CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 6 novembre 2025, n° 22/19638
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19638 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXJZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021-Tribunal de Grande Instance de Paris- RG n° 17/15263
APPELANTE
Madame [P] [E]
[Adresse 3]
[Localité 5]
née le [Date naissance 2] 1930 à [Localité 10]
Représentée par Me Sandra MOREIRA, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Marc BORNHAUSER de la SELARL CABINET BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1522
INTIMÉE
MADAME LA DIRECTRICE RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DE [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC129
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre,
Madame Solène LORANS, Conseillère
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre, et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'administration fiscale a adressé, le 18 décembre 2013, une proposition de rectification de l'impôt de solidarité sur la fortune de Madame [P] [E] au titre des années 2007 à 2011, contestant deux éléments des déclarations réalisées par la contribuable :
- l'exonération des titres de la société Fibelaage en qualité de biens professionnels, pour la fraction afférente à 3 700 actions en usufruit de la société Champagne Louis Roederer (dénommée ci-après CLR) qu'elle avait apportées à l'actif de cette société,
- la valorisation de 36 actions de la société CLR qu'elle détenait directement, seulement pour les années 2010 et 2011.
Par courriers des 18 février 2014 et 6 mai 2014, Mme [E] s'est opposée à la remise en cause de l'exonération des titres de la SA Fibelaage au titre des biens professionnels, acceptant, en revanche, le principe du redressement sur la valorisation des 36 actions CLR, mais réclamant le bénéfice d'une décote de 50% au regard du caractère extrêmement faible de sa participation dans une société familiale fermée.
L'administration fiscale a confirmé le rehaussement de ces impôts par lettre du 28 avril 2016.
Le 18 novembre 2016, la Commission départementale de conciliation a rendu un avis favorable à la position de l'administration fiscale concernant la valorisation des 36 actions.
Le rehaussement d'impôts a été mis en recouvrement le 13 décembre 2016, pour un montant de 633 770 € en capital (soit 122 924 € pour 2007, 159 390 € pour l'ISF pour 2008, 139 725 € pour l'ISF pour 2009, 124 463 € pour l'ISF pour 2010, et 87 268 € pour l'ISF pour 2011), outre des intérêts de retard portant la somme réclamée à 774 717 €.
La réclamation contentieuse formée par Mme [E] le 8 février 2017 a été rejetée par l'administration fiscale le 5 septembre 2017.
Par acte huissier du 30 octobre 2017, Mme [E] a assigné l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :
« INFIRME partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 5 septembre 2017 ;
DIT que la valeur des actions de la société Champagne Louis Roederer doit se voir appliquer une décote globale de 30 % à la valeur mathématique ;
INVITE l'administration fiscale à calculer de nouveau l'impôt de solidarité sur la fortune dû par Mme [P] [E] pour les années 2010 et 2011 ;
PRONONCE la décharge des impôts dus par Mme [P] [E] dans cette mesure ;
REJETTE le surplus des demandes de Mme [P] [E] ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE la charge des dépens à l'administration fiscale. »
Par déclaration du 22 novembre 2022, Madame [P] [E] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 15 septembre 2023, Madame [P] [E] demande à la cour de :
« Vu l'article 885 O ter du Code général des impôts ;
Vu l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence précitée ;
Vu les pièces versées au débat ;
Il est demandé à la Cour de bien vouloir :
- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes de Madame [U] [S] tendant à la décharge des rehaussements ISF au titre des années 2007 à 2011 concernant la fraction considérée non professionnelle des titres de la SA FIBELAAGE et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du
Code de procédure civile ;
- La confirmer pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
- Ordonner la décharge et la restitution des rehaussements d'ISF au titre des années 2007 à 2011 correspondant à la fraction considérée comme non professionnelle des titres de la SA FIBELAAGE ;
- Condamner l'Etat à verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner l'Etat aux entiers dépens. »
Par conclusions signifiées le 4 avril 2023, Monsieur le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences de la directrice régionale des finances publiques d'Ile de France, demande à la cour de :
« Confirmer en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2021 ;
Rejeter la demande de paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dire qu'en toute hypothèse les frais de constitution d'avocat resteront à la charge de l'appelante ;
La condamner en outre à verser 3 000 € à la Directrice Régionale des Finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 10] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens de l'instance. »
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2025.
SUR CE,
A titre liminaire
L'appel est limité au rejet des demandes de Madame [E] tendant à la décharge des rehaussements ISF au titre des années 2007 à 2011 concernant la fraction considérée par l'administration fiscale comme non professionnelle des titres de la SA Fibelaage et sur l'article 700 du code de procédure civile, l'appelante sollicitant la décharge et la restitution des rehaussements d'ISF au titre des années 2007 à 2011 correspondant à la fraction considérée comme non professionnelle des titres de la SA Fibelaage.
Les autres dispositions du jugement entrepris qui ne sont pas contestées par les parties seront dès lors confirmées.
Sur l'usufruit des 3 700 actions de la société CLR
Madame [E] fait valoir que l'usufruit des 3 700 actions de la société CLR est nécessaire à l'activité de la société Fibelaage dès lors que les dividendes récurrents distribués par la société CLR assurent, tant le financement que le développement de son activité d'hôtellerie, grâce à leur réinvestissement et aux garanties qu'ils constituent auprès des banques pour recourir à 1'emprunt. Cet actif incorporel a un lien de causalité directe avec l'exploitation et le financement des participations détenues dans des filiales opérationnelles
Elle soutient que l'apport des titres en usufruit logés à l'actif de la société Fibelaage fait partie du patrimoine social nécessaire à son activité.
Elle fait valoir qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 15 novembre 1994 que l'apport de l'usufruit des actions de la SA CLR a été effectué afin de réaliser un investissement à [Localité 11], dès lors qu'il y est stipulé que « Notre Société a néanmoins besoin d'un apport supplémentaire de capital du fait que le succès considérable du Parc du Futuroscope, qui devait accueillir 3 000 000 visiteurs en 1994, a considérablement développé les besoins hôteliers de ce site et nous envisageons d'y créer une nouvelle unité hôtelière beaucoup plus importante que celles qui existent déjà.
Il est donc de l'intérêt vital de la société de procéder à une augmentation de capital pour réaliser le nouvel investissement.
En effet, si ce n'est pas notre société qui crée un nouvel hôtel pour satisfaire ces besoins, hôtel dont le projet est beaucoup plus proche du Futuroscope que nos hôtels de [Localité 7] et la capacité d'accueil bien plus importante, un concurrent réalisera ce projet qui mettra en péril nos unités de [Localité 11].
Madame [K] [E] se propose d'y participer par le moyen du renouvellement de l'apport de son droit d'usufruit, pour une période de 10 ans, de 4 220 actions qu'elle possède dans le capital de la société des Champagnes Louis Roederer. »
Elle fait valoir que l'apport temporaire de l'usufruit des titres des 4 220 actions de la SA CLR en 1994 a permis la création d'un hôtel au Futuroscope (Campanile du Futuroscope) en décembre 1994, exploité par la SNC Futurotel Chasseneuil, détenue à 99% par la SA Fibelaage et qu'à ce titre, l'investissement hôtelier sur le site du Futuroscope a été financé par un emprunt bancaire de 10 millions de francs contracté par la SA Fibelaage (anciennement SA Hôtel Grill de [Localité 11]-Nord) auprès de la Société Générale avec pour garantie l'usufruit des actions apporté à la société et qu'il a été convenu que les dividendes de la SA CLR soient versés directement sur un compte ouvert dans les livres de la Société Générale, à compter du 1er janvier 1995, sur lequel les échéances de remboursement de l'emprunt étaient prélevées.
Elle ajoute que les engagements financiers de la SA Fibelaage font état au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010 de deux autres garanties consenties par la SA Fibelaage, à savoir une caution à hauteur de 250 000 € auprès la banque HSBC pour l'emprunt contracté par la SNC Futurotel Chasseneuil ainsi qu'une caution à hauteur de 600 000 € auprès de la banque BNP Paribas pour l'emprunt contracté par la SNC Imnelaage, détenue à 99,99 % par la SA Fibelaage.
Elle soutient qu'il ne peut être considéré que la SA Fibelaage disposait à son actif des montants de trésorerie largement suffisants pour garantir la solvabilité du groupe, de telle sorte qu'elle n'aurait pas eu besoin de recourir à l'emprunt pour assurer le financement de son activité et celle de ses filiales.
Elle ajoute qu'il a été démontré que l'usufruit des actions de la SA CLR était nécessaire à l'activité de la SA Fibelaage puisque les dividendes versés lui ont permis de souscrire des emprunts auprès de banques pour assurer le financement du développement de son activité hôtelière.
Elle fait valoir que les dividendes versés par la SA CLR ont été employés pendant trente ans au développement de l'activité économique de la SA Fibelaage tant au regard de ses investissements directs que par l'intermédiaire de sociétés de personnes dans le secteur hôtelier ; qu'il se sont élevés, au titre des années 2006 à 2010, à :
- 1 110 000 € versés en 2006,
- 1 665 000 € versés en 2007,
- 1 665 000 € versés en 2008,
- 1 665 000 € versés en 2009,
- 1 406 000 € versés en 2010,
de sorte que la distinction entre l'usufruit et les dividendes voulue par l'administration fiscale est inopérante dès lors qu'il résulte des considérations précédentes que la SA Fibelaage a pu compter sur un versement constant de dividendes de la part de la SA CLR.
Elle ajoute que la SA CLR étant historiquement détenue et dirigée par un bloc d'actionnaires d'une même famille (de [Localité 9], de [Localité 8] [Localité 6], [Localité 12]), il existe une règle tacite de distribution d'un tiers des bénéfices annuels. L'apport de l'usufruit par l'appelante a donc été favorisé en raison de cette politique de distribution, d'autant plus que la SA CLR bénéficie d'une grande visibilité économique tirée du fait qu'elle commercialise ses produits en moyenne cinq ans après ses récoltes, ce qui lui permet de déterminer avec précision le montant approximatif des dividendes à venir.
Par ailleurs, les dividendes versés par la SA CLR étaient d'autant plus nécessaires à l'activité professionnelle de la SA Fibelaage dès lors que ses résultats d'exploitation étaient structurellement déficitaires à hauteur des sommes suivantes :
- 702 185 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2006,
- 468 897 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2007,
- 150 837 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2008,
- 591 174 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2009,
- 656 273 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010.
Elle ajoute que la lecture des rapports de gestion du directoire fait apparaître que les dividendes ont été réinvestis dans le groupe de la SA Fibelaage et ont permis, à ce titre, de financer l'activité hôtelière du groupe.
L'administration fiscale expose que la société Fibelaage est une holding mixte ayant à la fois une activité industrielle et commerciale dans le secteur de l'hôtellerie et une activité financière de gestion de ses participations dans des filiales hôtelières ; que la requérante a apporté, par contrat du 18 novembre 2004, à la SA Fibelaage l'usufruit temporaire d'une durée de 10 ans de 3 700 actions de la société Champagne Louis Roederer qui a pour activité principale la production et la commercialisation de champagne. L'usufruit de ces actions a été inscrit, dans la comptabilité de la SA Fibelaage, pour sa valeur d'apport, soit 3 737 000 €.
Elle fait valoir que l'usufruit des 3 700 actions CLR inscrit à l'actif du bilan de la SA Fibelaage n'était pas nécessaire à son activité d'hôtellerie ; qu'en effet, l'activité de commercialisation et de production de vins de champagne de la société CLR est dépourvue de lien avec l'activité hôtelière qu'exerce la société Fibelaage, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales ; que la détention de cet usufruit ne découle aucunement de l'activité sociale, ni ne résulte d'un apport en compte courant d'associé, mais fait suite à un apport personnel ; qu'en outre, si les dividendes distribués par la SA CLR sont susceptibles de contribuer au financement et au développement de l'activité de la SA Fibelaage et de ses filiales dans le secteur de l'hôtellerie, l'usufruit des actions CLR et les dividendes perçus de ces actions ne constituent pas un seul et même actif ; que contrairement aux liquidités générées par les dividendes, l'usufruit des 3 700 actions CLR constitue une immobilisation incorporelle amortissable.
Tel était le sens de la décision du tribunal administratif de Poitiers le 21 novembre 1996, dont fait état la requérante, qui portait sur le point de savoir si cet usufruit temporaire pouvait être considéré comme une immobilisation amortissable par la société « Hôtel Grill de Poitiers Nord » (ancienne dénomination de la SA Fibelaage).
Elle précise que seul l'usufruit, pris en tant que droit incorporel, a été jugé amortissable, cette solution ne valant pas pour le bien lui-même possédé en usufruit, seul le nu-propriétaire pouvant l'amortir. Autrement dit, la possibilité d'inscrire un bien à l'actif d'une entreprise qui relève de la liberté de gestion n'implique pas une exonération automatique de ce bien à l'ISF.
Le raisonnement qui conduirait à considérer que tout bien inscrit à l'actif d'une société qualifiée de bien professionnel au regard de l'ISF serait nécessaire à son activité du seul fait qu'il génère de la trésorerie utile à cette activité dénaturerait la portée de l'article 885 O ter du CGI.
Elle ajoute que la SA Fibelaage ne peut se prévaloir de l'assurance que la société CLR distribuera chaque année des dividendes compte tenu, d'une part, de la séparation des personnalités juridiques entre la société CLR et ses associés, d'autre part, de l'incertitude quant à la réalisation d'un bénéfice par la société CLR.
Elle fait valoir que le développement du groupe hôtelier aurait pu être financé directement par des apports en compte courant d'associé, provenant des dividendes de CLR, sans qu'il soit nécessaire d'apporter à la SA Fibelaage l'usufruit des actions CLR ; que cette dernière dispose à son actif de montants de trésorerie largement suffisants pour garantir la solvabilité du groupe.
Ces montants de trésorerie participent aux avances consenties aux filiales (les créances financières sur les filiales de 2007 à 2011 s'élèvent respectivement à 4 988 773 €, 4 945 891 €, 5 287 857 €, 6 468 319 € et 7 161 706 €). Parallèlement les emprunts souscrits par six établissements du groupe s'élèvent à 2 401 927 € au 31 décembre 2010 selon un tableau communiqué par la redevable.
Le financement de l'activité de la SA Fibelaage et de ses filiales a donc été principalement assuré par les liquidités dont dispose la société, les emprunts bancaires n'apparaissant, ni significatifs, ni conditionnés à la détention de l'usufruit des 3 700 actions CLR.
Réponse de la cour
En application des articles 885 N à 885 R du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, les biens professionnes ne sont pas pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur la fortune.
L'article 885 O bis de ce code prévoit que les parts et actions des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, ne sont considérées comme des biens professionnels que si certaines conditions cumulatives sont remplies. Ces conditions sont relatives à l'activité de la société, au seuil de détention des titres dans le capital de la société (25%) ainsi qu'à l'exercice d'une fonction dirigeante et la rémunération qui est associée.
Selon les dispositions de l'article 885 O ter du code général des impôts, seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel.
L'apport par me [P] [E] de l'usufruit de 3 700 actions a été décidé par contrat du 18 novembre 2004. Elle a mentionné dans ses déclarations d'impôt sur la fortune entendre bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels de l'usufruit de ces actions pour la société Fibelaage au sein de laquelle elle exerce la fonction rémunérée de président du conseil de surveillance. Elle a été rémunérée par une prime d'apport sur l'émission d'actions nouvelles de 2 437 000 euros.
L'usufruit de ces actions a été inscrit en comptabilité de la société Fibelaage au compte d'actif n'° 20 551 « droit d'entrée » pour sa valeur d'apport, soit 3 737 000 euros.
Les biens professionnels visés par l'article 885 O ter du code général des impôts sont des biens qui ont un lien de causalité directe suffisant avec l'exploitation et qui sont utilisés effectivement pour les besoins de l'activité professionnelle ou qui ne pourraient être destinés à un autre usage.
Contrairement à ce que prétend l'appelante, l'inscription de l'usufruit à l'actif du bilan de la société n'implique pas, une présomption d'utilité professionnelle.
La présomption simple admise par la doctrine administrative selon laquelle 'Les liquidités et titres de placements inscrits au bilan d'une société sont présumés constituer des actifs nécessaires à l'activité professionnelle dès lors que leur acquisition découle de l'activité sociale ou résulte d'apports effectués sur des comptes courants d'associés' n'est pas applicable en l'espèce puisque l'apport de l'usufruit des actions CLR s'est fait par inscription au compte d'actif n'° 20 551 de la société Fibelaage.
Il appartient donc à l'appelante de justifier de son utilité effective pour les besoins de l'activité professionnelle de la société Fibelaage.
Or, l'usufruit des actions CLF dont l'objet social, à savoir la production et la commercialisation de vins de champagne, est totalement différent de celui de la société Fibelaage, ne présente pas à priori de lien de nécessité pour l'activité professionnelle d'hôtellerie de cette dernière pour être considéré comme un bien professionnel.
A supposer même qu'il n'y ait pas de distinction à faire entre l'usufruit des 3.700 actions de la société CLR et les dividendes qu'il génère, Mme [U] [S] ne justifie pas, en l'espèce, que la société Fibelaage avait besoin de cet apport constant et important de liquidités pour avoir recours à l'emprunt ni de l'usage qui a été fait des dividendes versés et les pièces qu'elle fournit sont insuffisantes pour démontrer que cet apport était nécessaire aux investissements envisagés par cette société dans le cadre de l'exercice de son activité commerciale.
Le développement du groupe hôtelier aurait pu être financé directement par des apports en compte courant d'associé, provenant des dividendes de CLR, sans qu'il soit nécessaire d'apporter à la SA Fibelaage l'usufruit des actions CLR. Les montants de trésorerie dont elle dispose sont largement suffisants pour garantir la solvabilité du groupe et ont participé aux avances consenties aux filiales, les créances financières sur les filiales de 2007 à 2011 s'élevant respectivement à 4 988 773 €, 4 945 891 €, 5 287 857 €, 6 468 319 € et 7 161 706 € et les emprunts souscrits par six établissements du groupe s'élevant à 2 401 927 € au 31 décembre 2010, selon un tableau communiqué par la redevable.
L'argument selon lequel l'apport temporaire de l'usufruit de 4 220 actions de la société CLR en 1994 aurait, selon le procès-verbal d'assemblée générale des actionnaires de la société Fibelaage été effectué aux fins de la réalisation d'un nouvel investissement n'est pas pertinent dans la mesure où part l'apport concerne l'année 1994 et non la période visée par le rehaussement.
La détention de cet usufruit ne découle pas de l'objet social de la société ni d'un apport en compte courant d'associé mais résulte d'un apport personnel.
Le fait que le tribunal administratif de Poitiers considère, dans son jugement de 1996, sur la question de savoir si l'usufruit temporaire pouvait être considéré comme une immobilisation amortissable par la société Hôtel Gril de Poitiers Nord (ancienne dénomination de la SA Fibelaage), que cet usufruit a eu 'des effets bénéfiques sur l'exploitation' de cette dernière, ne suffit pas à démontrer l'usage effectif de l'usufruit de ces actions pour l'activité en cause.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause le rehaussement d'impôt mis en recouvrement sur le fondement de l'article 885 O ter du code général des impôts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [E] succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale, la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Madame [P] [U] [S] aux dépens d'appel ;
Déboute Madame [P] [E] sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne Madame [P] [U] [S] à payer à Monsieur le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences de la directrice régionale des finances publiques d'Ile de France la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19638 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXJZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021-Tribunal de Grande Instance de Paris- RG n° 17/15263
APPELANTE
Madame [P] [E]
[Adresse 3]
[Localité 5]
née le [Date naissance 2] 1930 à [Localité 10]
Représentée par Me Sandra MOREIRA, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Marc BORNHAUSER de la SELARL CABINET BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1522
INTIMÉE
MADAME LA DIRECTRICE RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DE [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC129
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre,
Madame Solène LORANS, Conseillère
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre, et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'administration fiscale a adressé, le 18 décembre 2013, une proposition de rectification de l'impôt de solidarité sur la fortune de Madame [P] [E] au titre des années 2007 à 2011, contestant deux éléments des déclarations réalisées par la contribuable :
- l'exonération des titres de la société Fibelaage en qualité de biens professionnels, pour la fraction afférente à 3 700 actions en usufruit de la société Champagne Louis Roederer (dénommée ci-après CLR) qu'elle avait apportées à l'actif de cette société,
- la valorisation de 36 actions de la société CLR qu'elle détenait directement, seulement pour les années 2010 et 2011.
Par courriers des 18 février 2014 et 6 mai 2014, Mme [E] s'est opposée à la remise en cause de l'exonération des titres de la SA Fibelaage au titre des biens professionnels, acceptant, en revanche, le principe du redressement sur la valorisation des 36 actions CLR, mais réclamant le bénéfice d'une décote de 50% au regard du caractère extrêmement faible de sa participation dans une société familiale fermée.
L'administration fiscale a confirmé le rehaussement de ces impôts par lettre du 28 avril 2016.
Le 18 novembre 2016, la Commission départementale de conciliation a rendu un avis favorable à la position de l'administration fiscale concernant la valorisation des 36 actions.
Le rehaussement d'impôts a été mis en recouvrement le 13 décembre 2016, pour un montant de 633 770 € en capital (soit 122 924 € pour 2007, 159 390 € pour l'ISF pour 2008, 139 725 € pour l'ISF pour 2009, 124 463 € pour l'ISF pour 2010, et 87 268 € pour l'ISF pour 2011), outre des intérêts de retard portant la somme réclamée à 774 717 €.
La réclamation contentieuse formée par Mme [E] le 8 février 2017 a été rejetée par l'administration fiscale le 5 septembre 2017.
Par acte huissier du 30 octobre 2017, Mme [E] a assigné l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :
« INFIRME partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 5 septembre 2017 ;
DIT que la valeur des actions de la société Champagne Louis Roederer doit se voir appliquer une décote globale de 30 % à la valeur mathématique ;
INVITE l'administration fiscale à calculer de nouveau l'impôt de solidarité sur la fortune dû par Mme [P] [E] pour les années 2010 et 2011 ;
PRONONCE la décharge des impôts dus par Mme [P] [E] dans cette mesure ;
REJETTE le surplus des demandes de Mme [P] [E] ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE la charge des dépens à l'administration fiscale. »
Par déclaration du 22 novembre 2022, Madame [P] [E] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 15 septembre 2023, Madame [P] [E] demande à la cour de :
« Vu l'article 885 O ter du Code général des impôts ;
Vu l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence précitée ;
Vu les pièces versées au débat ;
Il est demandé à la Cour de bien vouloir :
- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes de Madame [U] [S] tendant à la décharge des rehaussements ISF au titre des années 2007 à 2011 concernant la fraction considérée non professionnelle des titres de la SA FIBELAAGE et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du
Code de procédure civile ;
- La confirmer pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
- Ordonner la décharge et la restitution des rehaussements d'ISF au titre des années 2007 à 2011 correspondant à la fraction considérée comme non professionnelle des titres de la SA FIBELAAGE ;
- Condamner l'Etat à verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner l'Etat aux entiers dépens. »
Par conclusions signifiées le 4 avril 2023, Monsieur le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences de la directrice régionale des finances publiques d'Ile de France, demande à la cour de :
« Confirmer en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2021 ;
Rejeter la demande de paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dire qu'en toute hypothèse les frais de constitution d'avocat resteront à la charge de l'appelante ;
La condamner en outre à verser 3 000 € à la Directrice Régionale des Finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 10] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens de l'instance. »
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2025.
SUR CE,
A titre liminaire
L'appel est limité au rejet des demandes de Madame [E] tendant à la décharge des rehaussements ISF au titre des années 2007 à 2011 concernant la fraction considérée par l'administration fiscale comme non professionnelle des titres de la SA Fibelaage et sur l'article 700 du code de procédure civile, l'appelante sollicitant la décharge et la restitution des rehaussements d'ISF au titre des années 2007 à 2011 correspondant à la fraction considérée comme non professionnelle des titres de la SA Fibelaage.
Les autres dispositions du jugement entrepris qui ne sont pas contestées par les parties seront dès lors confirmées.
Sur l'usufruit des 3 700 actions de la société CLR
Madame [E] fait valoir que l'usufruit des 3 700 actions de la société CLR est nécessaire à l'activité de la société Fibelaage dès lors que les dividendes récurrents distribués par la société CLR assurent, tant le financement que le développement de son activité d'hôtellerie, grâce à leur réinvestissement et aux garanties qu'ils constituent auprès des banques pour recourir à 1'emprunt. Cet actif incorporel a un lien de causalité directe avec l'exploitation et le financement des participations détenues dans des filiales opérationnelles
Elle soutient que l'apport des titres en usufruit logés à l'actif de la société Fibelaage fait partie du patrimoine social nécessaire à son activité.
Elle fait valoir qu'il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 15 novembre 1994 que l'apport de l'usufruit des actions de la SA CLR a été effectué afin de réaliser un investissement à [Localité 11], dès lors qu'il y est stipulé que « Notre Société a néanmoins besoin d'un apport supplémentaire de capital du fait que le succès considérable du Parc du Futuroscope, qui devait accueillir 3 000 000 visiteurs en 1994, a considérablement développé les besoins hôteliers de ce site et nous envisageons d'y créer une nouvelle unité hôtelière beaucoup plus importante que celles qui existent déjà.
Il est donc de l'intérêt vital de la société de procéder à une augmentation de capital pour réaliser le nouvel investissement.
En effet, si ce n'est pas notre société qui crée un nouvel hôtel pour satisfaire ces besoins, hôtel dont le projet est beaucoup plus proche du Futuroscope que nos hôtels de [Localité 7] et la capacité d'accueil bien plus importante, un concurrent réalisera ce projet qui mettra en péril nos unités de [Localité 11].
Madame [K] [E] se propose d'y participer par le moyen du renouvellement de l'apport de son droit d'usufruit, pour une période de 10 ans, de 4 220 actions qu'elle possède dans le capital de la société des Champagnes Louis Roederer. »
Elle fait valoir que l'apport temporaire de l'usufruit des titres des 4 220 actions de la SA CLR en 1994 a permis la création d'un hôtel au Futuroscope (Campanile du Futuroscope) en décembre 1994, exploité par la SNC Futurotel Chasseneuil, détenue à 99% par la SA Fibelaage et qu'à ce titre, l'investissement hôtelier sur le site du Futuroscope a été financé par un emprunt bancaire de 10 millions de francs contracté par la SA Fibelaage (anciennement SA Hôtel Grill de [Localité 11]-Nord) auprès de la Société Générale avec pour garantie l'usufruit des actions apporté à la société et qu'il a été convenu que les dividendes de la SA CLR soient versés directement sur un compte ouvert dans les livres de la Société Générale, à compter du 1er janvier 1995, sur lequel les échéances de remboursement de l'emprunt étaient prélevées.
Elle ajoute que les engagements financiers de la SA Fibelaage font état au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010 de deux autres garanties consenties par la SA Fibelaage, à savoir une caution à hauteur de 250 000 € auprès la banque HSBC pour l'emprunt contracté par la SNC Futurotel Chasseneuil ainsi qu'une caution à hauteur de 600 000 € auprès de la banque BNP Paribas pour l'emprunt contracté par la SNC Imnelaage, détenue à 99,99 % par la SA Fibelaage.
Elle soutient qu'il ne peut être considéré que la SA Fibelaage disposait à son actif des montants de trésorerie largement suffisants pour garantir la solvabilité du groupe, de telle sorte qu'elle n'aurait pas eu besoin de recourir à l'emprunt pour assurer le financement de son activité et celle de ses filiales.
Elle ajoute qu'il a été démontré que l'usufruit des actions de la SA CLR était nécessaire à l'activité de la SA Fibelaage puisque les dividendes versés lui ont permis de souscrire des emprunts auprès de banques pour assurer le financement du développement de son activité hôtelière.
Elle fait valoir que les dividendes versés par la SA CLR ont été employés pendant trente ans au développement de l'activité économique de la SA Fibelaage tant au regard de ses investissements directs que par l'intermédiaire de sociétés de personnes dans le secteur hôtelier ; qu'il se sont élevés, au titre des années 2006 à 2010, à :
- 1 110 000 € versés en 2006,
- 1 665 000 € versés en 2007,
- 1 665 000 € versés en 2008,
- 1 665 000 € versés en 2009,
- 1 406 000 € versés en 2010,
de sorte que la distinction entre l'usufruit et les dividendes voulue par l'administration fiscale est inopérante dès lors qu'il résulte des considérations précédentes que la SA Fibelaage a pu compter sur un versement constant de dividendes de la part de la SA CLR.
Elle ajoute que la SA CLR étant historiquement détenue et dirigée par un bloc d'actionnaires d'une même famille (de [Localité 9], de [Localité 8] [Localité 6], [Localité 12]), il existe une règle tacite de distribution d'un tiers des bénéfices annuels. L'apport de l'usufruit par l'appelante a donc été favorisé en raison de cette politique de distribution, d'autant plus que la SA CLR bénéficie d'une grande visibilité économique tirée du fait qu'elle commercialise ses produits en moyenne cinq ans après ses récoltes, ce qui lui permet de déterminer avec précision le montant approximatif des dividendes à venir.
Par ailleurs, les dividendes versés par la SA CLR étaient d'autant plus nécessaires à l'activité professionnelle de la SA Fibelaage dès lors que ses résultats d'exploitation étaient structurellement déficitaires à hauteur des sommes suivantes :
- 702 185 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2006,
- 468 897 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2007,
- 150 837 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2008,
- 591 174 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2009,
- 656 273 € au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010.
Elle ajoute que la lecture des rapports de gestion du directoire fait apparaître que les dividendes ont été réinvestis dans le groupe de la SA Fibelaage et ont permis, à ce titre, de financer l'activité hôtelière du groupe.
L'administration fiscale expose que la société Fibelaage est une holding mixte ayant à la fois une activité industrielle et commerciale dans le secteur de l'hôtellerie et une activité financière de gestion de ses participations dans des filiales hôtelières ; que la requérante a apporté, par contrat du 18 novembre 2004, à la SA Fibelaage l'usufruit temporaire d'une durée de 10 ans de 3 700 actions de la société Champagne Louis Roederer qui a pour activité principale la production et la commercialisation de champagne. L'usufruit de ces actions a été inscrit, dans la comptabilité de la SA Fibelaage, pour sa valeur d'apport, soit 3 737 000 €.
Elle fait valoir que l'usufruit des 3 700 actions CLR inscrit à l'actif du bilan de la SA Fibelaage n'était pas nécessaire à son activité d'hôtellerie ; qu'en effet, l'activité de commercialisation et de production de vins de champagne de la société CLR est dépourvue de lien avec l'activité hôtelière qu'exerce la société Fibelaage, directement ou par l'intermédiaire de ses filiales ; que la détention de cet usufruit ne découle aucunement de l'activité sociale, ni ne résulte d'un apport en compte courant d'associé, mais fait suite à un apport personnel ; qu'en outre, si les dividendes distribués par la SA CLR sont susceptibles de contribuer au financement et au développement de l'activité de la SA Fibelaage et de ses filiales dans le secteur de l'hôtellerie, l'usufruit des actions CLR et les dividendes perçus de ces actions ne constituent pas un seul et même actif ; que contrairement aux liquidités générées par les dividendes, l'usufruit des 3 700 actions CLR constitue une immobilisation incorporelle amortissable.
Tel était le sens de la décision du tribunal administratif de Poitiers le 21 novembre 1996, dont fait état la requérante, qui portait sur le point de savoir si cet usufruit temporaire pouvait être considéré comme une immobilisation amortissable par la société « Hôtel Grill de Poitiers Nord » (ancienne dénomination de la SA Fibelaage).
Elle précise que seul l'usufruit, pris en tant que droit incorporel, a été jugé amortissable, cette solution ne valant pas pour le bien lui-même possédé en usufruit, seul le nu-propriétaire pouvant l'amortir. Autrement dit, la possibilité d'inscrire un bien à l'actif d'une entreprise qui relève de la liberté de gestion n'implique pas une exonération automatique de ce bien à l'ISF.
Le raisonnement qui conduirait à considérer que tout bien inscrit à l'actif d'une société qualifiée de bien professionnel au regard de l'ISF serait nécessaire à son activité du seul fait qu'il génère de la trésorerie utile à cette activité dénaturerait la portée de l'article 885 O ter du CGI.
Elle ajoute que la SA Fibelaage ne peut se prévaloir de l'assurance que la société CLR distribuera chaque année des dividendes compte tenu, d'une part, de la séparation des personnalités juridiques entre la société CLR et ses associés, d'autre part, de l'incertitude quant à la réalisation d'un bénéfice par la société CLR.
Elle fait valoir que le développement du groupe hôtelier aurait pu être financé directement par des apports en compte courant d'associé, provenant des dividendes de CLR, sans qu'il soit nécessaire d'apporter à la SA Fibelaage l'usufruit des actions CLR ; que cette dernière dispose à son actif de montants de trésorerie largement suffisants pour garantir la solvabilité du groupe.
Ces montants de trésorerie participent aux avances consenties aux filiales (les créances financières sur les filiales de 2007 à 2011 s'élèvent respectivement à 4 988 773 €, 4 945 891 €, 5 287 857 €, 6 468 319 € et 7 161 706 €). Parallèlement les emprunts souscrits par six établissements du groupe s'élèvent à 2 401 927 € au 31 décembre 2010 selon un tableau communiqué par la redevable.
Le financement de l'activité de la SA Fibelaage et de ses filiales a donc été principalement assuré par les liquidités dont dispose la société, les emprunts bancaires n'apparaissant, ni significatifs, ni conditionnés à la détention de l'usufruit des 3 700 actions CLR.
Réponse de la cour
En application des articles 885 N à 885 R du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, les biens professionnes ne sont pas pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur la fortune.
L'article 885 O bis de ce code prévoit que les parts et actions des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, ne sont considérées comme des biens professionnels que si certaines conditions cumulatives sont remplies. Ces conditions sont relatives à l'activité de la société, au seuil de détention des titres dans le capital de la société (25%) ainsi qu'à l'exercice d'une fonction dirigeante et la rémunération qui est associée.
Selon les dispositions de l'article 885 O ter du code général des impôts, seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel.
L'apport par me [P] [E] de l'usufruit de 3 700 actions a été décidé par contrat du 18 novembre 2004. Elle a mentionné dans ses déclarations d'impôt sur la fortune entendre bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels de l'usufruit de ces actions pour la société Fibelaage au sein de laquelle elle exerce la fonction rémunérée de président du conseil de surveillance. Elle a été rémunérée par une prime d'apport sur l'émission d'actions nouvelles de 2 437 000 euros.
L'usufruit de ces actions a été inscrit en comptabilité de la société Fibelaage au compte d'actif n'° 20 551 « droit d'entrée » pour sa valeur d'apport, soit 3 737 000 euros.
Les biens professionnels visés par l'article 885 O ter du code général des impôts sont des biens qui ont un lien de causalité directe suffisant avec l'exploitation et qui sont utilisés effectivement pour les besoins de l'activité professionnelle ou qui ne pourraient être destinés à un autre usage.
Contrairement à ce que prétend l'appelante, l'inscription de l'usufruit à l'actif du bilan de la société n'implique pas, une présomption d'utilité professionnelle.
La présomption simple admise par la doctrine administrative selon laquelle 'Les liquidités et titres de placements inscrits au bilan d'une société sont présumés constituer des actifs nécessaires à l'activité professionnelle dès lors que leur acquisition découle de l'activité sociale ou résulte d'apports effectués sur des comptes courants d'associés' n'est pas applicable en l'espèce puisque l'apport de l'usufruit des actions CLR s'est fait par inscription au compte d'actif n'° 20 551 de la société Fibelaage.
Il appartient donc à l'appelante de justifier de son utilité effective pour les besoins de l'activité professionnelle de la société Fibelaage.
Or, l'usufruit des actions CLF dont l'objet social, à savoir la production et la commercialisation de vins de champagne, est totalement différent de celui de la société Fibelaage, ne présente pas à priori de lien de nécessité pour l'activité professionnelle d'hôtellerie de cette dernière pour être considéré comme un bien professionnel.
A supposer même qu'il n'y ait pas de distinction à faire entre l'usufruit des 3.700 actions de la société CLR et les dividendes qu'il génère, Mme [U] [S] ne justifie pas, en l'espèce, que la société Fibelaage avait besoin de cet apport constant et important de liquidités pour avoir recours à l'emprunt ni de l'usage qui a été fait des dividendes versés et les pièces qu'elle fournit sont insuffisantes pour démontrer que cet apport était nécessaire aux investissements envisagés par cette société dans le cadre de l'exercice de son activité commerciale.
Le développement du groupe hôtelier aurait pu être financé directement par des apports en compte courant d'associé, provenant des dividendes de CLR, sans qu'il soit nécessaire d'apporter à la SA Fibelaage l'usufruit des actions CLR. Les montants de trésorerie dont elle dispose sont largement suffisants pour garantir la solvabilité du groupe et ont participé aux avances consenties aux filiales, les créances financières sur les filiales de 2007 à 2011 s'élevant respectivement à 4 988 773 €, 4 945 891 €, 5 287 857 €, 6 468 319 € et 7 161 706 € et les emprunts souscrits par six établissements du groupe s'élevant à 2 401 927 € au 31 décembre 2010, selon un tableau communiqué par la redevable.
L'argument selon lequel l'apport temporaire de l'usufruit de 4 220 actions de la société CLR en 1994 aurait, selon le procès-verbal d'assemblée générale des actionnaires de la société Fibelaage été effectué aux fins de la réalisation d'un nouvel investissement n'est pas pertinent dans la mesure où part l'apport concerne l'année 1994 et non la période visée par le rehaussement.
La détention de cet usufruit ne découle pas de l'objet social de la société ni d'un apport en compte courant d'associé mais résulte d'un apport personnel.
Le fait que le tribunal administratif de Poitiers considère, dans son jugement de 1996, sur la question de savoir si l'usufruit temporaire pouvait être considéré comme une immobilisation amortissable par la société Hôtel Gril de Poitiers Nord (ancienne dénomination de la SA Fibelaage), que cet usufruit a eu 'des effets bénéfiques sur l'exploitation' de cette dernière, ne suffit pas à démontrer l'usage effectif de l'usufruit de ces actions pour l'activité en cause.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause le rehaussement d'impôt mis en recouvrement sur le fondement de l'article 885 O ter du code général des impôts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [E] succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale, la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Madame [P] [U] [S] aux dépens d'appel ;
Déboute Madame [P] [E] sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne Madame [P] [U] [S] à payer à Monsieur le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences de la directrice régionale des finances publiques d'Ile de France la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE