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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 6 novembre 2025, n° 21/04275

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Noel

Conseiller :

Mme Vincent

Avocats :

Me Ermeneux, Me Kouyoumdjian, Me Arnaud

T. com. Salon-de-Provence, du 7 janv. 20…

7 janvier 2021

FAITS & PROCÉDURE

Au cours de l'année 2018, M. [M] a souhaité se doter d'un site web en vue de développer son activité d'illustrateur.

Le 18 octobre 2018, il a souscrit hors établissement un bon de commande pour un site internet (http://www.illustration-marseille.com) auprès de la SARL COMETIK exerçant sous enseigne NOVASEO.

Il a conclu concomitamment :

- un contrat de licence d'exploitation de site internet, avec la SARL COMETIK, et

- un contrat de location de site web avec un organisme de financement, la SAS LOCAM, comportant le règlement de frais de mise en service de 600 euros TTC et de 48 loyers mensuels de 300 euros TTC dus à compter du 20 décembre 2018 (la SARL COMETIK réglant quant à elle un montant de 8 885,59 euros à la SA LOCAM).

Par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 21 décembre 2018, M. [M] a notifié à la SARL COMETIK et à la SA LOCAM qu'il exerçait son droit de rétractation et demandait restitution des sommes versées, conformément aux articles L.121-21 et suivants du code de la consommation alors applicables, issus de la loi 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.

Par assignation des 18 et 20 décembre 2019, M. [M] a saisi le tribunal de commerce de Salon-de-Provence aux fins de condamnation de la SA LOCAM au remboursement des frais de mise en service et des loyers réglés.

Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a :

- dit que les contrats litigieux entrent dans le champ d'application de l'article L.221-3 du code de la consommation,

- dit que M. [M] a régulièrernent exercé son droit de rétractation,

- dit que M. [M], par l'exercice de ce droit de rétractation, a mis fin à l'obligation des parties d'exécuter les contrats, lesquels se sont trouvés annulés,

- condamné la SAS LOCAM à rembourser à M. [M] la somme de 600 euros correspondant aux 2 loyers versés, outre intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2019,

- condamne la SARL COMETIK à rembourser a M. [M] la somme de 600 euros correspondant aux frais de mise en service, outre intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2019,

- condamné la SARL COMETIK à effectuer à ses frais la désinstallation du site sur tous ses supports et son déréférencement, et à restituer à ses frais à M. [M] le nom de domaine du site, sans indemnité ni dédommagement,

- débouté M. [M] de sa demande de paiement de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts,

- debouté M. [M] de ses autres demandes,

- débouté la SARL COMETIK et la SAS LOCAM de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution,

- condamné in solidum la SARL COMETIK et la SAS LOCAM aux dépens.

Par déclaration du 22 mars 2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [M] a interjeté appel du jugement en ce qu'il n'a condamné la SAS LOCAM qu'à lui rembourser la somme de 600 euros.

La SA LOCAM a formé appel incident.

Le 2 octobre 2023, la SARL COMETIK a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 14 août 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions IV notifiées par la voie électronique le 18 août 2025, M. [M] demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SAS LOCAM au paiement d'une somme de 600 euros avec intérêts au taux légal,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la SAS LOCAM à lui restituer les redevances et frais exposés, soit une somme de 7 730 euros, avec intérêts majorés de plein droit conformément aux articles L.221-24 et L.242-4 du code de la consommation,

- la confirmer pour le surplus,

- débouter la SAS LOCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et de son appel incident,

- condamner la SAS LOCAM au paiement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de premiere instance et d'appel.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions comportant appel incident, notifiées par la voie électronique le 28 juin 2025, la SAS LOCAM demande à la cour de :

- « juger irrecevables les demandes financières de M. [M] à son encontre en vertu de ses conclusions de première instance et du jugement du tribunal de commerce de Salon-de-Provence l'ayant rempli de ses droits en cas de confirmation de la nullité du contrat de location souscrit auprès d'elle »,

- débouter M. [M] de ses demandes à son encontre,

- reconventionnellement, infirmer le jugement en ce qu'il a fait application du code de la consommation dans le cadre du contrat de location souscrit par M. [M] auprès d'elle,

- juger inapplicables les dispositions du code de la consommation,

- condamner M. [M] à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.

La clôture a été prononcée le 19 août 2025.

Le dossier a été plaidé le 2 septembre 2025 et mis en délibéré au 6 novembre 2025.

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit de rétractation :

M. [M] soutient qu'il s'est valablement rétracté le 21 décembre 2018 et qu'il bénéficie des dispositions protectrices du code de la consommation dans la mesure où : i) les contrats qu'il a signés hors établissement n'entraient pas dans le champ de son activité principale, et ii) son entreprise comptait moins de 5 salariés. Enfin, il déduit de l'absence de tout bordereau de rétractation dans 2 des 3 contrats la prolongation du délai légal de rétractation de 14 jours pendant les 12 mois consécutifs à la date de son expiration.

La SAS LOCAM réplique que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables dans la mesure où l'article L.221-2 (4°) du code de la consommation exclut de leur champ d'application les contrats portant sur des services financiers.

Elle fait état d'un arrêt de la CJUE du 21 décembre 2023 (C-278/22) pouvant s'interpréter comme autorisant l'assimilation d'un contrat de location à un contrat de service financier si les redevances versées en vertu de ce contrat par le preneur visent à permettre au bailleur d'amortir complètement les coûts encourus par ce dernier pour l'acquisition du bien donné en location. Et de souligner qu'en l'occurrence, précisément, la facture d'achat du site auprès de la SARL COMETIK est d'un montant de 8 885,59 euros alors que le montant de la facture unique des loyers dus est de 14 400 euros (300 euros x 48 mensualités).

M. [M] conteste cette interprétation de l'arrêt de la CJUE qui pose au contraire le principe selon lequel le contrat de location n'est pas un contrat portant sur des services financiers. Il souligne que la directive européenne 2011/83/UE du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2011, en son article 2 relative aux droits des consommateurs, définit de façon restrictive la notion de services financiers comme tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements.

Sur ce,

Il résulte de l'article L.221-3 du code de la consommation un principe d'assimilation du professionnel sollicité au consommateur, dès lors que l'effectif salarié de l'entreprise n'excède pas 5, et que l'opération économique faisant l'objet du contrat est étrangère à l'activité principale du professionnel sollicité. En l'occurrence, M. [M] justifie par la production d'un extrait du répertoire des entreprises de ce que son entreprise ne comptait aucun salarié en 2019, et de ce que son activité principale d'illustrateur ' définie comme un travail de « création artistique relevant des arts plastiques » ' était sans rapport avec le développement de sites internet. Il est donc éligible à la protection du consommateur.

Le contrat de licence d'exploitation ne prévoit ni obligation ni possibilité d'acquisition du site web en fin de contrat : les loyers dus correspondent seulement à l'utilisation du site pendant la durée du bail. Dès lors, il n'y a pas lieu d'assimiler la location à un contrat de service financier, ce qu'a admis cour de cassation à l'instar de la CJUE (Civ.1, 31 août 2022, 21.10-075 ; Civ. 1, 31 août 2022, 21-11.455 ; Civ. 1, 20 décembre 2023, 22-18.025). L'article L.221-3 s'applique ainsi aux contrats conclus par M. [M].

Ce dernier est admis au bénéfice du délai de rétractation de 14 jours prévu par l'article L.221-18, s'agissant du contrat de licence d'exploitation de site internet qui comporte le formulaire-type de rétractation prévu par l'article L.221-5 (7°). Le bon de commande de site internet et le contrat de location de site web ne comportent en revanche aucun formulaire de rétractation, de sorte que le délai de 14 jours est prolongé de 12 mois, conformément à l'article L.221-20.

Conformément à l'article 1186 alinéa 2 du code civil, « lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition ». L'interdépendance incontestable des trois contrats conduit à reconnaître son plein effet à la rétractation du 21 décembre 2018.

L'article L.221-24 fait obligation au consommateur, lorsque le droit de rétractation est exercé, de lui rembourser la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison. Le jugement est donc confirmé en ce qui concerne l'exercice du droit de rétractation et le droit de M. [M] à remboursement des sommes qu'il a versées.

Sur le montant de la rétrocession :

M. [M] fait grief au premier juge de ne pas avoir actualisé le montant de la rétrocession des loyers, qu'il indique avoir réglés à hauteur de 7 730 euros, compte arrêté au 7 janvier 2021.

La SAS LOCAM, qui n'avait conclu qu'à l'irrecevabilité des demandes indemnitaires de M. [M], n'a pas conclu sur le fond dans le cadre d'un subsidiaire.

M. [M] ne produit aucun justificatif du paiement effectif de la somme dont il demande le remboursement alors qu'il n'interjetait appel que de ce chef. Il ne justifie pas des faits utiles au succès de ses prétentions. Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées.

L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [M] est condamné aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [M] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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