité excessive de travail des salariés de ces structures.
- le rapport remis le 19 avril 2021 par le Cabinet ALTEP Expertise, saisi par le CSE, concluant que l'ampleur des tensions et des dysfonctionnements constatés en 2017 dans les établissements de [Localité 14] coïncide avec la période de départ du directeur fondateur ( M.[S]) parti à la retraite, le mal-être et le retrait des professionnels titulaires et compétents, recours accrû à des remplaçants en intérim, l'instabilité et l'insécurité des équipes éducatives, les effets négatifs sur les jeunes accueillis. Il est pointé un sous-dimensionnement de l'effectif encadrant au regard du surcroît de travail généré par des nouvelles normes, et une intensité excessive de travail du binôme encadrant de l'établissement de [Localité 14], constitué par le Directeur et la Cheffe de service.
Il est souligné le fait que l'association n'a procédé à aucun accompagnement de cette transition à risques de la dirigeance de l'établissement de [Localité 14], alors que le nouveau directeur ( M.[F]) ne connaissait pas le fonctionnement des PEP, avait une expérience d'encadrement limitée ( en CEF) mais pas celle de directeur d'un établissement; qu'enfin, cette période a été marquée par la carence de soutien de la Direction Générale de l'association, affairée à la fusion des PEP 35 et PEP 22 et à la restructuration du Siège présidé par un nouveau Directeur général M.[R].( Pièce 66)
- un préavis de grève déposé pour le 26 juin 2019 par deux syndicats du personnel de l'association PEP Bretill'Armor pour alerter la direction et lui demander de prendre en compte et de traiter la souffrance au travail des professionnels, se traduisant par des arrêts de travail, des burn out et des démissions de professionnels qualifiés et l'interroger sur " le principe indéfectible aux directeurs, est ce la réponse adaptée aux problèmes de conditions de travail'"(pièce 77)
- un courriel du 29 août 2022 de Mme [I] à son avocate reprenant la chronologie des faits, en évoquant une absence de communication avec le Directeur et la Direction Générale, l'absence de prise en compte des alertes relayées par les délégués du personnel depuis 2018 à propos du mal-être grandissant des équipes "rien ne s'était passé après l'enquête et l'audit et l'expertise ne va démarrer qu'après son licenciement " .
Elle produit par ailleurs les rapports d'expertise médicale se rapportant à ses deux accidents de la circulation en temps de service, survenus le premier le 26 février 2018 (lésions main gauche, avant-bras gauche et région sternale), et le second le 7 juin 2019, lorsque sa voiture a été percutée à l'arrière par un autre véhicule, ayant provoqué une contusion cervico-dorsale sévère avec arrêt de travail jusqu'au 16 juin 2019.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments d'appréciation que Mme [I] dont l'état de santé s'est dégradé au point d'être placée en arrêt de travail sur de longues périodes à compter de février 2018 puis de juin 2019, a vainement dénoncé auprès de ses supérieurs hiérarchiques, du CSE et de l'inspection du travail une charge de travail trop importante en lien avec un manque persistant de personnel encadrant, un accroissement de ses missions, des exigences accrues de sa hiérarchie et un alourdissement de ses astreintes rendant impossible la prise de l'intégralité des repos compensateurs.
L'employeur ne démontre avoir pris aucune mesure effective malgré les alertes transmises par Mme [I] à propos de sa surcharge de travail auprès de sa hiérarchie :
- du Directeur M.[F], son N+1, à propos de la mutualisation des astreintes ( été 2018, janvier 2019, juin 2019) et lors d'une réunion d'équipe le 7 mai 2019 organisée à la demande des délégués du personnel à propos des difficultés de communication en interne ( témoin M.[P] )
- du Directeur général de l'association M.[R], lequel n'a pas donné suite à sa proposition le 3 mai 2018 de provoquer un échange avec M.[F], sur les " difficiles conditions " évoquées par la salariée dans son courriel d'alerte du 2 mai 2018 ( pièce 62)
Par ailleurs, il ressort des pièces produites que :
- l'employeur a été sollicité le 19 novembre 2018 par un délégué du personnel (M.[P]) pour diligenter une enquête sur la souffrance du personnel rattaché aux établissements de [Localité 14],
- le 18 janvier 2019, le CHSCT et le CE ont effectué une inspection des deux établissements de [Localité 14],
- le 5 avril 2019, lors d'une réunion du CHSCT, le médecin du travail a transmis en main propre à la Direction Générale un courrier d'alerte sur la souffrance exprimée par certains salariés de l'équipe de [Localité 14] et a demandé une analyse des risques psychosociaux, en raison de " gros problèmes montés en crescendo". Le médecin du travail a précisé auprès des enquêteurs en 2021 "ne pas se souvenir que des représentants de la direction l'aient appelé depuis cette alerte "( du 5 avril 2019) et que l'intervention d'un tiers extérieur pour mener cette enquête "avait été ralentie par le changement d'instance représentative du personnel puis par la crise sanitaire" ( extrait rapport cabinet d'expertise pièce 66).
- un préavis de grève pour le 26 juin 2019 déposé par deux syndicats du personnel évoquait l'absence de la prise en compte et du traitement de la souffrance au travail, de l'épuisement de professionnels qualifiés se manifestant par des arrêts de travail, des burn out et des démissions.
Il s'ensuit que l'association Bretill'Armor, informée des difficultés rencontrées depuis 2018 au sein des établissements de [Localité 14] dont Mme [I] était la Cheffe de service concernée par la surcharge de travail et l'alourdissement des astreintes, ne justifie d'aucune mesure concrète pour remédier aux difficultés dénoncées par elle dans son courriel du 2 mai 2018 adressé au Directeur Général, réitérées dans son courriel d'alerte du 23 juin 2019 transmis au CSE à défaut d'être entendue par ses supérieurs hiérarchiques.( Pièce 51)
Comme le soutient justement la salariée, l'employeur ne peut pas sérieusement se défausser de ses responsabilités pour justifier la désignation tardive en septembre 2020 d'un cabinet extérieur pour mener l'enquête sur les risques psychosociaux au motif que les nouveaux élus du personnel du CHSCT seraient à l'origine du retard pour choisir le prestataire et définir le cahier des charges alors qu'il incombe à l'employeur de prévenir et de protéger la santé physique et morale de ses salariés et qu'il avait connaissance de l'alerte du médecin du travail du 5 avril 2019.
S'agissant de la mutualisation des astreintes présentée par la Direction Générale auprès des représentants du personnel comme un dispositif destiné à "soulager les astreintes des cadres de [Localité 14]", force est de constater que cette décision prise à effet au mois de septembre 2018 correspondait à une répartition des astreintes de semaine et de week-end entre la Cheffe de service de la MECS de [Localité 14] ( Mme [I]) et les trois Chefs de service de la MECS de [Localité 7], distant de 60-70 km de [Localité 14] ; que ce système appliqué à Mme [I], à son retour d'arrêt de travail en janvier 2019, a abouti à à un alourdissement des astreintes de Mme [I] confrontée à des interventions régulières au sein de la MECS de [Localité 7] plus éloignée géographiquement ( 1 heure de route) et au remplacement de ses collègues en congés et en arrêt de travail. Contrairement à ce qu'a retenu le Conseil des prud'hommes pour écarter un manquement de l'association à son obligation de sécurité, la mutualisation des astreintes n'a aucunement allégé la charge de travail de Mme [I], au contraire et ne permet pas d'établir que l'employeur a pris la mesure des difficultés rencontrées par la salariée.
L'affirmation de l'association PEP Bretill'Armor selon laquelle que l'état de grande fatigue de Mme [I] n'est pas en lien avec ses conditions de travail ni avec une surcharge de travail, témoigne du déni manifeste par l'employeur de la souffrance morale exprimée depuis plusieurs années par la salariée, dont les qualités et l'investissement professionnels étaient unanimement reconnus, alors que le sous dimentionnement de l'encadrement des établissements de [Localité 14] a été souligné par le cabinet d'expertise extérieur mandaté par le CSE en septembre 2020.
Il est observé que l'association s'est gardée de fournir le moindre document unique d'évaluation des risques professionnels, notamment des risques psycho sociaux.
Il ressort des éléments produits notamment de nature médicale, que Mme [I] était soumise depuisplusieurs années à un rythme de travail intense et que cette pression a engendré un état d'épuisement, parfaitement connu de ses collaborateurs, et qu'elle dénonçait en vain auprès de sa hiérarchie; que la surcharge de travail persistante a entraîné la dégradation des conditions de travail de Mme [I] dont l'épuisement a a été médicalement constaté début mai 2018, nécessitant un traitement par anxiolytique, un arrêt de travail de plusieurs mois ( 8 mois) et a conduit le médecin du travail à formuler à la fin de l'année 2018 des préconisations en vue d'un aménagement de poste sous forme d'un temps partiel en évitant les astreintes et les déplacements ;
que faute pour l'employeur d'avoir adhéré aux mesures préconisées au motif d'une prétendue incompatiblité avec l'exercice du poste de Chef de service, la salariée a été soumise à son retour en janvier 2019 à des conditions de travail dégradées liées à des astreintes éloignées géographiquement, entraînant fin juin 2019 un nouvel arrêt de travail de longue durée ( 8 mois) suivi de l'avis d'inaptitude à son poste de Chef de Service; que le médecin du travail dans le cadre de la visite de préreprise du 17 février 2020 a prescrit à nouveau des aménagements de poste avec des horaires normaux ( entre 8h et 18h) en évitant les heures supplémentaires, les astreintes et les gardes pour limiter les situations de stress; que les prescriptions du médecin du travail mettent clairement en relation de causalité l'inaptitude de la salariée avec ses conditions de travail.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité envers Mme [I] est parfaitement caractérisé et doit être retenu comme étant à l'origine de l'inaptitude physique de la salariée ayant abouti à son licenciement, qui sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Il n'y a donc lieu à examiner la demande subsidiaire de Mme [I] tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle pour manquement de l'association à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
7 - Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
Il résulte des précédents développements que l'employeur ne justifie à aucun moment avoir analysé et contrôlé l'amplitude des horaires et la charge de travail de Mme [I] qu'il ne pouvait ignorer, et dont la salariée démontre qu'elles étaient excessives; que l'association n'a pas tenu compte des alertes de la salariée relatives à sa souffrance au travail et n'a mis en oeuvre aucun moyen préventif et correctif pour assurer la protection de sa santé, à la reprise de son poste en janvier 2019, négligeant les préconisations du médecin du travail sur la suppression des astreintes et des déplacements entre les différents sites.
Dans ces conditions, l'employeur devra réparer le préjudice que l'appelante justifie avoir subi du fait de cette carence à concurrence de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.
8- sur les conséquences financières du licenciement
Mme [I] sollicite dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la Cour, le paiement de :
- la somme de 10 268 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire ( distincte de la somme de
10 026,87 euros figurant dans la motivation)
- la somme de 1026 euros pour les congés payés afférents,
- la somme de 38 436 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'association conclut subsidiairement à la réduction des sommes allouées à la salariée, qui ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande indemnitaire et ne peut se voir allouer que le montant minimal de 9 896,64 euros représentant 3 mois de salaire, sur la base d'un salaire moyen de 3 298,88 euros ( entre avril 2019 et mars 2020 en neutralisant les arrêts maladie), outre l'indemnité compensatrice de préavis de 6 597,76 euros équivalente à deux mois de salaire. Elle s'est opposée à la demande de Mme [I] au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis en application de la jurisprudence ( Soc 19 mai 2021 n°19 23 510).
8-1 sur l'indemnité compensatrice de préavis
Dans la mesure où l'inaptitude ayant abouti au licenciement trouve son origine dans un manquement imputable à l'employeur, la salariée a droit à l'indemnité compensatrice de préavis peu important qu'elle ait été dans l'incapacité de l'exécuter.
En vertu de l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié qui n'exécute pas le préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait exécuté son travail jusqu'au terme du préavis, indemnité de congé payé incluse.
La salariée peut réclamer une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 4 mois en application des dispositions conventionnelles prévues en cas de licenciement des cadres ( annexe 6 "Après la période d'essai, le délai-congé est fixé comme suit : 2 mois en cas de démission, 4 mois en cas de licenciement."
Concernant les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, c'est à tort que l'association soutient que la salariée n'y a pas droit en invoquant à tort une jurisprudence inapplicable en l'espèce (arrêt du 19 mai 2021) relative à l'indemnité prévue par l'article L 1226-14 du code du travail.
Les parties sont en désaccord sur le salaire moyen à retenir à savoir: 3 342,29 euros brut par mois selon la salariée et 3 298,88 euros brut selon l'employeur.
Mme [I] se trouvant en arrêt de travail de manière continue entre le 28 juin 2019 jusqu'à son licenciement notifié le 21 avril 2020, il convient de prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement le salaire de référence des 12 ou des 3 derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie.
Le salaire moyen plus favorable s'élevant à 3 682,66 euros durant les 3 mois complet précédant l'arrêt de travail, il sera alloué à Mme [I], dans la limite de sa demande, une indemnité conventionnelle compensatrice de préavis de 10 268 euros bruts outre la somme de 1 026 euros bruts pour les congés payés afférents.
8-2 - sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement d'un salarié sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris pour une ancienneté de 12 ans dans l'entreprise entre 3 et 11 mois de salaires.
Mme [I], âgée de 47 ans, percevait un salaire moyen de 3 753,56 euros brut par mois au cours des 6 mois ( janvier- juin 2019) précédant son arrêt de travail, auquel il convient d'ajouter le montant des heures supplémentaires effectuées durant la même période ( 683,13 heures par mois), ce qui représente une rémunération moyenne de 4 436,69 euros brut par mois.
Elle justifie avoir perçu des indemnités chômage ( 2 100 euros ) entre le 29 avril 2020 et le 30 novembre 2022. Sa situation réactualisée est ignorée.
Compte tenu de la situation de la salariée, notamment de son âge et de son ancienneté (12 ans et 8 mois) au moment de la rupture, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à 35 000 euros les dommages et inétrêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.
9- Sur la demande d'indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis
Mme [I] maintient sa demande d'indemnité de 10 026,87 euros octroyée en cas d'inaptitude professionnelle, au motif qu'elle a subi un accident de la circulation le 26 février 2018, pris en charge au titre d'un accident du travail, qu'elle a fait l'objet d'un long arrêt de travail le 5 août 2018 pour un épuisement professionnel, puis le 28 juin 2019 pour un nouvel épuisement ; que le médecin du travail a mis en lien la surcharge de travail et la souffrance de la salariée avec l'inaptitude à son poste et les restrictions médicales ; que le bénéfice des dispositions de l'article L 1226-10 n'est pas subordonné à la reconnaissance par l'organisme social du lien de causalité entre la maladie professionnelle ou l'accident de travail et l'inaptitude ; que les juges doivent rechercher eux-mêmes l'existence de ce lien de causalité; que son inaptitude est clairement au regard des précédents développements d'origine professionnelle, ce qui lui ouvre droit à l'équivalent de l'indemnité compensatrice de préavis.
L'association conclut par voie de confirmation du jugement au rejet de la demande en soutenant que seul le médecin du travail est compétent pour déterminer si l'inaptitude a une origine professionnelle, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ; que le dossier médical de la salariée démontre que sa maladie de la sclérose en plaque est à l'origine de la dégradation de son état de santé, et non à son activité professionnelle ; que l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis ne lui est donc pas due.
Dans le cas d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail ouvre droit au profit du salarié à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5. Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors de l'inaptitude du salarié quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a eu au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l'espèce, l'avis d'inaptitude établi le 17 février 2020 par le médecin du travail ne fait aucunement mention d'une inaptitude d'origine professionnelle de Mme [I] à son poste. Il n'est fait état d'aucune déclaration de maladie professionnelle adressée à la Caisse primaire d'assurance maladie. La salariée ne justifie au demeurant pas avoir entrepris des démarches auprès de l'organisme social afin de voir reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie et avoir informé son employeur au moment de la procédure de licenciement d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, étant rappelé que le dernier arrêt de travail du 28 juin 2019 n'était pas en lien avec les séquelles.
Lors de l'échange de courriers des 3 et 6 avril 2020, l'association interprète un courrier de la salariée comme une "menace de demander une reconnaissance de maladie professionnelle ce qui apparaît bien opportuniste au moment de la possible rupture de votre contrat de travail et ce à la seule fin de nous contraindre de revaloriser vos indemnités de rupture" ( pièce 50), auquel la salariée répond ne pas avoir sollicité de prise en charge de son affection au titre de la législation sur les maladies professionnelles et accidents du travail (" Je ne prétends pas que mon inaptitude est la suite d'une maladie professionnelle, puisque l'épuisement professionnel n'est pas reconnu comme tel. Je prétends en revanche que mon inaptitude est la conséquence de mes conditions de travail fortement dégradées ce dont j'ai alerté et l'institution et vous-même à plusieurs reprises .(..)"
Ces éléments permettent de déduire que lors de la notification du licenciement, l'employeur n'avait pas connaissance que l'inaptitude de Mme [I] ayant justifié son licenciement le 21 avril 2020 avait au moins partiellement pour origine une maladie reconnue d'origine professionnelle. La salariée ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L 1226-14 du code du travail.
Elle sera déboutée de sa demande par voie de confirmation du jugement.
10- Sur les autres demandes et les dépens
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et pour le surplus à compter du présent arrêt.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [I] les frais non compris dans les dépens en appel. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
L'employeur qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée en annulation du rappel à l'ordre et de sa demande indemnitaire subséquente, et qu'il a rejeté la demande au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis .
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- DIT que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- CONDAMNE l'association Les PEP Bretill'Armor à payer à Mme [I] les sommes suivantes :
- 14 609.30 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées entre septembre 2017 et juin 2019,
- 1 460.93 euros pour les congés payés afférents.
- 10 268 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 026 euros brut pour les congés payés y afférents,
- 8 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 3 500 euros de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail,
- 20 053,74 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation- pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.
- REJETTE la demande d'indemnité de procédure de l'association Les PEP Bretill'Armor.
- CONDAMNE l'association Les PEP Bretill'Armor aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président
ARRÊT N°352/2025
N° RG 22/04009 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S4QM
Mme [K] [I]
C/
Association LES PEP BRETILL'ARMOR
RG CPH : F20/00544
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RENNES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 23 Octobre 2025
****
APPELANTE :
Madame [K] [I]
née le 06 Mai 1972 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Gaëlle PENEAU-MELLET de la SELARL PENEAU & DOUARD AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Association LES PEP BRETILL'ARMOR agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélanie SOUTERAU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me JEZEQUEL, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
L'association Les PEP Brétill'Armor, reconnue d'utilité publique, issue en janvier 2019 de la fusion des associations PEP 35 et PEP 22, gère des établissements et services dans le secteur social s'agissant notamment de l'accueil temporaire de mineurs en difficulté, hébergés en internat complet ou en foyers ouverts. Elle emploie un effectif de plus de 500 salariés et applique la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
Le 7 août 2007, Mme [I] a été embauchée en qualité d'éducatrice jeunes enfants dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par l'association PEP 35.
En 2009, elle a obtenu par le biais d'une VAE le diplôme d'éducatrice spécialisée et occupé des fonctions conformes à sa nouvelle qualification.
Le 1er mars 2014, à la suite de la création d'une nouvelle [Adresse 13] ( MECS) à [Localité 14], Mme [I] a été promue au poste de Chef de service statut cadre de la maison de [Localité 9] composée en deux maisons d'accueil, l'une pour les petits située à [Localité 14] et l'autre pour les plus âgés, implantée à [Localité 18], à 16 km de [Localité 14]).
Le 26 février 2018, Mme [I] a été victime d'un accident de trajet pris en charge au titre de la législation professionnelle. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 16 mars 2018.
Quelques mois plus tard, le 5 juin 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie simple jusqu'au 4 janvier 2019 en raison d'un"épuisement".
Durant son arrêt de travail, elle s'est vue notifier le 2 octobre 2018 un rappel à l'ordre pour avoir confié à une agence immobilière un mandat de recherche et signé un bon de visite de locaux de bureaux le 21 février 2018 pour le compte de l'association, sans disposer de la délégation correspondante.
Le 1er janvier 2019, son contrat de travail a été transféré à l'association les PEP Brétill'Armor, issue de la fusion des PEP 35 et des PEP 22.
La salariée a repris son poste de travail à compter du 5 janvier 2019.
Par avenant du 20 mai 2019, les parties ont régularisé une convention de forfait annuel en jours à effet rétroactif au 1er janvier 2019.
Le 7 juin 2019, la salariée a été victime d'un second accident de la route.
Le 28 juin 2019, elle a été placée en arrêt de travail pour un maladie d'origine non professionnelle de manière continue jusqu'au 17 mars 2020.
Lors d'une visite de reprise le 17 février 2020, le médecin du travail a établi l'avis suivant:
"- Inapte au poste de travail de chef de service confirmé,
- Apte à un poste en horaire normal (entre 8h et 18 heures) sans astreinte, sans garde, sans heures supplémentaires , limiter les situations de stress.
- Apte à suivre une formation en adéquation avec les capacités physiques de la salariée. "
Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 26 mars 2020.
Le 7 avril 2020, elle s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
***
Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 9 septembre 2020 afin de voir :
- Dire que Mme [I] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société employeur à verser les sommes suivantes :
- A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 38 436 euros
- Au titre de l'inaptitude d'origine professionnelle :
- Un rappel d'indemnité de licenciement (le doublement ): la somme de 45 651,29 euros
- Un rappel de préavis (équivalent) : la somme de 10 268 euros outre 1026 euros de congés payés y afférents
- Constater la mise en danger de la santé de la salariée
- Condamner la société employeur à verser les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise en danger de la santé de la salariée
- 6467,54 euros outre 646 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ( septembre à décembre)
- 5002,36 euros outre 500 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2018
- 6650,32 euros outre 665 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2019
- 5000 euros au titre du non respect des durées maximales de travail
- 20 053,74 euros au titre du travail dissimulé
- Dire que le rappel à l'ordre dont a fait l'objet Mme [I] le 2 octobre 2018 est abusif
- Condamner la société employeur à lui verser la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée
- Condamner la société employeur à verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la même aux entiers dépens
L'association Les PEP Brétill'Armor a conclu au rejet des demandes de Mme [I] et à la condamnation de la salariée à une indemnité de procédure.
Par jugement en date du 13 juin 2022 , le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [I] pour inaptitude est au motif d'une cause réelle et sérieuse et qu'il a été satisfait à son obligation de recherche de reclassement.
- Dit et jugé que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle démontrée.
- Dit et jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas notifié de sanction injustifiée.
- Condamné l'association Les PEP Brétill'Armor à régler à Mme [I] les sommes suivantes :
- 3590,86 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 et 359,10 euros au titre des congés payés afférents
- 28,98 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2018 et 0,30 euros au titre des congés payés y afférents.
- 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé
- Rejeté la demande de l'association Les PEP Brétill'Armor au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions
- Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la citation, celles à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement
- Condamné l'association Les PEP Brétill'Armor aux entiers dépens y compris aux frais éventuels d'exécution du jugement
***
Mme [I] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 28 juin 2022.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 28 février 2023, Mme [I] demande à la cour de :
- Infirmer la décision rendue le 3 juin 2022 en ce que le conseil de prud'hommes a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [I] pour inaptitude est au motif d'une cause réelle et sérieuse et qu'il a satisfait à son obligation de recherche de reclassement.
- Dit et jugé que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle démontrée.
- Dit et jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité.
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas notifié de sanction injustifiée.
- Condamné l'association Les PEP Brétill'Armor à régler à Mme [I] les sommes suivantes:
- 3590,86 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 et 359,10 euros au titre des congés payés afférents
- 28,98 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2018 et 0,30 euros au titre des congés payés y afférents.
- 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit et juge que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé.
- Confirmer la décision entreprise en ce que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de l'association Les PEP Brétill'Armor au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses autres demandes.
- Infirmant la décision rendue le 13 juin 2022 et jugeant de nouveau:
- Dire que Mme [I] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
- 38 436 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10 268 euros à titre de rappel de préavis outre 1026 euros de congés payés y afférents
- Dire que l'inaptitude est d'origine professionnelle,
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 10 268 euros au titre de rappel de préavis (équivalent) outre 1026 euros de congés payés y afférents
- Constater la mise en danger de la santé de la salariée
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour mise en danger de la santé ,
- Constater le non respect par l'association Les PEP Brétill'Armor des durées maximales de travail
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 5000 euros au titre du non respect des durées maximales de travail
- Constater le travail dissimulé déployé par l'association Les PEP Brétill'Armor
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 20 053,74 euros au titre du travail dissimulé
- Dire que le rappel à l'ordre dont a fait l'objet Mme [I] le 2 octobre 2018 est abusif
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée
- Confirmer sur le principe et infirmer sur les quantum les sommes allouées au titre de rappel d'heures supplémentaires
Dès lors, infirmant sur le quantum et jugeant de nouveau :
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor à lui verser :
- 5588 euros outre 558 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ( septembre à décembre)
- 4922,5 euros outre 492 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2018
- 4098,8 euros outre 409,88 euros de congés payés y afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2019
En tout état de cause,
- Débouter l'association Les PEP Brétill'Armor de ses demandes reconventionnelles,
- Condamner l'association Les PEP Brétill'Armor au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 2 décembre 2022, l'association Les PEP Brétill'Armor demande à la cour de:
- A titre principal :
- Confirmer le jugement du 13 juin 2022 en ce qu'il :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [I] pour inaptitude est justifié par une cause réelle et sérieuse et que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;
- Dit et jugé que cette inaptitude n'est pas d'origine professionnelle démontrée ;
- Dit et jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité ;
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas notifié de sanction injustifiée ;
- Dit et jugé que l'employeur n'a pas commis de manière intentionnelle de délit de travail dissimulé
- Infirmer le jugement du 13 juin 2022 en ce qu'il a condamné l'association Les PEP Brétill'Armor à régler les sommes suivantes :
- 3 590,86 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2017 et 359,10euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
- 28,98 euros au titre des heures supplémentaires sur l'année 2018 et 30 centimes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
- 1 691,71 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2019 et 169,17euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.
Statuer à nouveau :
- Juger que la convention de forfait en jours est opposable à la salariée pour l'année 2019 ;
- Juger que Mme [I] n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et étayés pour justifier ses demandes de rappels de salaire au titre des années 2017 et 2018 ;
- débouter Mme [I] de ses demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires au titre des années 2017, 2018 et 2019 ainsi que des indemnités compensatrices de congés payés afférentes.
A titre subsidiaire , si, par extraordinaire, la cour estimait donnait droit aux demandes de Mme [I] :
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre de sa demande de dommages-intérêts pour sanction abusive ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail ;
- Si le conseil jugeait la convention de forfait jours inopposable à la salariée, juger que Mme [I] n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et étayés pour justifier ses demandes de rappels de salaire au titre de l'année 2019 ;
- Par conséquent, débouter Mme [I] de ses demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires au titre de l'année 2019 ainsi que de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.
- Revoir à de plus justes proportions les demandes de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2017 et 2018 ainsi que les indemnités de congés payés afférentes ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Revoir à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Mme [I] résultant de l'inaptitude d'origine professionnelle.
A titre subsidiaire :
- Revoir à de plus justes proportions les demandes de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2019 ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés afférente
En tout état de cause,
- Débouter Mme [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et relative aux dépens ;
- Condamner Mme [I] à verser à l'Association une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 24 juin 2025 avec fixation de l'affaire à l'audience du 8 septembre 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la nullité du rappel à l'ordre du 2 octobre 2018
A l'appui de l'infirmation du jugement, Mme [I] maintient sa demande d'annulation du rappel à l'ordre notifié le 2 octobre 2018 et celle de dommages et intérêts de 1 000 euros pour sanction injustifiée. Elle conteste le bien fondé de ce rappel à l'ordre fondé sur un dépassement de sa délégation de pouvoirs à l'occasion de la signature d'un mandat de recherche simple auprès d'une agence immobilière et d'un bon de visite de bureaux pour le compte de l'association, alors que ses démarches étaient effectuées avec l'accord et après concertation avec le Directeur, M.[F]; que ce rappel à l'ordre transmis durant son arrêt de travail révèle le comportement manipulateur de la Direction qui a utilisé ce motif pour éviter de régler les frais d'honoraires de l'agence.
L'association conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté les demandes de la salariée.
Les articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail disposent que :
" En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments, et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise."
Par courrier recommandé du 2 octobre 2018, l'employeur a notifié à la salariée un rappel à l'ordre pour les motifs suivants:
" ( ..) Nous faisons suite à notre entretien préalable du 20 septembre 2018 (..) Nous vous avons prészenté les motifs justifiant la présenté procédure. (..)Un courrier daté du 15 juillet 2018 et reçu au siège le 15 juillet 2018 adressé au Président des PEP 35 par Mme [D] de l'agence immobilière Refleximmo, nous informe que le 21 février 2018, vous avez signé un mandat de recherche simple et un bon de visite. Or, cet engagement de mandat de recherche simple n'est pas conforme aux délégations de pouvoirs que vous avez signées le 8 juin 2017 avec M.[F]. En effet, en tant que chef de service, les seuls engagements financiers dont vous pouvez avoir l'initiative sont les dépenses de fonctionnement dans la limite des enveloppes dédiées au service et autorisées par la direction.; que l'achat d'un bien immobilier ne fait pas partie des dépenses de fonctionnement, donc en tant que chef de service, vous ne pouvez pas engager l'association sur ce type de dépenses. De plus, ici, aucun achat n'a été décidé et même lorsque c'est le cas, c'est le conseil d'administration qui décide de donner un mandat à une direction pour une recherche et non pour un achat ou pour un mandat de recherche. Le conseil d'administration des PEP 35 n'a pris aucune décision en ce sens concernant l'établissement de [Localité 14]. Ce dépassement de votre délégation a comme conséquences :
- en terme d'image: le courrier officiel de Mme [D] se plaignant des méthodes de notre association a été transmis à la Présidence des PEP 35 avec copie au Président de l'ASSAD. Or sur un territoire restreint comme celui de [Localité 14], les intervenants du secteur social se connaissent tous(.;)votre initiative est tout à fait préjudiciable pour l'image de notre association sur le territoire redonnais.
- en terme financier : votre engagement fait peser un surcoût financier sur notre éventuelle future transaction immobilière: si le CA souhaitait acquérir ce bien immobilier, il lui en coûterait les honoraires de cet intermédiaire que vous seule avez solliciter de votre propre initiative alors même que ce bien nous a été proposé directement par l'intermédiaire de Mme [X] de la mairie de [Localité 14].( ..)
Pour expliquer cette initiative, vous vous appuyez sur les méthodes de travail mises en place à l'époque de l'ancien directeur, période durant laquelle vous avez effectivement réalisé des visites de locaux en signant des bons de visite.(..) Nous tenons à vous rappeler que vous devez respecter les délégations de pouvoir que vous avez signé et donc que vous ne devrez plus prendre une telle initiative (..).
Etant donné que c'est la première fois que nous constatons ce genre d'initiative qui nuit à l'association , nous décidons de ne pas vous sanctionner. Cependant, nous attirons votre attention sur le fait qu'en tant que chef de service, vous devez respecter les règles et montrer l'exemple aux équipes que vous managez. Comptant sur
votre collaboration pleine et entière avec votre directeur afin qu'en cas de doute sur une décision, vous puissiez ne pas reproduire ce type de situation."
A l'appui, l'employeur verse aux débats :
- la délégation de pouvoir donnée le 8 juin 2017 par M.[F], Directeur à Mme [I], Chef de service , se voyant confier, en sus de ses fonctions administratives d'animation d'équipe, d'appui technique et de gestion des ressources humaines, des attributions sur le plan financier à savoir le contrôle des dépenses de fonctionnement dans la limite des enveloppes dédiées.
- le mandat de recherche simple signé le 7 février 2018 par Mme [I] en qualité de Chef de service MECS de [Localité 9], confié à l'agence Refleximmo afin de trouver une maison à [Localité 14], incluant des bureaux, une salle de réunion et un parking , au prix maximum de 300 000 euros,
- un bon de visite signé le 21 février 2018 par Mme [I] concernant des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 14] par l'intermédiaire de Mme [D] de l'agence immobilière Refleximmo.
- un courrier recommandé du 30 juillet 2018 intitulé " Révocation du mandat de recherche immobilier" signé par M.[F] se rapportant au mandat conclu le 7 février 2018 avec Mme [I] , avec effet de la révocation au 13 août 2018.
De son côté, pour établir qu'elle disposait de l'accord préalable de la Direction, Mme [I] verse aux débats la lettre du 15 juillet 2018 de Mme [D] de l'agence Refleximmo, expliquant les circonstances l'ayant amenée à proposer régulièrement des visites à Mme [I], mandatée par l'ancien directeur M. [S], à la recherche de bureaux à [Localité 14] pour le compte de l'association; que durant l'absence pour maladie de Mme [I], elle a pris contact avec M.[F], nouveau Président lui ayant fait comprendre que la démarche de Mme [I] n'avait aucune valeur ; " qu'au final, M.[F] comptait faire une offre en direct sans passer par mon intermédiaire". L'agent immobilier exprimait son mécontentement à l'égard du comportement de M.[F] "profondément irrespectueux envers son travail et sa collaboration avec Mme [I] et l'association".
Il ne fait pas débat que Mme [I] a signé le 7 février 2018 un mandat de recherche simple, permettant de déléguer à l'agence immobilière Refleximmo la recherche d'un bien tout en conservant la faculté de procéder à des recherches personnelles et/ou de faire appel à d'autres professionnels; que ce mandat conclu pour une période maximale de 15 mois était susceptible de dénonciation au-delà d'une période de 3 mois par courrier recommandé avec un préavis de 15 jours. La rémunération du mandataire n'est versée que si le bien recherché était trouvé et la vente est conclue.
La qualification de sanction disciplinaire n'a pas l'objet d'aucune contestation de la part de l'employeur qui a notifié le 12 octobre 2018 à la salariée un rappel à l'ordre, précédé d'un entretien préalable à sanction.
La salariée, qui ne le conteste pas, ne disposait d'aucune habilitation pour conclure un mandat de recherche le 7 février 2018 pour le compte de son employeur. Elle ne justifie pas davantage avoir transmis et informé son supérieur hiérarchique, M.[F], de la signature d'un bon de visite le 21 février 2018. Même si le précédent directeur, M.[S], parti à la retraite depuis le mois de juin 2017, l'avait autorisée , à tout le moins verbalement, à procéder à des visites pour le compte de l'association, la salariée n'était pas autorisée au regard de la délégation de pouvoir accordée par le nouveau Directeur à conclure un mandat de cette nature susceptible d'engager la responsabilité contractuelle et financière de son employeur.
Le rappel à l'ordre apparaît au regard de ces faits justifié.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande en annulation dur rappel à l'ordre et de sa demande indemnitaire subséquente.
2- Sur les demandes relatives à la durée du travail et aux rappels de salaire
Les premiers juges ont alloué à Mme [I] des rappels de salaires correspondant à des heures supplémentaires :
- en 2017 : 3 590,86 euros outre les congés payés,
- en 2018 : 28,98 euros outre les congés payés,
- en 2019 : 1 691,71 euros outre les congés payés.
Mme [I] sollicite l'infirmation du jugement sur le quantum des heures supplémentaires impayées entre août 2017 et juin 2019 en soutenant que:
- elle était contrainte d'effectuer de multiples heures supplémentaires en raison de la multiplicité de ses missions, d'un sous effectif chronique et d'une surcharge de travail parfaitement connue de la Direction, alors que son contrat de travail initial prévoyait un rythme de 35 heures hebdomadaires,
- des salariées ont confirmé que Mme [I], en qualité de Chef de service, se montrait disponible à toute heure et n'avait même plus le temps de déjeuner.
- l'employeur conscient de la problématique a cherché à éluder le paiement d'heures supplémentaires en faisant signer à la salariée un avenant le 20 mai 2019 à effet retroactif au 1er janvier 2019 prévoyant un passage à un forfait annuel en jours : ce forfait doit lui être déclaré inopposable au titre de l'année 2019 étant précisé qu'il n'a donné lieu à aucun document de contrôle des jours travaillés ni un entretien individuel annuel.
- elle a établi un décompte plus précis en cause d'appel au regard du carnet d'heures tenu par ses soins,
- de son côté, l'employeur ne produit aucun élément propre à démentir ce décompte réactualisé,
L'association conclut au rejet des demandes en soutenant que:
- Mme [I] ne peut pas invoquer l'inopposabilité du forfait annuel conclu en mai 2019 alors que l'absence d'organisation d'un entretien annuel est liée uniquement à son arrêt de travail à compter du 28 juin 2019,
- subsidiairement, si le forfait était déclaré inopposable, le décompte réactualisé en appel de la salariée à la baisse présente certaines incohérences en intégrant à tort des jours de congés au titre de l'année 2019,
- pour les périodes antérieures à la formalisation de son forfait en mai 2019, la salariée a bénéficié des jours accordés aux cadres en forfait jours en 2019;
- elle a fourni des décomptes manifestement erronés et insufisamment précis pour les besoins de la cause,
et distincts de ceux fournis aux premiers juges,
- subsidiairement, les montants doivent être limités et en tout état de cause, prendre en compte les versements déjà effectués en exécution du jugement.
2-1 sur la période antérieure au 1er janvier 2019
Concernant la période antérieure au 1er janvier 2019, Mme [I] travaillait comme cadre à temps plein suivant l'avenant du 1er mars 2014 se référant "aux dispositions conventionnelles concernant le personnel d'encadrement non soumis à horaire préalablement défini, la salariée étant responsable de la gestion de son temps de travail pour remplir sa mission dans les conditions et les limites conventionnelles." Elle bénéficiait en contrepartie de jours forfaitaires cadres.
Le jugement ayant omis de statuer sur l'inopposabilité de l'avenant du 20 mai 2019 invoquée par la salariée à l'appui de sa demande au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er janvier 2019, il convient de réparer cette omission en examinant cette question préalable.
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17 paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 paragraphe l, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ainsi, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
L'article L3121-60 dispose que l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
En l'espèce, l'avenant du 1er mars 2014 ne fait mention d'aucune durée de travail ni de nombre de jours travaillés, se référant exclusivement aux dispositions conventionnelles concernant le personnel d'encadrement non soumis à horaire préalablement défini.
Lesdites dispositions figurent dans l'annexe 6 relative aux cadres de la convention collective applicable selon lesquelles : "le cadre "non soumis à horaire préalablement établi" est responsable de l'aménagement de son temps de travail pour remplir la mission qui lui est confiée lorsque la spécificité de l'emploi l'exige. L'autonomie et la souplesse nécessaires à l'exercice de la fonction excluent donc toute fixation d'horaires préalablement établis. Ces dispositions ne sauraient faire obstacle à l'application des dispositions conventionnelles en matière de repos hebdomadaire, de congés et de durée hebdomadaire de travail en vigueur dans l'entreprise. "
Il en ressort l'absence de disposition conventionnelle de suivi et de contrôle du temps de travail de Mme [I], conformes aux exigences légales et juriprudentielles.
Dans ces conditions, la salariée est bien fondée à soutenir qu'elle était soumise au régime de droit commun pour la période antérieure au 1er janvier 2019 en l'absence de toute mention du nombre de jours travaillés et de suivi de sa charge de travail.
2-2 Sur la période postérieure au 1er janvier 2019
Mme [I] soulève l'inopposabilité de la convention de forfait jours conclue le 20 mai 2019 à effet rétroactif au 1er janvier 2019 à l'appui de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019.
L'association qui avait conclu devant le conseil de prud'hommes à l'opposabilité de la convention, maintient en appel que la durée du travail de la salariée doit être effectuée sur la base du forfait annuel applicable à partir du 1er janvier 2019. Subsidiairement, si la convention était déclarée inopposable, la salariée doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires au titre de l'année 2019.
Aux termes de l'article L3121-63 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
L'article L3121-64 du même code prévoit que :
I. L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :
1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;
2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;
4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.
II.L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17 (...) ;
Les mesures de contrôle prévues par l'accord collectif ne doivent pas se présenter comme une pétition de principe, mais être de nature à assurer un suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié afin de mettre l'employeur d'intervenir réellement et en temps utile si celle-ci s'avère finalement incompatible avec une durée de travail raisonnable (Rapport de M. Florès, conseiller à la cour de cassation, sous Soc. 24 mars 2021 - n°19-12.208).
Un accord écrit du salarié précisant le nombre de jours travaillés dans l'année est nécessaire.
Les dispositions d'ordre public de l'article L3121-58 du code du travail dans sa rédaction actuelle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 exigent que la convention de forfait en jours soit conclue "dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64".
A défaut de garanties suffisantes prévues par l'accord collectif, la convention de forfait est nulle.
Si l'employeur ne respecte pas les stipulations conventionnelles ou légales, la convention individuelle de forfait en jours n'est pas nulle mais elle est privée d'effet pendant toute la durée de la défaillance de l'employeur et devient dès lors inopposable au salarié.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'un contrôle effectif de la charge de travail du salarié et de l'amplitude du temps de travail. Des contraintes internes ne peuvent pas justifier un retard dans la tenue de l'entretien lié à la charge de travail des salariés en forfait-jours.
En l'espèce, les parties ont régularisé le 20 mai 2019 un nouvel avenant se rapportant à un forfait annuel, à effet rétroactif au 1er janvier 2019, fondé sur l'accord d'entreprise du 7 juillet 2017 concernant le personnel d'encadrement non soumis à horaire," avec une durée annuelle de travail de 186 jours, ce forfait comprenant la déduction des jours fériés, des congés payés, des congés trimestriels, des congés forfaitaires cadres et l'ajout de la journée de solidarité et correspondant à la période de janvier à décembre sur la base d'un droit intégral à congés.
La salariée est responsable de la gestion de son temps de travail pour remplir la mission qui lui est confiée dans les conditions et les limites conventionnelles ( repos minimal quotidien de 11 heures consécutives et repos hebdomadaires de 35 heures consécutives).
Chaque année, un entretien individuel sera organisé afin d'échanger sur la réalisation des missions prévues au regard du nombre de jours de travail prévus. Si cela semble nécessaire, un second entretien peut être organisé à la demande du salarié en cours de période.
Chaque année, le salarié établit un planning prévisionnel prévoyant l'intégralité des jours de travail et des jours de congés transmis à son supérieur hiérarchique ; d'autre part, un décompte mensuel des journées ou demi-journées de travail et de repos afin de permettre d'assurer le suivi de vos temps de travail et de repos. "
En l'absence de dispositions issues de la convention collective nationale, il convient de se référer aux dispositions de l'accord d'entreprise du 7 juillet 2017 - non versé aux débats - mais dont les dispositions sont reproduites dans la convention individuelle signée par la salariée le 20 mai 2019.
Mme [I] affirme sans être contestée qu'elle n'a bénéficié d'aucun entretien annuel destiné à évoquer son organisation, sa charge de travail et l'amplitude de ses journées d'activité, tel que prévu dans sa convention individuelle en application de l'accord d'entreprise du 7 juillet 2017.
L'association justifie cette situation par l'absence continue de la salariée, ayant empêché l'organisation de cet entretien annuel, entre l'arrêt de travail prescrit le 28 juin 2019 et l'avis d'inaptitude du 17 mars 2020. L'intimée insiste sur la mauvaise foi de la salariée à invoquer l'inopposabilité du forfait alors qu'elle n'a travaillé que durant un mois après la signature du forfait.
A titre subsidiaire, si l'inopposabilité de la convention était constatée, l'employeur s'oppose à tout rappel de salaire en l'absence d'éléments sérieux et crédibles appuyant la demande d'heures supplémentaires au titre de l'année 2019 et au regard des décomptes incohérents produits en appel par la salariée.
Si les parties ont régularisé le 20 mai 2019 une convention individuelle de forfait annuel de 186 jours avec effet rétroactif au 1er janvier 2019, l'association ne justifie à aucun moment avoir sollicité et obtenu de la salariée les documents visés dans l'accord collectif d'entreprise, à savoir :
- le planning prévisionnel prévoyant l'intégralité des jours de travail et des jours de congés,
- le décompte mensuel des journées ou demi-journées de travail et de repos afin de permettre d'assurer le suivi des temps de travail et de repos,
alors que Mme [I] était soumise depuis près de 6 mois à un régime dérogatoire en matière de durée du travail.
Peu importe que le planning prévisionnel ou les décomptes mensuels n'aient pas été renseignés et/ou transmis par Mme [I], ces documents doivent être établis sous la responsabilité de l'employeur auquel il incombe de s'assurer que la charge de travail de la salariée était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.
Nonobstant l'absence de la salariée à son poste de travail depuis le 28 juin 2019, l'employeur qui ne justifie d'aucune contrainte interne, ne démontre pas qu'il a programmé, avant de le reporter, l'entretien annuel permettant de contrôler sa charge de travail et l'adéquation de celle-ci avec la vie personnelle et familiale de Mme [I].
Il s'ensuit que l'employeur ne rapporte pas la preuve du contrôle effectif et régulier de la charge de travail de la salariée et de l'amplitude du temps de travail de nature à remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
Dans ces conditions, la convention de forfait de 186 jours stipulée à l'avenant du 20 mai 2019 doit être jugée comme étant privée d'effet et dès lors inopposable à la salariée.
2-3 - Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Mme [I] sollicite un rappel de salaire correspondant à :
- 5 588 euros au titre des heures supplémentaires effectuées de septembre à décembre 2017,outre les congés payés afférents
- 4 922,50 euros au titre des heures supplémentaires effectuées durant l'année 2018 outre les congés payés afférents,
- 4 098,80 euros au titre des heures supplémentaires au titre de l'année 2019
( janvier-juin), outre les congés payés afférents.
L'association fait valoir pour la période antérieure à la formalisation du forfait jours en 2019 que la salariée travaillait avant cette date selon une "convention de forfait jours", ne respectant pas les règles légales, et qu'elle bénéficiait de fait de jours accordés aux cadres en forfait jours. L'employeur souligne le caractère imprécis et incohérent des demandes de la salariée dont les décomptes sont divergents et minorés par rapport à ceux fournis aux premiers juges, étant constaté qu'elle a englobé des semaines intégrant des jours d'arrêt de travail et des jours fériés. Subsidiairement, elle conclut à la limitation du montant du rappel de salaire sauf à déduire les sommes allouées en exécution du jugement.
Conformément aux dispositions de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Cette acceptation ne peut valoir non plus compte arrêté et réglé au sens de l'article 1269 du code de procédure civile.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, gde ch.,14 mai 2019, aff. C-55/18, pt 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO : JurisData n° 2019-009307 ; JCP S 2019, 1177, note M. [A]).
Ainsi la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir (Soc., 9 juillet 2025, pourvoi n°24-16.397).
L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque salarié ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre de jours travaillés.
En l'espèce, Mme [I] occupait des fonctions de Chef de service au sein de la [Adresse 10] ( MECS) de Gannedel à [Localité 14], répartie sur plusieurs sites :
- les bureaux administratifs à [Localité 14],
- la Maison des Petits , internat à [Localité 14] accueillant 6 enfants en bas âge placés par le juge pour enfants,
- la Maison des Moyens ou des grands, implantée à [Localité 18] accueillant 13 adolescents confiés par l'ASE,
Outre les astreintes (24h/24h) se rapportant à ses deux établissements, la salariée réalisait des astreintes régulières :
- depuis juillet 2014 auprès du Lieu de Vie Vent du Sud situé à [Localité 15], destiné à l'hébergement de courte, moyenne ou longue durée d'adolescents en difficulté,
- à compter de janvier 2019, auprès de la MECS de [Localité 7], situé à [Localité 6] près de [Localité 16].
Invoquant un alourdissement des périodes d'astreinte avec interventions, l'appelante soutient qu'elle était soumise à un rythme intense de travail au-delà du régime légal des 35 heures hebdomadaires ce dont son employeur conscient de la situation a entendu de manière malhonnête éluder la problématique en lui faisant signer un avenant le 20 mai 2019 pour la faire passer en forfait jours avec effet rétroactif au 1er janvier 2019.
A l'appui, la salariée verse aux débats :
- ses bulletins de salaire de janvier 2017 à décembre 2019 et celui d'avril 2020 faisant tous mention d'une durée de travail de 151,67 heures par mois moyennant en dernier lieu, un salaire de base de 2 795,83 euros brut par mois, auquel s'ajoutent des indemnités d'astreinte forfaitaires.
- la copie d'un carnet personnel récapitulant ses horaires de travail à compter du mois de janvier 2018 et jusqu'en juin 2019, ses périodes de congés et d'arrêt de travail pour maladie et à la suite d'accident de la voie publique durant le service ( pièce 64),
- les décomptes d'heures de travail produits en première instance ( pièce 65/1) sous forme de fiches horaires, détaillant les amplitudes de travail, semaine par semaine pour l'année 2017, et jour par jour pour les années 2018 et 2019,
- les tableaux réactualisés des heures de travail établis en cause d'appel sur la base de son carnet personnel faisant apparaître les amplitudes horaires de travail, les pauses éventuelles, les astreintes, les jours féries et les périodes de congés (pièce 65/2)
- le décompte récapitulatif des heures supplémentaires et des rappels de salaires pour la période allant de septembre 2017 à juin 2019, faisant apparaître des semaines de travail excédant régulièrement 45/50 heures
( conclusions pages 37 à 41) :
- en 2017 : 184 heures supplémentaires de septembre à décembre, représentant la somme de 5 558 euros avec les majorations,
- en 2018 : 162,50 heures supplémentaires de janvier à mai, représentant la somme de 4 922,50 euros avec les majorations,
- en 2019 : 127,75 heures supplémentaires de janvier à juin, représentant la somme de 4 098,80 euros
avec les majorations,
- les attestations d'éducateurs, d'une psychologue clinicienne, du personnel de surveillance ayant travaillé plusieurs années sous la direction de Mme [I], la décrivant de manière unanime comme une cadre compétente, disponible, attentive envers les membres de ses équipes, les familles, dont la charge de travail a été alourdie après l'arrivée du Directeur M.[F] en avril 2017 et la mise en place d'astreintes réparties sur plusieurs sites, impactant son état physique et psychologique :
- Mme [H] éducatrice " durant les dernières années, elle était plus fatiguée, ne prenait pas toujours le temps de déjeuner, rentrait tard à son domicile. Nous étions inquiets par la masse et l'intensité du travail, l'enchaînement des astreintes, et lui avons conseillé de stopper mais elle était sollicitée par son directeur et les trois équipes de [Localité 14] . En février 2018, elle m'a appelé car elle venait d'avoir un accident de voiture avec un enfant du groupe. L'accident n'a mis en cause que son véhicule. Elle était très fatiguée (..) Suite à tout cela, le rythme a été le même malgré les nombreuses alertes à sa direction. En mai 2018, elle manifestait de plus en plus de signes de souffrance (..)"
- Mme [O] éducatrice spécialisée décrivant "la descente aux enfers" de Mme [I] depuis l'arrivée du nouveau directeur ( en avril 2017) en raison d'horaires de travail plus lourds, d'astreintes supplémentaires " elle ne s'alimentait plus, se satisfaisant de fruits secs" . Elle l'a vue "s'effondrer" lors d'une réunion de régulation en présence du Directeur.
- Mme [M] éducatrice rapporte que le 4 mai 2018, elle s'est rendue sur le site après un appel téléphonique de Mme [I] vers 21h30/22h (en fin de période d'astreinte) lui disant " ne pas pouvoir quitter son bureau vu le travail restant à accomplir" et a constaté sur place que Mme [I] "les traits tirés" était épuisée et avait des difficultés pour se mouvoir. Le 27 juin 2019, après une nuit d'astreinte où Mme [I] était mobilisée auprès d'une jeune du Lieu de Vie, elle a enchaîné une réunion avec l'équipe des petits de 10h à 13h, suivie d'une réunion du lieu de Vie de 14h à 16 h.
- Mme [T] éducatrice ayant effectué entre juin 2015 et juillet 2018 des remplacements et Mme [G] éducatrice spécialisée : Mme [I] était soutenante dans sa position de chef de service, se déplaçant en pleine nuit en cas de besoin sur le groupe lors de ses astreintes et revenant travailler le lendemain en réunions. La situation devenait intenable : toujours rendre des comptes au Directeur, faire des écrits sur tout, astreinte multipliée. Par ailleurs, le Directeur pouvait se montrer "malveillant dans les actes et les paroles" à l'égard de Mme [I].
- Mme [E], psychologue clinicienne auprès de la [Adresse 11] ": "Mme [I] n'avait plus accès au télétravail ( depuis l'arrivée du nouveau Directeur), je la voyais continuellement présente aux bureaux de bon matin jusqu'à très tard, tout en assumant les astreintes. Je la vois s'épuiser, ne pouvant même plus s'accorder une pause méridienne avant la prochaine réunion.(..) Février 2018, l'épuisement était toujours présent et même aggravé, Mme [I] a fait un accident de voiture dans le cadre de son travail .'
- M.[N] et Mme [C], surveillants de nuit, constatant que Mme [I] était "souvent connectée tard dans la nuit au système informatique interne pour préparer des documents, réunions, rendez-vous, pour ensuite être disponible, quelques heures plus tard, à son bureau de l'établissement."
- M. [B] moniteur éducateur en internat, voyait Mme [I] régulièrement connectée en soirée sur l'outil de communication pour organiser les plannings, valider les écrits. La charge de travail de la cheffe de service avait fortement augmenté en peu de temps avec l'augmentation des mesures et la mise en place d'astreintes mutualisées avec la MECS de [Localité 7], nécessitant des interventions sur site auprès de jeunes et d'éducateurs qu'elle ne connaissait pas. Au surplus, Mme [I] "n'était pas toujours remplacée durant ses arrêts de travail de sorte qu'elle était en surcharge de travail à son retour" .
- M.[P] éducateur spécialisé et délégué du personnel: depuis l'arrivée du nouveau Directeur, "elle ne se permettait plus le temps de manger le midi car surchargée par la masse de travail", était épuisée par les interventions faites dans le cadre des astreintes de plus en plus régulières .(...) Son accident de février 2018 dans le cadre professionnel est intervenu dans ce contexte de surmenage. En février 2019, après son retour d'arrêt de travail, "elle a montré (à M.[P]) une liste de choses à faire remise par le Directeur (2 feuilles A4 remplies de consignes) allant de la banalité jusqu'à un gros dossier qui peut prendre des mois (type DUERP..) : cette liste était clairement impossible à réaliser par une personne seule. Pourtant, M.[F] savait pertinemment les motifs de l'arrêt de travail de Mme [I], communiqués lors d'un comité de gestion le 16 octobre 2018. Très rapidement, les mêmes symptômes ont réapparu chez Mme [I], avec une fatigue intense liée aux astreintes, pas le temps de manger, surmenage. Il évoque une réunion le 7 mai 2019 à la demande des délégués du personnel avec le Directeur M.[F] pour évoquer les difficultés rencontrées depuis plus d'un an avec lui : Mme [I] a pris la parole (..) exprimant une impression de gâchis, sans pouvoir retenir des larmes ( alors qu'elle n'était pas coutumière de ce genre d'exposition ). Le Directeur s'était engagé à faire un retour de la réunion avec des pistes n'en a rien fait. "
- Mme [L] monitrice éducatrice: lors des réunions, le Directeur reportait sur Mme [I] des tâches qui ne relevaient pas des responsabilités de la Cheffe de service.
- M.[U], coordinateur au Lieu de Vie Vent du Sud confirmant que Mme [I] s'épuisait face à toutes les sollicitations du nouveau Directeur sur un ton pressant " je te demande de travailler tel point du projet d'établissement de la MECS" " n'oublie pas de me remettre le plan de formation des personnels au plus vite" " je te demande de participer à une réunion avec les partenaires". Parallèlement, M.[F] n'hésitait pas à remettre en cause voire à dénigrer Mme [I] en présence du personnel.
- les compte rendus des CHSCT au cours de l'année 2018 alertant la Direction générale de l'association sur la lourdeur des astreintes pesant sur l'encadrement des établissements de [Localité 14] : avant juillet 2018, l'astreinte était répartie une semaine sur deux, entre le Directeur et la Cheffe de service ( Mme [I]) soit 26 semaines par an chacun. A compter de septembre 2018, une mutualisation des astreintes a été mise en place entre la cheffe de service de la MECS de [Localité 14] ( Mme [I]) et les 3 trois chefs de service de la MECS de [Localité 7] (3): chacun d'eux devait assurer une astreinte ( nuit et jour) par semaine ainsi qu'un week-end sur 4.
- l'extrait de son dossier de la médecine du travail : la salariée se plaignait en 2018 de ses difficultés au travail depuis un changement d'organisation en octobre 2017 " se disant plus présente au travail de 9 h à 19h sans pause repas, avec un système d'astreinte une semaine sur deux, se disant épuisée; disant avoir eu un accident de travail le 26 février 2018 avec une enfant de la structure."
- un courriel du 2 mai 2018 alertant le Directeur Général de l'association - M.[R]- sur son état de grand épuisement en lien avec ses conditions de travail dégradées. Si elle conservait l'espoir d'un changement prochain dans l'organisation de travail des cadres de la Maison de Gannedel, elle exprimait dans l'immédiat sa souffrance après des semaines de service et d'astreinte - du 21 avril au 7 mai 2018- dans l'attente du retour du Directeur. Elle rappelait avoir eu un accident de voiture le 26 février 2018 à l'issue de deux semaines d'affilée d'astreinte (pièce 62)
La salariée présente des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur se garde de produire le moindre élément se bornant à contester les tableaux rectifiés fournis par la salariée en cause d'appel.
Il ne conteste pas plus utilement les témoignages versés aux débats par la salariée qui confirment l'amplitude horaire de travail de la salariée, l'amenant de manière régulière à ne pas prendre de pause méridienne pour déjeuner. Mme [I] démontre qu'elle se déplaçait régulièrement entre les différents sites, les locaux administratifs de la MECS à [Localité 14] et le siège social de l'association à [Localité 16] ainsi que les partenaires de l'association.
S'agissant de la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration pour les heures supplémentaires, il convient de se référer à l'arrêt publié du 10 septembre 2025 de la Cour de cassation ( Soc. n°23 -14 455), au visa de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et d'un arrêt du 13 janvier 2022 de la Cour de justice (DS c/ Koch Personaldienstleistungen GmbH, C-514/20) aux termes duquel "il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3121-28 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu'il aurait perçues s'il avait travaillé durant toute la semaine."
Il s'en déduit que les jours de congés payés doivent être pris en compte dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires et que Mme [I] soumise à un décompte hebdomadaire de la durée de travail en raison de l'inopposabilité de la clause de forfait en jours, peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires durant les semaines au cours desquelles elle a posé des jours de congés.
Contrairement à l'interprétation de l'association intimée, il n'y a donc pas lieu d'exclure les jours de congés payés ni même les jours fériés de l'assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires réclamées par Mme [I].
Au résultat de l'ensemble des éléments produits, la cour a la conviction que Mme [I] a réalisé les heures supplémentaires dont elle réclame le paiement durant la période en cause.
Il y a lieu dès lors de condamner l'association au paiement de la somme globale de 14 609.30 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées entre septembre 2017 et juin 2019, outre 1 460.93 euros pour les congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé du chef du quantum des sommes allouées.
3-Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours forfaitaires cadres
A titre liminaire, il est rappelé que par application de l'article 954 alinéas 1 et 3 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée ; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
L'association développe dans les motifs de ses dernières conclusions (paragraphe II 2 b) ) une demande nouvelle en appel tendant à obtenir le remboursement des jours de congés forfaitaires cadres pris par la salariée et sollicite à ce titre diverses sommes au titre des années 2017 et 2018 et subsidiairement, au titre de l'année 2019. Toutefois, force est de constater que l'intimée ne reprend pas ses demandes reconventionnelles dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.
Il s'ensuit que la cour n'est saisie régulièrement d'aucune demande reconventionnelle de l'association à ce titre.
4- Sur les dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail
L'association conclut à la confirmation du rejet de cette demande, au motif que la salariée n'apporte aucun élément tangible quant au dépassement des durées maximales de travail prévues par la loi, en rappelant que les tableaux produits son incohérents, les témoignages imprécis sur ce point, que l'astreinte n'est pas du temps de travail effectif en l'absence d'intervention; que subsidiairement, Mme [I] ne démontre pas l'existence et l'ampleur de son préjudice; que l'indemnité devra être réduite à de plus justes proportions.
Mme [I] maintient sa demande de 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail en soulignant que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit européen et les durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur. Elle ajoute qu'elle n'avait pas la possibilité de récupérer les heures effectuées puisqu'elle était seule à son poste à la suite des astreintes nécessitant des interventions; que les témoignages de ses collaborateurs révèlent des dépassements réguliers de 10 heures journalières et de 44 heures fixées par la convention collective;
Cependant, la charge de la preuve du respect des plafonds légaux et conventionnels incombe à l'employeur, lequel ne justifie aucunement des durées de travail sur l'ensemble de la période litigieuse.
Il résulte des dispositions de l'article L3121-18 du code du travail que la durée quotidienne maximale de travail effectif ne peut excéder 10 heures, sauf exceptions limitativement prévues par ce texte.
La durée hebdomadaire de travail ne peut pas dépasser 48 heures.
La durée de repos hebdomadaire doit être de 24 heures et le repos quotidien doit être de 11 heures.
Les dispositions conventionnelles prévoient :
- La durée quotidienne du travail peut être continue ou discontinue.
- La durée quotidienne maximale du travail est fixée à 10 heures, de jour ou de nuit. Toutefois, pour répondre à des situations particulières, elle peut être portée à 12 heures conformément aux dispositions légales.
- La durée ininterrompue de repos entre 2 journées de travail est fixée à 11 heures consécutives. Toutefois, lorsque les nécessités de service l'exigent, cette durée peut être réduite sans être inférieure à 9 heures, dans les conditions prévues par l'accord de branche du 1er avril 1999.
Le seul constat par le juge du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.
La période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme du temps de travail effectif.
Pour établir la réalité du dépassement de la durée du travail, Mme [I] s'appuie sur :
- les mentions manuscrites de son carnet personnel, détaillant les amplitudes de travail
- sur les tableaux ( pièce 65/2) faisant apparaître des amplitudes journalières de travail intégrant les interventions lors de ses astreintes, excédant 10 heures voire 12 heures par jour par exemple : les 20 mars 2018 (13h), 4 mai 2018 (14 h), 18 février 2019 (13h30), 19 février 2019 (12h30), le 9 avril 2019 (12h), le 19 avril 2019 (12h) ainsi que 48 heures par semaine, par exemple 49 heures la semaine du 15 janvier 2018, 57 heures la semaine du 12 février 2018 ( lundi au samedi) , 54 heures la semaine du 19 février 2018, 53 heures la semaine du 26 mars 2018, 54 heures la semaine du 18 février 2019.
Ces éléments sont confirmés par les témoignages de ses collaborateurs amenés à la côtoyer notamment lors de ses interventions d'astreintes de semaine, de nuit comme de jour auprès des établissements.
L'association ne fournit aucune explication utile sur les dépassements de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et l'association sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 3.500 euros à titre de dommages et intérêts.
5- Sur l'indemnité pour travail dissimulé
L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu' "Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."
Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il mentionne sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Aux termes de l'article L. 8223-1 du même code, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il est constant que cette indemnité forfaitaire n'est due qu'en cas de rupture du contrat de travail.
Du fait de la multiplicité des tâches qui lui étaient dévolues comme Chef de Service de plusieurs établissements hébergeant en continu des mineurs dépendant de la MECS de [Localité 14] , Mme [I] était amenée à effectuer des interventions liées à des astreintes régulières dépendant d'une autre MECS. L'employeur alerté par les instances représentatives du personnel ne pouvait pas ignorer la réalité des horaires de travail de la salariée et la réalisation de nombreuses heures supplémentaires et s'est borné à lui octroyer des jours de repos supplémentaires sans justifier du moindre relevé, ce qui caractérise à la fois une connaissance de la réalité des dites heures et une occultation volontaire de leur ampleur.
Par ailleurs, l'intention de dissimulation de l'employeur est confortée par le fait qu'il ait régularisé une convention de forfait le 20 mai 2019 avec effet rétroactif au 1er janvier 2019 ayant pour objet d'éluder le paiement en partie des heures supplémentaires effectuées depuis quelques mois en se prémunissant contre le risque de contentieux par la signature de l'avenant.
Il convient dès lors, faisant droit à la demande de Mme [I] dans la limite de sa demande à la somme de 20 053.74 euros net en application de l'article L 8223-1 du code du travail. Le jugement sera infirmé de ce chef.
6- Sur le licenciement
Mme [I] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en invoquant en premier lieu le fait que son inaptitude physique résulte du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité et en second lieu le manquement de l'association à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement de la salariée.
L'association considère avoir respecté tant son obligation de sécurité, s'agissant d'une obligation de moyen, en mettant en oeuvre les mesures adaptées à l'état de santé de Mme [I], laquelle n'avait pas informé son employeur de la sclérose en plaques dont elle souffrait qui a nécessairement contribué à son épuisement, que de son obligation de recherche de reclassement, en l'absence de postes compatibles avec les compétences de la salariée et les restrictions médicales.
6-1 - sur le manquement à l'obligation de sécurité
Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement, Mme [I] soutient que :
- elle se trouvait en situation de surcharge de travail au regard d'une désorganisation structurelle et d'une problématique managériale pourtant dénoncée par l'ensemble des salariés,
- l'employeur n'a pris aucune mesure pour réorganiser le service et alléger la charge de travail de la salariée,
- les aménagements proposés le 22 novembre 2018 par le médecin du travail en faveur d'un temps partiel thérapeutique sans astreinte, sans gestion des enfants et sans déplacement, n'ont pas été acceptés par l'employeur, alors qu'une autre salariée en avait bénéficié à [Localité 17] l'année précédente.
- les préconisations du médecin du travail dans ses attestations de suivi des 7 janvier 2019, 11 avril 2019, 4 juillet 2019 n'ont pas été suivies d'effet.
- l'association tente de se dédouaner de son obligation de sécurité à propos de l'épuisement moral et psychique de la salariée en invoquant la sclérose en plaques dont elle est porteuse depuis de nombreuses années laquelle demeurait stable et sans traitement de fond, ni conséquence sur son activité quotidienne jusqu'au déclenchement d'un burn out due à ses conditions de travail.
L'association réplique qu'elle n'a pas refusé la mise en place d'un mi-temps thérapeutique au demeurant non prescrit par le médecin du travail, mais seulement expliqué que la reprise de la salariée selon les modalités proposées était inenvisageable au regard des missions habituelles confiées à un Chef de service. Elle ajoute que la salariée ne l'avait jamais informée de la maladie (sclérose en plaques) dont elle souffrait et qui a nécessairement contribué à une extrême fatigue et empêché la mise en oeuvre de mesures adaptées par l'employeur.
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur est également tenu de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Tel qu'il résulte des articles L. 4121-2 à L. 4121-5 du même code, l'employeur est tenu d'évaluer dans son entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de transcrire les résultats dans un document unique. Il appartient à l'employeur d'assurer l'effectivité de cette obligation en assurant la prévention des risques professionnels.Dès lors que le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité.
Pour établir la réalité des manquements de son employeur, Mme [I] verse aux débats :
- ses arrêts de travail se rapportant :
- aux séquelles de l'accident de circulation du 26 février 2018 et jusqu'au 16 mars 2018,
- du 5 mai 2018 au 28 septembre 2018, pour un épuisement professionnel et poussée de sclérose en plaque (SEP)
- du 29 octobre 2018 au 4 janvier 2019 pour anxiété réactionnelle,
- du 28 juin 2019 au 27 octobre 2019 pour " syndrome d'épuisement au travail sur SEP"
- le certificat de son médecin traitant indiquant que Mme [I] a présenté "des symptômes d'épuisement physique et psychique nécessitant un repos prolongé avec prise d'anxiolytiques lors d'un premier arrêt du 4 mai 2018 au 6 janvier 2019, puis à compter du 28 juin 2019 pour la même cause".
Il est mentionné que la salariée est porteuse d'une SEP avec déclenchement d'une crise en 2019.
- l'attestation de la psychothérapeute ayant suivi Mme [I] à partir de mars 2018, précisant que si un accident de voiture sur un trajet professionnel a été le déclencheur de la démarche, l'état d'épuisement dû au travail a nécessité un suivi hebdomadaire de la salariée jusqu'à l'été 2018; que la patiente a subi une rechute suite à un burn out professionnel en juin 2019.
- les certificats de son médecin spécialiste en neurologie confirmant la stabilisation depuis 2005 des symptômes neurologiques liés à une sclérose en plaques, peu active, sans traitement de fond. La patiente a subi une crise en juin 2018, dans un contexte d'anxiété liée à des difficultés professionnelles. Après une amélioration de son état de santé après un traitement par corticoïde ( IRM encéphalique stable en avril 2019), la patiente a refait un burn-out dans un contexte de travail très stressant en juin 2019.( Pièces 72,73
- le courrier du médecin du travail du 22 novembre 2018 dans le cadre d'un examen de pré reprise, selon lequel "il serait préférable que votre salariée puisse bénéficier des aménagements suivants : temps partiel thérapeutique de préférence le matin de 8h à 12h sans astreinte, gestion des tâches administratives (gestion équipe, planning), sans gestion des enfants et sans déplacement."
- le courrier du 24 janvier 2020 du médecin du travail à la suite de la pré reprise "il serait préférable que votre salariée puisse bénéficier des aménagements suivants : une inaptitude au poste de chef de service est à prévoir ; prévoir un reclassement à un poste en horaire normal sans astreinte, sans garde, sans heure supplémentaire, limiter les situations de stress."
- l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail du 17 février 2020 ( pièce 26)
- la liste de ses périodes d'astreintes en 2017 ( 206 jours ) et durant les 4 premiers mois de 2018 ( 69 jours)
- les fiches de ses horaires de travail révélant de fortes amplitudes de travail et des interventions fréquentes lors des astreintes.
- les témoignages de ses collaborateurs soulignant son fort investissement professsionnel, ses interventions lors d'astreintes dans les trois internats de la MECS de [Localité 9] distants chacun de 15-20 kilomètres, et sur la période de février 2019 à juin 2019 dans la MECS de [Localité 7], distante de 60-70 km de [Localité 14].
- ses courriels informant le Directeur M.[F] , la Direction Générale de l'association :
- le 2 mai 2018 qu'elle a pris en urgence un rendez-vous avec son médecin traitant en raison d'un "grand état d'épuisement "à la sortie d'une période de travail et d'astreinte de 16 jours d'affilée ;
- le 5 juin 2018 que son arrêt de travail est prolongé pour le même motif de surmenage professionnel,
- le 30 novembre 2018 que son arrêt de travail est prolongé "suite au refus de l'association de mettre en oeuvre un temps partiel "( pièce 56), auquel la responsable RH de l'association lui a répondu qu'il ne s'agissait pas d'un refus d'organiser un temps partiel mais de l'incompatibilité des préconisations du médecin du travail visant l'absence de déplacement de la salariée et de contact avec les enfants avec le poste de Chef de Service qu'elle occupait.
- la demande du 19 novembre 2018 par M.[P] délégué du personnel auprès du CHSCT signalant les "multiples dysfonctionnements et les risques psychosociaux dans les établissements de [Localité 14] ([Adresse 12] et Lieu de vie Vent du Sud).
- sa requête du 23 juin 2019 auprès du CSE de l'association "pour étudier la situation des astreintes mutualisées des chefs de service de la MCES de [Localité 9] avec la MCES de [Localité 7], mises en place depuis septembre 2018, alors qu'elle était en arrêt de travail, et auxquelles elle est soumise depuis son retour en janvier 2019 " j'avais déjà dit à mon Directeur M.[F] que l'astreinte mutualisée était en inadéquation avec une astreinte de proximité , mon contrat de travail ( avenant 2014) stipule l'obligation d'habiter non loin de la Maison de Gannedel, ce que j'ai fait à l'époque Aujourd'hui, mon domicile est à plus de 80 km de [Localité 7] soit 1 heure de route(..) Cette mutualisation se devait de réduire la fréquence des jours (..) Sur le papier, chaque chef de service prend un jour par semaine et un week -end sur 4 . Cela s'est considérablement complexifié début mai ( 2019) quand deux chefs de service ont été en arrêt maladie en même temps. Sans concertation, les deux autres chefs de service ont été crédités de 6 jours supplémentaires d'astreinte dans les 15 jours à venir.. Puis la secrétaire de direction de [Localité 7] a accepté d'effectuer des astreintes pour soulager le système.(..) L'impact de ces astreintes est fort, beaucoup d'appels tard le soir ou la nuit. Comment gérer les astreintes le soir et la nuit avec la journée à faire, les jours cadres prévoit une récupération immédiate pour bénéficier du repos minimum. Sauf que cela veut dire d'annuler les prévisions du lendemain ( réunion, entretien..). encore une fois, seule en responsabilité comme Chef de service ( à [Localité 14]), cela devient compliqué; concrètement, les semaines effectuées avec astreinte font un volume de 80 heures...j'ai signifié à mon directeur l'impossibilité de continuer à faire ces astreintes mutualisées, que je solliciterais l'aide du CSE et de la médecine du travail. "( pièce 51)
- le courrier du 29 mars 2020 adressé à M.[R] ( pièce 48) suite à l'engagement de la procédure de licenciement dans lequel la salariée pointe le manquement de l'association à son obligation de sécurité à son égard : "le défaut de moyens attribués à la maison de [Localité 9], entraînant une sous dotation en terme de poste de cadre, amène une surcharge de travail sur le poste de chef de service. De plus, l'organisation, la gestion et les astreintes sur les différents services m'ont entraîné vers un épuisement professionnel puis une détérioration importante de ma santé. Par exemple, rien que pour l'année 2017, j'ai réalisé 206 jours annuelles d'astreinte. Dans ce contexte, j'ai seulement pu prendre la moitié de mes congés auxquels j'avais droit, tout comme les autres années. Par la suite, j'ai toujours dû sacrifier ou reporter une partie de mes congés pour permettre le bon fonctionnement des établissements. Je vous ai envoyé le 2 mai 2018 un mail vous alertant sur ma situation et vous aviez proposé une rencontre avec mon directeur afin d'échanger ensemble sur les difficiles conditions de travail que j'évoquais. Cette réunion n'a jamais eu lieu. En novembre 2018, l'association a refusé le temps partiel thérapeutique préconisé par la médecine du travail afin de faciliter ma reprise. Au contraire, ma situation de travail n'a pas cessé de se détériorer.A mon retour, vous m'avez imposé la mise en place des astreintes mutualisées avec l'établissement de [Localité 7] à [Localité 6]. J'ai donc dû assumer de nouvelles astreintes à plus de 70 km de mon lieu de travail habituel. (....) Les sollicitations permanentes et la surcharge de travail m'entraînent alors dans une seconde rechute de mon état de santé fin juin 2019.( ..) Je rappelle que les PEP m'ont imposée de venir habiter la région de [Localité 14] pour exercer mes nouvelles fonctions en 2014 afin d'être un appui de proximité pour les équipes et effectuer ainsi les astreintes.(..)
- la réponse du 3 avril 2020 de l'employeur contestant les griefs alors que "la dégradation de son état de santé n'a pas de lien avec sa situation de travail et l'avis d'inaptitude", " vous nous menacez de demander une reconnaissance de maladie professionnelle ce qui apparaît bien opportuniste au moment de la possible rupture de votre contrat de travail et ce à la seule fin de nous contraindre de revaloriser vos indemnités de rupture" (pièce 50)
- le courrier en réplique de Mme [I] du 6 avril 2020 " je ne prétends pas que mon inaptitude est la suite d'une maladie professionnelle, puisque l'épuisement professionnel n'est pas reconnu comme tel. Je prétends en revanche que mon inaptitude est la conséquence de mes conditions de travail fortement dégradées ce dont j'ai alerté et l'institution et vous-même à plusieurs reprises .(..)"
- la demande d'expertise présentée le 4 septembre 2020 par le CSE portant sur "un risque grave identifié et actuel" concernant la MECS de [Localité 14] et le Lieu de Vie Vent du Sud" évoquant notamment les avis d'inaptitude de 4 salariés sur une période de 13 mois, des ruptures conventionnelles et une intensité excessive de travail des salariés de ces structures.
- le rapport remis le 19 avril 2021 par le Cabinet ALTEP Expertise, saisi par le CSE, concluant que l'ampleur des tensions et des dysfonctionnements constatés en 2017 dans les établissements de [Localité 14] coïncide avec la période de départ du directeur fondateur ( M.[S]) parti à la retraite, le mal-être et le retrait des professionnels titulaires et compétents, recours accrû à des remplaçants en intérim, l'instabilité et l'insécurité des équipes éducatives, les effets négatifs sur les jeunes accueillis. Il est pointé un sous-dimensionnement de l'effectif encadrant au regard du surcroît de travail généré par des nouvelles normes, et une intensité excessive de travail du binôme encadrant de l'établissement de [Localité 14], constitué par le Directeur et la Cheffe de service.
Il est souligné le fait que l'association n'a procédé à aucun accompagnement de cette transition à risques de la dirigeance de l'établissement de [Localité 14], alors que le nouveau directeur ( M.[F]) ne connaissait pas le fonctionnement des PEP, avait une expérience d'encadrement limitée ( en CEF) mais pas celle de directeur d'un établissement; qu'enfin, cette période a été marquée par la carence de soutien de la Direction Générale de l'association, affairée à la fusion des PEP 35 et PEP 22 et à la restructuration du Siège présidé par un nouveau Directeur général M.[R].( Pièce 66)
- un préavis de grève déposé pour le 26 juin 2019 par deux syndicats du personnel de l'association PEP Bretill'Armor pour alerter la direction et lui demander de prendre en compte et de traiter la souffrance au travail des professionnels, se traduisant par des arrêts de travail, des burn out et des démissions de professionnels qualifiés et l'interroger sur " le principe indéfectible aux directeurs, est ce la réponse adaptée aux problèmes de conditions de travail'"(pièce 77)
- un courriel du 29 août 2022 de Mme [I] à son avocate reprenant la chronologie des faits, en évoquant une absence de communication avec le Directeur et la Direction Générale, l'absence de prise en compte des alertes relayées par les délégués du personnel depuis 2018 à propos du mal-être grandissant des équipes "rien ne s'était passé après l'enquête et l'audit et l'expertise ne va démarrer qu'après son licenciement " .
Elle produit par ailleurs les rapports d'expertise médicale se rapportant à ses deux accidents de la circulation en temps de service, survenus le premier le 26 février 2018 (lésions main gauche, avant-bras gauche et région sternale), et le second le 7 juin 2019, lorsque sa voiture a été percutée à l'arrière par un autre véhicule, ayant provoqué une contusion cervico-dorsale sévère avec arrêt de travail jusqu'au 16 juin 2019.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments d'appréciation que Mme [I] dont l'état de santé s'est dégradé au point d'être placée en arrêt de travail sur de longues périodes à compter de février 2018 puis de juin 2019, a vainement dénoncé auprès de ses supérieurs hiérarchiques, du CSE et de l'inspection du travail une charge de travail trop importante en lien avec un manque persistant de personnel encadrant, un accroissement de ses missions, des exigences accrues de sa hiérarchie et un alourdissement de ses astreintes rendant impossible la prise de l'intégralité des repos compensateurs.
L'employeur ne démontre avoir pris aucune mesure effective malgré les alertes transmises par Mme [I] à propos de sa surcharge de travail auprès de sa hiérarchie :
- du Directeur M.[F], son N+1, à propos de la mutualisation des astreintes ( été 2018, janvier 2019, juin 2019) et lors d'une réunion d'équipe le 7 mai 2019 organisée à la demande des délégués du personnel à propos des difficultés de communication en interne ( témoin M.[P] )
- du Directeur général de l'association M.[R], lequel n'a pas donné suite à sa proposition le 3 mai 2018 de provoquer un échange avec M.[F], sur les " difficiles conditions " évoquées par la salariée dans son courriel d'alerte du 2 mai 2018 ( pièce 62)
Par ailleurs, il ressort des pièces produites que :
- l'employeur a été sollicité le 19 novembre 2018 par un délégué du personnel (M.[P]) pour diligenter une enquête sur la souffrance du personnel rattaché aux établissements de [Localité 14],
- le 18 janvier 2019, le CHSCT et le CE ont effectué une inspection des deux établissements de [Localité 14],
- le 5 avril 2019, lors d'une réunion du CHSCT, le médecin du travail a transmis en main propre à la Direction Générale un courrier d'alerte sur la souffrance exprimée par certains salariés de l'équipe de [Localité 14] et a demandé une analyse des risques psychosociaux, en raison de " gros problèmes montés en crescendo". Le médecin du travail a précisé auprès des enquêteurs en 2021 "ne pas se souvenir que des représentants de la direction l'aient appelé depuis cette alerte "( du 5 avril 2019) et que l'intervention d'un tiers extérieur pour mener cette enquête "avait été ralentie par le changement d'instance représentative du personnel puis par la crise sanitaire" ( extrait rapport cabinet d'expertise pièce 66).
- un préavis de grève pour le 26 juin 2019 déposé par deux syndicats du personnel évoquait l'absence de la prise en compte et du traitement de la souffrance au travail, de l'épuisement de professionnels qualifiés se manifestant par des arrêts de travail, des burn out et des démissions.
Il s'ensuit que l'association Bretill'Armor, informée des difficultés rencontrées depuis 2018 au sein des établissements de [Localité 14] dont Mme [I] était la Cheffe de service concernée par la surcharge de travail et l'alourdissement des astreintes, ne justifie d'aucune mesure concrète pour remédier aux difficultés dénoncées par elle dans son courriel du 2 mai 2018 adressé au Directeur Général, réitérées dans son courriel d'alerte du 23 juin 2019 transmis au CSE à défaut d'être entendue par ses supérieurs hiérarchiques.( Pièce 51)
Comme le soutient justement la salariée, l'employeur ne peut pas sérieusement se défausser de ses responsabilités pour justifier la désignation tardive en septembre 2020 d'un cabinet extérieur pour mener l'enquête sur les risques psychosociaux au motif que les nouveaux élus du personnel du CHSCT seraient à l'origine du retard pour choisir le prestataire et définir le cahier des charges alors qu'il incombe à l'employeur de prévenir et de protéger la santé physique et morale de ses salariés et qu'il avait connaissance de l'alerte du médecin du travail du 5 avril 2019.
S'agissant de la mutualisation des astreintes présentée par la Direction Générale auprès des représentants du personnel comme un dispositif destiné à "soulager les astreintes des cadres de [Localité 14]", force est de constater que cette décision prise à effet au mois de septembre 2018 correspondait à une répartition des astreintes de semaine et de week-end entre la Cheffe de service de la MECS de [Localité 14] ( Mme [I]) et les trois Chefs de service de la MECS de [Localité 7], distant de 60-70 km de [Localité 14] ; que ce système appliqué à Mme [I], à son retour d'arrêt de travail en janvier 2019, a abouti à à un alourdissement des astreintes de Mme [I] confrontée à des interventions régulières au sein de la MECS de [Localité 7] plus éloignée géographiquement ( 1 heure de route) et au remplacement de ses collègues en congés et en arrêt de travail. Contrairement à ce qu'a retenu le Conseil des prud'hommes pour écarter un manquement de l'association à son obligation de sécurité, la mutualisation des astreintes n'a aucunement allégé la charge de travail de Mme [I], au contraire et ne permet pas d'établir que l'employeur a pris la mesure des difficultés rencontrées par la salariée.
L'affirmation de l'association PEP Bretill'Armor selon laquelle que l'état de grande fatigue de Mme [I] n'est pas en lien avec ses conditions de travail ni avec une surcharge de travail, témoigne du déni manifeste par l'employeur de la souffrance morale exprimée depuis plusieurs années par la salariée, dont les qualités et l'investissement professionnels étaient unanimement reconnus, alors que le sous dimentionnement de l'encadrement des établissements de [Localité 14] a été souligné par le cabinet d'expertise extérieur mandaté par le CSE en septembre 2020.
Il est observé que l'association s'est gardée de fournir le moindre document unique d'évaluation des risques professionnels, notamment des risques psycho sociaux.
Il ressort des éléments produits notamment de nature médicale, que Mme [I] était soumise depuisplusieurs années à un rythme de travail intense et que cette pression a engendré un état d'épuisement, parfaitement connu de ses collaborateurs, et qu'elle dénonçait en vain auprès de sa hiérarchie; que la surcharge de travail persistante a entraîné la dégradation des conditions de travail de Mme [I] dont l'épuisement a a été médicalement constaté début mai 2018, nécessitant un traitement par anxiolytique, un arrêt de travail de plusieurs mois ( 8 mois) et a conduit le médecin du travail à formuler à la fin de l'année 2018 des préconisations en vue d'un aménagement de poste sous forme d'un temps partiel en évitant les astreintes et les déplacements ;
que faute pour l'employeur d'avoir adhéré aux mesures préconisées au motif d'une prétendue incompatiblité avec l'exercice du poste de Chef de service, la salariée a été soumise à son retour en janvier 2019 à des conditions de travail dégradées liées à des astreintes éloignées géographiquement, entraînant fin juin 2019 un nouvel arrêt de travail de longue durée ( 8 mois) suivi de l'avis d'inaptitude à son poste de Chef de Service; que le médecin du travail dans le cadre de la visite de préreprise du 17 février 2020 a prescrit à nouveau des aménagements de poste avec des horaires normaux ( entre 8h et 18h) en évitant les heures supplémentaires, les astreintes et les gardes pour limiter les situations de stress; que les prescriptions du médecin du travail mettent clairement en relation de causalité l'inaptitude de la salariée avec ses conditions de travail.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité envers Mme [I] est parfaitement caractérisé et doit être retenu comme étant à l'origine de l'inaptitude physique de la salariée ayant abouti à son licenciement, qui sera donc déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Il n'y a donc lieu à examiner la demande subsidiaire de Mme [I] tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle pour manquement de l'association à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
7 - Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
Il résulte des précédents développements que l'employeur ne justifie à aucun moment avoir analysé et contrôlé l'amplitude des horaires et la charge de travail de Mme [I] qu'il ne pouvait ignorer, et dont la salariée démontre qu'elles étaient excessives; que l'association n'a pas tenu compte des alertes de la salariée relatives à sa souffrance au travail et n'a mis en oeuvre aucun moyen préventif et correctif pour assurer la protection de sa santé, à la reprise de son poste en janvier 2019, négligeant les préconisations du médecin du travail sur la suppression des astreintes et des déplacements entre les différents sites.
Dans ces conditions, l'employeur devra réparer le préjudice que l'appelante justifie avoir subi du fait de cette carence à concurrence de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.
8- sur les conséquences financières du licenciement
Mme [I] sollicite dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la Cour, le paiement de :
- la somme de 10 268 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire ( distincte de la somme de
10 026,87 euros figurant dans la motivation)
- la somme de 1026 euros pour les congés payés afférents,
- la somme de 38 436 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'association conclut subsidiairement à la réduction des sommes allouées à la salariée, qui ne justifie d'aucun préjudice à l'appui de sa demande indemnitaire et ne peut se voir allouer que le montant minimal de 9 896,64 euros représentant 3 mois de salaire, sur la base d'un salaire moyen de 3 298,88 euros ( entre avril 2019 et mars 2020 en neutralisant les arrêts maladie), outre l'indemnité compensatrice de préavis de 6 597,76 euros équivalente à deux mois de salaire. Elle s'est opposée à la demande de Mme [I] au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis en application de la jurisprudence ( Soc 19 mai 2021 n°19 23 510).
8-1 sur l'indemnité compensatrice de préavis
Dans la mesure où l'inaptitude ayant abouti au licenciement trouve son origine dans un manquement imputable à l'employeur, la salariée a droit à l'indemnité compensatrice de préavis peu important qu'elle ait été dans l'incapacité de l'exécuter.
En vertu de l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié qui n'exécute pas le préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité compensatrice, laquelle n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait exécuté son travail jusqu'au terme du préavis, indemnité de congé payé incluse.
La salariée peut réclamer une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 4 mois en application des dispositions conventionnelles prévues en cas de licenciement des cadres ( annexe 6 "Après la période d'essai, le délai-congé est fixé comme suit : 2 mois en cas de démission, 4 mois en cas de licenciement."
Concernant les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, c'est à tort que l'association soutient que la salariée n'y a pas droit en invoquant à tort une jurisprudence inapplicable en l'espèce (arrêt du 19 mai 2021) relative à l'indemnité prévue par l'article L 1226-14 du code du travail.
Les parties sont en désaccord sur le salaire moyen à retenir à savoir: 3 342,29 euros brut par mois selon la salariée et 3 298,88 euros brut selon l'employeur.
Mme [I] se trouvant en arrêt de travail de manière continue entre le 28 juin 2019 jusqu'à son licenciement notifié le 21 avril 2020, il convient de prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement le salaire de référence des 12 ou des 3 derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie.
Le salaire moyen plus favorable s'élevant à 3 682,66 euros durant les 3 mois complet précédant l'arrêt de travail, il sera alloué à Mme [I], dans la limite de sa demande, une indemnité conventionnelle compensatrice de préavis de 10 268 euros bruts outre la somme de 1 026 euros bruts pour les congés payés afférents.
8-2 - sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement d'un salarié sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris pour une ancienneté de 12 ans dans l'entreprise entre 3 et 11 mois de salaires.
Mme [I], âgée de 47 ans, percevait un salaire moyen de 3 753,56 euros brut par mois au cours des 6 mois ( janvier- juin 2019) précédant son arrêt de travail, auquel il convient d'ajouter le montant des heures supplémentaires effectuées durant la même période ( 683,13 heures par mois), ce qui représente une rémunération moyenne de 4 436,69 euros brut par mois.
Elle justifie avoir perçu des indemnités chômage ( 2 100 euros ) entre le 29 avril 2020 et le 30 novembre 2022. Sa situation réactualisée est ignorée.
Compte tenu de la situation de la salariée, notamment de son âge et de son ancienneté (12 ans et 8 mois) au moment de la rupture, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à 35 000 euros les dommages et inétrêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.
9- Sur la demande d'indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis
Mme [I] maintient sa demande d'indemnité de 10 026,87 euros octroyée en cas d'inaptitude professionnelle, au motif qu'elle a subi un accident de la circulation le 26 février 2018, pris en charge au titre d'un accident du travail, qu'elle a fait l'objet d'un long arrêt de travail le 5 août 2018 pour un épuisement professionnel, puis le 28 juin 2019 pour un nouvel épuisement ; que le médecin du travail a mis en lien la surcharge de travail et la souffrance de la salariée avec l'inaptitude à son poste et les restrictions médicales ; que le bénéfice des dispositions de l'article L 1226-10 n'est pas subordonné à la reconnaissance par l'organisme social du lien de causalité entre la maladie professionnelle ou l'accident de travail et l'inaptitude ; que les juges doivent rechercher eux-mêmes l'existence de ce lien de causalité; que son inaptitude est clairement au regard des précédents développements d'origine professionnelle, ce qui lui ouvre droit à l'équivalent de l'indemnité compensatrice de préavis.
L'association conclut par voie de confirmation du jugement au rejet de la demande en soutenant que seul le médecin du travail est compétent pour déterminer si l'inaptitude a une origine professionnelle, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ; que le dossier médical de la salariée démontre que sa maladie de la sclérose en plaque est à l'origine de la dégradation de son état de santé, et non à son activité professionnelle ; que l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis ne lui est donc pas due.
Dans le cas d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail ouvre droit au profit du salarié à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5. Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors de l'inaptitude du salarié quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a eu au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l'espèce, l'avis d'inaptitude établi le 17 février 2020 par le médecin du travail ne fait aucunement mention d'une inaptitude d'origine professionnelle de Mme [I] à son poste. Il n'est fait état d'aucune déclaration de maladie professionnelle adressée à la Caisse primaire d'assurance maladie. La salariée ne justifie au demeurant pas avoir entrepris des démarches auprès de l'organisme social afin de voir reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie et avoir informé son employeur au moment de la procédure de licenciement d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, étant rappelé que le dernier arrêt de travail du 28 juin 2019 n'était pas en lien avec les séquelles.
Lors de l'échange de courriers des 3 et 6 avril 2020, l'association interprète un courrier de la salariée comme une "menace de demander une reconnaissance de maladie professionnelle ce qui apparaît bien opportuniste au moment de la possible rupture de votre contrat de travail et ce à la seule fin de nous contraindre de revaloriser vos indemnités de rupture" ( pièce 50), auquel la salariée répond ne pas avoir sollicité de prise en charge de son affection au titre de la législation sur les maladies professionnelles et accidents du travail (" Je ne prétends pas que mon inaptitude est la suite d'une maladie professionnelle, puisque l'épuisement professionnel n'est pas reconnu comme tel. Je prétends en revanche que mon inaptitude est la conséquence de mes conditions de travail fortement dégradées ce dont j'ai alerté et l'institution et vous-même à plusieurs reprises .(..)"
Ces éléments permettent de déduire que lors de la notification du licenciement, l'employeur n'avait pas connaissance que l'inaptitude de Mme [I] ayant justifié son licenciement le 21 avril 2020 avait au moins partiellement pour origine une maladie reconnue d'origine professionnelle. La salariée ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L 1226-14 du code du travail.
Elle sera déboutée de sa demande par voie de confirmation du jugement.
10- Sur les autres demandes et les dépens
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et pour le surplus à compter du présent arrêt.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [I] les frais non compris dans les dépens en appel. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
L'employeur qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée en annulation du rappel à l'ordre et de sa demande indemnitaire subséquente, et qu'il a rejeté la demande au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis .
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- DIT que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- CONDAMNE l'association Les PEP Bretill'Armor à payer à Mme [I] les sommes suivantes :
- 14 609.30 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées entre septembre 2017 et juin 2019,
- 1 460.93 euros pour les congés payés afférents.
- 10 268 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 026 euros brut pour les congés payés y afférents,
- 8 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 3 500 euros de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail,
- 20 053,74 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation- pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.
- REJETTE la demande d'indemnité de procédure de l'association Les PEP Bretill'Armor.
- CONDAMNE l'association Les PEP Bretill'Armor aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président