CA Nîmes, 2e ch. A, 6 novembre 2025, n° 23/02289
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02289 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4DE
LR
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 15]
19 juin 2023
RG:19/04780
[M]
[A]
[C]
C/
[N]
[F]
Copie exécutoire délivrée
le
à : Selarl Chabannes...
SCP GMC..
Selarl Sarlin Chabaud...
Selarl Favre de Thierrens..
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15] en date du 19 Juin 2023, N°19/04780
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
Mme Leila REMILI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Novembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
M. [Z] [M]
né le 22 Mars 1971 à [Localité 18]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté par Me Christine BANULS de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Mme [D] [A] épouse [C]
née le 11 Décembre 1971 à [Localité 14]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représentée par Me Valentine CASSAN de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
M. [B] [C]
né le 12 Mai 1972 à [Localité 19]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représenté par Me Valentine CASSAN de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [T] [N]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Mme [W] [F]
née le 21 Août 1976 à [Localité 21]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 21 Août 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 06 Novembre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [T] [N] est propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 3], située sur la commune de [Localité 20] (Gard), au sein du lotissement [Adresse 16].
Par acte authentique du 28 février 2011, M. [N] a vendu à M. [Z] [M] et Mme [W] [F] la parcelle voisine [Cadastre 2] sur laquelle ces derniers ont fait édifier une maison d'habitation avec un garage. Ils ont également construit un mur de clôture en parpaings et rehaussé le terrain par des apports de terre.
Par acte authentique du 14 août 2014, les consorts [M]/[F] ont vendu à M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] la parcelle [Cadastre 2]. Ces derniers ont fait construire une piscine.
Se plaignant d'une surhydratation de leur fonds et de la présence d'eau dans le vide sanitaire provenant de la parcelle n° [Cadastre 3] de M. [N], les époux [C] ont fait assigner ce dernier devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes afin d'obtenir l'instauration d'une expertise puis ont assigné les consorts [M]/[F] aux fins notamment de leur déclarer communes et opposables les opérations d'expertise. M. [N] a sollicité lui-même une extension de la mission de l'expert afin de voir chiffrer le préjudice subi du fait de la dévalorisation de sa parcelle.
M. [Y] [G], désigné en qualité d'expert, par ordonnance du 25 octobre 2017, a déposé son rapport définitif le 16 juillet 2019.
Se plaignant d'une entrave à la servitude d'écoulement naturel des eaux, d'une dévalorisation de son fonds et de l'empiétement du mur de clôture des époux [C] sur son fonds, M. [N] a, par acte du 10 septembre 2019, assigné les époux [C] devant le tribunal de grande instance de Nîmes afin d'obtenir l'homologation du rapport d'expertise judiciaire, leur condamnation sous astreinte à démolir le mur de clôture édifié sur sa parcelle, à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en supprimant l'exhaussement artificiel de leur parcelle et en supprimant l'abri piscine qu'ils ont installé, ainsi qu'au paiement d'une somme de 64 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la dévalorisation du bien.
Par acte du 26 juin 2020, les époux [C] ont assigné M. [Z] [M] et Mme [W] [F] devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin de les voir condamner solidairement, sur le fondement des articles 1626 et 1792 du code civil, d'une part, à leur verser des sommes au titre de la démolition du mur, du rétablissement des cotes altimétriques originelles de leur parcelle et pour la démolition de l'abri piscine, d'autre part, au paiement des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire, au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire et de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.
Les deux procédures ont été jointes.
Le tribunal judiciaire de Nîmes, par jugement contradictoire du 19 juin 2023, a :
- Condamné les époux [C] à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en procédant dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement :
* A la démolition du mur de clôture édifiée sur la parcelle de M. [N],
* A supprimer l'exhaussement artificiel de la parcelle de M. et Mme [C] ainsi que l'abri piscine,
- Dit que ces condamnations, à défaut d'exécution dans leur totalité dans le délai susvisé, seront assorties d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant une période de dix mois au-delà de laquelle il sera à nouveau éventuellement statué en tant que de besoin,
- Condamné les époux [C] à payer à M. [T] [N] la somme de 64 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
- Condamné solidairement les consorts [Z] [M] et [W] [F] à relever et garantir les époux [C] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre,
- Condamné les consorts [S] vendeurs de la parcelle aux époux [C] à payer solidairement à ces derniers les sommes suivantes :
* 7.300 euros au titre de la démolition du mur de clôture avec la propriété de M. [N],
* 5.500 euros pour rétablir les cotes altimétriques originelles de la parcelle litigieuse,
* 5.200 euros pour la démolition de l'abri piscine,
* 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamné M. [Z] [M] et Mme [W] [F] au paiement solidaire des entiers dépens qui comprendront le coût du rapport d'expertise judiciaire et de la procédure de référé.
M. [Z] [M] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 5 juillet 2023 (dossier n° RG 23/02289).
M. et Mme [C] ont également interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 18 juillet 2023 (dossier n° RG 23/02449).
Par ordonnance du 12 décembre 2023, les deux procédures ont été jointes, l'instance se poursuivant sous le seul et unique numéro RG 23/02289.
Par ordonnance du 10 février 2025, la clôture de la procédure a été fixée au 21 août 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 2 septembre 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 novembre 2025.
EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 août 2025, M. [Z] [M] demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme,
Vu l'article L. 115-1 du code de l'urbanisme,
Vu les articles 1626 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Juger que le règlement du lotissement est devenu caduc,
- Juger que le cahier des charges du lotissement n'a pas de caractère contractuel,
- Déclarer inopposable le règlement du lotissement et le cahier des charges du lotissement entre les parties à l'instance,
- Juger que M. [T] [N] ne subit pas de préjudice,
Ce faisant,
- Débouter M. [T] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En toute hypothèse,
- Juger que M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] ne justifient pas d'une éviction,
- Juger que M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] ne justifient pas d'un désordre affectant la solidité de l'ouvrage ou de nature à emporter impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble,
- Juger que M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] ont participé à la création du préjudice qu'ils invoquent,
Ce faisant,
- Débouter M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner tout succombant à verser à M. [Z] [M] la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
À titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une condamnation des consorts [F] - [M],
- Juger que les époux [C] se sont rendus responsables d'un exhaussement participant aux préjudices invoqués,
- Condamner M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] in solidum avec Mme [W] [F] et M. [Z] [M], à indemniser M. [T] [N], chacun par part virile,
- Débouter M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Statuer ce que de droit sur les dépens, en rappelant que les deux ordonnances de référé ont statué dans leurs dispositifs respectifs sur le sort des dépens, les laissant à la charge des parties les ayant exposés.
M. [M] fait valoir que :
- Sur la caducité du règlement du lotissement et l'absence de caractère contractuel du règlement du lotissement et du cahier des charges du lotissement
- le règlement du lotissement est devenu caduc au regard des dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, dans la mesure où il a plus de 10 ans et le lotissement est soumis à un document d'urbanisme à portée réglementaire ; en outre, il n'existe aucune décision des colotis tendant à maintenir ces règles et, même dans cette éventualité, le second alinéa de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme prévoit une caducité automatique du règlement du lotissement au jour de l'entrée en vigueur de la loi ALUR (soit le 28 mars 2014) lorsque ledit lotissement est couvert par un PLU, ce qui est le cas en l'espèce
- il ne peut lui être reproché une transgression d'un règlement devenu caduc et en tout état de cause, cela ne caractérise pas une faute civile
- l'article L. 115-1 du code de l'urbanisme dispose que : « La seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel. »
- le cahier des charges du lotissement lui est inopposable, dans la mesure où il n'a pas été contractualisé de manière claire et non équivoque entre les colotis
- le tribunal a, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation, considéré qu'ils avaient nécessairement connaissance des dispositions du cahier des charges du lotissement au motif que l'acte de vente n'était pas produit et que le notaire rédacteur n'avait pas été mis en cause
- la seule clause insérée en page 8 de l'acte de vente, mentionnant la prise de connaissance de « tous les documents susvisés » étant insuffisante à « caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions » (Cass. Civ. 3ème, 21 mars 2019, n° 18-11.424), alors en outre que le cahier des charges aurait dû être repris intégralement dans les actes de vente successifs
- Sur l'absence de responsabilité délictuelle :
- il n'a commis aucune faute
- le postulat de l'expert est erroné en ce qu'il considère qu'avant l'exhaussement de la parcelle et la construction du mur de clôture, l'évacuation des eaux de pluie se faisait naturellement, par ruissellement, en surface jusqu'au fossé de [R] compte tenu d'une pente de 3 millimètres car cette pente était largement insuffisante pour permettre l'évacuation des eaux de pluie
- la stagnation des eaux sur le fonds [N] ne saurait être imputée à l'exhaussement du terrain réalisé par les consorts [M]/[F], sachant que cette opération a été validée et soutenue par la Mairie de [Localité 20] qui leur a fourni des bennes entières de terres et que le permis de construire comportant les aménagements a été délivré par la commune
- c'est donc la configuration naturelle intrinsèque du sol et du sous-sol de la parcelle [N] qui est à l'origine des désordres subis, sachant que c'est M. [N] qui a cédé les différentes parcelles du lotissement, de telle sorte qu'il ne pouvait ignorer la qualité des terres qu'il cédait ; les prises de vue « Google-Maps Street-view » montrant en outre qu'en 2008 le terrain est gorgé d'eau et de boue avant même la réalisation d'une quelconque construction
- enfin, avant la réalisation de leur piscine par les époux [C] et l'exhaussement qui résulte de l'excavation de ces terres, aucune des parties ne formulait le moindre grief entre elles ; c'est l'exhaussement de la parcelle réalisé par les époux [C], lorsqu'ils ont construit leur piscine, qui est à l'origine du préjudice invoqué
- il n'y a de plus aucun préjudice en lien direct avec la prétendue faute :
- l'expert judiciaire M. [G] et son sapiteur Mme [K] se sont contentés de décréter que la parcelle litigieuse serait devenue inconstructible et inondable, ce qui est faux et ne repose sur aucun élément administratif ou juridique
-à l'inverse, il résulte du rapport de sapiteur que ce terrain est situé en « UD » du POS, zone constructible ; Mme [K] expose avoir fait une demande de certificat d'urbanisme opérationnel, lequel est « tacite » ; cela signifie donc que le terrain est toujours constructible et n'a pas été déclassé ; par ce seul fait, il est impossible de retenir la dépréciation estimée par le sapiteur, étant précisé que Mme [K] a calculé la prétendue dépréciation de la valeur du terrain uniquement en estimant sa valeur pour un terrain non constructible
- en l'espèce, il est démontré par le sapiteur elle-même que le terrain est toujours constructible, de sorte qu'il n'y a aucune dépréciation
- en tout état de cause, en vertu du principe de réparation intégrale, seul le préjudice doit être réparé ; or, des travaux très simples seraient de nature à mettre un terme au prétendu préjudice (exhaussement de la parcelle [N] pour la mettre au niveau de la parcelle [C], sachant en outre que les travaux consistant en la mise en place d'un drain auraient pour conséquence de récupérer les eaux pluviales souterraines présentes sur le fonds [N], de sorte que le terrain ne serait plus inondé) ; M. [N] ne produit aucune pièce démontrant que sa parcelle serait invendable
- enfin, le tribunal accorde à ce dernier une double indemnisation : en effet, si l'on condamne à remettre dans l'état d'origine le fonds [C], on supprime de fait la cause du prétendu préjudice et l'on ne peut condamner à indemniser d'une perte de valeur de la parcelle
- Sur les condamnations prononcées au profit des époux [C] :
- elles sont infondées, d'un point de vue matériel, compte tenu de la responsabilité des époux [C] en raison de l'exhaussement réalisé par eux ; en tout état de cause, cette responsabilité devra être retenue pour partie et ceux-ci condamnés in solidum avec lui et Mme [F], par part virile
- elles sont également infondées en droit, dans la mesure où :
- les documents d'urbanisme lui sont inopposables
- l'empiétement du mur de clôture allégué par M. [N] n'est pas démontré (aucune borne n'est présente, le géomètre-expert ayant donné un simple avis)
- le tribunal est entré en voie de condamnation à tort sur le fondement de la garantie d'éviction
- Enfin concernant la demande de condamnation au titre des travaux d'inondation du vide sanitaire :
- aucune inondation n'a été constatée, s'agissant au pire d'un sol gorgé d'eau sous un vide sanitaire après des pluies
- le coût d'une pompe n'a donc pas à entrer dans le débat, surtout qu'il est manifestement surévalué, ce d'autant plus qu'il est fondé sur un barème de capitalisation relatif à la nomenclature Dintilhac (et donc à la réparation des préjudices corporels)
- ce n'est pas l'exhaussement et le mur de clôture réalisés par les consorts [F]/[M] qui sont à l'origine de cette humidité
- il ne peut être fait non plus application de la garantie des constructeurs de l'article 1792 du code civil.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er août 2025, M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] demandent à la cour de :
Vu les articles 1625, 1626 et suivants et 1792 du code civil,
- Infirmer le jugement déféré rendu le 19 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a :
* Condamné les époux [C] à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en procédant dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement :
- A la démolition du mur de clôture édifiée sur la parcelle de M. [N],
- A supprimer l'exhaussement artificiel de la parcelle de M. et Mme [C] ainsi que l'abri piscine,
* Dit que ces condamnations, à défaut d'exécution dans leur totalité dans le délai susvisé, seront assorties d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant une période de dix mois au-delà de laquelle il sera à nouveau éventuellement statué en tant que de besoin,
* Condamné les époux [C] à payer à M. [T] [N] la somme de 64.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
* Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
* Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
Statuant à nouveau,
- Débouter M. [N] de sa demande de dommages et intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
- Subsidiairement, dire n'y avoir lieu à la réalisation des travaux de surpression du mur de clôture, de l'exhaussement du terrain de M. et Mme [C] ainsi que de leur abri piscine et ramener les condamnations à de plus justes proportions,
- Débouter M. [Z] [M] et Mme [W] [F] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- Condamner solidairement M. [Z] [M] et Mme [W] [F] à verser à M. [B] [C] et Mme [D] [C] les sommes suivantes :
* 8'494,68 euros au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire,
* 10'361,30 euros au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire,
- Condamner M. [M] et Mme [F] à payer à M. [B] [C] et Mme [D] [C] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel,
- Pour le surplus, confirmer le jugement déféré.
Les époux [C] soutiennent que :
- Sur les responsabilités à l'égard de M. [N]
- seuls les aménagements opérés par M. [M] et Mme [F] sont à l'origine du préjudice invoqué et ils ne sont eux-mêmes nullement impliqués dans l'exhaussement des terres de leur fonds ou l'empiétement du mur de clôture
- aucune condamnation in solidum avec leurs anciens propriétaires ne saurait être prononcée à leur encontre dès lors que leur responsabilité est clairement écartée par le rapport d'expertise judiciaire, ces derniers n'étant pas à l'origine des travaux litigieux causant un préjudice à M. [N]
- Sur la suppression du mur de clôture, de l'exhaussement de leurs terres et de leur abri piscine
- le tribunal ne pouvait condamner à réaliser des travaux pour permettre la cessation d'un trouble tout en indemnisant une dépréciation pourtant stoppée par la réalisation desdits travaux
- le préjudice invoqué par M. [N] au titre de la dépréciation de son terrain existait bien avant les travaux mis en cause (stagnations d'eau, parcelle plus basse, nature argileuse des sols) ; de plus, aucun élément ne permet d'affirmer que la parcelle est inondable et invendable alors que le sapiteur précise que le terrain est en zone constructible
- Sur la responsabilité des vendeurs à leur égard
- l'expert judiciaire a indiqué que la présence d'eau dans leur vide sanitaire est liée à la présence du mur de clôture édifié par leurs vendeurs, sans barbacane et l'exhaussement de leur terrain effectué par ces derniers
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'article 1792 du code civil ne pouvait s'appliquer au motif qu'il ne ressort pas du rapport une atteinte à la solidité de l'ouvrage ni une impropriété à destination
- en effet, l'expert judiciaire a précisé dans son rapport : « Le jour de l'accedit les sols naturels situés sous l'habitation [C] font l'objet d'une saturation hydrique (teneur en eau importante) induisant des taches d'humidité sur la façade de l'habitation côté nord. »
- les désordres pourraient être beaucoup plus importants s'ils n'avaient pas mis en place une pompe afin d'évacuer les eaux pluviales qui se stockent dans le vide sanitaire
- force est de constater qu'il y a impropriété à la destination de l'ouvrage et de l'un de ses éléments constitutifs, en raison de la présence d'eau dans le vide sanitaire et d'humidité au niveau de l'habitation
-à ce phénomène, s'ajoute la surhydratation de leur terrain, liée à l'exhaussement réalisé par les anciens propriétaires et au titre de laquelle il a été constaté en outre la présence de nombreux moustiques qui génèrent une nuisance évidente
- des taches d'humidité ont été constatées sur la maison, rendant tant le vide sanitaire qui se gorge d'eau que la maison impropres à leur destination
- la cour doit donc réformer le jugement et condamner solidairement les consorts [M] et [F] à les indemniser au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire.
***
En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2025, M. [T] [N] demande à la cour de :
Statuant ce que de droit quant à la recevabilité des appels et les déclarant mal fondés,
Vu les articles 1240 et suivants, 1253 du Code civil,
- Débouter les époux [C], Mme [F] et M. [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 19 juin 2023 en ce qu'il :
* Condamne les époux [C] à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en procédant dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement :
A la démolition du mur de clôture édifiée sur la parcelle de M. [N],
A supprimer l'exhaussement artificiel de la parcelle de M. et Mme [C] ainsi que l'abri piscine,
* Dit que ces condamnations à défaut d'exécution dans leur totalité dans le délai susvisé, seront assorties d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant une période de dix mois au-delà de laquelle il sera à nouveau éventuellement statué en tant que de besoin,
* Condamne les époux [C] à payer à M. [T] [N] la somme de 64 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
* Condamne M. [Z] [M] et Mme [W] [F] au paiement solidaire des entiers dépens qui comprendront le coût du rapport d'expertise judiciaire et de la procédure de référé,
Y ajoutant,
- Condamner M. et Mme [C], M. [M] et Mme [F] au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
M. [N] fait valoir que :
- Sur le règlement et le cahier des charges du lotissement :
- le cahier des charges du lotissement s'appliquait à l'époque de la construction, tout comme le principe du code civil qui demeure d'actualité
- l'acte d'achat de M. [M] est communiqué au débat : il en ressort que ce dernier était parfaitement informé de l'existence du cahier des charges du lotissement ; ce cahier des charges lui est totalement opposable (l'acquéreur ayant reçu une copie du cahier des charges et reconnaissant en avoir pris connaissance)
- le fait que depuis la réalisation des travaux, les règles d'urbanisme aient varié n'emporte aucune conséquence à l'égard de l'application des règles du code civil
- le mur de clôture édifié ainsi que l'exhaussement de la parcelle [C] entravent la servitude d'écoulement des eaux pluviales
- Sur les responsabilités et le préjudice subi :
- la lecture du rapport d'expertise confirme que les travaux réalisés sur la parcelle [C] conduisent à concentrer les eaux sur sa parcelle, sans permettre leur écoulement naturel
- la parcelle initiale, avant partition pour l'opération de lotissement, à la même nature partout ; elle comprend une pente naturelle permettant l'évacuation des eaux de ruissellement dans le ruisseau du [R] situé derrière la parcelle [C] ; à l'époque du lotissement, comme l'indique l'expert judiciaire, les parcelles [C] et [N] ont la même altimétrie ; l'expert précise que l'eau de ruissellement s'écoule par le sous-sol en direction du [R] au travers de la parcelle [C]
- l'expert conclut que l'exhaussement du terrain [C] et l'édification du mur de clôture entravent définitivement cet écoulement ; si on y rajoute le passage des engins de chantier lors de la construction de la maison [C] et de son mur de clôture, qui a conduit à l'affaissement complémentaire de cette parcelle, alors on comprend l'entrave à l'écoulement naturel des eaux
- la démolition du mur pour permettre sa reconstruction en limite de propriété, tout comme l'aplanissement de la parcelle [C], ne conduira pas à rétablir sa parcelle dans son état antérieur aux travaux réalisés
- la dévalorisation de sa parcelle est définitive car, même dans l'hypothèse où les époux [C] abattraient le mur litigieux et aplaniraient leur parcelle pour rétablir son niveau initial, l'accumulation des eaux a définitivement creusé sa parcelle entraînant sa dévalorisation.
- sa parcelle est bien constructible, selon les règles d'urbanisme mais, dans les faits, conformément au rapport d'expertise, elle est inconstructible du fait de la réalisation des travaux litigieux ; elle est invendable (courriel Carlotti du 14 novembre 2014 et mandat de vente Guy Hoquet du 24 août 2016)
- les époux [C] ne sauraient être exonérés de toute condamnation au motif qu'ils ne seraient pas les auteurs des constructions litigieuses qu'ils n'ont jusqu'à présent jamais démolies, en dépit de la reconnaissance expresse à des dommages qu'elles causent, de sorte que les condamnations prononcées à leur encontre doivent être confirmées
- l'expert judiciaire a répondu point par point à l'ensemble des contestations techniques formulées, concluant que si la configuration naturelle de la parcelle [N] concoure effectivement à former un bassin de rétention, sans l'édification du mur de clôture et l'exhaussement du terrain initiés par les consorts [M]/[F], la configuration naturelle de la parcelle [N] ne participerait pas à la création d'un bassin de rétention
- l'intervention malheureuse de la Mairie et l'octroi d'un permis de construire n'équivalent pas à un blanc-seing.
***
En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2024, Mme [W] [F] demande à la cour de :
Vu l'article 1626 du Code civil,
Vu l'article 1792 du Code civil,
Vu l'appel principal de M. [M],
- Faire droit à l'appel principal de M. [M],
- Le déclarer bien fondé et y faire droit,
- Faire droit à l'appel incident de Mme [F],
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions défavorables à Mme [F] sauf en ce que le tribunal a débouté les époux [C] de leurs demandes indemnitaires fondées sur les dispositions des articles 1626 et suivants du Code civil, à l'encontre des consorts [S] en paiement des sommes de 7.389,42 euros au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et de 7.422,38 euros au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire,
En conséquence,
Sur l'appel incident,
Statuant à nouveau,
- Juger que M. et Mme [C] ne justifient pas d'une éviction de nature à entraîner la garantie due par leurs vendeurs,
- Juger que M. et Mme [C] ne justifient pas plus d'un ouvrage de nature à enclencher la garantie décennale due par le constructeur,
En tout état de cause,
- Juger que M. et Mme [C] ont concouru au dommage dont ils se prétendent victime,
En conséquence,
- Débouter M. et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de Mme [F],
- Débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter M. [Z] [M] de sa demande de condamnation in solidum formulée à titre subsidiaire à l'endroit de Mme [W] [F],
- Condamner M. et Mme [C], M. [N] à payer à Mme [F] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme [F] soutient que :
- c'est la configuration naturelle du sol de la parcelle de M. [N] qui est à l'origine des désordres subis ; l'expert lui-même a constaté dans son rapport la présence d'une rétention d'eau sur les futures parcelles [C] et [N] en décembre 2008, soit avant même la réalisation d'une construction : ainsi, le terrain était déjà enclin aux stagnations d'eau résultant de l'altimétrie naturelle de la propriété [N] et de la particulière imperméabilité des sols
- sa responsabilité ne peut être engagée ni sur le fondement de l'article 1626 du code civil, ni sur celui de l'article 1792 du même code
- concernant la garantie d'éviction :
- les époux [C] ne subissent ni remontées capillaires, ni désordre significatif sur la construction, tel que cela ressort des conclusions de leur propre expert
- si les conclusions de l'expert judiciaire retiennent que la présence d'eau dans le vide sanitaire est due à une migration des eaux depuis le terrain de M. [N], force est de constater qu'il s'agit d'une simple constatation technique
- il n'est pas établi que :
- les époux [C] n'auraient jamais été informés de l'imperméabilité des sols
- le phénomène ne fût pas déjà présent
- le mur de clôture aurait entraîné son aggravation
- le vide sanitaire ne jouerait pas son rôle,
et encore moins que le trouble lié à la prolifération de moustiques serait imputable à un fait personnel des vendeurs étant précisé que si le mur de clôture a été édifié par M. [M], l'exhaussement du terrain en revanche est seulement et uniquement imputable aux époux [C]
- concernant la garantie décennale :
- les époux [C] ne démontrent pas une atteinte à la solidité ou à l'impropriété de l'ouvrage à sa destination, tant en ce qui concerne le vide sanitaire que s'agissant de l'exhaussement ou de l'habitation dans son ensemble
- M. [M] et elle-même ont été contraints, compte tenu de la zone dans laquelle se trouvait la parcelle, de faire le vide sanitaire relativement haut et de faire des apports de terre pour remettre à niveau le terrain, sachant que l'expert judiciaire conclut que même en l'absence de mur de clôture ou de barbacanes, l'altimétrie vient de toute manière perturber l'écoulement naturel des eaux
- il est donc faux de dire qu'ils ont modifié les lieux et empêché l'écoulement naturel des eaux de pluie lequel était d'ores et déjà perturbé tenant la géographie des lieux
- concernant l'empiétement du mur de clôture sur la propriété voisine : l'expert ne retient non plus aucune impropriété à sa destination, étant précisé que le rapport d'expertise est discutable sur ce point puisqu'aucune borne n'a été retrouvée sur les lots
- quand bien même le mur litigieux aurait aggravé le phénomène de migration des eaux du fonds [N] vers celui des consorts [C], il faut encore préciser que la Mairie de [Localité 20] a donné son accord pour la construction qui a été menée dans les règles de l'art puisqu'un permis de construire a été déposé par M. [M] auprès des services d'urbanisme ; en outre, il est constant, bien que l'expert ait refusé d'accueillir le dire formulé en ce sens par le conseil de M. [M] au cours des opérations d'expertise judiciaire, que l'exhaussement du terrain a encore été aggravé par la propre intervention des consorts [C] qui souhaitaient pouvoir faire construire leur piscine sans le moindre vis-à-vis
- s'agissant du préjudice invoqué par M. [N] :
- le mur litigieux a été construit sans que jamais celui-ci ne cherche à se prévaloir d'un quelconque préjudice jusqu'au jour où il a saisi l'opportunité de se greffer sur l'action des consorts [C] en 2019 pour solliciter une extension de mission visant ses prétendus préjudices
- M. [N] était parfaitement informé des contraintes liées au sol du lotissement qu'il s'est lui-même chargé de vendre aux acquéreurs successifs
- il était régulièrement présent sur le chantier et ne s'est jamais opposé à quoi que ce soit
- aucun élément du dossier ne permet de conclure que le terrain de M. [N] aurait eu une valeur financière supérieure avant la construction du mur et en tout état de cause, qu'il serait inconstructible en l'absence de toute décision de la commune
- M. [N] bénéficie d'une double indemnisation et il n'établit pas un préjudice lié à l'empiétement
- enfin, bien que propriétaire à la vente en 2014, elle avait quitté le domicile conjugal en 2012, de sorte qu'elle n'a jamais connu les murs de clôture tels qu'ils existent aujourd'hui.
***
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le règlement et le cahier des charges du lotissement
Aux termes de l'article 442-9 du code de l'urbanisme :
« Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
De même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l'article L. 115-6. »
Il ressort de l'acte de vente du 28 février 2011 que « l'ensemble des pièces constitutives du lotissement a été déposé au rang des minutes de Maître [O] [X], notaire soussigné le 22 avril 2009, publié au 2ème bureau des hypothèques de [Localité 15] (Gard) le 19 juin 2009 volume 2009P n° 4216 ». Il est constant que les consorts [M]/[F] ont entrepris les opérations de construction sur le terrain à compter de leur achat et les règles d'urbanisme s'appliquaient alors en 2011, de sorte qu'il ne peut être invoqué la caducité décennale du règlement du lotissement.
L'article L. 115-1 du code de l'urbanisme dispose que : « La seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel. »
L'acte authentique de vente du 28 février 2011 entre M. [N] et les consorts [S] dispose en page 8 :
« Le BIEN forme le lot numéro CINQ (5) du lotissement dénommé « [Localité 13] », autorisé par un arrêté accordant un permis d'aménager au mon de la commune de [Localité 20] en date du 5 juin 2008 numéro PA 03032808R0001.
L'ensemble des pièces constitutives du lotissement, dont l'arrêté sus-visé a été déposé au rang des minutes de Maître [O] [X], notaire soussigné le 22 avril 2009, publiée au 2ème bureau des hypothèques de [Localité 15] ([Localité 12]) le 19 juin 2009 volume 2009P n° 4216.
Une copie du cahier des charges fixant les règles à caractère contractuel applicables dans le lotissement ainsi qu'une copie des statuts de l'association syndicale existant entre les propriétaires des terrains dépendant du lotissement ont été remises à l'ACQUEREUR dès avant ce jour.
L'ACQUEREUR reconnaît avoir pris connaissance de tous les documents sus visés et sera tenu d'en exécuter toutes les stipulations charges et conditions en tant qu'elles s'appliquent au BIEN vendu.
Il est précisé ici que tout propriétaire de l'un des lots du lotissement est membre de plein droit de l'association. »
Cependant, la seule mention d'une prise de connaissance est insuffisante à caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement.
En outre, le cahier des charges prévoit en son article 1.02 concernant son opposabilité qu'il « doit être rappelé, par reproduction intégrale, dans tout acte translatif ou locatif des parcelles », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Les dispositions du cahier des charges visées par l'expert judiciaire dans son rapport ne sont donc pas opposables aux consorts [M]/[F], étant relevé que les prescriptions relatives aux « clôtures des limites séparatives » qui ne devraient « pas être bâties mais seulement constituées d'un simple grillage (sans muret bois), plastifié vert foncé, doublé d'une haie végétale » qui ne figurent d'ailleurs pas dans le cahier des charges mais ressortent d'un avis de l'architecte des bâtiments de France du 11 mars 2008 adressé au lotisseur, ne sont pas plus opposables aux intéressés.
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a considéré que M. [M] et Mme [F] avaient nécessairement connaissance des dispositions du cahier des charges du lotissement et que ce dernier comme les préconisations de l'architecte des bâtiments de France leur étaient opposables.
Sur les demandes de M. [N] aux fins de démolition du mur de clôture des époux [C] et de rétablissement de l'écoulement naturel des eaux pluviales
Aux termes de l'article 640 du code civil :
« Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.
Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.
Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »
Le principe de la servitude d'écoulement des eaux pluviales résulte du constat que l'eau est une chose mouvante, qui ruisselle en suivant la pente naturelle des terres sur lesquelles elle tombe, créant ainsi naturellement un fonds dominant qui évacue l'eau et un fonds servant qui la reçoit.
L'obligation de subir l'écoulement naturel de l'eau pèse sur un fonds inférieur, c'est-à-dire situé en contrebas d'une pente descendante, par rapport à un fonds géographiquement supérieur à lui. Ainsi, deux terrains sans différence de niveau ne peuvent être à l'origine d'une servitude de ruissellement au sens de l'article 640 du code civil.
Enfin, pour bénéficier de la servitude légale de l'article 640 précité, le demandeur doit prouver que, selon la pente naturelle du terrain, les eaux ruissellent de sa propriété sur celle du propriétaire du fonds servant.
En l'espèce, l'expert judiciaire décrit la parcelle n° [Cadastre 3] de M. [N] comme formant « une dépression (un creux) en son centre ». Il précise que sa « configuration naturelle résultant notamment d'une altimétrie plus basse que la voie d'accès du lotissement et des chemins la bordant concoure à former un bassin de rétention et à stocker les eaux pluviales, sans possibilités données à ces dernières d'être évacuées par un exécutoire ». S'il ajoute ensuite « sauf à s'infiltrer naturellement dans le sol en direction du fonds [C] », il indique, dans le même temps (précisant qu'il « s'agit d'un terrain de plaine en friches, la nature des sols de surface est limono-argileuse puis marneuse »), que « la nature intrinsèque du sol et du sous-sol ne favorise pas l'infiltration naturelle des eaux de pluie ».
M. [Y] [G] se contredit encore dans son rapport puisqu'il peut indiquer, en page 14, que « la configuration naturelle de la parcelle [N] concoure à former un bassin de rétention », sans mettre en cause l'édification du mur de clôture et l'exhaussement du terrain puis affirmer le contraire, en page 34, sans s'expliquer clairement sur ce point.
L'expert indique aussi qu'il a pu se procurer des clichés photographiques suffisamment précis émanant de la base de données Google-Maps Street-View datant de décembre 2008 alors que les travaux de viabilisation du lotissement étaient en cours. Il constate expressément qu'à cette époque déjà les sols étaient gorgés d'eau sur l'ensemble de la parcelle du lotissement et qu'une rétention d'eau était déjà présente sur la parcelle de M. [N].
Il relève encore : « la future parcelle [N] est déjà en 2008 altimétriquement plus basse que :
- la voie d'accès du lotissement [Adresse 17]
- la route communale ([Adresse 10])
- le chemin d'accès privé bordant cette parcelle.
A cette époque, la future parcelle [N] comporte la même altimétrie que celle de la future parcelle [C], alors que cela n'est plus le cas aujourd'hui du fait de l'exhaussement de cette dernière par les consorts [S] ».
Il ressort donc de ces éléments que la parcelle [C] n'a jamais été plus basse que la parcelle [N].
Par ailleurs, l'expert judiciaire indique : « Cet ancien terrain de plaine en friches de 5473 m² disposait d'une pente de trois millimètres par mètre qui orientait les eaux de ruissellement de surface du Nord de la parcelle en direction du Sud dans le fossé de [R] (Cf la pièce n° 4 de Maître [E] ' annexe concernant la note de présentation du lotissement). Un certain volume d'eaux-pluviales de surface s'évacuait en nappe en direction de ce fossé. Au regard de la nature peu perméable des sols évoquée ci-avant, l'excédent des eaux de ruissellement de surface était évacué en surface sur un terrain de faible pente (3 millimètres par mètre) dans ce même fossé de [R] »
Il ajoute que « cette topographie initiale des lieux et ce mode d'évacuation des eaux de ruissellement de surface a conduit l'architecte des bâtiments de France à imposer dans son cahier des charges (cf document transmis par Terres du Soleil intitulé « accord sur la réalisation du lotissement et les préconisations de l'architecte des bâtiments de France en date du 11 mars 2008) » : notamment des clôtures constituées de simple grillage et des terrassements destinés à éliminer un effet de butte artificielle.
Or ces éléments concernent la topographie de l'ensemble des parcelles du lotissement avant que celles-ci ne soient construites et non pas celle des deux parcelles [N] et [C]. Rien ne permet de contredire, comme l'affirme M. [M], qu'il « s'agissait d'une estimation de « pente générale », reprenant simplement le point le plus haut et le point le plus bas et faisant une moyenne, alors que par endroits existaient des contre-pentes, ainsi que des zones de stagnation d'eau ».
La note de présentation du lotissement (pièce n° 4 des époux [C] visée par l'expert judiciaire) précise en réalité : « Il s'agit d'un terrain de plaine en friches, la nature des sols de surface est limono-argileuse, puis marneuse (marnes jaunâtres ou grisâtres caractéristiques du site proche de la Tuilerie). La pente générale du terrain de direction Nord Sud est de trois millimètres par mètre. Les ruissellements de surface du site s'opèrent en nappe ; ils sont captés au Nord par un fossé qui ramène les eaux de ruissellement dans un fossé Est puis dans le fossé de [R] au Sud ».
Il n'en résulte pas que les eaux de ruissellements avaient vocation à traverser l'intégralité de la parcelle d'origine pour aller se jeter dans le fossé de [R] au Sud.
Il est d'ailleurs significatif de constater que sur la photographie qu'il reproduit en page 21 avec la légende « l'excédent des eaux de ruissellement de surface était évacué en surface sur un terrain de de faible pente (3 millimètres par mètre) dans le fossé de [R] », l'expert a ajouté une flèche bleue qui ne pointe pas en direction de la parcelle [C] mais en direction de la voie d'accès du Lotissement, à l'Est.
Il ne ressort donc pas des éléments au débat que la parcelle n° [Cadastre 2] est grevée d'une servitude au bénéfice de la parcelle n° [Cadastre 3], qui forme un bassin de rétention et est naturellement inondable. Aucun élément technique ressortant du rapport d'expertise, y compris issu des investigations du sapiteur géomètre, ne démontre avec certitude que les deux aménagements litigieux (mur de clôture et exhaussement de la parcelle) ont modifié l'écoulement naturel des eaux pluviales et aggravé la situation du fonds de M. [N]. En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à ce titre aux propriétaires successifs de la parcelle n° [Cadastre 2].
Enfin, il résulte des conclusions de l'expert judiciaire qu'aucune limite séparative entre les deux parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 2] n'est clairement définie. Aucune borne n'a été trouvée sur les lots. Le sapiteur géomètre se livre à des suppositions et l'indication selon laquelle « l'implantation du mur de clôture du lot 5 est située dans le périmètre du lot 6 » ne repose sur aucune certitude, Mme [V] faisant référence à un « rang d'agglos » réalisé lors de travaux de viabilisation et dont on ne sait pas où il aurait dû être implanté. M. [I] [U], géomètre expert de la SARL Chivas, indiquant simplement dans le courriel du 29 mars 2017 qu'il « semblerait » que le mur de clôture soit sur la parcelle AI [Cadastre 3] ».
Aucun empiétement n'est donc caractérisé.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [C] à démolir le mur de clôture édifié et à supprimer l'exhaussement artificiel de leur parcelle ainsi que l'abri piscine.
Sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de 64 000 euros, en raison de la dépréciation de la parcelle de M. [N]
M. [N] ne démontre pas que la responsabilité des époux [C] est engagée, que ce soit au titre du non-respect de la servitude légale d'écoulement des eaux pluviales, d'un empiétement du mur de clôture ou d'un trouble anormal de voisinage. Son préjudice n'est pas plus établi.
Le caractère inondable de la parcelle existait avant les travaux en cause (parcelle en forme de cuvette, stagnations d'eau, nature argileuse des sols). M. [N] connaissait parfaitement la qualité de sa parcelle et celle de la parcelle voisine qu'il a vendue, toutes deux gorgées d'eau en 2008. Il n'est pas utilement contredit que les consorts [M]/[F] ont été contraints, compte tenu de la zone dans laquelle se trouvait la parcelle, de construire un vide sanitaire relativement haut (40 cm) et de faire des apports de terre pour remettre à niveau le terrain, M. [N] étant régulièrement présent sur le chantier sans qu'il ne s'oppose jamais aux travaux entrepris, y compris s'agissant du mur de clôture édifié par ses voisins. Il est enfin patent, au regard des éléments produits par lui (un courriel du 14 novembre 2014 dont on ne peut déterminer s'il concerne la parcelle en cause et un mandat de vente d'août 2016) que M. [N] n'a mis en vente sa parcelle n° [Cadastre 3] qu'à partir du moment où les époux [C] se sont plaints d'une surhydratation de leur propre fonds.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [C], relevés et garantis par les consorts [M]/[J], à payer la somme de 64 000 euros, étant précisé qu'en tout état de cause, comme le soutiennent ceux-ci, le tribunal a injustement procédé à une double indemnisation.
Sur la responsabilité des consorts [M]/[F] recherchée par les époux [C] au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire
Les époux [C] ne se fondent plus sur l'article 1626 du code civil et ne développent aucune argumentation en appel pour critiquer la motivation des premiers juges qui ont écarté le moyen fondé sur la garantie d'éviction.
Concernant la responsabilité des anciens propriétaires recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, il ne ressort pas du rapport d'expertise la démonstration que la présence des eaux pluviales dans le vide sanitaire et la surhydratation du fonds des époux [C] sont imputables aux travaux réalisés par les consorts [M]/[F], qu'il s'agisse de ceux afférents à l'habitation elle-même ou des aménagements litigieux (mur de clôture et réhaussement de la parcelle).
En outre, l'expert ne constate pas une « inondation » du vide sanitaire mais seulement, le jour de l'accedit du 6 décembre 2017, que « les sols naturels sous l'habitation [C] font l'objet d'une saturation hydrique (teneur en eau importante) induisant des taches d'humidité sur la façade de l'habitation côté Nord » soit du côté de la parcelle [N]. L'usage normal de l'ouvrage doit, de plus, être apprécié au regard de la nature particulière des sols, argileux et peu perméables.
Par ailleurs, le tribunal a justement relevé qu'il ne ressort pas des constatations expertales que la solidité du vide sanitaire est affectée. L'expert ne fait aucun reproche concernant la construction de celui-ci, à 40 cm de hauteur. La seule présence d'eau dans un vide sanitaire et l'existence d'une pompe de type « vide cave » ne permettant pas d'en déduire une quelconque impropriété à destination affectant l'ouvrage, pas plus que la prolifération de moustiques ou des taches d'humidité présentes sur la façade côté Nord.
Il n'est fait état d'aucune infiltration d'eau compromettant l'habitabilité de la maison, ni même de quelconques remontées capillaires dans celle-ci.
Enfin, si les époux [C] sollicitent une condamnation sur le fondement de la garantie des vices cachés, ils ne développent aucune argumentation à ce titre.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [C] de leurs demandes indemnitaires à l'encontre des consorts [M]/[F] au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau de ce vide sanitaire.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral des époux [C] à l'encontre des consorts [M]/[F]
Les demandes de M. [N] étant rejetées, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [M]/[F] à payer 3000 euros de dommages et intérêts aux époux [C] du fait des tracasseries liées à l'action en justice initiée par le premier.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance, comprenant le coût du rapport d'expertise judiciaire et de la procédure de référé, comme les dépens de l'appel, sont mis à la charge de M. [N].
Il n'est pas inéquitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties étant déboutées de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 19 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a débouté les époux [C] de leur demande de paiement de sommes au titre des travaux pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute M. [T] [N] de l'ensemble de ses demandes,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne M. [T] [N] aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire et de la procédure de référé ainsi qu'aux dépens d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02289 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I4DE
LR
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 15]
19 juin 2023
RG:19/04780
[M]
[A]
[C]
C/
[N]
[F]
Copie exécutoire délivrée
le
à : Selarl Chabannes...
SCP GMC..
Selarl Sarlin Chabaud...
Selarl Favre de Thierrens..
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15] en date du 19 Juin 2023, N°19/04780
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,
Madame Virginie HUET, Conseillère,
Mme Leila REMILI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Novembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTS :
M. [Z] [M]
né le 22 Mars 1971 à [Localité 18]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté par Me Christine BANULS de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Mme [D] [A] épouse [C]
née le 11 Décembre 1971 à [Localité 14]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représentée par Me Valentine CASSAN de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
M. [B] [C]
né le 12 Mai 1972 à [Localité 19]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représenté par Me Valentine CASSAN de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
M. [T] [N]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Mme [W] [F]
née le 21 Août 1976 à [Localité 21]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 21 Août 2025
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 06 Novembre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [T] [N] est propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 3], située sur la commune de [Localité 20] (Gard), au sein du lotissement [Adresse 16].
Par acte authentique du 28 février 2011, M. [N] a vendu à M. [Z] [M] et Mme [W] [F] la parcelle voisine [Cadastre 2] sur laquelle ces derniers ont fait édifier une maison d'habitation avec un garage. Ils ont également construit un mur de clôture en parpaings et rehaussé le terrain par des apports de terre.
Par acte authentique du 14 août 2014, les consorts [M]/[F] ont vendu à M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] la parcelle [Cadastre 2]. Ces derniers ont fait construire une piscine.
Se plaignant d'une surhydratation de leur fonds et de la présence d'eau dans le vide sanitaire provenant de la parcelle n° [Cadastre 3] de M. [N], les époux [C] ont fait assigner ce dernier devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes afin d'obtenir l'instauration d'une expertise puis ont assigné les consorts [M]/[F] aux fins notamment de leur déclarer communes et opposables les opérations d'expertise. M. [N] a sollicité lui-même une extension de la mission de l'expert afin de voir chiffrer le préjudice subi du fait de la dévalorisation de sa parcelle.
M. [Y] [G], désigné en qualité d'expert, par ordonnance du 25 octobre 2017, a déposé son rapport définitif le 16 juillet 2019.
Se plaignant d'une entrave à la servitude d'écoulement naturel des eaux, d'une dévalorisation de son fonds et de l'empiétement du mur de clôture des époux [C] sur son fonds, M. [N] a, par acte du 10 septembre 2019, assigné les époux [C] devant le tribunal de grande instance de Nîmes afin d'obtenir l'homologation du rapport d'expertise judiciaire, leur condamnation sous astreinte à démolir le mur de clôture édifié sur sa parcelle, à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en supprimant l'exhaussement artificiel de leur parcelle et en supprimant l'abri piscine qu'ils ont installé, ainsi qu'au paiement d'une somme de 64 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la dévalorisation du bien.
Par acte du 26 juin 2020, les époux [C] ont assigné M. [Z] [M] et Mme [W] [F] devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin de les voir condamner solidairement, sur le fondement des articles 1626 et 1792 du code civil, d'une part, à leur verser des sommes au titre de la démolition du mur, du rétablissement des cotes altimétriques originelles de leur parcelle et pour la démolition de l'abri piscine, d'autre part, au paiement des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire, au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire et de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.
Les deux procédures ont été jointes.
Le tribunal judiciaire de Nîmes, par jugement contradictoire du 19 juin 2023, a :
- Condamné les époux [C] à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en procédant dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement :
* A la démolition du mur de clôture édifiée sur la parcelle de M. [N],
* A supprimer l'exhaussement artificiel de la parcelle de M. et Mme [C] ainsi que l'abri piscine,
- Dit que ces condamnations, à défaut d'exécution dans leur totalité dans le délai susvisé, seront assorties d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant une période de dix mois au-delà de laquelle il sera à nouveau éventuellement statué en tant que de besoin,
- Condamné les époux [C] à payer à M. [T] [N] la somme de 64 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
- Condamné solidairement les consorts [Z] [M] et [W] [F] à relever et garantir les époux [C] de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre,
- Condamné les consorts [S] vendeurs de la parcelle aux époux [C] à payer solidairement à ces derniers les sommes suivantes :
* 7.300 euros au titre de la démolition du mur de clôture avec la propriété de M. [N],
* 5.500 euros pour rétablir les cotes altimétriques originelles de la parcelle litigieuse,
* 5.200 euros pour la démolition de l'abri piscine,
* 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamné M. [Z] [M] et Mme [W] [F] au paiement solidaire des entiers dépens qui comprendront le coût du rapport d'expertise judiciaire et de la procédure de référé.
M. [Z] [M] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 5 juillet 2023 (dossier n° RG 23/02289).
M. et Mme [C] ont également interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 18 juillet 2023 (dossier n° RG 23/02449).
Par ordonnance du 12 décembre 2023, les deux procédures ont été jointes, l'instance se poursuivant sous le seul et unique numéro RG 23/02289.
Par ordonnance du 10 février 2025, la clôture de la procédure a été fixée au 21 août 2025, l'affaire a été appelée à l'audience du 2 septembre 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 novembre 2025.
EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 août 2025, M. [Z] [M] demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme,
Vu l'article L. 115-1 du code de l'urbanisme,
Vu les articles 1626 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Juger que le règlement du lotissement est devenu caduc,
- Juger que le cahier des charges du lotissement n'a pas de caractère contractuel,
- Déclarer inopposable le règlement du lotissement et le cahier des charges du lotissement entre les parties à l'instance,
- Juger que M. [T] [N] ne subit pas de préjudice,
Ce faisant,
- Débouter M. [T] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En toute hypothèse,
- Juger que M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] ne justifient pas d'une éviction,
- Juger que M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] ne justifient pas d'un désordre affectant la solidité de l'ouvrage ou de nature à emporter impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble,
- Juger que M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] ont participé à la création du préjudice qu'ils invoquent,
Ce faisant,
- Débouter M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner tout succombant à verser à M. [Z] [M] la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
À titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une condamnation des consorts [F] - [M],
- Juger que les époux [C] se sont rendus responsables d'un exhaussement participant aux préjudices invoqués,
- Condamner M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] in solidum avec Mme [W] [F] et M. [Z] [M], à indemniser M. [T] [N], chacun par part virile,
- Débouter M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Statuer ce que de droit sur les dépens, en rappelant que les deux ordonnances de référé ont statué dans leurs dispositifs respectifs sur le sort des dépens, les laissant à la charge des parties les ayant exposés.
M. [M] fait valoir que :
- Sur la caducité du règlement du lotissement et l'absence de caractère contractuel du règlement du lotissement et du cahier des charges du lotissement
- le règlement du lotissement est devenu caduc au regard des dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, dans la mesure où il a plus de 10 ans et le lotissement est soumis à un document d'urbanisme à portée réglementaire ; en outre, il n'existe aucune décision des colotis tendant à maintenir ces règles et, même dans cette éventualité, le second alinéa de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme prévoit une caducité automatique du règlement du lotissement au jour de l'entrée en vigueur de la loi ALUR (soit le 28 mars 2014) lorsque ledit lotissement est couvert par un PLU, ce qui est le cas en l'espèce
- il ne peut lui être reproché une transgression d'un règlement devenu caduc et en tout état de cause, cela ne caractérise pas une faute civile
- l'article L. 115-1 du code de l'urbanisme dispose que : « La seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel. »
- le cahier des charges du lotissement lui est inopposable, dans la mesure où il n'a pas été contractualisé de manière claire et non équivoque entre les colotis
- le tribunal a, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation, considéré qu'ils avaient nécessairement connaissance des dispositions du cahier des charges du lotissement au motif que l'acte de vente n'était pas produit et que le notaire rédacteur n'avait pas été mis en cause
- la seule clause insérée en page 8 de l'acte de vente, mentionnant la prise de connaissance de « tous les documents susvisés » étant insuffisante à « caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions » (Cass. Civ. 3ème, 21 mars 2019, n° 18-11.424), alors en outre que le cahier des charges aurait dû être repris intégralement dans les actes de vente successifs
- Sur l'absence de responsabilité délictuelle :
- il n'a commis aucune faute
- le postulat de l'expert est erroné en ce qu'il considère qu'avant l'exhaussement de la parcelle et la construction du mur de clôture, l'évacuation des eaux de pluie se faisait naturellement, par ruissellement, en surface jusqu'au fossé de [R] compte tenu d'une pente de 3 millimètres car cette pente était largement insuffisante pour permettre l'évacuation des eaux de pluie
- la stagnation des eaux sur le fonds [N] ne saurait être imputée à l'exhaussement du terrain réalisé par les consorts [M]/[F], sachant que cette opération a été validée et soutenue par la Mairie de [Localité 20] qui leur a fourni des bennes entières de terres et que le permis de construire comportant les aménagements a été délivré par la commune
- c'est donc la configuration naturelle intrinsèque du sol et du sous-sol de la parcelle [N] qui est à l'origine des désordres subis, sachant que c'est M. [N] qui a cédé les différentes parcelles du lotissement, de telle sorte qu'il ne pouvait ignorer la qualité des terres qu'il cédait ; les prises de vue « Google-Maps Street-view » montrant en outre qu'en 2008 le terrain est gorgé d'eau et de boue avant même la réalisation d'une quelconque construction
- enfin, avant la réalisation de leur piscine par les époux [C] et l'exhaussement qui résulte de l'excavation de ces terres, aucune des parties ne formulait le moindre grief entre elles ; c'est l'exhaussement de la parcelle réalisé par les époux [C], lorsqu'ils ont construit leur piscine, qui est à l'origine du préjudice invoqué
- il n'y a de plus aucun préjudice en lien direct avec la prétendue faute :
- l'expert judiciaire M. [G] et son sapiteur Mme [K] se sont contentés de décréter que la parcelle litigieuse serait devenue inconstructible et inondable, ce qui est faux et ne repose sur aucun élément administratif ou juridique
-à l'inverse, il résulte du rapport de sapiteur que ce terrain est situé en « UD » du POS, zone constructible ; Mme [K] expose avoir fait une demande de certificat d'urbanisme opérationnel, lequel est « tacite » ; cela signifie donc que le terrain est toujours constructible et n'a pas été déclassé ; par ce seul fait, il est impossible de retenir la dépréciation estimée par le sapiteur, étant précisé que Mme [K] a calculé la prétendue dépréciation de la valeur du terrain uniquement en estimant sa valeur pour un terrain non constructible
- en l'espèce, il est démontré par le sapiteur elle-même que le terrain est toujours constructible, de sorte qu'il n'y a aucune dépréciation
- en tout état de cause, en vertu du principe de réparation intégrale, seul le préjudice doit être réparé ; or, des travaux très simples seraient de nature à mettre un terme au prétendu préjudice (exhaussement de la parcelle [N] pour la mettre au niveau de la parcelle [C], sachant en outre que les travaux consistant en la mise en place d'un drain auraient pour conséquence de récupérer les eaux pluviales souterraines présentes sur le fonds [N], de sorte que le terrain ne serait plus inondé) ; M. [N] ne produit aucune pièce démontrant que sa parcelle serait invendable
- enfin, le tribunal accorde à ce dernier une double indemnisation : en effet, si l'on condamne à remettre dans l'état d'origine le fonds [C], on supprime de fait la cause du prétendu préjudice et l'on ne peut condamner à indemniser d'une perte de valeur de la parcelle
- Sur les condamnations prononcées au profit des époux [C] :
- elles sont infondées, d'un point de vue matériel, compte tenu de la responsabilité des époux [C] en raison de l'exhaussement réalisé par eux ; en tout état de cause, cette responsabilité devra être retenue pour partie et ceux-ci condamnés in solidum avec lui et Mme [F], par part virile
- elles sont également infondées en droit, dans la mesure où :
- les documents d'urbanisme lui sont inopposables
- l'empiétement du mur de clôture allégué par M. [N] n'est pas démontré (aucune borne n'est présente, le géomètre-expert ayant donné un simple avis)
- le tribunal est entré en voie de condamnation à tort sur le fondement de la garantie d'éviction
- Enfin concernant la demande de condamnation au titre des travaux d'inondation du vide sanitaire :
- aucune inondation n'a été constatée, s'agissant au pire d'un sol gorgé d'eau sous un vide sanitaire après des pluies
- le coût d'une pompe n'a donc pas à entrer dans le débat, surtout qu'il est manifestement surévalué, ce d'autant plus qu'il est fondé sur un barème de capitalisation relatif à la nomenclature Dintilhac (et donc à la réparation des préjudices corporels)
- ce n'est pas l'exhaussement et le mur de clôture réalisés par les consorts [F]/[M] qui sont à l'origine de cette humidité
- il ne peut être fait non plus application de la garantie des constructeurs de l'article 1792 du code civil.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er août 2025, M. [B] [C] et Mme [D] [A] épouse [C] demandent à la cour de :
Vu les articles 1625, 1626 et suivants et 1792 du code civil,
- Infirmer le jugement déféré rendu le 19 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a :
* Condamné les époux [C] à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en procédant dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement :
- A la démolition du mur de clôture édifiée sur la parcelle de M. [N],
- A supprimer l'exhaussement artificiel de la parcelle de M. et Mme [C] ainsi que l'abri piscine,
* Dit que ces condamnations, à défaut d'exécution dans leur totalité dans le délai susvisé, seront assorties d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant une période de dix mois au-delà de laquelle il sera à nouveau éventuellement statué en tant que de besoin,
* Condamné les époux [C] à payer à M. [T] [N] la somme de 64.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
* Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
* Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
Statuant à nouveau,
- Débouter M. [N] de sa demande de dommages et intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
- Subsidiairement, dire n'y avoir lieu à la réalisation des travaux de surpression du mur de clôture, de l'exhaussement du terrain de M. et Mme [C] ainsi que de leur abri piscine et ramener les condamnations à de plus justes proportions,
- Débouter M. [Z] [M] et Mme [W] [F] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- Condamner solidairement M. [Z] [M] et Mme [W] [F] à verser à M. [B] [C] et Mme [D] [C] les sommes suivantes :
* 8'494,68 euros au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire,
* 10'361,30 euros au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire,
- Condamner M. [M] et Mme [F] à payer à M. [B] [C] et Mme [D] [C] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel,
- Pour le surplus, confirmer le jugement déféré.
Les époux [C] soutiennent que :
- Sur les responsabilités à l'égard de M. [N]
- seuls les aménagements opérés par M. [M] et Mme [F] sont à l'origine du préjudice invoqué et ils ne sont eux-mêmes nullement impliqués dans l'exhaussement des terres de leur fonds ou l'empiétement du mur de clôture
- aucune condamnation in solidum avec leurs anciens propriétaires ne saurait être prononcée à leur encontre dès lors que leur responsabilité est clairement écartée par le rapport d'expertise judiciaire, ces derniers n'étant pas à l'origine des travaux litigieux causant un préjudice à M. [N]
- Sur la suppression du mur de clôture, de l'exhaussement de leurs terres et de leur abri piscine
- le tribunal ne pouvait condamner à réaliser des travaux pour permettre la cessation d'un trouble tout en indemnisant une dépréciation pourtant stoppée par la réalisation desdits travaux
- le préjudice invoqué par M. [N] au titre de la dépréciation de son terrain existait bien avant les travaux mis en cause (stagnations d'eau, parcelle plus basse, nature argileuse des sols) ; de plus, aucun élément ne permet d'affirmer que la parcelle est inondable et invendable alors que le sapiteur précise que le terrain est en zone constructible
- Sur la responsabilité des vendeurs à leur égard
- l'expert judiciaire a indiqué que la présence d'eau dans leur vide sanitaire est liée à la présence du mur de clôture édifié par leurs vendeurs, sans barbacane et l'exhaussement de leur terrain effectué par ces derniers
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'article 1792 du code civil ne pouvait s'appliquer au motif qu'il ne ressort pas du rapport une atteinte à la solidité de l'ouvrage ni une impropriété à destination
- en effet, l'expert judiciaire a précisé dans son rapport : « Le jour de l'accedit les sols naturels situés sous l'habitation [C] font l'objet d'une saturation hydrique (teneur en eau importante) induisant des taches d'humidité sur la façade de l'habitation côté nord. »
- les désordres pourraient être beaucoup plus importants s'ils n'avaient pas mis en place une pompe afin d'évacuer les eaux pluviales qui se stockent dans le vide sanitaire
- force est de constater qu'il y a impropriété à la destination de l'ouvrage et de l'un de ses éléments constitutifs, en raison de la présence d'eau dans le vide sanitaire et d'humidité au niveau de l'habitation
-à ce phénomène, s'ajoute la surhydratation de leur terrain, liée à l'exhaussement réalisé par les anciens propriétaires et au titre de laquelle il a été constaté en outre la présence de nombreux moustiques qui génèrent une nuisance évidente
- des taches d'humidité ont été constatées sur la maison, rendant tant le vide sanitaire qui se gorge d'eau que la maison impropres à leur destination
- la cour doit donc réformer le jugement et condamner solidairement les consorts [M] et [F] à les indemniser au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire.
***
En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2025, M. [T] [N] demande à la cour de :
Statuant ce que de droit quant à la recevabilité des appels et les déclarant mal fondés,
Vu les articles 1240 et suivants, 1253 du Code civil,
- Débouter les époux [C], Mme [F] et M. [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes du 19 juin 2023 en ce qu'il :
* Condamne les époux [C] à rétablir l'écoulement naturel des eaux pluviales en procédant dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement :
A la démolition du mur de clôture édifiée sur la parcelle de M. [N],
A supprimer l'exhaussement artificiel de la parcelle de M. et Mme [C] ainsi que l'abri piscine,
* Dit que ces condamnations à défaut d'exécution dans leur totalité dans le délai susvisé, seront assorties d'une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant une période de dix mois au-delà de laquelle il sera à nouveau éventuellement statué en tant que de besoin,
* Condamne les époux [C] à payer à M. [T] [N] la somme de 64 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la dépréciation de sa parcelle,
* Condamne M. [Z] [M] et Mme [W] [F] au paiement solidaire des entiers dépens qui comprendront le coût du rapport d'expertise judiciaire et de la procédure de référé,
Y ajoutant,
- Condamner M. et Mme [C], M. [M] et Mme [F] au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
M. [N] fait valoir que :
- Sur le règlement et le cahier des charges du lotissement :
- le cahier des charges du lotissement s'appliquait à l'époque de la construction, tout comme le principe du code civil qui demeure d'actualité
- l'acte d'achat de M. [M] est communiqué au débat : il en ressort que ce dernier était parfaitement informé de l'existence du cahier des charges du lotissement ; ce cahier des charges lui est totalement opposable (l'acquéreur ayant reçu une copie du cahier des charges et reconnaissant en avoir pris connaissance)
- le fait que depuis la réalisation des travaux, les règles d'urbanisme aient varié n'emporte aucune conséquence à l'égard de l'application des règles du code civil
- le mur de clôture édifié ainsi que l'exhaussement de la parcelle [C] entravent la servitude d'écoulement des eaux pluviales
- Sur les responsabilités et le préjudice subi :
- la lecture du rapport d'expertise confirme que les travaux réalisés sur la parcelle [C] conduisent à concentrer les eaux sur sa parcelle, sans permettre leur écoulement naturel
- la parcelle initiale, avant partition pour l'opération de lotissement, à la même nature partout ; elle comprend une pente naturelle permettant l'évacuation des eaux de ruissellement dans le ruisseau du [R] situé derrière la parcelle [C] ; à l'époque du lotissement, comme l'indique l'expert judiciaire, les parcelles [C] et [N] ont la même altimétrie ; l'expert précise que l'eau de ruissellement s'écoule par le sous-sol en direction du [R] au travers de la parcelle [C]
- l'expert conclut que l'exhaussement du terrain [C] et l'édification du mur de clôture entravent définitivement cet écoulement ; si on y rajoute le passage des engins de chantier lors de la construction de la maison [C] et de son mur de clôture, qui a conduit à l'affaissement complémentaire de cette parcelle, alors on comprend l'entrave à l'écoulement naturel des eaux
- la démolition du mur pour permettre sa reconstruction en limite de propriété, tout comme l'aplanissement de la parcelle [C], ne conduira pas à rétablir sa parcelle dans son état antérieur aux travaux réalisés
- la dévalorisation de sa parcelle est définitive car, même dans l'hypothèse où les époux [C] abattraient le mur litigieux et aplaniraient leur parcelle pour rétablir son niveau initial, l'accumulation des eaux a définitivement creusé sa parcelle entraînant sa dévalorisation.
- sa parcelle est bien constructible, selon les règles d'urbanisme mais, dans les faits, conformément au rapport d'expertise, elle est inconstructible du fait de la réalisation des travaux litigieux ; elle est invendable (courriel Carlotti du 14 novembre 2014 et mandat de vente Guy Hoquet du 24 août 2016)
- les époux [C] ne sauraient être exonérés de toute condamnation au motif qu'ils ne seraient pas les auteurs des constructions litigieuses qu'ils n'ont jusqu'à présent jamais démolies, en dépit de la reconnaissance expresse à des dommages qu'elles causent, de sorte que les condamnations prononcées à leur encontre doivent être confirmées
- l'expert judiciaire a répondu point par point à l'ensemble des contestations techniques formulées, concluant que si la configuration naturelle de la parcelle [N] concoure effectivement à former un bassin de rétention, sans l'édification du mur de clôture et l'exhaussement du terrain initiés par les consorts [M]/[F], la configuration naturelle de la parcelle [N] ne participerait pas à la création d'un bassin de rétention
- l'intervention malheureuse de la Mairie et l'octroi d'un permis de construire n'équivalent pas à un blanc-seing.
***
En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2024, Mme [W] [F] demande à la cour de :
Vu l'article 1626 du Code civil,
Vu l'article 1792 du Code civil,
Vu l'appel principal de M. [M],
- Faire droit à l'appel principal de M. [M],
- Le déclarer bien fondé et y faire droit,
- Faire droit à l'appel incident de Mme [F],
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions défavorables à Mme [F] sauf en ce que le tribunal a débouté les époux [C] de leurs demandes indemnitaires fondées sur les dispositions des articles 1626 et suivants du Code civil, à l'encontre des consorts [S] en paiement des sommes de 7.389,42 euros au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et de 7.422,38 euros au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire,
En conséquence,
Sur l'appel incident,
Statuant à nouveau,
- Juger que M. et Mme [C] ne justifient pas d'une éviction de nature à entraîner la garantie due par leurs vendeurs,
- Juger que M. et Mme [C] ne justifient pas plus d'un ouvrage de nature à enclencher la garantie décennale due par le constructeur,
En tout état de cause,
- Juger que M. et Mme [C] ont concouru au dommage dont ils se prétendent victime,
En conséquence,
- Débouter M. et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de Mme [F],
- Débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter M. [Z] [M] de sa demande de condamnation in solidum formulée à titre subsidiaire à l'endroit de Mme [W] [F],
- Condamner M. et Mme [C], M. [N] à payer à Mme [F] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme [F] soutient que :
- c'est la configuration naturelle du sol de la parcelle de M. [N] qui est à l'origine des désordres subis ; l'expert lui-même a constaté dans son rapport la présence d'une rétention d'eau sur les futures parcelles [C] et [N] en décembre 2008, soit avant même la réalisation d'une construction : ainsi, le terrain était déjà enclin aux stagnations d'eau résultant de l'altimétrie naturelle de la propriété [N] et de la particulière imperméabilité des sols
- sa responsabilité ne peut être engagée ni sur le fondement de l'article 1626 du code civil, ni sur celui de l'article 1792 du même code
- concernant la garantie d'éviction :
- les époux [C] ne subissent ni remontées capillaires, ni désordre significatif sur la construction, tel que cela ressort des conclusions de leur propre expert
- si les conclusions de l'expert judiciaire retiennent que la présence d'eau dans le vide sanitaire est due à une migration des eaux depuis le terrain de M. [N], force est de constater qu'il s'agit d'une simple constatation technique
- il n'est pas établi que :
- les époux [C] n'auraient jamais été informés de l'imperméabilité des sols
- le phénomène ne fût pas déjà présent
- le mur de clôture aurait entraîné son aggravation
- le vide sanitaire ne jouerait pas son rôle,
et encore moins que le trouble lié à la prolifération de moustiques serait imputable à un fait personnel des vendeurs étant précisé que si le mur de clôture a été édifié par M. [M], l'exhaussement du terrain en revanche est seulement et uniquement imputable aux époux [C]
- concernant la garantie décennale :
- les époux [C] ne démontrent pas une atteinte à la solidité ou à l'impropriété de l'ouvrage à sa destination, tant en ce qui concerne le vide sanitaire que s'agissant de l'exhaussement ou de l'habitation dans son ensemble
- M. [M] et elle-même ont été contraints, compte tenu de la zone dans laquelle se trouvait la parcelle, de faire le vide sanitaire relativement haut et de faire des apports de terre pour remettre à niveau le terrain, sachant que l'expert judiciaire conclut que même en l'absence de mur de clôture ou de barbacanes, l'altimétrie vient de toute manière perturber l'écoulement naturel des eaux
- il est donc faux de dire qu'ils ont modifié les lieux et empêché l'écoulement naturel des eaux de pluie lequel était d'ores et déjà perturbé tenant la géographie des lieux
- concernant l'empiétement du mur de clôture sur la propriété voisine : l'expert ne retient non plus aucune impropriété à sa destination, étant précisé que le rapport d'expertise est discutable sur ce point puisqu'aucune borne n'a été retrouvée sur les lots
- quand bien même le mur litigieux aurait aggravé le phénomène de migration des eaux du fonds [N] vers celui des consorts [C], il faut encore préciser que la Mairie de [Localité 20] a donné son accord pour la construction qui a été menée dans les règles de l'art puisqu'un permis de construire a été déposé par M. [M] auprès des services d'urbanisme ; en outre, il est constant, bien que l'expert ait refusé d'accueillir le dire formulé en ce sens par le conseil de M. [M] au cours des opérations d'expertise judiciaire, que l'exhaussement du terrain a encore été aggravé par la propre intervention des consorts [C] qui souhaitaient pouvoir faire construire leur piscine sans le moindre vis-à-vis
- s'agissant du préjudice invoqué par M. [N] :
- le mur litigieux a été construit sans que jamais celui-ci ne cherche à se prévaloir d'un quelconque préjudice jusqu'au jour où il a saisi l'opportunité de se greffer sur l'action des consorts [C] en 2019 pour solliciter une extension de mission visant ses prétendus préjudices
- M. [N] était parfaitement informé des contraintes liées au sol du lotissement qu'il s'est lui-même chargé de vendre aux acquéreurs successifs
- il était régulièrement présent sur le chantier et ne s'est jamais opposé à quoi que ce soit
- aucun élément du dossier ne permet de conclure que le terrain de M. [N] aurait eu une valeur financière supérieure avant la construction du mur et en tout état de cause, qu'il serait inconstructible en l'absence de toute décision de la commune
- M. [N] bénéficie d'une double indemnisation et il n'établit pas un préjudice lié à l'empiétement
- enfin, bien que propriétaire à la vente en 2014, elle avait quitté le domicile conjugal en 2012, de sorte qu'elle n'a jamais connu les murs de clôture tels qu'ils existent aujourd'hui.
***
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le règlement et le cahier des charges du lotissement
Aux termes de l'article 442-9 du code de l'urbanisme :
« Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
De même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l'article L. 115-6. »
Il ressort de l'acte de vente du 28 février 2011 que « l'ensemble des pièces constitutives du lotissement a été déposé au rang des minutes de Maître [O] [X], notaire soussigné le 22 avril 2009, publié au 2ème bureau des hypothèques de [Localité 15] (Gard) le 19 juin 2009 volume 2009P n° 4216 ». Il est constant que les consorts [M]/[F] ont entrepris les opérations de construction sur le terrain à compter de leur achat et les règles d'urbanisme s'appliquaient alors en 2011, de sorte qu'il ne peut être invoqué la caducité décennale du règlement du lotissement.
L'article L. 115-1 du code de l'urbanisme dispose que : « La seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel. »
L'acte authentique de vente du 28 février 2011 entre M. [N] et les consorts [S] dispose en page 8 :
« Le BIEN forme le lot numéro CINQ (5) du lotissement dénommé « [Localité 13] », autorisé par un arrêté accordant un permis d'aménager au mon de la commune de [Localité 20] en date du 5 juin 2008 numéro PA 03032808R0001.
L'ensemble des pièces constitutives du lotissement, dont l'arrêté sus-visé a été déposé au rang des minutes de Maître [O] [X], notaire soussigné le 22 avril 2009, publiée au 2ème bureau des hypothèques de [Localité 15] ([Localité 12]) le 19 juin 2009 volume 2009P n° 4216.
Une copie du cahier des charges fixant les règles à caractère contractuel applicables dans le lotissement ainsi qu'une copie des statuts de l'association syndicale existant entre les propriétaires des terrains dépendant du lotissement ont été remises à l'ACQUEREUR dès avant ce jour.
L'ACQUEREUR reconnaît avoir pris connaissance de tous les documents sus visés et sera tenu d'en exécuter toutes les stipulations charges et conditions en tant qu'elles s'appliquent au BIEN vendu.
Il est précisé ici que tout propriétaire de l'un des lots du lotissement est membre de plein droit de l'association. »
Cependant, la seule mention d'une prise de connaissance est insuffisante à caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement.
En outre, le cahier des charges prévoit en son article 1.02 concernant son opposabilité qu'il « doit être rappelé, par reproduction intégrale, dans tout acte translatif ou locatif des parcelles », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Les dispositions du cahier des charges visées par l'expert judiciaire dans son rapport ne sont donc pas opposables aux consorts [M]/[F], étant relevé que les prescriptions relatives aux « clôtures des limites séparatives » qui ne devraient « pas être bâties mais seulement constituées d'un simple grillage (sans muret bois), plastifié vert foncé, doublé d'une haie végétale » qui ne figurent d'ailleurs pas dans le cahier des charges mais ressortent d'un avis de l'architecte des bâtiments de France du 11 mars 2008 adressé au lotisseur, ne sont pas plus opposables aux intéressés.
Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a considéré que M. [M] et Mme [F] avaient nécessairement connaissance des dispositions du cahier des charges du lotissement et que ce dernier comme les préconisations de l'architecte des bâtiments de France leur étaient opposables.
Sur les demandes de M. [N] aux fins de démolition du mur de clôture des époux [C] et de rétablissement de l'écoulement naturel des eaux pluviales
Aux termes de l'article 640 du code civil :
« Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.
Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.
Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »
Le principe de la servitude d'écoulement des eaux pluviales résulte du constat que l'eau est une chose mouvante, qui ruisselle en suivant la pente naturelle des terres sur lesquelles elle tombe, créant ainsi naturellement un fonds dominant qui évacue l'eau et un fonds servant qui la reçoit.
L'obligation de subir l'écoulement naturel de l'eau pèse sur un fonds inférieur, c'est-à-dire situé en contrebas d'une pente descendante, par rapport à un fonds géographiquement supérieur à lui. Ainsi, deux terrains sans différence de niveau ne peuvent être à l'origine d'une servitude de ruissellement au sens de l'article 640 du code civil.
Enfin, pour bénéficier de la servitude légale de l'article 640 précité, le demandeur doit prouver que, selon la pente naturelle du terrain, les eaux ruissellent de sa propriété sur celle du propriétaire du fonds servant.
En l'espèce, l'expert judiciaire décrit la parcelle n° [Cadastre 3] de M. [N] comme formant « une dépression (un creux) en son centre ». Il précise que sa « configuration naturelle résultant notamment d'une altimétrie plus basse que la voie d'accès du lotissement et des chemins la bordant concoure à former un bassin de rétention et à stocker les eaux pluviales, sans possibilités données à ces dernières d'être évacuées par un exécutoire ». S'il ajoute ensuite « sauf à s'infiltrer naturellement dans le sol en direction du fonds [C] », il indique, dans le même temps (précisant qu'il « s'agit d'un terrain de plaine en friches, la nature des sols de surface est limono-argileuse puis marneuse »), que « la nature intrinsèque du sol et du sous-sol ne favorise pas l'infiltration naturelle des eaux de pluie ».
M. [Y] [G] se contredit encore dans son rapport puisqu'il peut indiquer, en page 14, que « la configuration naturelle de la parcelle [N] concoure à former un bassin de rétention », sans mettre en cause l'édification du mur de clôture et l'exhaussement du terrain puis affirmer le contraire, en page 34, sans s'expliquer clairement sur ce point.
L'expert indique aussi qu'il a pu se procurer des clichés photographiques suffisamment précis émanant de la base de données Google-Maps Street-View datant de décembre 2008 alors que les travaux de viabilisation du lotissement étaient en cours. Il constate expressément qu'à cette époque déjà les sols étaient gorgés d'eau sur l'ensemble de la parcelle du lotissement et qu'une rétention d'eau était déjà présente sur la parcelle de M. [N].
Il relève encore : « la future parcelle [N] est déjà en 2008 altimétriquement plus basse que :
- la voie d'accès du lotissement [Adresse 17]
- la route communale ([Adresse 10])
- le chemin d'accès privé bordant cette parcelle.
A cette époque, la future parcelle [N] comporte la même altimétrie que celle de la future parcelle [C], alors que cela n'est plus le cas aujourd'hui du fait de l'exhaussement de cette dernière par les consorts [S] ».
Il ressort donc de ces éléments que la parcelle [C] n'a jamais été plus basse que la parcelle [N].
Par ailleurs, l'expert judiciaire indique : « Cet ancien terrain de plaine en friches de 5473 m² disposait d'une pente de trois millimètres par mètre qui orientait les eaux de ruissellement de surface du Nord de la parcelle en direction du Sud dans le fossé de [R] (Cf la pièce n° 4 de Maître [E] ' annexe concernant la note de présentation du lotissement). Un certain volume d'eaux-pluviales de surface s'évacuait en nappe en direction de ce fossé. Au regard de la nature peu perméable des sols évoquée ci-avant, l'excédent des eaux de ruissellement de surface était évacué en surface sur un terrain de faible pente (3 millimètres par mètre) dans ce même fossé de [R] »
Il ajoute que « cette topographie initiale des lieux et ce mode d'évacuation des eaux de ruissellement de surface a conduit l'architecte des bâtiments de France à imposer dans son cahier des charges (cf document transmis par Terres du Soleil intitulé « accord sur la réalisation du lotissement et les préconisations de l'architecte des bâtiments de France en date du 11 mars 2008) » : notamment des clôtures constituées de simple grillage et des terrassements destinés à éliminer un effet de butte artificielle.
Or ces éléments concernent la topographie de l'ensemble des parcelles du lotissement avant que celles-ci ne soient construites et non pas celle des deux parcelles [N] et [C]. Rien ne permet de contredire, comme l'affirme M. [M], qu'il « s'agissait d'une estimation de « pente générale », reprenant simplement le point le plus haut et le point le plus bas et faisant une moyenne, alors que par endroits existaient des contre-pentes, ainsi que des zones de stagnation d'eau ».
La note de présentation du lotissement (pièce n° 4 des époux [C] visée par l'expert judiciaire) précise en réalité : « Il s'agit d'un terrain de plaine en friches, la nature des sols de surface est limono-argileuse, puis marneuse (marnes jaunâtres ou grisâtres caractéristiques du site proche de la Tuilerie). La pente générale du terrain de direction Nord Sud est de trois millimètres par mètre. Les ruissellements de surface du site s'opèrent en nappe ; ils sont captés au Nord par un fossé qui ramène les eaux de ruissellement dans un fossé Est puis dans le fossé de [R] au Sud ».
Il n'en résulte pas que les eaux de ruissellements avaient vocation à traverser l'intégralité de la parcelle d'origine pour aller se jeter dans le fossé de [R] au Sud.
Il est d'ailleurs significatif de constater que sur la photographie qu'il reproduit en page 21 avec la légende « l'excédent des eaux de ruissellement de surface était évacué en surface sur un terrain de de faible pente (3 millimètres par mètre) dans le fossé de [R] », l'expert a ajouté une flèche bleue qui ne pointe pas en direction de la parcelle [C] mais en direction de la voie d'accès du Lotissement, à l'Est.
Il ne ressort donc pas des éléments au débat que la parcelle n° [Cadastre 2] est grevée d'une servitude au bénéfice de la parcelle n° [Cadastre 3], qui forme un bassin de rétention et est naturellement inondable. Aucun élément technique ressortant du rapport d'expertise, y compris issu des investigations du sapiteur géomètre, ne démontre avec certitude que les deux aménagements litigieux (mur de clôture et exhaussement de la parcelle) ont modifié l'écoulement naturel des eaux pluviales et aggravé la situation du fonds de M. [N]. En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à ce titre aux propriétaires successifs de la parcelle n° [Cadastre 2].
Enfin, il résulte des conclusions de l'expert judiciaire qu'aucune limite séparative entre les deux parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 2] n'est clairement définie. Aucune borne n'a été trouvée sur les lots. Le sapiteur géomètre se livre à des suppositions et l'indication selon laquelle « l'implantation du mur de clôture du lot 5 est située dans le périmètre du lot 6 » ne repose sur aucune certitude, Mme [V] faisant référence à un « rang d'agglos » réalisé lors de travaux de viabilisation et dont on ne sait pas où il aurait dû être implanté. M. [I] [U], géomètre expert de la SARL Chivas, indiquant simplement dans le courriel du 29 mars 2017 qu'il « semblerait » que le mur de clôture soit sur la parcelle AI [Cadastre 3] ».
Aucun empiétement n'est donc caractérisé.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [C] à démolir le mur de clôture édifié et à supprimer l'exhaussement artificiel de leur parcelle ainsi que l'abri piscine.
Sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de 64 000 euros, en raison de la dépréciation de la parcelle de M. [N]
M. [N] ne démontre pas que la responsabilité des époux [C] est engagée, que ce soit au titre du non-respect de la servitude légale d'écoulement des eaux pluviales, d'un empiétement du mur de clôture ou d'un trouble anormal de voisinage. Son préjudice n'est pas plus établi.
Le caractère inondable de la parcelle existait avant les travaux en cause (parcelle en forme de cuvette, stagnations d'eau, nature argileuse des sols). M. [N] connaissait parfaitement la qualité de sa parcelle et celle de la parcelle voisine qu'il a vendue, toutes deux gorgées d'eau en 2008. Il n'est pas utilement contredit que les consorts [M]/[F] ont été contraints, compte tenu de la zone dans laquelle se trouvait la parcelle, de construire un vide sanitaire relativement haut (40 cm) et de faire des apports de terre pour remettre à niveau le terrain, M. [N] étant régulièrement présent sur le chantier sans qu'il ne s'oppose jamais aux travaux entrepris, y compris s'agissant du mur de clôture édifié par ses voisins. Il est enfin patent, au regard des éléments produits par lui (un courriel du 14 novembre 2014 dont on ne peut déterminer s'il concerne la parcelle en cause et un mandat de vente d'août 2016) que M. [N] n'a mis en vente sa parcelle n° [Cadastre 3] qu'à partir du moment où les époux [C] se sont plaints d'une surhydratation de leur propre fonds.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [C], relevés et garantis par les consorts [M]/[J], à payer la somme de 64 000 euros, étant précisé qu'en tout état de cause, comme le soutiennent ceux-ci, le tribunal a injustement procédé à une double indemnisation.
Sur la responsabilité des consorts [M]/[F] recherchée par les époux [C] au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire
Les époux [C] ne se fondent plus sur l'article 1626 du code civil et ne développent aucune argumentation en appel pour critiquer la motivation des premiers juges qui ont écarté le moyen fondé sur la garantie d'éviction.
Concernant la responsabilité des anciens propriétaires recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, il ne ressort pas du rapport d'expertise la démonstration que la présence des eaux pluviales dans le vide sanitaire et la surhydratation du fonds des époux [C] sont imputables aux travaux réalisés par les consorts [M]/[F], qu'il s'agisse de ceux afférents à l'habitation elle-même ou des aménagements litigieux (mur de clôture et réhaussement de la parcelle).
En outre, l'expert ne constate pas une « inondation » du vide sanitaire mais seulement, le jour de l'accedit du 6 décembre 2017, que « les sols naturels sous l'habitation [C] font l'objet d'une saturation hydrique (teneur en eau importante) induisant des taches d'humidité sur la façade de l'habitation côté Nord » soit du côté de la parcelle [N]. L'usage normal de l'ouvrage doit, de plus, être apprécié au regard de la nature particulière des sols, argileux et peu perméables.
Par ailleurs, le tribunal a justement relevé qu'il ne ressort pas des constatations expertales que la solidité du vide sanitaire est affectée. L'expert ne fait aucun reproche concernant la construction de celui-ci, à 40 cm de hauteur. La seule présence d'eau dans un vide sanitaire et l'existence d'une pompe de type « vide cave » ne permettant pas d'en déduire une quelconque impropriété à destination affectant l'ouvrage, pas plus que la prolifération de moustiques ou des taches d'humidité présentes sur la façade côté Nord.
Il n'est fait état d'aucune infiltration d'eau compromettant l'habitabilité de la maison, ni même de quelconques remontées capillaires dans celle-ci.
Enfin, si les époux [C] sollicitent une condamnation sur le fondement de la garantie des vices cachés, ils ne développent aucune argumentation à ce titre.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [C] de leurs demandes indemnitaires à l'encontre des consorts [M]/[F] au titre des travaux nécessaires pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau de ce vide sanitaire.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral des époux [C] à l'encontre des consorts [M]/[F]
Les demandes de M. [N] étant rejetées, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [M]/[F] à payer 3000 euros de dommages et intérêts aux époux [C] du fait des tracasseries liées à l'action en justice initiée par le premier.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance, comprenant le coût du rapport d'expertise judiciaire et de la procédure de référé, comme les dépens de l'appel, sont mis à la charge de M. [N].
Il n'est pas inéquitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties étant déboutées de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 19 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a débouté les époux [C] de leur demande de paiement de sommes au titre des travaux pour éviter l'inondation de leur vide sanitaire et au titre du changement de la pompe pour évacuer l'eau du vide sanitaire,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute M. [T] [N] de l'ensemble de ses demandes,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne M. [T] [N] aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire et de la procédure de référé ainsi qu'aux dépens d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,