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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 1, 6 novembre 2025, n° 24/00044

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/00044

6 novembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 06/11/2025

****

MINUTE ELECTRONIQUE

N° RG 24/00044 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VIXB

Jugement (N° 23/00148)

rendu selon la procédure accélérée au fond le 05 décembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANTS

Madame [I] [Y] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 12]

Monsieur [C] [N]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 13] (Maroc)

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentés par Me Vincent Speder, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

INTIMÉS

Madame [B] [Y]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 7]

La SELARL Pharmacie [O]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 11]

[Localité 8]

représentés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me Anissa Yaoudarene, avocat au barreau de Valenciennes, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 02 septembre 2024, tenue par Samuel Vitse, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 novembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 28 novembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 juillet 2024

****

M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et M. [C] [N] sont associés à parts égales au sein de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie [O].

M. [C] [N] a été exclu de ladite société par décision de son assemblée générale en date du 21 octobre 2022.

Par acte du 8 juin 2023, M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et la société Pharmacie [O] ont assigné M. [C] [N] et son épouse, Mme [I] [Y], aux fins de voir ordonner une expertise destinée à évaluer les parts sociales de M. [C] [N] sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.

Les époux [N] ont reconventionnellement sollicité la production sous astreinte des trois derniers bilans de la société Pharmacie [O], subsidiairement l'annulation de la mesure d'exclusion, en toute hypothèse la condamnation des demandeurs principaux à verser à M. [C] [N] la somme de 24 747,77 euros au titre du solde créditeur de son compte courant d'associé.

Par jugement du 5 décembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Valenciennes, statuant selon la procédure accélérée au fond, a essentiellement :

- ordonné une expertise en vue de déterminer la valeur des droits sociaux de M. [C] [N] à la date la plus proche de celle de leur remboursement ;

- condamné la société Pharmacie [O], M. [W] [Y] et Mme [B] [Y] à communiquer à M. [C] [N] les bilans de la société Pharmacie [O] pour les exercices 2020, 2021 et 2022, et ce dans les quinze jours de la signification du jugement, sous peine d'astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai ;

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Les époux [N] ont interjeté appel de ce jugement et, dans leurs dernières conclusions remises le 15 mai 2024, demandent à la cour, à titre principal, de le réformer en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande en paiement au titre du solde de son compte courant d'associé et rejeté la demande d'indemnité de procédure, et, statuant à nouveau, de :

- condamner in solidum M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et la société Pharmacie [O] à :

- payer à M. [N] la somme de 24 747,77 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ;

- payer aux époux [N] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- débouter M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et la société Pharmacie [O] de l'intégralité de leurs demandes ;

A titre subsidiaire :

- enjoindre à M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et la société Pharmacie [O] de produire les bilans 2020, 2021, 2022 et 2023 dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

- surseoir à statuer dans l'attente de la production sus évoquée ;

En tout état de cause :

- condamner in solidum M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et la société Pharmacie [O] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dans leurs dernières conclusions remises le 24 juin 2024, M. [W] [Y], Mme [B] [Y] et la société Pharmacie [O] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il les a condamnés à communiquer sous astreinte les bilans de la société Pharmacie [O] au titre des exercices 2020, 2021 et 2022 ;

Et, statuant à nouveau, de :

- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner les époux [N] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Marie-Hélène Laurent, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient d'observer que le chef de jugement ordonnant une expertise n'est pas contesté, de sorte qu'il est devenu irrévocable.

Sur la production des bilans sous astreinte

Aux termes de l'article L. 233-26, alinéa 4, du code de commerce, applicable aux sociétés à responsabilité limitée, l'associé peut, à toute époque, obtenir communication, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, des documents sociaux déterminés par ledit décret et concernant les trois derniers exercices.

Selon l'article R. 223-15 du même code, tout associé a le droit, à toute époque, de prendre par lui-même connaissance des documents suivants au siège social : bilans, comptes de résultats, annexes, inventaires, rapports soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées concernant les trois derniers exercices. Sauf en ce qui concerne l'inventaire, le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie. À cette fin, il peut se faire assister d'un expert inscrit sur une des listes établies par les cours et tribunaux.

En l'espèce, les appelants soutiennent que M. [N] n'a plus été convoqué aux assemblées générales de la société Pharmacie [O] à compter de 2020 et qu'il n'a en conséquence plus reçu depuis lors les comptes annuels ou bilans qui devaient être joints aux convocations. Ils ajoutent que M. [N] a vainement réclamé la communication de ces documents comptables à ses associés.

Si les appelants affirment ainsi que les consorts [Y] ont refusé de communiquer les bilans litigieux à M. [N], ce dernier ne prétend pas qu'il se serait rendu, en application du second des textes précités, au siège de la société Pharmacie [O] pour en prendre lui-même connaissance et aurait à cette occasion essuyé un refus de consultation.

S'il est exact que les consorts [Y] n'ont pas spontanément versé au débat les documents comptables litigieux, ce qui aurait permis de régler rapidement le litige, leur condamnation sous astreinte à les produire apparaît néanmoins injustifiée, dès lors que M. [N] n'établit pas avoir vainement usé de son droit de consultation au siège social, étant rappelé que son exclusion de la société ne lui a pas fait perdre sa qualité d'associé en l'absence de paiement de ses droits sociaux.

Incidemment, la cour observe que les bilans litigieux seront très probablement sollicités par l'expert chargé d'évaluer les parts sociales, de sorte qu'ils seront soumis à la contradiction des parties et ainsi nécessairement remis à M. [N].

Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande de production des bilans sous astreinte, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Sur le remboursement du compte courant d'associé

Si le compte courant d'associé ne fait l'objet d'aucune définition légale, il est admis que l'associé qui y verse des fonds consent à la société une avance, laquelle constitue juridiquement un prêt, dont l'associé peut, sauf disposition conventionnelle contraire, solliciter à tout moment le remboursement.

En l'espèce, les appelants sollicitent le paiement de la somme de 24 747,77 euros correspondant, selon eux, au solde du compte courant d'associé de M. [N] au sein de la société Pharmacie [O].

S'il ressort effectivement des pièces produites que ladite société a décidé de souscrire un prêt de 60 000 euros lors de son assemblée générale ordinaire du 20 mai 2022 afin de rembourser le solde du compte courant d'associé de M. [N], et si la somme de 35 252,23 euros lui a été versée à ce titre le 14 juin 2023, aucun élément ne permet toutefois de vérifier que la différence lui serait encore due.

Seule la production des documents comptables de la société Pharmacie [O], plus précisément du compte 455 figurant au passif des bilans, permettrait de s'assurer que la somme de 24 747,77 euros reste due à M. [N] au titre de son compte courant d'associé.

Faute de disposer des derniers bilans de la société Pharmacie [O], dont on rappellera qu'il était loisible à M. [N] d'en prendre connaissance et copie au siège de ladite société, la cour n'est pas en mesure d'apprécier les imputations opérées sur le compte courant d'associé litigieux et ainsi d'en déterminer le solde réel, de sorte qu'en l'état des pièces produites, la demande de remboursement ne peut qu'être rejetée, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'issue du litige justifie de confirmer le jugement entrepris du chef des dépens et de condamner les époux [N] aux dépens d'appel, Maître Marie-Hélène Laurent étant autorisée à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision. L'équité commande de confirmer la décision entreprise du chef des frais irrépétibles et de rejeter les demandes formées à ce titre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Pharmacie [O], M. [W] [Y] et Mme [B] [Y] à communiquer sous astreinte à M. [C] [N] les bilans de ladite société pour les exercices 2020, 2021 et 2022 ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déboute M. [F] [N] et son épouse, Mme [I] [Y], de leur demande de production sous astreinte des bilans de la société Pharmacie Moulard au titre des exercices 2020, 2021, 2022 et 2023 ;

Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [F] [N] et son épouse, Mme [I] [Y], aux dépens d'appel, Maître Marie-Hélène Laurent étant autorisée à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le greffier

Pour le président empêché

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