CA Dijon, 2 e ch. civ., 6 novembre 2025, n° 24/00545
DIJON
Arrêt
Autre
[Y] [T]
S.A.S. [13]
C/
[H] [P]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
N° RG 24/00545 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GNHM
MINUTE N°25/
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 08 avril 2024,
rendue par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône - RG : 2024000114
APPELANTS :
Monsieur [Y] [T]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 12] (71)
domicilié
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Kadir SARIKAN, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
S.A.S. [13], prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par Me Kadir SARIKAN, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉ :
Monsieur [H] [P]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 9] (Turquie)
domicilié
[Adresse 6]
[Localité 8]
représenté par Me Karine SARCE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 103
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bénédicte KUENTZ, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 03 Avril 2025 pour être prorogée au 12 juin 2025, au 21 août 2025, au 25 septembre 2025, au 23 octobre 2025, puis au 06 Novembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte de commissaire de justice du 11 janvier 2024, M. [H] [P] a fait attraire la SARL [T], M. [Y] [T] et la SAS [13] devant le président du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône statuant en référé, aux fins de voir condamner in solidum les défendeurs à lui rembourser la somme de 65 050 euros, et à lui régler celle de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, M. [P] a ramené sa demande de provision à la somme de 42 400 euros, et a sollicité pour le surplus le renvoi de l'affaire au fond.
Suivant ordonnance du 8 avril 2024, rectifiée le 6 mai 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a :
- dit que la demande de M. [P] est recevable,
- condamné in solidum M. [T] et la société [13] à payer à M. [P] la somme de 42 400 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,
- rejeté la demande à l'encontre de la société [T] SARL, comme, excédant ses pouvoirs,
- rejeté la demande de passerelle sollicitée par M. [P],
- débouté M. [T], les sociétés [13] et SARL [T] de leurs demandes,
- condamné in solidum M. [T] et la société [13] à payer à M. [P] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [T] et la société [13] aux entiers dépens de l'instance, les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile, étant liquidés à la somme de 74,64 euros.
Par acte du 22 avril 2024, M. [T] et la SAS [13] ont relevé appel de cette décision dont ils ont expressément critiqué toutes les dispositions, à l'exception de celles ayant rejeté la demande de M. [P] à l'encontre de la SARL [T], et sa demande de passerelle.
Aux termes de conclusions notifiées le 3 juin 2024, puis à nouveau le 5 juillet 2024, M. [T] et la SAS [13] demandent à la cour de :
- les recevoir en leurs conclusions, moyens et fins,
- les dire bien-fondés,
- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône en date du 8 avril 2024 et, statuant à nouveau,
- débouter M. [P] de ses entières fins et prétentions,
- condamner M. [P] à leur payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] aux entiers dépens.
Aux termes de conclusions notifiées le 17 juin 2024, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, ainsi que de l'article 1302-1 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance du 8 avril 2024 dans toutes ses dispositions,
- condamner in solidum la SAS [13] et M. [T] à lui rembourser la somme de 42 400 euros outre intérêts légaux à compter du jour de la décision, s'agissant des sommes qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation dans les conclusions des sociétés [13] et [T] SARL,
- condamner in solidum la SAS [13] et M. [T] à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour un exposé complet des moyens des parties.
Suivant ordonnance du 16 juillet 2024, la première présidente de la présente cour a arrêté l'exécution provisoire de l'ordonnance du 8 avril 2024.
Suivant ordonnance du 10 octobre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a dit que la caducité de la déclaration d'appel n'était pas encourue.
MOTIFS
En application des dispositions de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
M. [P] fait en l'espèce valoir, au soutien de ses prétentions, que M. [T] lui a proposé courant 2020 une association pour l'exploitation d'un supermarché sous la dénomination [13], précisant qu'il était convenu qu'il devienne associé à 49 % et qu'il bénéficie d'un contrat de travail comme vendeur, en contrepartie d'un apport de 40 000 euros, outre les apports en compte courant pour financer les achats de marchandises et travaux.
Il déclare avoir régularisé un contrat de travail le 5 mars 2021, et avoir travaillé jusqu'au 13 juin 2023, date à laquelle la société a fait l'objet d'une expulsion faute de paiement des loyers. Il indique que, s'étant alors inquiété de la situation, il a fait éditer un KBIS de la société pour s'apercevoir qu'il n'était en définitive pas associé, et que les sommes qu'il avait versées à M. [T] et à la société [13] n'avaient aucune contrepartie.
Il s'estime en conséquence bien fondé à réclamer le remboursement des dites sommes, sur le fondement de l'article 1302-1 du code civil, précisant qu'il est acquis en jurisprudence que le juge des référés peut accorder une provision sur le fondement de la répétition de l'indu.
M. [T] et la SAS [13] contestent les prétentions adverses, en faisant valoir que postérieurement à la création de la société [13] et à sa mise en activité, courant mars 2020, M. [P] a montré de l'intérêt pour la société, dont il est devenu le gérant de fait, au sens des articles L. 241-9 et 245-16 du code de commerce. Ils précisent qu'il est attesté par plusieurs personnes que M. [P] gérait le magasin de [Localité 14] et se présentait volontiers comme associé, et qu'il venait se servir au magasin pour approvisionner, sans payer, son établissement de restauration rapide.
Ils contestent par ailleurs le virement de 12 000 euros qui aurait été fait par M. [P] à M. [T], au regard des contradictions existant entre les justificatifs invoqués par l'intimé. Ils précisent que la comptabilité et la gestion de la société [13] étaient tenues par M. [P], qui a pu abuser de cette position pour avancer n'importe quel élément en soutien de ses intérêts, et ajoutent que le juge des référés ne s'est pas prononcé sur la qualification juridique des versements.
Enfin, ils affirment que le juge des référés n'aurait pu accorder, s'il estimait M. [P] dans ses droits, qu'une simple provision, et non le paiement intégral des sommes considérées. Ils ajoutent que, alors que M. [T] a été condamné non pas ès qualités de président de la société [13] mais en nom propre, la décision critiquée n'est pas fondée en ce qu'elle a prononcé une condamnation in solidum à leur encontre.
M. [P] produit au soutien de son argumentation, outre son dépôt de plainte à l'encontre de M. [T], deux documents manuscrits datés des 5 mars et 28 octobre 2020 et établis partiellement en langue turque, avec leur traduction par un traducteur assermenté, que M. [T] ne conteste pas avoir signés. Il verse également aux débats des relevés de son compte ouvert auprès de l'agence [11] de [Localité 15].
La réalité des virements réalisés par M. [P] vers le compte de la société [13], pour un montant total de 30 400 euros (soit 6 400 euros le 29 juillet 2021 et 20 000 euros le 28 juillet 2022), n'est pas discutée.
Concernant le virement allégué au bénéfice de M. [T], il est exact que le document signé par les parties le 28 octobre 2020 indique : '01/03/20 - [H] a effectué un virement du compte ([Localité 10] Kebab) sur le compte de [Y] d'un montant de 12 000 euros', alors que M. [P] se prévaut d'un mouvement effectué depuis de son propre compte (et non celui de sa société de restauration rapide), enregistré le 24 mars 2020.
Pour autant, M. [T] ne soutient pas que le relevé de compte versé aux débats serait un faux, et ne produit au demeurant pas son propre relevé de compte n°[XXXXXXXXXX04] du mois de mars 2020, qui permettrait de se convaincre qu'il n'a pas été bénéficiaire du virement litigieux.
Ce virement sera donc considéré comme avéré.
S'agissant de la cause des versements, il se déduit des documents des 5 mars et 28 octobre 2020, malgré leur caractère elliptique, que MM. [P] et [T] étaient en 'relation d'affaires' ayant pour objet la société [13], à l'enseigne [16], et que des mouvements de fonds sous forme de chèques, virements et espèces étaient prévus.
Le document du 5 mars 2020 mentionne par ailleurs 'Président 51 % ' l'associé 49 %' et précise que 'chaque semaine, les associés se rencontrent'.
Or, M. [T] et la SAS [13] n'indiquent pas en quoi le fait, à le supposer avéré, que M. [P] ait été le gérant de fait de la société [13], justifierait les règlements opérés par l'intimé à leur profit, cette seule qualité n'impliquant pas, au contraire de celle d'associé, des apports en capital ou le fonctionnement d'un compte courant d'associé, pas plus que des virements au bénéfice du président de la société.
Les appelants ne proposent par ailleurs aucune autre explication qui permettrait de qualifier juridiquement la cause des virements litigieux, de sorte que c'est à juste titre que le juge des référés a considéré, dans le contexte décrit ci-dessus, que ceux-ci ne résultaient que de la certitude ' erronée ' de M. [P] d'être associé.
C'est par conséquent à juste titre que M. [P] se prévaut à l'encontre des appelants des dispositions de l'article 1302-1 du code civil, prévoyant que 'celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu'.
Par ailleurs, l'allocation d'une provision en référé a pour seule limite le caractère non sérieusement contestable de la créance invoquée, qui correspond en l'espèce à l'intégralité des sommes virées.
En revanche, le jugement dont appel devra être infirmé en ce qu'il a condamné in solidum M. [T] et la SAS [13] à payer la totalité de la somme de 42 400 euros, aucune considération de droit ou de fait ne permettant de mettre à la charge de chacun des appelants les sommes perçues par l'autre.
Il convient en conséquence de condamner :
- M. [T], à payer à M. [P] la somme de 12 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024, date de l'ordonnance dont la confirmation est sollicitée, - la SAS [13], à payer à M. [P] la somme de 30 400 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024.
M. [T] et la société [13], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de première instance et à ceux de la procédure d'appel.
Ils seront également tenus de payer à M. [P] la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ce dernier en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance du 8 avril 2024 en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Condamne M. [T] à payer à M. [P], à titre provisionnel, une somme de 12 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024,
Condamne la SAS [13] à payer à M. [P], à titre provisionnel, une somme de 30 400 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024,
Condamne M. [T] et la SAS [13] aux dépens d'appel,
Condamne M. [T] et la SAS [13] à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
S.A.S. [13]
C/
[H] [P]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
N° RG 24/00545 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GNHM
MINUTE N°25/
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 08 avril 2024,
rendue par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône - RG : 2024000114
APPELANTS :
Monsieur [Y] [T]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 12] (71)
domicilié
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Kadir SARIKAN, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
S.A.S. [13], prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par Me Kadir SARIKAN, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉ :
Monsieur [H] [P]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 9] (Turquie)
domicilié
[Adresse 6]
[Localité 8]
représenté par Me Karine SARCE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 103
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bénédicte KUENTZ, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 03 Avril 2025 pour être prorogée au 12 juin 2025, au 21 août 2025, au 25 septembre 2025, au 23 octobre 2025, puis au 06 Novembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte de commissaire de justice du 11 janvier 2024, M. [H] [P] a fait attraire la SARL [T], M. [Y] [T] et la SAS [13] devant le président du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône statuant en référé, aux fins de voir condamner in solidum les défendeurs à lui rembourser la somme de 65 050 euros, et à lui régler celle de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, M. [P] a ramené sa demande de provision à la somme de 42 400 euros, et a sollicité pour le surplus le renvoi de l'affaire au fond.
Suivant ordonnance du 8 avril 2024, rectifiée le 6 mai 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a :
- dit que la demande de M. [P] est recevable,
- condamné in solidum M. [T] et la société [13] à payer à M. [P] la somme de 42 400 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la décision,
- rejeté la demande à l'encontre de la société [T] SARL, comme, excédant ses pouvoirs,
- rejeté la demande de passerelle sollicitée par M. [P],
- débouté M. [T], les sociétés [13] et SARL [T] de leurs demandes,
- condamné in solidum M. [T] et la société [13] à payer à M. [P] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [T] et la société [13] aux entiers dépens de l'instance, les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile, étant liquidés à la somme de 74,64 euros.
Par acte du 22 avril 2024, M. [T] et la SAS [13] ont relevé appel de cette décision dont ils ont expressément critiqué toutes les dispositions, à l'exception de celles ayant rejeté la demande de M. [P] à l'encontre de la SARL [T], et sa demande de passerelle.
Aux termes de conclusions notifiées le 3 juin 2024, puis à nouveau le 5 juillet 2024, M. [T] et la SAS [13] demandent à la cour de :
- les recevoir en leurs conclusions, moyens et fins,
- les dire bien-fondés,
- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône en date du 8 avril 2024 et, statuant à nouveau,
- débouter M. [P] de ses entières fins et prétentions,
- condamner M. [P] à leur payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [P] aux entiers dépens.
Aux termes de conclusions notifiées le 17 juin 2024, M. [P] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, ainsi que de l'article 1302-1 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance du 8 avril 2024 dans toutes ses dispositions,
- condamner in solidum la SAS [13] et M. [T] à lui rembourser la somme de 42 400 euros outre intérêts légaux à compter du jour de la décision, s'agissant des sommes qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation dans les conclusions des sociétés [13] et [T] SARL,
- condamner in solidum la SAS [13] et M. [T] à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour un exposé complet des moyens des parties.
Suivant ordonnance du 16 juillet 2024, la première présidente de la présente cour a arrêté l'exécution provisoire de l'ordonnance du 8 avril 2024.
Suivant ordonnance du 10 octobre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a dit que la caducité de la déclaration d'appel n'était pas encourue.
MOTIFS
En application des dispositions de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
M. [P] fait en l'espèce valoir, au soutien de ses prétentions, que M. [T] lui a proposé courant 2020 une association pour l'exploitation d'un supermarché sous la dénomination [13], précisant qu'il était convenu qu'il devienne associé à 49 % et qu'il bénéficie d'un contrat de travail comme vendeur, en contrepartie d'un apport de 40 000 euros, outre les apports en compte courant pour financer les achats de marchandises et travaux.
Il déclare avoir régularisé un contrat de travail le 5 mars 2021, et avoir travaillé jusqu'au 13 juin 2023, date à laquelle la société a fait l'objet d'une expulsion faute de paiement des loyers. Il indique que, s'étant alors inquiété de la situation, il a fait éditer un KBIS de la société pour s'apercevoir qu'il n'était en définitive pas associé, et que les sommes qu'il avait versées à M. [T] et à la société [13] n'avaient aucune contrepartie.
Il s'estime en conséquence bien fondé à réclamer le remboursement des dites sommes, sur le fondement de l'article 1302-1 du code civil, précisant qu'il est acquis en jurisprudence que le juge des référés peut accorder une provision sur le fondement de la répétition de l'indu.
M. [T] et la SAS [13] contestent les prétentions adverses, en faisant valoir que postérieurement à la création de la société [13] et à sa mise en activité, courant mars 2020, M. [P] a montré de l'intérêt pour la société, dont il est devenu le gérant de fait, au sens des articles L. 241-9 et 245-16 du code de commerce. Ils précisent qu'il est attesté par plusieurs personnes que M. [P] gérait le magasin de [Localité 14] et se présentait volontiers comme associé, et qu'il venait se servir au magasin pour approvisionner, sans payer, son établissement de restauration rapide.
Ils contestent par ailleurs le virement de 12 000 euros qui aurait été fait par M. [P] à M. [T], au regard des contradictions existant entre les justificatifs invoqués par l'intimé. Ils précisent que la comptabilité et la gestion de la société [13] étaient tenues par M. [P], qui a pu abuser de cette position pour avancer n'importe quel élément en soutien de ses intérêts, et ajoutent que le juge des référés ne s'est pas prononcé sur la qualification juridique des versements.
Enfin, ils affirment que le juge des référés n'aurait pu accorder, s'il estimait M. [P] dans ses droits, qu'une simple provision, et non le paiement intégral des sommes considérées. Ils ajoutent que, alors que M. [T] a été condamné non pas ès qualités de président de la société [13] mais en nom propre, la décision critiquée n'est pas fondée en ce qu'elle a prononcé une condamnation in solidum à leur encontre.
M. [P] produit au soutien de son argumentation, outre son dépôt de plainte à l'encontre de M. [T], deux documents manuscrits datés des 5 mars et 28 octobre 2020 et établis partiellement en langue turque, avec leur traduction par un traducteur assermenté, que M. [T] ne conteste pas avoir signés. Il verse également aux débats des relevés de son compte ouvert auprès de l'agence [11] de [Localité 15].
La réalité des virements réalisés par M. [P] vers le compte de la société [13], pour un montant total de 30 400 euros (soit 6 400 euros le 29 juillet 2021 et 20 000 euros le 28 juillet 2022), n'est pas discutée.
Concernant le virement allégué au bénéfice de M. [T], il est exact que le document signé par les parties le 28 octobre 2020 indique : '01/03/20 - [H] a effectué un virement du compte ([Localité 10] Kebab) sur le compte de [Y] d'un montant de 12 000 euros', alors que M. [P] se prévaut d'un mouvement effectué depuis de son propre compte (et non celui de sa société de restauration rapide), enregistré le 24 mars 2020.
Pour autant, M. [T] ne soutient pas que le relevé de compte versé aux débats serait un faux, et ne produit au demeurant pas son propre relevé de compte n°[XXXXXXXXXX04] du mois de mars 2020, qui permettrait de se convaincre qu'il n'a pas été bénéficiaire du virement litigieux.
Ce virement sera donc considéré comme avéré.
S'agissant de la cause des versements, il se déduit des documents des 5 mars et 28 octobre 2020, malgré leur caractère elliptique, que MM. [P] et [T] étaient en 'relation d'affaires' ayant pour objet la société [13], à l'enseigne [16], et que des mouvements de fonds sous forme de chèques, virements et espèces étaient prévus.
Le document du 5 mars 2020 mentionne par ailleurs 'Président 51 % ' l'associé 49 %' et précise que 'chaque semaine, les associés se rencontrent'.
Or, M. [T] et la SAS [13] n'indiquent pas en quoi le fait, à le supposer avéré, que M. [P] ait été le gérant de fait de la société [13], justifierait les règlements opérés par l'intimé à leur profit, cette seule qualité n'impliquant pas, au contraire de celle d'associé, des apports en capital ou le fonctionnement d'un compte courant d'associé, pas plus que des virements au bénéfice du président de la société.
Les appelants ne proposent par ailleurs aucune autre explication qui permettrait de qualifier juridiquement la cause des virements litigieux, de sorte que c'est à juste titre que le juge des référés a considéré, dans le contexte décrit ci-dessus, que ceux-ci ne résultaient que de la certitude ' erronée ' de M. [P] d'être associé.
C'est par conséquent à juste titre que M. [P] se prévaut à l'encontre des appelants des dispositions de l'article 1302-1 du code civil, prévoyant que 'celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu'.
Par ailleurs, l'allocation d'une provision en référé a pour seule limite le caractère non sérieusement contestable de la créance invoquée, qui correspond en l'espèce à l'intégralité des sommes virées.
En revanche, le jugement dont appel devra être infirmé en ce qu'il a condamné in solidum M. [T] et la SAS [13] à payer la totalité de la somme de 42 400 euros, aucune considération de droit ou de fait ne permettant de mettre à la charge de chacun des appelants les sommes perçues par l'autre.
Il convient en conséquence de condamner :
- M. [T], à payer à M. [P] la somme de 12 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024, date de l'ordonnance dont la confirmation est sollicitée, - la SAS [13], à payer à M. [P] la somme de 30 400 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024.
M. [T] et la société [13], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de première instance et à ceux de la procédure d'appel.
Ils seront également tenus de payer à M. [P] la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ce dernier en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance du 8 avril 2024 en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Condamne M. [T] à payer à M. [P], à titre provisionnel, une somme de 12 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024,
Condamne la SAS [13] à payer à M. [P], à titre provisionnel, une somme de 30 400 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2024,
Condamne M. [T] et la SAS [13] aux dépens d'appel,
Condamne M. [T] et la SAS [13] à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,